Thorn Jean-Baptiste

Révolutions

Remich 17/03/1783, Mons 23/03/1841

En 1832, durant plus de six mois, celui qui est à la fois sénateur et gouverneur de la province de Luxembourg est enlevé et retenu prisonnier dans la forteresse de Luxembourg par des hommes aux ordres du roi Guillaume Ier. Opposant à l’autoritarisme du prince d’Orange, révolutionnaire en 1830, Jean-Baptiste Thorn sera finalement libéré au terme d’un bras de fer diplomatique, à haute valeur symbolique, opposant les Pays-Bas à la Belgique. Nommé gouverneur du Hainaut, Thorn attache son nom notamment à la création de la future Faculté polytechnique du Hainaut.

Natif du duché de Luxembourg, alors composante de Pays-Bas dépendants de la cour impériale de Vienne, Jean-Baptiste Thorn accomplit des études à Trèves et à Luxembourg au temps du régime français. Docteur de l’École de Droit de Paris (1805), il est inscrit comme avocat à Luxembourg lorsque le régime napoléonien s’effondre et que les alliés cherchent dans la société civile des personnalités pour asseoir le régime nouveau. Membre du conseil de Régence de la cité-place forte de Luxembourg (1814-1819) et commissaire de district (1814-1815), Thorn est élu, en 1819, membre de la députation des États, représentant du Luxembourg, alors à la fois division administrative du Royaume-Uni des Pays-Bas, mais aussi territoire relevant de la Confédération germanique.

Connu pour son franc-parler, J-B. Thorn entre en différend avec le gouverneur de sa province et ce dernier s’en ouvre au roi Guillaume Ier. Dès 1825, une modification du règlement relatif à l’élection aux États introduit l’incompatibilité entre le métier d’avocat et l’exercice du mandat de député aux États… Manifestation de l’arbitraire du prince, cette vexation incite davantage encore Thorn à contester le pouvoir central « hollandais ». En 1830, ce Luxembourgeois est l’un des plus actifs artisans de la Révolution qui fait émerger le nouveau royaume de Belgique. Élu au Congrès national en novembre 1830 dans la circonscription d’Esch-sur-Halzette, le député met ses compétences de juriste au service de l’écriture de la Constitution belge, tout en acceptant de prendre la tête du gouvernement provincial luxembourgeois. Il rallie les Luxembourgeois à la Révolution et maintient l’ordre autour de la place forte de Luxembourg toujours gardée par un général prussien et occupée par des centaines de soldats favorables au régime orangiste.

Opposé à l’exclusion perpétuelle des Nassau de tout pouvoir en Belgique, favorable à la candidature de Léopold de Saxe-Cobourg, il était surtout un farouche partisan de la séparation des pouvoirs entre l’État et l’Église, le défenseur des libertés les plus larges et favorable à inscrire dans la Constitution le droit de résistance aux actes illégaux de l’autorité.

Élu par les Luxembourgeois en août 1831, il siège au Sénat jusqu’en 1840. Il s’y montre l’un des plus ardents défenseurs de la « Grande Belgique », refusant toute (rétro)cession des territoires du Limbourg et du Luxembourg. Opposant farouche du Traité des XVIII articles, malgré les menaces et les intimidations qui agitent tout l’ancien duché, le sénateur Thorn est lui-même victime d’un enlèvement dans ses propriétés de Schoenfelz, quand des hommes à la solde de la famille d’Orange le capturent (avril 1832), le retiennent prisonnier dans la forteresse et tentent de l’emmener aux Pays-Bas pour le juger comme criminel d’État. Soutenu par une forte mobilisation de la population et objet de nombreuses discussions au Parlement belge, Thorn est finalement échangé contre un certain Pescatore, arrêté par la Belgique en raison de ses menées orangistes (novembre 1832).

Premier gouverneur de la province de Luxembourg (1830-1834), Thorn est ensuite désigné à la tête du Hainaut pour y succéder à J-A. De Puydt (1834-1841). Il s’agissait dans une certaine mesure d’éloigner « l’ancien otage » d’un territoire qui, en 1839, par l’imposition du Traité des XXIV Articles, était amputé de la Belgique. En plus des réalisations en faveur des pauvres et des malades, le gouverneur contribue à l’entente entre les partis, au développement des lignes de chemin de fer et à celui de l’enseignement, en particulier à la formation d’ingénieurs capables de répondre aux besoins d’une industrie en plein essor, qu’il s’agisse des mines ou de la métallurgie. Ayant instruit le dossier en 1836, Jean-Baptiste Thorn obtient le soutien du Conseil provincial pour la création d’une « École provinciale des Mines du Hainaut ». Les premiers cours sont dispensés, à Mons, dès 1837, et la direction de l’établissement est confiée, notamment, à Théophile Guibal et à Adolphe Devillez. L’École des Mines de Mons était née.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Charles TERLINDEN, dans Biographie nationale, t. 25, col. 133-139
Willy STAQUET, Un fleuron intellectuel du Hainaut : la Faculté Polytechnique de Mons, 1990, p. 12-15
L’Indépendance belge, 20 avril 1832, 24 et 27 mars 1841, 21 avril 1841