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Smits Jean Joseph

Culture, Edition, Révolutions

Liège 1756, Paris 1806


Dans la diffusion des idées philosophiques au pays de Liège dans les années 1780, l’imprimeur Jean Joseph Smits joue un rôle important dans l’ombre du journaliste Pierre Lebrun. Sans aucun doute, Smits apporte une contribution matérielle très grande à l’Heureuse Révolution liégeoise du 18 août 1789 et à la fin de l’Ancien Régime. Poursuivant ses activités professionnelles à Paris, il sera, en 1798, l’éditeur-imprimeur de la 5e édition du Dictionnaire de l’Académie française.

Sans doute Jean-Joseph Smits et Pierre Lebrun se sont-ils rencontrés lorsqu’ils travaillaient tout deux pour le puissant imprimeur-éditeur et patron de presse liégeois Jean-Jacques Tutot. C’était au début des années 1780. Sans doute, les deux « employés » eurent-ils envie en même temps de voler de leurs propres ailes. Aussi les deux s’associent-ils durablement. Jacques Joseph Smits semble posséder ses propres presses, à Liège, sans que l’on sache depuis quand. Ensemble, ils fondent le Journal général de l’Europe (printemps 1785). Imprimé à Liège et publié à Herve, le journal est diffusé aussi bien dans la principauté de Liège, que dans les Pays-Bas autrichiens et les Provinces-Unies.

Quand le Journal général de l’Europe subit les foudres du prince-évêque Constantin de Hoensbroeck pour avoir soutenu ses opposants dans l’Affaire des Jeux de Spa, Smits et Lebrun trouvent refuge à Herve, dans le duché de Limbourg, où Smits rachète du matériel d’imprimerie (août 1786). En dépit de l’hostilité et des mesures prises contre eux par les États de Brabant et de Hainaut, Smits poursuit sa collaboration avec Lebrun jusqu’au moment où éclatent les révolutions liégeoise et brabançonne. Si Lebrun opte davantage pour la politique, Smits, qui a repris ses activités d’imprimeur à Liège (octobre 1789) et poursuit la publication du Journal général de l’Europe, obtient des commandes des nouvelles autorités révolutionnaires. Mais la restauration autrichienne le pousse à se réfugier à Paris ; Smits y poursuit ses activités professionnelles, dont la publication du Journal jusqu’en août 1792 : à partir du tome X, son nom remplace celui de Pierre Lebrun.

Associé aux travaux du Comité révolutionnaire des Belges et des Liégeois réunis, il devient le secrétaire de ces réfugiés qui rentreront au pays dans la foulée des armées de Dumouriez. Pendant les années troubles de 1792 à 1795, on perd quelque peu la trace de J-J. Smits : rentre-t-il à Liège, avant de revenir à Paris ? Il évite en tout cas le sort de Pierre Lebrun qui, ancien ministre des Affaires étrangères sous les Girondins, passe sous la guillotine (décembre 1793).

En 1795, il reçoit une commande importante de la Convention : l’édition et l’impression du Dictionnaire de l’Académie française. Comme l’Académie n’existait plus depuis quelques années, ils seront nombreux à contester le titre donné à la publication en 1798 : Dictionnaire de l’Académie françoise, revu, corrigé et augmenté par l’Académie elle-même ; cinquième édition. Pour réaliser cette entreprise, Smits, aidé en partie par Claude-François Maradan, s’était entouré d’une série de gens de lettres qu’ils avaient choisis ; les additions et changements apportés par ceux-ci n’étaient pas clairement identifiables. Par ailleurs, en raison de l’instabilité politique du moment, le parti avait été pris de présenter les anciennes institutions… En dépit de toutes les critiques, Smits reste dans l’histoire celui qui a édité et imprimé la 5e édition du Dictionnaire de l’Académie française, en l’an VI et VII de la République. Alors qu’il se marie, à Paris, en 1798, avec Marie-Denise Gandolphe, fille d’un avocat au Parlement de Paris, Smits a pignon sur rue dans la capitale de la République. Imprimeur-libraire, il se fait l’éditeur, anonyme, de plusieurs brochures politiques à succès.

 

Sources
 


Jacques-Philippe SAINT-GERAND, J-Ch. Th. de Laveaux et la cinquième édition du Dictionnaire de l’Académie Française, Université Blaise Pascal, ENS Ulm – Paris, http://projects.chass.utoronto.ca/langueXIX/laveaux/laveaux1802.htm 
Paul HARSIN, La Révolution liégeoise de 1789, Bruxelles, Renaissance du Livre, 1954, coll. Notre Passé, p. 26-27
http://www.wittert.ulg.ac.be/fr/flori/opera/ansiaux/ansiaux_notice.html
http://data.bnf.fr/12243237/jean_joseph_smits/
http://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/475-pierre-lebrun-tondu (s.v. novembre 2014)
Félix MAGNETTE, dans La Vie wallonne, 15 novembre 1921, XV, p. 121-138 ; 15 décembre 1921, XVI, p. 180- 
La Vie wallonne, août 1934, CLXVIII, p. 375-392 ; septembre 1934, CLXIX, p. 11-28 ; octobre 1934, CLXX, p. 43-54 ; novembre 1934, CLXXI, p. 80-93
Michel HANNOTTE (dir.), Journaux et journalistes liégeois au temps de l’Heureuse Révolution, catalogue de l’exposition La Plume et le Plomb, Liège, 1989
Pierre GILISSEN, Jean-Jacques Tutot, imprimeur, libraire et éditeur au Pays de Liège à la fin du XVIIIe siècle, dans Bulletin de l’Institut archéologique liégeois, 2007, t. CXIII, p. 167
Bernadette VANDERSCHUEREN, Pierre Lebrun et la Révolution brabançonne,  et Pierre Lebrun et la Révolution liégeoise, dans La Vie wallonne, II, 1961, n°294, p. 114-138 et IV, 1961, n°296, p. 243-267
Georges DE FROIDCOURT, Les réfugiés liégeois à Paris en 1793 et Pierre Lebrun, dans Bulletin de la Société Le Vieux Liège, juillet-septembre 1956, t. V, n°114, p. 53-76