no picture

Thiry Michel

Culture, Lettres wallonnes

Liège 12/01/1814, Liège 25/04/1881

En 1858, une plaquette anonyme interpelle les amateurs érudits de la langue wallonne. En wallon et rimés, un recueil intitulé Caprices wallons présente d’incontestables qualités tant d’écriture que d’observations psychologiques de la vie quotidienne. Identifié, son auteur, Michel Thiry, devient l’un des auteurs les plus primés de la jeune Société liégeoise de Littérature wallonne avec ses tableaux de mœurs dialogués, ses contes facétieux et ses chansons. En 1859 encore, sa satire Ine copène so l’mariège consacre à tout jamais la place de Michel Thiry dans le mouvement dialectal wallon.

Élevé dans un milieu bourgeois aisé, Michel Thiry a bénéficié d’une bonne instruction au cours de ses études au Collège de Liège ; il s’apprêtait à prendre la succession de son père, exploitant d’une brasserie en Outre-Meuse (Liège), quand, subitement, ses parents disparaissent, laissant une activité commerciale qui a fait faillite (1839). Contraint de supporter la charge de cinq frères et sœurs, le jeune homme se fait engager comme manœuvre au service des chemins de fer. En l’occurrence, il est affecté sur le chantier de construction du plan incliné du Haut-Pré, à la sortie de Liège (fin années 1830, début 1840). Gravissant progressivement les échelons, il devient tour à tour surveillant (1838), puis conducteur mécanicien, affecté à la machine du Haut-Pré (1843). Promu dans le comité de direction de la toute nouvelle gare des Guillemins, il devient chef de station (1844), avant d’être nommé inspecteur (1862). Il accepte de poursuivre sa carrière au sein de l’administration des chemins de fer de l’État, mais à condition de rester à Liège ; en 1879, il est nommé directeur de service, en même temps qu’il voit disparaître les câbles qui tiraient les trains sur le Plan incliné. Du fait de sa physionomie évoquant irrésistiblement Napoléon III, le chef de gare Michel Thiry était un personnage très connu des Liégeois au milieu du XIXe siècle, son œuvre en wallon contribuant à sa notoriété.

Ayant observé attentivement ses contemporains au cours de ses diverses expériences de vie, Michel Thiry en tire des portraits subtils dans l’exercice d’écriture en wallon auquel il s’adonne dès les années 1840. Sa peinture des mœurs liégeoises est à la fois une intéressante et instructive immersion dans cette époque et un ravissement littéraire. Ainsi, dans Caprices wallons, le lecteur est baigné dans l’atmosphère de Liège et dans l’ambiance du chemin de fer, une innovation technologique pour l’époque.

Satire dialoguée de 412 vers, traitant le thème du mariage, Ine copenne so l’mariège attire sur « le chef de gare » toute l’attention de la nouvelle Société liégeoise de Littérature wallonne ; la médaille vermeil lui est remise, tandis que sa composition – considérée comme sa meilleure œuvre – sert longtemps de référence aux défenseurs d’une littérature wallonne de qualité. Ine cope di grandiveûs (1860), On voyèdje à conte-coûr (1860) et Li mwert di l’octrwè (1861, qui traite de l’abolition de l’octroi en juillet 1860) témoignent de l’inspiration féconde et très sociale de Michel Thiry. Poète inspiré, il est aussi conteur et, dans On Coirbâ franc Lîgeois (1868), il exprime son amour du sol natal, Liège et le pays wallon. Les prix et récompenses accompagnent pratiquement toutes les compositions de Thiry qui, jusqu’en 1869, séduit une Société liégeoise de Littérature wallonne qui s’est empressée d’en faire un membre titulaire.

Son insatisfaction professionnelle face à l’inertie du système aura des répercussions sur son inspiration littéraire ; il continue à écrire en wallon, mais ne publie plus guère. Plusieurs textes – contes et pièces en wallon, mais aussi un texte en français intitulé Bureaucratie – seront retrouvés après son décès et la Société liégeoise de Littérature wallonne en rassemblera certains dans son Annuaire.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Charles DEFRECHEUX, Joseph DEFRECHEUX, Charles GOTHIER, Anthologie des poètes wallons (…), Liège, Gothier, 1895, p. 225-226
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 75
Maurice PIRON, Anthologie de la littérature dialectale de Wallonie, poètes et prosateurs, Liège (Mardaga), 1979, p. 162-168
La Meuse, 21 février 1894
J-E. DEMARTEAU, Michel Thiry, sa vie et ses travaux, dans Annuaire de la Société liégeoise de Littérature wallonne, Liège, 1884, p. 67-101 et quelques textes inédits, p. 102-121
La Meuse, 28 avril 1881