Plisnier Charles

Culture, Littérature

Ghlin-les-Mons 13/12/1896, Bruxelles 17/07/1952

En 1937, l’attribution du Prix Goncourt à Faux-Passeports consacre pour la première fois un écrivain ne possédant pas la nationalité française. Né à Mons, Charles Plisnier n’aurait certainement pas renié cette identité comme en témoignent à la fois son écriture et ses engagements citoyens. De sa ville natale, il ne pourra jamais se déprendre ; et si la Wallonie était sa patrie charnelle, la France, assurément, était une patrie spirituelle, dont il admirait la culture et la langue.

Avant la Grande Guerre déjà, l’adolescent frayait dans les milieux wallons, à Charleroi comme à Mons. Inscrit en droit à l’Université libre de Bruxelles, Plisnier publie le recueil de ses premiers vers (1912), prête sa plume à plusieurs journaux et revues aux idées socialistes révolutionnaires et est de plus en plus attiré par l’action révolutionnaire. La Révolution russe le sensibilise au communisme. Fils d’un industriel progressiste, Plisnier rallie la Troisième Internationale (1919), puis le parti communiste (1921). Avocat inscrit au Barreau de Bruxelles, il ne plaide que dans les affaires qui concernent les ouvriers. Adhérant aux thèses de la Révolution permanente prônée par Trotsky, il est exclu de l’Internationale, par les Staliniens (1928), alors qu’il est membre du Praesidium juridique international. Par la suite, rejeté par les Trotskistes, Charles Plisnier devient un communiste déçu, qui se pose beaucoup de questions, avant de se tourner vers Dieu. Ce parcours atypique fait définitivement de Plisnier « un hérétique pour la majorité de ses contemporains » (la formule est de Ch. Bertin).

La rupture avec le communisme ramène sa plume dans la main du poète : en moins de six ans, il publie onze volumes, où la poésie occupe la première part. Une poésie marquée par certaines libertés surréalistes. Une poésie où le vers est libre, la ponctuation absente. Puis vient son premier roman, Mariages (1936), qui remporte un éclatant succès de librairie. L’année suivante, Faux-Passeports est consacré par le Goncourt qui retient aussi – fait exceptionnel – Mariages. Ce recueil de nouvelles fait le bilan de son expérience de militant : est-il artiste ou politique ?
Renonçant au barreau, Plisnier part s’installer en France (1937) pour se consacrer exclusivement à l’écriture. 

Le contexte international – en particulier le danger immédiat que court la Wallonie face à la montée du nazisme – le ramène vers la politique. Opposé à la politique de neutralité de la Belgique, il aspire à un changement radical de statut pour sa terre natale. Lors du Congrès national wallon d’octobre 1945, il plaide sans ambages en faveur de la réunion de la Wallonie à la France. Il alliera la défense de la spécificité française de la Wallonie à un combat en faveur de la construction européenne. Membre du Mouvement européen, on le rencontre à tous les congrès européens de l’après-guerre où il se préoccupe en particulier de la question des minorités. En 1950, il accepte la présidence du bureau permanent de l’Union fédéraliste des Minorités et des Régions européennes (UFMRE). Membre du Comité permanent du Congrès national wallon, il assiste à la plupart des grands rendez-vous wallons de l’après-guerre.

Wallon français, membre de l’Académie (Destrée) de Langue et de Littérature françaises (1937-1952), Plisnier est tenaillé par l’écriture ; très souvent, ses personnages connaissent un drame intérieur... « Écrire n’est pas un jeu, déclare-t-il. C’est le suicide d’un être qui se détruit pour s’accomplir ».

En 1949, il signe la pétition La Wallonie en alerte, avec 52 autres académiciens, affirmant que « la Wallonie a enfin pris conscience d’elle-même (...) » et que c’est pour cette raison qu’elle demande « (...) qu’on lui garantisse l’existence en tant que nationalité ». Peu de temps avant sa mort, Charles Plisnier publie un important article dans la revue Synthèses, Lettre à mes concitoyens sur la nécessité d’une révision constitutionnelle. Cette lettre deviendra son testament politique.

Les funérailles de Charles Plisnier ont lieu le 21 juillet 1952, jour de la fête nationale belge. Jusqu’à son dernier souffle, Plisnier est resté le champion du paradoxe. Son souvenir sera entretenu notamment par l’Association des Amis de Charles Plisnier (1953) qui s’occupera de diffuser l’œuvre de l’écrivain. Quant à la Fondation Charles Plisnier, distincte de la précédente et créée en 1954, elle s’est donné pour but la défense de la langue française, langue qu’avait si bien maniée Plisnier tant dans le verbe que par les mots.

Sources

BODART M-Th., Charles Plisnier, dans Biographie nationale, t. 33, col. 596-601
DELFORGE Paul, Encyclopédie du Mouvement wallon, t. III, Charleroi, 2001
DESTATTE Ph., Actualité politique de Charles Plisnier sur la question wallonne, dans Francophonie vivante, n° 4, décembre 1996, p. 245-250, (Bruxelles, Fondation Charles Plisnier.)
FONTAINE J., Plisnier, dans Solidarité française, Wallonie-Bruxelles, 2e trimestre 1995, p. 24
FOULON Roger, Charles Plisnier, Institut Jules Destrée, collection Figures de Wallonie, 1971
Wallonie, Le Pays et les Hommes, t. 3, p. 56-60
Wallonie, Le Pays et les Hommes, t. 4, p. 239-240

Oeuvres principales

Romans

Mariages, 1936
Faux-passeports, 1937
Meurtres, en 5 volumes, 1939-1941
Hospitalité, 1943
Mères, en 3 volumes, 1946-1949
Héloïse, 1945
La Matriochka, 1945
Beauté des Laides, 1951

Poésies

L’Enfant qui fut déçu, 1912
Histoire sainte, 1912
Prière aux mains coupées, 1930
Histoire sainte, 1931
Figures détruites, 1932
L’Enfant aux Stigmates, 1933
Fertilité du Désert, 1933
Déluge, 1933 
Babel, 1934 
Odes pour retrouver les Hommes, 1935
Sel de la Terre, 1936 
Périple, 1936
Sacre, 1938 
Ave Genitrix, 1943 

Théâtre

Hospitalité, 1943
Nouvelles 
Croix de Vénus, 1943
L’Homme nocturne, 1943
Une Voix d’Or, 1944
Folies douces, 1952