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Weyergans né Désiré Marcel Weyergans Franz

Culture, Littérature

Ougrée 27/04/1912, Ixelles 08/02/1974

Ce n’est pas au Barreau que cet avocat liégeois fait carrière, mais bien comme écrivain et journaliste. Les données concernant l’activité littéraire et journalistique de Franz Weyergans dont on dispose ne l’éloignent que très peu du portrait-type de l’écrivain-journaliste belge francophone, actif entre 1918 et 1960, que Björn-Olav Dozo a dressé, dans son étude de 2010. Selon le chercheur de l’Université de Liège, « […] l’écrivain-journaliste typique est de sexe masculin, […] exerce ([le plus souvent] une autre profession à un moment de sa vie, […] il fréquente les lieux de sociabilité littéraire, […] publie des romans, des essais, des nouvelles […], peu de poésie ou de contes, se fait publier à Paris […], ou, à défaut, à Bruxelles […]. S’il privilégie Paris pour la littérature, il travaille comme journaliste plutôt dans des quotidiens belges » (DOZO). Père de François Weyergans, Désiré Marcel Weyergans, connu en littérature sous le nom de Franz Weyergans, est l’un des deux personnages-clés du roman Franz et François publié par le fils-écrivain, en 1996.

Fils de forgeron, doté d’un esprit littéraire, Franz Weyergans fait ses humanités gréco-latines au Collège Saint-Servais de Liège, avant de faire son Droit à l’Université de la cité ardente. Proclamé « Docteur », il commence sa carrière au Barreau de Liège, avant de rejoindre, comme journaliste, l’Institut national de Radiodiffusion. Proche des milieux chrétiens conservateurs, il apporte sa contribution à la presse du mouvement politique rexiste au milieu des années 1930 (LANNEAU), ainsi qu’à la Revue des poètes catholiques.

Journaliste à Radio-Bruxelles de 1940 à une date qui nous est inconnue, éphémère critique littéraire à la revue Arc-en-Ciel qui est interdite par l’Occupant, Weyergans ne casse pas sa plume durant les années de guerre, sans pour autant soutenir le régime ; comme certains de ses confrères, il travaille au Secours d’hiver jusqu’à la Libération, sans que son attitude fasse l’objet de critiques ou de réprobation. Auteur catholique, Franz Weyergans n’aura de cesse, dans l’ensemble de ses écrits et comme plusieurs de ses contemporains, d’affirmer sa foi chrétienne et son attachement à la religion et d’y défendre ses valeurs, dans une époque en pleine mutation. Son premier ouvrage, Raisons de vivre, paru en 1941, est une « méditation lyrique » dans laquelle on retrouve les thèmes-phares de son œuvre, toute entière empreinte de piété : le mariage vu comme l’union sacrée entre un homme et une femme, la famille, la dénonciation de l’adultère et de l’onanisme, etc. Le moraliste poursuivra dans cette veine jusque dans les années 1960.

Si les écrivains catholiques ne reconnaissent guère la légitimité d’une littérature de fiction, force est de constater que plusieurs d’entre eux, pour acquérir une certaine légitimité dans le champ littéraire, s’y sont risqués. C’est le cas de Franz Weyergans. Après une première tentative aussi timide que discrète (Prairies, Paris, 1943), son roman Le bonheur à Venise (1958) est, par contre, fort remarqué en raison du cadre dans lequel il inscrit ses valeurs morales : celui qui est en effet aussi un critique de cinéma renommé situe une banale histoire d’adultère au cœur du festival de Venise. En 1968, L’opération pénètre le milieu médical, tandis que son quatrième et dernier roman, On dira cet hiver (1970) revient en Italie, en Toscane cette fois.

Sensible aux paroles de Jacques Leclercq, membre de la communauté catholique Capelle-aux-Champs – du nom du lieu-dit bruxellois où se réunit un groupe disciple de l’humanisme intégral de Jacques Maritain –, Weyergans est le directeur des éditions Pascal qui publient notamment deux ouvrages de Daniel-Rops, l’un consacré à Charles Péguy et l’autre à Ernest Psichari. Il est aussi le fondateur du mensuel Présence des livres et, de 1950 à 1969, il est un chroniqueur régulier de La Revue nouvelle où il publie des critiques littéraires sous son vrai nom, ainsi que ses critiques de cinéma sous le pseudonyme de Jacques Legay. Le cinéma est en effet son milieu, comme en témoignent ses critiques parues dans les revues Amis du film, Le Ligueur, Rivista del Cinematografo, Panorama chrétien et Ecclesie. Dans les années soixante, Franz Weyergans s’est aussi intéressé à la défense et à l’illustration de la langue française, à des fins pédagogiques, et s’est lancé, avec l’appui de photographes, dans la mise en valeur du patrimoine architectural de ses régions de prédilection, Liège et Bruxelles, ainsi que les béguinages, desquels selon lui « pourraient utilement s’inspirer les créateurs des mégalopoles modernes ».

Lauréat du Prix Victor Rossel pour L’opération (1968), l’écrivain a aussi reçu le Grand Prix catholique de littérature pour Les gens heureux (1957), le Prix des Scriptores catholici, première fédération bilingue d’écrivains catholiques, ainsi que le Prix de la Sabam pour l’ensemble de son œuvre. À deux reprises, son fils, François Weyergans, également écrivain, met son père au cœur de ses romans. En 1973, Le Pitre avait provoqué une rupture définie et irréconciliable entre le père et le fils. En 1996, en publiant Franz et François (1996), le fils « débauché » établit une sorte de dialogue post-mortem avec le père « conservateur, rigoriste et vertueux ». En procédant de la sorte, François imitait ce que Franz avait fait avec son propre père, quand il publia, en 1944, Raisons de vivre.

Sources

Georges-Henri DUMONT, dans Nouvelle Biographie nationale, t. V, p. 379-380
Cécile VANDERPELEN-DIAGRE, Écrire en Belgique sous le regard de Dieu, Complexe/CEGES, Bruxelles, 2004
Björn-Olav DOZO, « Portrait statistique de l’écrivain journaliste en Belgique francophone entre 1918 et 1960 », dans Textyles, n° 39, 2010, p. 123-146, en ligne sur http://orbi.ulg.ac.be/bitstream/2268/65991/1/dozo%20journalistes.pdf
Robert FRICKX, Raymond TROUSSON, Lettres françaises de Belgique. Dictionnaire des œuvres, t. 3, Paris-Gembloux, Duculot, 1988, p. 427
Céline RASE, « Les ondes en uniforme. La propagande radiophonique allemande en Belgique occupée (1940-1944) », dans CHTP-BEG, n° 23, 2011, p. 126-127
Jacques LATOUR, 1940-1945. Godinne et les Godinnois mobilisés, occupés et libérés, Namur, Éditions namuroises, 2008, p. 136
Francis VANELDEREN, dans La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres. Arts. Culture, t. III, p. 106
Bibiane FRÉCHÉ, « La Double filiation des Weyergans », dans Murielle Lucie CLÉMENT et Sabine VAN WESEMAEL (dir.), Relations familiales dans les littératures française et francophone des XXe et XXIe siècles. La figure du père, L’Harmattan, 2008, p. 11
http://robertsteuckers.blogspot.be/2012/06/recension-le-travail-de-cecile.html
Catherine LANNEAU, L’idole brisée : la droite belge francophone et la crise morale de la France (1934-1938), p. 185 note 39 (sans référence)
« Entretien avec François Weyergans », dans La Revue nouvelle, 2005, p. 64

Œuvres principales

Raisons de vivre, essai (1941)
Le forgeron, essai (1942)
Prairies, roman (1943)
Lettres à un jeune vivant (1944)
Les gens heureux, essai (1957)
36 ballons (1954)
L’ours aimable, essai (1956)
Le bonheur à Venise, roman (1958)
Le père Pire et l’Europe du cœur, essai (1958)
La bibliothèque idéale des jeunes, essai (1960)
L’amour fidèle, essai (1960)
Apprendre à lire, essai (1961)
La prose française, choix de textes à l’usage des classes supérieurs de l’enseignement secondaire : de Montaigne à Robbe-Grillet, essai (1963)
Mais oui, vous comprenez le cinéma, essai (1963)
Jeunes mariés, essai (1964)
Enfants de ma patience, essai (1964)
L’opération, roman (1968)
Mon amour dans l’île, essai (1968)
On dira cet hiver, roman (1970)
Comprendre le cinéma, essai (1970, réédition de Mais oui, vous comprenez le cinéma)
Liège (1971)
Béguinages de Belgique (1972)
La Grand-Place de Bruxelles (1974, éd. posthume)