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Renard Camille

Socio-économique, Entreprise

Liège 01/05/1832, Bruxelles 17/11/1921

Imprimeur-libraire et professeur d’histoire de l’art à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, Laurent-Eugène Renard a donné à ses fils le goût de l’art et de la culture : Jules Renard, dit Draner (Liège 1833, Paris 1926) fera carrière comme caricaturiste ; Camille, quant à lui, alliera science, culture et imagination dans les domaines de la céramique et de la verrerie, à son compte dans un premier temps, au service du Val Saint Lambert ensuite.

Ingénieur civil à l’École des Arts et Manufactures de Liège (1854), boursier du gouvernement (1855), le jeune Camille Renard entame sa carrière professionnelle en participant aux travaux d’une Commission d’enquête chargée d’évaluer les conséquences de la fabrication de produits chimiques en province de Namur. Ensuite, s’installant à son compte, il prend la direction de la Société métallurgiste d’Andenne, dont il assure la gérance. En quelques mois, avec sa jeune épouse, Léonie Steinbach, il met en place, à Seilles, une manufacture spécialisée dans les produits réfractaires, la société Steinbach et Cie. Conciliant ses connaissances et ses talents dans les domaines de la chimie, de l’art et de l’industrie, Camille Renard étend enfin ses activités, à Andenne, dans le secteur de la porcelaine ; il recrute tous azimuts des ouvriers particulièrement qualifiés dans la fabrication et la décoration. Sa société, la « Manufacture Saint Maurice. Camille Renard-Steinbach, à Andenne », se lance dans la fabrication haute gamme, comparable à la porcelaine de Sèvres. Dès 1861, il présente sa production à l’Exposition universelle de Metz. Puisant leur inspiration aux meilleures sources anciennes, les œuvres qui sortent des ateliers Renard témoignent d’un savoir-faire qui respecte la tradition, tout en intégrant les dernières techniques de l’époque. Malgré les efforts consentis et la qualité des produits mis sur le marché, l’expérience industrielle de Camille Renard tourne court : en 1864, il doit remettre toutes ses affaires. Une autre vie s’ouvre alors à lui, au Val Saint-Lambert, d’une part, à l’Université de Liège, d’autre part.

Repéré par Jules Deprez au moment même où celui-ci succède à Auguste Lelièvre, l’un des deux fondateurs du Val Saint-Lambert, Camille Renard est engagé comme créateur indépendant de modèles de peinture et de gravures (1864). Directeur du Val Saint-Lambert auquel il va donner sa prodigieuse expansion dans la deuxième moitié du XIXe siècle, Deprez table sur les produits de luxe et fait confiance à la créativité de Renard : celui-ci met toute l’expérience acquise dans la porcelaine andennaise au service de l’atelier de peinture de la cristallerie. Même si la nature s’impose comme nouveau sujet d’inspiration, son style, classique, est constant ; il résiste à l’Art nouveau. En tant que collaborateur extérieur, Renard signe les dessins de ses projets et la description des techniques à employer, mais les verres réalisés ne portent que la marque de la manufacture. Par conséquent, et même si dans une production industrielle d’une telle ampleur les mérites doivent être partagés, un grand nombre des prix et récompenses que récolte le Val Saint-Lambert de 1864 à 1901 (notamment lors des expositions universelles ou internationales) peut être attribué à Camille Renard, superviseur du département artistique de la société.
En sus de ses activités sérésiennes, Renard a réussi à s’ouvrir une situation académique à l’Université de Liège. Engagé comme chef de travaux en 1864, il est nommé professeur en 1879, en charge des manipulations chimiques à l’École des Mines, ainsi que du cours d’esthétique et d’histoire de l’art. En octobre 1868, à l’instar de son père, il est nommé professeur d’archéologie à l’Académie de Liège (1868-1904) et, à partir de 1881, il est en charge du cours d’esthétique destiné aux élèves de l’école de dessin des cristalleries, tout en professant à l’Institut supérieur des Demoiselles (-1904).

Conférencier apprécié pour la multiplicité des sujets traités, ses talents pédagogiques et son attention à l’égard d’un « public ouvrier » (notamment au Cercle Franklin), il publie plusieurs ouvrages didactiques dans le domaine de l’art, ainsi qu’un traité de chimie. Illustrateur, chroniqueur, critique, biographe, membre de jury, « expert industriel », membre de nombreuses cercles, professeur émérite (1902), aquarelliste à la fin de sa vie, il expose, surtout à partir de 1904, ses paysages de Wallonie ou de Flandre, dans plusieurs salons, jusqu’à la Grande Guerre. En juin 1900, organisée au Théâtre royal à Liège, notamment par ses anciens élèves et ses collègues de l’industrie, une grande cérémonie officielle rend hommage à Camille Renard ; à cette occasion, le peintre Ubaghs lui dédie un portrait remarqué. Comme l’écrit très bien Anne Pluymaekers, sa meilleure biographe, « la grande force de Camille Renard fut de savoir lier intimement la recherche, l’art et l’industrie. (…) il incarne l’éclectisme omniprésent durant la seconde moitié du XIXe siècle ».

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Anne PLUYMAEKERS, Camille Renard (1832-1921), artiste ingénieur éclectique au service des arts du feu, dans Art et industrie, Art&Fact, numéro 30, Liège, 2011, p. 63-70
La Meuse, 1861-1914