Galopin Alexandre

Socio-économique, Entreprise

Gand 26/09/1879, Etterbeek 28/02/1944

Pendant les trente années qu’il passe à la FN, Alexandre Galopin place l’entreprise liégeoise d’armement sur les rails du développement et de la prospérité ; enlevé par la Société générale de Belgique qui en fait son gouverneur, il excelle dans les hautes sphères de l’industrie et de la finance dans les années trente. Sa contribution à l’armement allié durant la Grande Guerre fut décisive. Durant la Seconde Guerre mondiale, un rôle tout aussi important l’attend, mais il reste controversé, en dépit des circonstances abjectes de sa mort, Galopin ayant été assassiné en février 1944 par des tueurs à la solde de l’occupant nazi.

La désignation de son père, Gérard Galopin, comme professeur de droit civil à l’Université de Gand fait naître Alexandre dans la cité flamande. Mais revenu à Liège où il sera recteur de l’Université, Gérard Galopin retrouve la terre de ses lointains ancêtres. C’est aussi là qu’Alexandre fait ses études. Diplômé de l’Université de Liège (1902), ce brillant ingénieur civil des mines poursuit sa formation en France, en Grande-Bretagne et en Allemagne à l’entame du XXe siècle, avant d’être engagé par la Fabrique nationale d’armes de guerre. En 1904, Galopin devient le directeur du tout nouveau laboratoire central qui vient d’être créé pour réceptionner les marchandises, tester les pièces et former les jeunes ingénieurs. C’est le premier laboratoire de R&D dans le pays et Galopin va lui assurer un développement exceptionnel. Ayant appris son métier dans les ateliers, il devient « adjoint technique » auprès de la direction générale de la FN (1906), puis sous-directeur ; il participe alors à la politique de diversification de la jeune entreprise. Il faut en effet se souvenir que la FN est née de l’association temporaire d’armuriers liégeois désireux de capter une importante commande du gouvernement belge. Avec d’importants changements, le provisoire s’inscrit dans la durée, les actionnaires se lançant dans la fabrication d’armes et de cartouches, secteurs qui sont très rarement associés, mais aussi de bicyclettes, de motocyclettes et d’automobiles. Produisant ses propres modèles, la FN réalise notamment des armes de chasse, mais elle est aussi associée durablement avec l’Américain John Moses Browning.

Directeur adjoint d’une armurerie ayant diversifié sa production, Alexandre Galopin quitte Liège précipitamment lors de l’invasion allemande d’août 1914 et se réfugie en France. Là, il aide le gouvernement français à fabriquer tous les fusils de guerre. Par une organisation précise et méticuleuse de la production, il apporte une contribution précieuse à l’effort de guerre français ; rationalisation de la production et standardisation sont des principes d’une méthode Galopin qui fait aussi merveille dans la fabrication de mitrailleuses et de moteurs d’avions. Peu spectaculaire, le rôle de Galopin à l’arrière du front durant la Grande Guerre fut décisif. Lors des négociations de paix (1919-1921), son expertise sera sollicitée à diverses reprises.

Revenu à Herstal comme directeur général et administrateur (1922), il est happé en 1923 par la Société Générale de Belgique, actionnaire principal de la FN depuis l’éviction des Allemands du CA, qui lui confie de nouvelles missions. La modernisation du secteur charbonnier est son premier défi. Avec Evence Coppée III, Galopin est le véritable responsable de la politique charbonnière belge avant 1944. Administrateur délégué de la FN jusqu’en 1932, il encourage l’entreprise à abandonner progressivement le secteur militaire pour favoriser le département « moteurs ». Vice-président du FNRS, président du comité Sciences-Industries (1929-1944), celui qui jusque-là était directeur de la Société générale est nommé vice-gouverneur (1932), puis gouverneur de la Société générale de Belgique, moment où il succède à Émile Francqui (1935). Durant ces années d’Entre-deux-Guerres, il oriente le développement économique du pays, sa Société prenant le contrôle de nombreuses entreprises actives dans la métallurgie, la construction mécanique, les charbonnages, la verrerie, etc. Galopin est notamment le président du Conseil d'administration de la SA John Cockerill et de la Providence.

Durant la Seconde Guerre mondiale, avec Max-Léo Gérard, président de la Banque de Bruxelles, et Fernand Collin, président de la Kredietbank, il aurait reçu mission du gouvernement belge réfugié à Londres de veiller à la sauvegarde des intérêts de ceux qui sont restés au pays ; le mandat est officieux et est sujet à interprétation. Éloignée de la politique de la Commission for Relief développée lors du premier conflit mondial, la « méthode Galopin » va consister à poursuivre les activités industrielles en s’interdisant de rencontrer les besoins de l’occupant ; l’objectif est de conserver la main d’œuvre sur place et de subvenir aux besoins de la population ; il s’agit aussi de préparer et d’anticiper le rétablissement économique de l’après-guerre. Le maintien de l’activité industrielle est cependant perçue autrement, d’aucuns reprochant aux industriels une véritable « collaboration économique » avec l’occupant. Qu’une importante caisse noire, alimentée par des entreprises sous le contrôle de la « Générale », soutienne des réseaux clandestins d’aide et de résistance, ne fera pas taire les critiques à l’égard de cette « politique dite de moindre mal ». Conscient des critiques à son égard, Galopin assume ses choix ; son indépendance l’isole cependant et ses adversaires se recrutent dans tous les camps.

Approuvés par Himmler et encouragés par Jungclaus, des tueurs du mouvement De Vlag exécutent Galopin à son domicile, fin février 1944. C’est un ennemi du nazisme et le roi de l’économie belge qu’ils assassinent. Pourtant, un lourd silence plane dans les milieux belges réfugiés à Londres, tandis que la « politique Galopin » est désavouée de toutes parts. Il faudra attendre le nouvel arrêté-loi du 25 mai 1945 pour que l’article 115 du code pénal sur la collaboration avec l’ennemi intègre la définition qu’en avait faite Galopin.

Sources

Pascal DELOGE, Une histoire de la Fabrique nationale de Herstal, Liège, Cefal, 2012, p. 45-46, 55
Marcel PHILIPPART DE FOY, dans Biographie nationale, t. 35, col. 275-282
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 301-303
Mark VAN DEN WIJNGAERT, L’économie belge sous l’occupation. La politique d’Alexandre Galopin, gouverneur de la Société générale, Paris-Louvain-la-Neuve, Duculot, 1990