Cappe Victoire

Humanisme-Egalité

Liège 18/03/1886, Bruxelles 29/10/1927

Dans le combat en faveur de l’émancipation féminine en Wallonie, la liégeoise Victoire Cappe occupe une place importante dans les premières années du XXe siècle. Son engagement au sein de la démocratie chrétienne fait d’elle une pionnière.

D’importants problèmes familiaux dans sa jeunesse ont poussé Victoire Cappe à trouver la sérénité au travers de la pratique de la religion catholique. Baptisée à l’âge de 15 ans, elle est séduite par l’engagement des démocrates-chrétiens liégeois, en particulier par les préoccupations sociales de l’abbé Pottier, surtout celles liées à l’émancipation féminine. Elle-même a pu mener des études jusqu’à l’obtention d’un diplôme de régente. 

Dans les premières années du XXe siècle, Victoire Cappe apparaît comme une des pionnières de l’action syndicale féministe quand elle fonde, en 1907, L’Aiguille, syndicat qui, fort de ses 25 affiliées, est reconnu par la loi. À partir de cette structure, elle développe un cercle d’études sociales et diverses œuvres sociales et professionnelles, tout en publiant un mensuel éponyme, à partir de 1911. Elle étend progressivement son action en dehors de Liège, en dépit de fortes résistances : entre confiner la femme dans la foi et sa famille et lui donner des droits dans la société et sur son lieu de travail, Victoire Cappe a résolument choisi de défendre l’émancipation lors de ses prises de paroles en conférences, congrès et semaines sociales. 

En 1912, dans un ouvrage collectif préfacé par le cardinal Mercier, elle rassemble l’essentiel de sa pensée (La femme belge : éducation et actions sociales) avant de contribuer à la fondation du tout nouveau Secrétariat général des Unions professionnelles féminines chrétiennes de Belgique. Responsable de cet organisme, elle l’affilie à la Confédération des Syndicats chrétiens en 1913 et elle devient vice-présidente de la CSC en 1914.

Co-fondatrice du mensuel La Femme Belge avant la guerre, Victoire Cappe tente de maintenir ses objectifs et ses idéaux durant la période d’occupation allemande. Cependant, elle se heurte au conservatisme ambiant et nombre de ses initiatives échouent face aux réticences de ses homologues masculins. Lancées en 1916, seules des animations (formations et semaines sociales et religieuses) rencontrent le succès et se transforment, en 1920, par la création de l’École sociale catholique de Bruxelles. Présidente de son Conseil d'administration, Cappe est la directrice de l’aile francophone.

Conseillère auprès du Ministre du Travail au lendemain de l’Armistice, son expertise en matière de travail féminin lui vaut de participer à la première Conférence internationale du Travail, à Washington, et au Congrès international féminin ouvrier qui le précède. Les perspectives d’émancipation de la femme entrevues sur la scène internationale s’inscrivent toutefois en totale contradiction avec les orientations données en Belgique par les milieux catholiques. Ne parvenant plus à s’opposer au cloisonnement de la femme au foyer, Victoire Cappe assiste impuissante à la marginalisation des structures qu’elle avait mises en place. Sa santé physique et morale s’en ressent. Déchirée entre ses idéaux et l’observance de sa foi, elle meurt subitement en 1927, laissant des années de combat inachevé, mais les semences qu’elle a jetées ne manqueront pas de renaître progressivement.

Sources

Denise KEYMOLEN, dans Nouvelle biographie nationale, t. I, p. 19-21
Denise KEYMOLEN, Victoire Cappe (1886-1927). Une vie chrétienne, sociale et féministe, Leuven, 2001
Suzanne VAN ROKEGHEM, Jacqueline AUBENAS, Jeanne VERCHEVAL-VERVOORT, Des femmes dans l’histoire en Belgique depuis 1830, Liège, 2006
Denise KEYMOLEN, dans Éliane GUBIN, Catherine JACQUES, Valérie PIETTE, Jean PUISSANT (dir.), Dictionnaire des femmes belges. XIXe et XXe siècles, Bruxelles, 2006, p. 89-92