Saint-Paul de Sinçay Louis-Alexandre

Socio-économique, Entreprise

Paris 03/07/1815, Angleur 28/07/1890

Par le décret impérial du 19 janvier 1810, J-J-D. Dony avait obtenu un brevet de 15 ans pour son procédé industriel de réduction du zinc à l’état de métal. Malgré ses tentatives, le génial inventeur est contraint de vendre son savoir-faire au négociant Jean-Dominique Mosselman. Ce dernier parvient à un meilleur résultat que Dony, mais depuis 1825, le brevet est tombé dans le domaine public et d’autres entrepreneurs liégeois se sont lancés dans le secteur du zinc. Dès lors, à la mort de J-D. Mosselman en 1836, ses héritiers mobilisent leurs avoirs au sein d’une Société anonyme des Mines et fonderies de zinc de La Vieille-Montagne, avec le soutien de la Banque de Belgique. Dotée d’un siège liégeois et d’un autre parisien, elle est considérée comme la première multinationale d’Europe.

À cette époque, La Vieille Montagne possède une fonderie à Moresnet sur les minières, deux fonderies dans la banlieue liégeoise (Saint-Léonard et Angleur), des laminoirs à Tilff et en France. Entreprise intégrée, elle maîtrise l’ensemble du processus de production et ne demande qu’à se développer davantage. Elle va trouver la personne ressource auprès de son directeur nommé en 1846. Né à Paris, ingénieur diplômé de l’Université de Liège, Louis-Alexandre Saint-Paul de Sinçay va placer la société liégeoise au premier rang mondial de l’industrie du zinc, lui consacrant toute son existence.

De manière méthodique, de Sinçay accroît d’abord les ressources minières : après Moresnet, la Vieille Montagne devient propriétaire, dès les années 1850, de mines situées en Prusse (Bensberg), en Suède (Ammeberg), et en exploite en Sardaigne (1869), voire en Algérie et en Tunisie (1872). Plusieurs charbonnages mosans lui appartiennent aussi, tandis que la capacité de production de zinc brut s’étend des fonderies de Saint-Léonard et Angleur vers Flône, Valentin-Cocq, Borbeck et Mülheim (années 1850). En 1871, des fours à zinc sont achetés dans l’Aveyron, tandis que le zinc est laminé à Angleur et Tilff d’abord, à Oberhausen (Prusse) et à Bray-Lu (France) ensuite. En 1855, La Vieille-Montagne intègre tout l’avoir social de la Société du blanc de zinc, principalement des usines à blanc de Bruxelles, de Levallois-Perret et de Colladios. Réputées jusqu’alors inutilisables, les blendes font l’objet d’une attention toute particulière de la société qui n’hésite pas à investir. Fusionnant avec des entreprises situées en Allemagne, la Vieille Montagne acquiert un laminoir en Angleterre et celui de Haumont en 1887. Pour de Sinçay, « ces établissements du dehors » sont de véritables colonies du pays « de Liège, et partout ces colonies font honneur à la mère-patrie ».

Le directeur général, Saint-Paul de Sinçay est l’âme véritable de l’entreprise. Il a réussi à s’entourer de collaborateurs compétents et dévoués et à développer une forme de paternalisme efficace. De 900 ouvriers en 1837, la Vieille Montagne compte plus de 6.500 hommes en 1890 et en fait vivre plus de 20.000 dans sa périphérie. Attaché à donner de son entreprise une image sociale positive, Louis-Alexandre Saint-Paul de Sinçay organise des fêtes d’entreprise, crée des œuvres patronales philanthropiques (caisse d’épargne, habitations à bon marché, etc.), invente un système d’intéressement des ouvriers à la bonne marche de la société, bref tente d’instaurer un esprit d’entreprise dont aujourd’hui des albums photographiques sont les plus beaux exemples. En effet, réalisés en 1868, les albums dits de « Saint-Paul de Sinçay » réunissent le portrait photographique de tout le personnel de la Vieille Montagne, ouvriers, employés et cadres compris. Tous posent en studio dans leurs habits de travail. Chacun est identifié, nom et fonction dans l’entreprise. Ces albums sont considérés comme un des trésors de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Par ailleurs, de Sinçay développera également une politique destinée à répondre aux critiques relatives aux pollutions et désagréments générés par sa société et aux conditions d’hygiène de ses ouvriers. Il sera encore attentif à la création d'une ligne-de chemin de fer de entre Liège et Aix-la-Chapelle.

Sources

Joseph DEFRECHEUX, dans Biographie nationale, t. XXI, col. 120-129
Anne STELMES, Panorama atypique d’une société industrielle : les albums photographiques dits ‘de Saint-Paul de Sinçay’, dans Art et industrie, Art&Fact, numéro 30, Liège, 2011, p. 116-119
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. II, p. 107