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Moutschen Joseph

Culture, Architecture

Jupille 18/03/1895, Jupille 22/12/1977

Au milieu du XXe siècle, deux frères, Joseph (l’aîné) et Jean Moutschen marquent de leur empreinte l’architecture de la région liégeoise. L’initiale de leur prénom étant identique, il est parfois malaisé de restituer à l’un ou à l’autre sa contribution, d’autant que certains projets les ont réunis. Néanmoins, Joseph, l’aîné, apparaît comme celui qui impose le plus sa signature et influence, par ses fonctions à l’Académie, la formation des futurs architectes.

Entré très jeune à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, Joseph Moutschen dessine en journée pour le compte du bureau de l’architecte Arthur Snyers à partir de 1911 et continue de suivre des cours en soirée ; grâce à une bourse et au soutien de l’Union coopérative (socialiste), il prépare aussi les examens d’entrée au génie civil qu’il compte mener à l’Université de Gand ; après plusieurs mois passés à l’Université de Bonn, il se trouve à Gand quand éclate la Grande Guerre. En raison des circonstances, c’est à Liège qu’il est diplômé avec grande distinction par l’Académie, en juin 1917, avant d’être choisi comme répétiteur, et professeur intérimaire (1917-1919). Il s’implique alors dans les discussions autour d’un projet de réforme complète de l’enseignement de l’architecture, déposé avant 1914, et qui est resté en suspens sous l’occupation allemande : nouveau programme, nouveau contenu, nouveau cursus, cours du jour au lieu de cours du soir… En 1920, la réforme est finalement définie et introduite. C’est dans ce cadre nouveau qu’il entre en fonction comme professeur, après avoir suivi à Paris, grâce à une Bourse, les cours de l’École nationale des Beaux-Arts (1919).

Dès le début des années 1920, Moutschen est attiré par les constructions en hauteur ; les gratte-ciels le fascinent ; lors d’un séjour aux États-Unis, il rencontre Franck Lloyd Wright et Cass Gilbert ; par ailleurs, il soutient fortement le manifeste du groupe l’Équerre, dont son frère, Jean, est l’un des initiateurs. Architecte s’inscrivant dans la veine fonctionnaliste, il compte à son actif plusieurs cités d’habitations (Thier à Liège en 1922, cité des Cortils à Jupille entre 1925 et 1935), de même que des monuments (Wauters à Waremme, celui de Grâce-Berleur) ou des bâtiments emblématiques (le siège du journal La Wallonie, des Maisons du Peuple à Montegnée et Herstal). Émanant du secteur public, plusieurs commandes marquent le paysage de l’est wallon : des écoles communales (par ex. rue Saint-Gilles en 1935, à Wandre, à Romsée en 1959), le pont barrage à Monsin (1930) et, au Val Benoît l’Institut de Mécanique (1932) et l’Institut du génie civil (1937), ce dernier reflétant bien l’application des principes chers à Walter Gropius. La contribution de Joseph Moutschen au Mémorial Albert Ier et à la préparation des Palais pour l’Exposition de l’Eau de 1939 est aussi à souligner, de même que l’aérogare 58 à « Bruxelles national » (1954-1958).

Dès 1922, Joseph Moutschen avait été nommé professeur, en charge des cours d’histoire de l’architecture et de l’urbanisme, des cours de théorie architecturale, ainsi que de géométrie descriptive. Il consacre ainsi une partie de sa carrière à l’enseignement ; Georges Dedoyard sera l’un de ses disciples. Entre 1942 et 1945, quand Jacques Ochs est fait prisonnier par les Allemands, Moutschen assure la direction par intérim de l’Académie de Liège. De 1948 à 1960, il devient le directeur effectif de l’Académie et de l’Institut supérieur d’Architecture de Liège, cessant ses activités de professeur en 1959.

Parallèlement, Moutschen milite dans les rangs du POB. En 1921, il est élu conseiller communal à Jupille et devient échevin des Travaux publics, ainsi que de l’Instruction publique à partir de 1926. Membre de l’Association des Architectes de Liège (1923), membre-correspondant de l’Institut archéologique liégeois (1930), de la Société nationale des Habitations à Bon marché et de la Commission centrale de l’Urbanisme (1938), ce proche de Georges Truffaut dont il conçut les plans de la maison figure parmi les membres du Grand Liège (délégué à la Commission d’urbanisme). Résistant au sein du réseau Bayard (1943-1944), arrêté et fait prisonnier, Moutschen est reconnu comme résistant et prisonnier politique.

Après la Seconde Guerre mondiale, celui qui est appelé à siéger dans de nombreux jurys assume à deux reprises la présidence de la Fédération des Architectes de Belgique (1948-1950, 1958-1960) et est membre effectif du Conseil de l’ordre des Architectes de la province de Liège. De nombreux prix et récompenses saluent la carrière d’un architecte fort pris par son enseignement, mais dont les réalisations reflètent la personnalité et les engagements.

Sources

Coline CAPRASSE, Les Moutschen architectes modernistes liégeois, Université de Liège, 2014, mémoire inédit Histoire de l’Art et archéologie
Sébastien CHARLIER et Thomas MOOR, dans Anne VAN LOO (dir.), Dictionnaire de l’architecture en Belgique, de 1830 à nos jours, Bruxelles, Fonds Mercator, 2003, p. 428-429
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), t. III, p. 370, 372
Émile PARENT, La réorganisation de l’enseignement de l’architecture, dans L’Equerre, décembre 1933, p. 542
Liège : Guide d’architecture moderne et contemporaine 1895-2014, Liège, Mardaga, 2015, notamment p. 244