Hauglustaine Charlotte
Officier (Historique)
06.08.1922- 11.09.2008
Originaire de la région verviétoise, Charlotte Hauglustaine commence à travailler dès l’âge de 14 ans dans l’industrie textile locale. Après la Seconde Guerre mondiale, elle s’implique dans l’action syndicale, au sein de la FGTB. Au début des années 1960, alors que l’industrie textile est en crise, elle rejoint le bassin liégeois et, en 1964, les ateliers de la Fabrique nationale de Herstal (FN), où travaillent 12 000 ouvriers, dont 3 800 femmes.
Les conditions de travail de ces « femmes-machines » sont dignes du XIXe siècle : elles travaillent huit heures par jour dans un mélange d’huile et de limaille et ne disposent même pas de douches sur leur lieu de travail. De plus, malgré leur statut d’ouvrières qualifiées, leur rémunération est inférieure à celle des hommes, même non-qualifiés.
C’est pour toutes ces raisons qu’éclate, en 1966, une grève de ces femmes dont le slogan « A travail égal, salaire égal » a fait le tour du monde et est passé à la postérité. En raison de son passé syndical et malgré le fait qu’elle ne travaille que depuis deux ans dans ces conditions terribles, les ouvrières choisissent Charlotte Hauglustaine comme présidente du comité des grévistes. Pendant douze semaines, leur mobilisation entraîne la paralysie de toute l’usine, presque tous les secteurs dépendant de leur travail.
Se référant à l’article 119 du traité de Rome qui proclame le principe d’égalité des salaires entre les hommes et les femmes pour un même travail, leur mouvement sera suivi internationalement, en Europe et jusqu’en Amérique latine. La mobilisation gagne d’autres entreprises de la région et, le 25 avril 1966, plus de 5000 personnes se rassemblent lors d’une marche sur Liège. A cette occasion, de nombreuses délégations belges et européennes se joignent au cortège.
Le 4 mai 1966, les « femmes-machines » obtiennent une augmentation de 2,75 francs de l’heure et, le 10 mai, elles rentrent en cortège à l’usine en chantant une dernière fois leur chant de ralliement : Le travail, c’est la santé mais, pour cela, il faut être payé. Cette victoire est un premier pas vers une meilleure prise en compte des femmes dans le monde du travail, tant au niveau belge qu’européen. Plus largement, cette action emblématique ouvre la voie à l’émancipation féminine, encore très largement à réaliser à cette époque.
Charlotte Hauglustaine fut faite Officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.
Marie-Thérèse COENEN, La grève des femmes de la F.N. en 1966. Une première en Europe, Bruxelles, POL-HIS, 1991
C. DEGUELLE, Les grèves féminines de la construction métallique et la revendication pour l’égalité de la rémunération, Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 325-326, 1966. Victoire pour les ouvrières de la FN, dans Combat, 12 mai 1966, p. 7.