Gramme Zénobe

Conception-Invention

Jehay-Bodegnée 04/04/1826, Paris 20/01/1901

Le nom de Zénobe Gramme est définitivement associé à la dynamo et plus encore à la « génératrice dynamoélectrique ». Génial artisan, inventeur intuitif, touche à tout pragmatique, Zénobe Gramme n’a pourtant rien découvert : les lois de l’induction électromagnétique remontent à Ampère et Faraday, ses illustres prédécesseurs. Cependant, il manquait le sens pratique d’un bricoleur persévérant pour transformer les lois de la physique en un simple instrument fiable. Et c’est là que réside tout le mérite de Gramme.

Né à Jehay, ayant grandi à Verlaine, à Hannut puis à Liège, il est formé à la menuiserie, notamment à l’occasion de cours du soir à l'École industrielle communale de Liège (vers 1850). Il semble avoir été ouvrier itinérant ce qui expliquerait des séjours (non certifiés) aux quatre coins de la France (Lyon, Marseille, Angers, Paris). Engagé par la société L’Alliance, spécialisée dans la construction de machines magnétoélectriques (1860), il prend un premier brevet pour un mécanisme régulant l'usure des électrodes en charbon des lampes à arc (1861). La démarche reste étonnante dans le chef d’un simple ouvrier manuel, même s’il semble suivre à l’époque des cours pour adultes au Conservatoire des Arts et Métiers de Paris.

Spécialiste de l’histoire des techniques, l’historien Philippe Tomsin souligne qu’en 1863, Gramme « entre en contact avec Ruhmkorff, le célèbre constructeur d'instruments scientifiques. Ce fait, présenté souvent comme une anecdote, est de première importance. C'est par cette voie que Gramme est introduit dans un cénacle de scientifiques réputés, composé notamment de Louis Breguet, Beau de Rochas et Marcel Deprez. À la même époque, plusieurs physiciens allemands, anglais et italiens tentent chacun de leur côté de mettre au point des machines dynamoélectriques. S'il n'existe pas encore de revues de vulgarisation pour populariser ces travaux pointus, il est certain que Gramme suit attentivement ceux-ci par l'intermédiaire de Ruhmkorff ».

Au cours des années 1860, Zénobe Gramme dépose plusieurs autres brevets portant sur des améliorations des machines magnétoélectriques de L’Alliance. Petit à petit, il approche de son invention décisive. Le brevet qu’il dépose en 1869 pour une machine dynamoélectrique est le bon, mais les événements politiques sont plus préoccupants : engagée dans une guerre contre la Prusse, la France perd sa capitale, avant que n’éclate l’insurrection connue sous le nom de Commune de Paris (1870-1871). Réfugié à Arlon, l’inventeur autodidacte doit attendre la séance du 17 juillet 1871 pour faire partager son innovation technique devant l'Académie des Sciences. En dépit des soubresauts politiques du moment, chacun reconnaît l’importance de la dynamo, dont l’inventeur connaît alors la renommée et les récompenses. Ainsi, l’Académie des sciences lui décerne le prix Volta (1888), comme à Graham Bell avant lui et il est fait officier de la Légion d’Honneur.

Dès 1871, la Société d’Ivernois & Gramme voit le jour et livre sa première commande à la prestigieuse maison Christofle (1872). Alors que les physiciens parviennent à démontrer théoriquement l’innovation de Gramme, sa machine séduit immédiatement les industriels : la machine à vapeur est arrivée en fin de cycle, ses performances ne peuvent plus être améliorées ; la dynamo du type dit « atelier » – dont 10.000 exemplaires sont fabriqués avant la fin du siècle – contribue à un rebond technique et industriel. Mais d’autres modèles et applications sortent de la Société d'Ivernois & Gramme, dont celui d’une dynamo sur laquelle il est possible de collecter du courant alternatif.

Assuré d’une aisance matérielle, Zénobe Gramme achève son existence à Paris, la ville Lumière… Dès le dernier quart du XIXe siècle, son invention ouvre la voie au développement de nombreuses applications industrielles ou domestiques ; d’autre part, naissent tout aussi rapidement des entreprises concurrentes (Siemens par exemple) qui se lancent dans l’électrotechnique industrielle. Mais ce n’est plus le temps de Gramme.

Dès le début du XXe siècle, sous la plume de son premier biographe Oscar Colson, la figure de Zénobe Gramme incarne le modèle du Wallon inventif et entreprenant. Un certain mythe entoure celui qui aurait répondu un jour à un physicien qui avait mis la dynamo en équations : « s'il m'avait fallu savoir tout cela, je ne l'aurais jamais inventée ». En est-on si sûr ? Récemment, Philippe Tomsin a montré qu’une part de mystères continue d’entourer le père de la dynamo.

Sources

GRAMME Zénobe    RASIR Charles, MARAITE Louis, Zénobe Gramme, à contre-courant, Bruxelles, Luc Pire, 2001
PELSENEER Jean, Biographie nationale, t. 29, col. 627-634
TOMSIN Philippe, Zénobe Gramme, dans Wallons à l’étranger, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 183-186
CROUPETTE Jules, De Jehay à Bois Colombes, Saint-Georges, 1997
Grands hommes de Hesbaye, Remicourt, éd. du Musée de la Hesbaye, 1997, p. 25-29.
TOMSIN Philippe, Calling into question the current knowledge about Zénobe Gramme and his inventions, actes, XXe Congrès international d'Histoire des Sciences - XXth International Congress of History of Science, Liège, 20-26 juillet 1997
BRIEN P., Zénobe Gramme, dans Florilège des Sciences en Belgique pendant le XIXe siècle et le début du XXe, Académie Royale de Belgique, Classe des Sciences, s.l. [Bruxelles], 1967, p.227-241
COLSON Oscar, Zénobe Gramme, sa vie et ses œuvres, d’après des documents inédits, Liège, éd. Wallonia, 1913