© Sofam

Ubac Raoul

Culture, Peinture, Photographie, Sculpture

Cologne 31/08/1910, Dieudonne (Oise) 24/03/1985

En 1981, le Musée de l’Art wallon organise, dans les salles du musée Saint-Georges, une rétrospective consacrée à Raoul Ubac. Ce n’est pas la première rétrospective de cet artiste (Charleroi, 1968 et la Fondation Maeght, 1978), mais ce sera la dernière de son vivant : il était à la fois photographe, peintre, dessinateur, sculpteur, litho-graveur et lithographe, ainsi que créateur de vitrail. Toujours en quête de création, Ubac avait trouvé à Malmedy le goût pour la nature, à Cologne une technique artistique, en Dalmatie l’inspiration photographique, à Paris une influence surréaliste, en Haute-Savoie la découverte des vertus de l’ardoise et, partout dans le monde, des lieux où s’épanouir et où exposer ses œuvres multiples.

Pendant longtemps, ses biographes font naître Rudolf Gustav Maria Ernst Ubach à Malmedy, terre où la famille maternelle (les Lang) s’était spécialisée dans la tannerie. En fait, c’est à Cologne qu’il voit le jour et qu’il vit pendant quatre années, avant que sa famille ne suive le père, nommé juge de paix à Malmedy, en 1914 (en 1919 selon certains travaux). Depuis le Congrès de Vienne (1814-1815), la cité wallonne est prussienne ; elle change de statut en juin 1919 et c’est dans le nouvel Athénée de Malmedy que le jeune Ubach accomplit ses études (1920-1929), croisant sans doute la route de l’abbé Bastin. 

Si la perspective du métier de garde-forestier attire le jeune homme, la lecture du Premier Manifeste du surréalisme d’André Breton modifie radicalement ses perspectives. Celles-ci sont larges, car le jeune homme aime le voyage, traversant volontiers le cœur d’une Europe qui n’est pas encore en guerre. En quête d’identité personnelle et artistique, il ne fixera son patronyme définitif qu’en 1950 : « Je déclare signer mes œuvres Raoul Ubac ».

En 1929, Raoul Ubac est inscrit à la faculté de Lettres de la Sorbonne et recherche le contact avec le milieu artistique parisien, en particulier les surréalistes. Trouvant dans la photographie le moyen d’assouvir sa créativité, Ubac quitte Paris pour Cologne, où il fréquente l’École d’Arts appliqués, ainsi qu’un cercle d’artistes progressistes. La Dalmatie le fascine et il en revient avec des images d’assemblages de pierres qu’il crée et qu’il va dessiner, peindre et surtout photographier. Toutes les années trente seront, pour Rolf Ubac-Michelet, une période d’expérimentation des techniques photographiques et d’inventions (photocollage, photomontage, surimpression, brûlage, solarisation, voilage ou le paraglyphe) ; influencé par Man Ray, il cherche à constituer une nouvelle image, par la destruction de l’ancienne, pour inventer sa réalité. Ses œuvres sont notamment présentes dans les manifestations des surréalistes, auxquels il se joint sans réserve ni réticence, de 1936 à 1939, et ce sont ses créations publiées dans la revue Le Minotaure qui le font connaître internationalement.

Après l’offensive allemande contre la France, Ubac se réfugie en « zone libre », pendant quelque temps, à Carcassonne, avec Magritte et Jean Scutenaire. Entre Bruxelles et Paris occupées, ensuite, il connaît une période (1940-1946) marquée par des dessins figuratifs, des encres de Chine et des gouaches. S’éloignant résolument du surréalisme et de la photo, Ubac va explorer en solitaire une voie totalement originale à partir de 1946 : plutôt que de représenter des pierres (comme il l’avait fait au début de sa période « photographie »), il va utiliser l’ardoise comme objet et support de son expression artistique. Il renoue ainsi « avec le très vieux métier des artisans-sculpteurs anonymes de son pays » (PARISSE).

Sorte de retour à la nature, l’ardoise est cependant un matériau fragile et difficile à maîtriser ; sa complexité offre, en revanche, une multitude de possibilités artistiques qu’Ubac va désormais explorer. Les quatorze reliefs du chemin de croix qui orne la chapelle Saint-Bernard de la Fondation Maeght, sur la colline de Saint-Paul de Vence, ne sont qu’un exemple des multiples réalisations de l’artiste. Dans le même temps, sa réflexion sur la forme et la couleur le conduit sur le chemin de l’abstraction lyrique, à la suite de Georges Mathieu, voire de la méditation. Progressivement, ses ardoises façonnées s’imposent comme la caractéristique unique d’un artiste qui, pourtant, réalise une œuvre beaucoup plus variée ; avec un certain succès, il ne cesse de s’adonner simultanément à la peinture, avant de mêler les genres – gravure et peinture – à partir du milieu des années 1950 ; il se consacre aussi à l’art du vitrail, à la lithographie et à la sculpture.

Souvent exposé par l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie, il fait partie, au sein de l’APIAW, d’un groupe d’artistes wallons séduits par le projet Cobra (1951-1952). Entre Liège, Paris où il vit jusqu’à la fin des années 1950 et l’Oise, où il s’installe à Dieudonné, au bord de la Forêt de Chantilly, Ubac apporte sa contribution à des projets architecturaux et participe à des expositions internationales de plus en plus nombreuses, de Tokyo à New York ou Pittsburgh, en passant par la galerie Maeght, avec laquelle il était sous contrat.

Sources

Bernard DORIVAL (préf.), Robert ROUSSEAU, Rétrospective Raoul Ubac : Charleroi, cercle royal artistique et littéraire - palais des beaux-arts, 3 février-3 mars 1968, Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, 10 mars-10 avril 1968 ; Paris, Musée national d’Art moderne, 25 avril-5 juin 1968, Charleroi-Gilly, Piérard’s, 1968
Christian BOUQUERET, Raoul Ubac. Photographie, Paris, Léon Scheer, 2000, p. 166-197
Bernard BLATTER (dir.), Yves BONNEFOY, Rétrospective Raoul Ubac : exposition, Musée Jenisch, Vevey... Musée des beaux-arts, Cabinet cantonal des estampes, du 14 juin au 30 août 1992, Paris, 1992
Rétrospective Raoul Ubac (1910-1985) Centenaire de la naissance de l’artiste, dans Arte News, octobre 2010, n°66, p. 6-7
Raoul Ubac 1910-1985 Rétrospective, Liège Grand Curtius 15 octobre 2010 – 16 janvier 2011. Dossier pédagogique, Liège, 2010 http://lesmuseesdeliege.be/wp-content/uploads/2013/06/dossped-ubac.pdf (s.v. mai 2016)
Jacques PARISSE, Situation critique. Mémoires d’un critique d’art de province, Liège, Adamm éd., 2000, p. 137-143