Garnir George

Culture, Journalisme, Littérature

Mons 12/04/1868, Saint-Josse-ten-Noode 26/12/1939

Les trois angles d’un triangle formé par Ocquier, Mons et Bruxelles constituent le champ d’inspiration et d’activité de l’homme de plume George Garnir. Souvent considéré comme le revuiste de Bruxelles ou comme l’un des trois fondateurs de l’hebdomadaire Le Pourquoi pas ?, G. Garnir est aussi un auteur qui donne ses lettres de noblesse à un genre littéraire qui explore la vie et les mœurs du pays wallon.

Au fil de ses promotions au sein de l’administration des Chemins de fer, le père de George Garnir avait quitté son Condroz natal, pour s’installer tour à tour à Mons, puis à Bruxelles. Né dans le Hainaut, son fils Georges fera l’essentiel de sa carrière à Bruxelles en conservant de toute sa période d’enfance et d’adolescence le souvenir des longues journées passées dans le Condroz natal ; cette région habite l’essentiel de l’œuvre de l’écrivain, ses romans comme ses contes. Condisciple de Fernand Severin, étudiant à l’Université libre de Bruxelles, il fait la rencontre d’Albert Mockel qui publie ses premiers vers dans La Wallonie qui accueillera aussi ses nouvelles. Garnir fréquente aussi La Jeune Belgique et quand Mockel le somme de choisir entre les deux revues, il opte pour les milieux bruxellois. Docteur en Sciences politiques et administratives (1889), docteur en Droit (1892), mêlé activement aux activités estudiantines, il écrit les paroles du Chant des Étudiants interprété pour la première fois lors de la Saint-Verhaegen en 1890. Inspirateur de revues, il connaît un franc succès dans les dix dernières années du XIXe et les dix premières du XXe siècle avec ses pièces de théâtre de boulevard. On en relève une centaine dont l’esprit wallon n’est pas absent !

Comment aurait-il pu en être autrement dans la mesure où son œuvre plus littéraire s’inspirait du pays wallon. Son premier roman, Les Charneux, publié en 1891, a comme sous-titre Mœurs wallonnes ; en fait, il venait d’inventer un genre, celui des conteurs légers s’inspirant de la vie quotidienne en Wallonie, celui des romans de terroir. Il sera l’un des représentants éminents de ce genre : dans La Ferme aux Grives (1901), il évoque les mutations subies par la Wallonie dans la deuxième moitié du XIXe siècle (surtout le départ de la terre vers la ville) ; dans Nouveaux Contes à Marjolaine (1904), il pleure le charme des paysages et des fêtes d’antan ; dans Les Dix-Javelles (1910), il entonne un hymne que Georges Brassens interprétera bien plus tard dans Auprès de mon arbre ; il chantera encore la terre wallonne, les temps heureux et ceux de la guerre dans La Chanson de la rivière (1920). Installé à Bruxelles, Garnir y constate également des mutations, différentes mais aussi profondes, auxquelles il consacre plusieurs romans de mœurs, croquant des types de caractère bien bruxellois.

Peu séduit par le métier d’avocat, George Garnir qui s’est choisi ce pseudonyme (sans S à son prénom) dès 1888, fait différentes expériences journalistiques qui le séduisent. Collaborateur au Soir, à L’Indépendance belge, à L’Étoile belge, il entre en 1894 au Petit bleu avant d’être engagé, en 1904, à la rédaction du Compte rendu analytique du Sénat. Chroniqueur, échotier, reporter, critique, il devient, en 1910, l’un des trois fondateurs du Pourquoi Pas ? Avec Louis Dumont-Wilden et Léon Souguenet, il est considéré comme l’un des trois mousquetaires d’un hebdomadaire dont le succès traversera quasiment le XXe siècle grâce à une ligne éditoriale singulière, alternant sérieux et humour, les plaisanteries initiales du journal trouvant un sujet de prédilection dans « l’âme belge » glorifiée par Edmond Picard.

Quand éclate la Grande Guerre, Garnir est un journaliste de terrain qui parcourt les zones de combat ; ainsi est-il à Dinant quelques jours après le massacre perpétré sur les civils par l’armée allemande conduite par von Hauzen ; partout, il prend des notes, recueille des témoignages.

Après la guerre, il décrira la vie quotidienne à Bruxelles sous l’occupation, dans Pourquoi Pas ? pendant l’occupation (1918) et s’emploiera à ridiculiser les Allemands dans Les Contes narquois de l’occupation (1919). Le revuiste et auteur de théâtre signe aussi un drame lyrique, 1914, et une ode dramatique, Vers la Victoire. Il se voit aussi confier l’organisation du cortège et du spectacle que la ville de Bruxelles offre en hommage aux anciens combattants (1920). Cherchant davantage à amuser, à apporter de la gaîté dans la littérature, Mons occupera une place particulière dans le cycle des Gardedieu (Tartarin est dans nos murs, 1927 ; Le Commandant Gardedieu, 1930 ; Le Crépuscule de Gardedieu, 1932). Romancier, auteur de théâtre, journaliste, Garnir est accueilli comme membre de l’Académie royale de Langue et de Littérature en 1926 et, à l’occasion des fêtes du centenaire de la Belgique, il est à nouveau sollicité pour l’organisation d’un cortège spectaculaire à la gloire de la fée Électricité.

Sources

Paul DELSEMME, dans Biographie nationale, t. 44, col. 505-523
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 303
Paul DELFORGE, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 700
Anthologie des écrivains belges de langue française. George Garnir, Bruxelles, Association des écrivains belges, 1927
La Vie wallonne, septembre 1932, CXLV, p. 5-11
La Vie wallonne, 15 février 1940, CCXXXIII, p. 165-166
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 427 ; t. III, p. 51 ; t. IV, p. 238
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 401

Oeuvres principales

Les Charneux (Moeurs wallonnes), 1891
Contes à Marjolaine, 1893
La Ferme aux Grives, 1901
Nouveaux Contes à Marjolaine, 1904
Les Dix-Javelles ou Mémoires d’un conducteur de malle-poste, mœurs condruziennes, 1910
Pourquoi Pas ? pendant l’occupation, 1918
Les Contes narquois de l’occupation, 1919
La Chanson de la rivière, 1920
Souvenirs d’un revuiste, 1926
Tartarin dans nos Murs ou mœurs montoises d’avant-guerre, 1927
Le Commandant Gardedieu, 1930
Le Crépuscule de Gardedieu, 1932