Robert (surnommé Robert de Paris) Pierre-François Joseph

Révolutions

Gimnée (près de Mariembourg) 21/01/1763, Bruxelles 13/04/1826

À la suite de la publication de l’Histoire politique de la Révolution française de l’historien français Alphonse Aulard, Georges Lorand eut l’attention attirée par un protagoniste important des événements de 1789 à Paris. À sa suite, Wallonia et Félix Magnette contribuèrent à sortir de l’oubli Pierre-François Joseph Robert, ainsi que sa femme Louise de Kéralio, en mettant le mieux en évidence le rôle que ce Wallon joua dans la Révolution française. Avocat originaire de la principauté de Liège, François Robert, surnommé Robert de Paris ou Robert de Gimnée, est souvent présenté comme le secrétaire de Danton, ou comme un aventurier léger, alors qu’il est surtout l’un des tout premiers à défendre l’idée de la République, au moment où cette perspective paraissait encore révolutionnaire… auprès des révolutionnaires eux-mêmes.

Issu d’un milieu rural disposant de biens agricoles, P-Fr-J. Robert accomplit des études de Droit ; en 1787, il aurait composé une ode, La Reconnaissance publique, imprimée à Namur et, en 1789, on le retrouve installé comme avocat à Givet. La cité mosane lui confie d’abord le commandement de la garde nationale, avant d’en faire son porte-parole dans une affaire à traiter à Paris. Arrivé en bord de Seine en août 1789, porteur des doléances de son « pays », il se mêle rapidement à l’esprit et à l’agitation révolutionnaires, fréquente les cercles et les salons.

L’un de ceux-ci accueille, de 1790 à 1792, beaucoup de protagonistes des événements politiques ; il est tenu par Louise-Félicité de Kéralio (1757-1822), fille d’un professeur de l’École militaire. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages d’histoire, de traductions de l’anglais et de l’italien, et plus tard de romans adaptés au goût de son époque. En mai 1790, P-Fr-J. Robert et Louise de Kéralio se marient et vont épouser un même idéal politique, en l’occurrence une démocratisation très large de la société, avec droit de suffrage pour tous et pour toutes.

Dès l’été 1790, avec Marat, Robert fonde une société populaire – la Société des Amis des Droits de l’Homme et du Citoyen – installée dans l’église des Cordeliers, tandis qu’il contribue avec sa femme à la publication d’un journal, Le Mercure national, depuis octobre 1789. À Condorcet, Camille Desmoulins et Lavicomterie, P-Fr-J. Robert dispute la primauté de l’affirmation de l’idée républicaine et, par conséquent, de l’abolition de la royauté. Au moment où il publie Le Républicanisme adapté à la France (décembre 1790), il fait assurément œuvre de précurseur, confirmant ce qu’il écrivait déjà dans son journal, devenu Le Mercure national et étranger, qu’il codirige désormais avec Pierre Lebrun, futur ministre, et ancien responsable du Journal général de l’Europe imprimé à Herve : « Effaçons de notre mémoire et de notre constitution jusqu’au nom de roi. Si nous le conservons, je ne réponds pas que nous puissions être libre pendant deux ans ».

Il est alors difficile de se montrer plus révolutionnaire que les positions défendues avec passion par celui qui préside le Club des Cordeliers (avril 1791). Dans « son » Club, les femmes sont admises et chacun s’honore du titre de citoyen. Dans son journal, il revendique le droit de coalition et de grève pour les ouvriers. Sans doute le radicalisme égalitaire du Wallon explique-t-il sa difficulté à fédérer toutes les sociétés populaires au sein d’un comité central, à la présidence duquel Robert est élu néanmoins. Mais la fuite de Varennes (juin 1791), l’envahissement des Tuileries (juin 1792) et les journées sanglantes d’août 1792 apportent à l’idée républicaine le soutien massif et populaire dont elle avait besoin. Auteur d’un pamphlet (Avantages de la fuite de Louis XVI et nécessité d’un nouveau gouvernement) et porteur de multiples initiatives (pétitions, articles, etc.), Robert exploite les circonstances et contribue à l’évolution des esprits en attaquant régulièrement « Louis le Faux ». Aux avant-postes, notamment lors de la Commune insurrectionnelle, François Robert devient le secrétaire particulier du nouveau ministre de la Justice, Danton. Peu après, il est désigné comme député à la Convention nationale par les électeurs de Paris (obtenant plus de voix que Robespierre) et il vote la mort de Louis Capet.

En février-mars 1793, en tant que commissaire, Robert fait partie d’une mission chargée d’examiner la situation des « pays de la Belgique et de Liège » où stationnent les armées de la république. En avril 1795, seul cette fois, il est envoyé à Liège et chargé de faciliter l’intégration des Liégeois dans la république. En fait, au nom de la Convention, il mène une épuration radicale en prenant une série de mesures destinées à écarter les délégués français auteurs, à Liège, de décisions arbitraires et abusives ; il s’emploie aussi, avec efficacité, à rétablir l’ordre dans l’organisation et le fonctionnement tant de la justice, de la fiscalité, de l’administration que de l’économie des territoires romans les plus septentrionaux récents conquis ; par ailleurs, il ne cache pas vouloir retirer le pays de Liège de sa subordination à l’égard d’Aix-la-Chapelle, de Maastricht et de Bruxelles, « c’est-à-dire l’extraction du territoire [des Liégeois] de dessous la main des Belges et des Flamands [à savoir l’administration de Maastricht] et leur centralisation particulière ». Au moment où les nouvelles frontières restent imprécises, il se propose, vraisemblablement conseillé par Nicolas Bassenge, de rendre liberté et autonomie, au sein de la République, à un pays de Liège qu’il ne souhaite pas voir démembrer ; il avance même l’idée d’une nouvelle consultation populaire. Dénoncé, victime d’intrigues et critiqué tant par ceux qu’il a suspendus, que par l’Administration de Bruxelles et par les représentants français qui y sont en poste, Robert est très rapidement rappelé à Paris, sans avoir achevé une mission qui aura duré moins d’un mois, mais qui fut décisive (mai 1795).

S’il siège sur les bancs de la Montagne (1793-1795), Robert est cependant en bout de course : le roi n’est plus et la République est proclamée ; il quitte la scène politique en sauvant sa tête. Déjà, pour soutenir les frais de ses journaux, il avait acheté un fonds d’épicerie et de denrées coloniales et faisait commerce de rhum. Son commerce sera dévalisé et, sous la Terreur, il sera brocardé pour ses activités assimilées à du trafic frauduleux, mais il échappera au pire. Ayant quitté la politique tandis que Louise de Kéralio se consacrait à l’écriture, Robert fait fortune dans la fourniture aux armées. Avant la fin du régime napoléonien, il prend la direction de Bruxelles et y ouvre un commerce. Il tient ce négoce d’épiceries et de liqueurs jusqu’à ses derniers jours.

Sources

Félix MAGNETTE, Le Liégeois François Robert et le premier salon républicain à Paris, dans La Vie wallonne, 15 juillet 1926, LXXI, p. 395-412
Wallonia, janvier 1909, n°1, p. 251-252 ; avril 1912, n°4, p. 170-175
Émile MATHIEU, dans Biographie nationale, t. 19, col. 510-512
René VAN SANTBERGEN, Robert de Paris et le Pays de Liège en 1795, Liège, 1958, coll. Documents et mémoires sur le pays de Liège, fasc. III
Léon Antheunis, Le conventionnel belge François Robert (1763-1828) et sa femme Louise de Kéralio (1758-1822), dans Bijdragen tot de geschiedenis, Anvers, 1954, 3e série, t. VI
Alphonse AULARD, Histoire politique de la Révolution française. Origines et développement de la Démocratie et de la Révolution (1789-1804), Paris, A. Colin, 1913, p. 88-152, 
Alphonse AULARD, Etudes et Leçons, dans Revue de Paris, 1er août 1899, p. 238-262
Philippe SAGNAC, La Révolution 1789-1792, dans E. LAVISSE, Histoire de France contemporaine, Paris, 1921, t. I, p. 280-320
Claude NICOLET, L’idée républicaine en France, Paris, Tel/Gallimard, 1994, p. 400
André WAYENS, Les débuts de François Robert (de Gimnée à Paris) et ceux de la Révolution à Givet, Waulsort, 1991
Félix ROUSSEAU, « L’Entre-Sambre-et-Meuse, terre d’avant-garde », dans Les Cahiers wallons, n°7, juillet 1966, p. 103-112 (pagination I-XII)