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Hodson Jacques

Socio-économique, Entreprise

Nottingham 4/12/1771, Verviers 10/06/1833

De parents peu fortunés, James Hodson quitte la maison familiale à l’âge de 15 ans pour se former à la mécanique dans divers ateliers anglais. Se fixant à Londres, cet ouvrier spécialisé tient un établissement qu’il s’empresse de quitter quand, en 1802, il est appelé en Europe par William Cockerill. Installé à Verviers depuis 1799, ce dernier est sous contrat d’exclusivité avec la fabrique Biolley-Simonis pour laquelle il construit avec beaucoup de succès des machines textiles. Pour se défaire des clauses de son contrat d’exclusivité avec les deux industriels verviétois, William Cockerill incite James Hodson à établir à Verviers son propre atelier en s’associant avec l’aîné des fils Cockerill : ainsi disposera-t-il des précieux secrets de fabrication et pourra vendre des machines identiques aux industriels verviétois concurrents des Ywan Simonis et Jean-François Biolley.

Si les Cockerill s’installent définitivement à Liège à partir de 1807, Hodson poursuit durablement ses affaires à Verviers ; il s’impose comme le fournisseur des principaux fabricants de draps de Verviers, Hodimont, Ensival et Dison, voire jusqu’à Montjoie. À Verviers, Hodson forme des dizaines d’ouvriers mécaniciens et ouvre de vastes établissements destinés à construire des machines et à la filature de la laine. Dès 1803, les filatures J-N. David, Godart, Leloup et Meunier s’arrachent pour 12.000 francs de l’époque les moulins et assortiments sortis des ateliers Hodson. Ensuite, les Dethier, Godin, Duesberg, Peltzer, Hauzeur et autre Sauvage se lancent dans la course, transformant radicalement la vie économique et sociale de Verviers. En 1810, Verviers est devenu le premier centre continental de la laine cardée.

À l’origine mécanicien habile, celui qui a épousé Nancy Cockerill (la fille de William et la sœur de James et John) en 1807, se retrouve à diriger une société qui prospère, bénéficiant d’une protection certaine des autorités qui sont alors françaises et favorisent toutes les initiatives qui permettent de renforcer le blocus continental et d’affaiblir les Anglais… Il ne faut dès lors pas perdre de vue que Hodson comme les Cockerill sont considérés comme des traîtres sur leur île natale. En 1816, avec le drapier Sauvage, James Hodson achète, chez Hague et Topham à Londres, les deux premières machines à vapeur de type Watt du royaume des Pays-Bas.

En 1817, au décès de son épouse, il se retrouve seul avec ses six enfants, auxquels il laissera une fortune considérable, tant le succès de ses initiatives industrielles fut grand. En 1830, à la veille de l’indépendance de la Belgique, Hodson est à la tête de trois fabriques de draps, d’une teinturerie et de deux jardins avec rames. Dans les événements qui conduisent à la séparation des provinces belges et « hollandaises », l’un de ses fils, John, se distingue à la tête de volontaires verviétois, lors du combat dit de Rocour, en fait à Sainte-Walburge. Pour cela, il recevra la Croix de Fer que son père ne verra cependant pas.

 

Sources

Pierre LEBRUN, L’industrie de la laine à Verviers pendant le XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, Liège, 1948, p. 234-241

Antoine Gabriel DE BECDELIÈVRE-HAMAL, Biographie contemporaine de la province de Liège, Liège, impr. Jeunehomme, 1839, p. 4-5

Anne-Catherine DELVAUX, Inventaire des archives de la Société Cockerill Sambre (Groupe Arcelor) Siège de Seraing (1806-2005), Bruxelles, AGR, 2011, Archives de l’État de Liège, n°113

Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995

Michel ORIS, dans POTELLE Jean-François (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 127

P.M. GASON, Histoire des sciences et des techniques. John Cockerill et le nouveau monde industriel, Seraing, 1995

Suzy PASLEAU, Itinéraire d’un géant industriel, Liège, 1992

Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 328, 330, 338, 346

Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 351

Notice Cockerill, dans Biographie nationale, t. IV, col. 229

Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 145

Liste nominative de 1031 citoyens proposés pour la Croix de Fer par la Commission des récompenses honorifiques (p. 1-129) dans Bulletin officiel des lois et arrêtés royaux de Belgique, n°807, 1835, t. XI, p. 56-57

https://www.geni.com/people/James-Hodson/6000000024752924388

Onkelinx Gaston

Politique, Député wallon

Goyer-Jeuk 13/07/1932, Seraing 30/01/2017

Député wallon : 1980-1981 ; 1981-1985 ; 1985-1987

Après des humanités inférieures à l’Athénée de Saint-Trond, Gaston Onkelinx quitte le Limbourg avec ses parents venus trouver du travail à Seraing. Son père entre en usine et sa mère tient un café-cinéma en face des hauts-fourneaux de Seraing. Engagé comme ouvrier à Ougrée-Marihaye en 1950, Gaston Onkelinx n’achève pas ses humanités. Militant syndical et politique actif, il est élu délégué syndical FGTB au sein du groupe Cockerill (1959-1971). En contact avec André Cools au moment de la grève wallonne de l’hiver ’60-’61, il est chargé de constituer des sections d’entreprises, afin de permettre au PSB d’être en contact étroit avec le monde ouvrier. Bien que l’initiative ne soit guère appréciée par les syndicats, G. Onkelinx parvient à créer des sections à Cockerill, à Phénix Word et à Ferblatil. Il assure la coordination entre les sections et devient président des sections d’entreprise pour Liège. C’est à ce titre qu’André Cools l’invite à mettre le pied à l’étrier de la politique. En octobre 1970, il est élu conseiller communal et devient immédiatement échevin des Affaires sociales à Ougrée.

Élu député en mars 1974, Gaston Onkelinx met un terme à une carrière de vingt-quatre années passées à l’usine et prend désormais la défense de ses camarades au sein de la Chambre des représentants.

Échevin d’Ougrée puis de Seraing (1971-1988), il est constamment réélu dans ces cités du fer où le Parti socialiste dispose de la majorité absolue. Il ne se passionne pas pour les questions institutionnelles, mais il ne peut rester indifférent à l’avant-projet de fusion de communes qui prévoit le profond découpage de sa localité d’Ougrée, une partie étant attribuée à Liège, l’autre à Seraing. En août 1980, il se joint à l’ensemble des parlementaires socialistes, chrétiens et libéraux qui adoptent, à la majorité spéciale, les lois dites d’août 1980, donnant notamment naissance aux organes politiques de la Région wallonne. Dès le 15 octobre, il siège au Conseil régional wallon, dont il sera membre jusqu’en novembre 1987 et la fin de son mandat de député. Laissant ainsi la voie libre à sa fille Laurette, il se consacre exclusivement à la politique locale.

Au sein du collège sérésien, le PS s’appuie sur une large majorité absolue. Devenu sénateur provincial fin 1987, le bourgmestre G. Mathot doit renoncer à l’un de ses deux mandats pour se conformer aux statuts de son parti. En mai 1988, Gaston Onkelinx reprend l’écharpe maïorale et est confirmé par le scrutin d’octobre 1988. Président de l’Aide (Association intercommunale pour le démergement et l’épuration des communes de la province de Liège) depuis 1988, vice-président de la SWDE, administrateur à la SPI, membre du Groupe Liège 2000, président de la nouvelle Intercommunale d’Incendie de Liège (janvier 1993), Gaston Onkelinx est un mandataire qui compte dans les savants équilibres mis en place à Liège par André Cools. Sa disparition tragique le 18 juillet 1991 attise davantage encore les tensions au sein de la turbulente Fédération liégeoise du PS, dont Gaston Onkelinx est le vice-président (1990-1992). Co-fondateur de l’asbl Institut André Cools (1992), identifié comme un « coolsien radical », membre du « groupe de Flémalle », G. Onkelinx demeure l’un des derniers résistants et des plus réticents lorsque les instances socialistes liégeoises parviennent à une pacification interne, fin 1992, début 1993.

Atteint par la limite d’âge de soixante ans imposée par les statuts du PS, il cède la fonction de bourgmestre à Jacques Vandebosch, son Premier échevin, à la date du 1er janvier 1994 et demeure conseiller communal. Tout en continuant à animer le Groupe Jaurès, il est président de la Confédération des prépensionnés et pensionnés socialistes (jusqu’en novembre 2012).
 

Sources

Cfr Encyclopédie du Mouvement wallon, Parlementaires et ministres de la Wallonie (1974-2009), t. IV, Namur, Institut Destrée, 2010, p. 471-472

 

Mandats politiques

Conseiller communal d’Ougrée (1971-1976)
Echevin (1971-1976)
Député (1974-1987)
Conseiller communal de Seraing (1977-2017)
Echevin (1977-1988)
Membre du Conseil régional wallon (1980-1987)
Bourgmestre (1988-1994)

© SPW-SG/J.-L. Carpentier

Quévit Michel

Académique, Militantisme wallon

Rebecq Rognon 11/10/1939, Louvain-la-Neuve 10/04/2021

C’est à l’âge de 38 ans que Michel Quévit défend sa thèse de doctorat en Sociologie à l’UCL ; elle fait rapidement l’objet d’un livre intitulé Les causes du déclin wallon qui fera date.

Ce diplôme universitaire est en lui-même le résultat d’un combat social pour celui qui avait entamé sa vie professionnelle en tant qu’apprenti typographe (1954-1958). Loin de la Guerre scolaire, il milite alors en faveur des droits des jeunes travailleurs, au sein de la JOC Brabant [wallon]. Encouragé à mener des études supérieures, il réussit ses candidatures en Philosophie à l’Institut supérieur de Philosophie de l’Université catholique de Louvain, avant de s’orienter vers les Sciences politiques-Relations internationales. En plus de ses licences à l’UCL – sous la direction du professeur Jean Ladrière, il a étudié la « phénoménologie des relations Est-Ouest » –, il sera diplômé de l’International Teacher Program (ITP) de la Harvard Business School.

Menant ses études à Leuven durant les années 1964-1968, Michel Quévit n’échappe pas à l’atmosphère revendicative du mouvement flamand et aux débats sur le transfert de la section francophone de l’université catholique en terres wallonnes. Président du Cercle des Étudiants en Sciences politiques de l’UCL puis président du Mouvement universitaire belge des Étudiants francophones, il s’engage résolument à la fois en faveur du transfert de l’UCL vers la Wallonie et dans la lutte pour la démocratisation des études universitaires, autant de thématiques qui l’amèneront à participer aux travaux du Groupe B-Y et à apporter sa contribution à l’ouvrage collectif Quelle Wallonie ? Quel socialisme ? (1971). Il est aussi actif au sein du mouvement Objectif 72 animé par François Martou, et membre du comité de direction de la Revue nouvelle (1970-1977).

Chercheur au Centre de perfectionnement des entreprises créé par le professeur Michel Woitrin, celui qui est alors boursier se spécialise dans la sociologie des organisations à l’université du Wisconsin et en méthodologie en sciences politiques à l’université du Michigan. Dirigée par le professeur Michael Aiken (Université du Wisconsin), sa thèse doctorale (1977) porte sur les déséquilibres régionaux en Belgique de 1830 à 1973 ; elle se retrouve dans les pages du livre Les causes du déclin wallon. L’influence du pouvoir politique et des groupes financiers sur le développement régional, ouvrage qui contribue à son choix comme Wallon de l’Année 1981.

En étant l’un des premiers universitaires à expliquer clairement et méthodiquement Les causes du déclin wallon (1978), Michel Quévit apporte au mouvement d’émancipation de la Wallonie une contribution majeure, à l’heure où l’application définitive de l’article 107 quater de la Constitution est au cœur des débats politiques. Avec un inévitable regard sur le passé, le sociologue entend surtout attirer l’attention sur les potentialités du redéploiement économique de la Wallonie. Très tôt attiré par les problématiques régionales, Michel Quévit les aborde à l’échelle européenne.

Engagé avec la fonction de « conseiller spécial » auprès du premier Ministre-Président de l’Exécutif régional wallon, Jean-Maurice Dehousse (1979-1983), Michel Quévit contribue à l’élaboration d’une politique de reconversion de l’économie régionale wallonne, tout en étant chargé de négocier avec Edgar Faure le projet qui voit le jour en 1980 à Louvain-la-Neuve, par la convocation de l’assemblée constitutive du Conseil des Régions d’Europe, co-présidée par E. Faure et J-M. Dehousse.

Avec La Wallonie, l’indispensable autonomie (1982), Michel Quévit publie la suite logique de son premier ouvrage. En 1983, il est parmi les initiateurs du Manifeste pour la Culture wallonne, avant de relever le défi d’être le rapporteur général des Congrès « La Wallonie au futur », organisés à l’initiative de l’Institut Destrée. En quête d’un « nouveau paradigme » (Charleroi, 1987), Michel Quévit synthétise les multiples contributions de spécialistes, universitaires et intellectuels, issus de tous les horizons, réunis dans une démarche pluraliste, au sein de quatorze ateliers thématiques. À partir de toutes les contributions et des discussions qui en découlent, il contribue à faire émerger un véritable mouvement de réflexion sur le développement et l’avenir économique, social et culturel de la Wallonie. En associant à ses conclusions Riccardo Petrella, directeur du programme FAST à la Commission européenne, il inscrit résolument la prospective régionale wallonne dans la dimension européenne. Président du Comité scientifique de cette dynamique prospective permanente, il accompagne les congrès « le défi de l’éducation » (1991), « les stratégies pour l’emploi » (1995) et « les problématiques de l’évaluation et de la prospective territoriale » (1998).

Co-auteur avec les professeurs Robert Tollet (ULB) et Robert Deschamps (FUNDP) d’une étude remarquée sur les institutions belges où il invite à se diriger Vers une réforme de type confédéral de l’État belge dans le cadre du maintien de l’unité monétaire (Prix de la SMAP 1984, décerné par CESRW), Michel Quévit conservera toujours, malgré les nombreuses responsabilités professionnelles qu’il exerce par ailleurs, de profondes convictions sur l’avenir institutionnel de la Belgique qu’il fait partager, en 2010, quand il s’interroge, sous forme d’un essai, sur la réalité des liens de solidarité entre Flandre - Wallonie Quelle solidarité ? : De la création de l’État belge à l’Europe des Régions.

Chargé du cours de Développement régional à la Faculté Ouverte de Politique Économique et Sociale, puis à la Faculté des Sciences économiques et sociales de l’UCL, Michel Quévit se voit aussi confier le cours consacré à la stratégie de l’entreprise, enseigné aux classes terminales des ingénieurs au département des sciences, ainsi que le séminaire relatif aux questions européennes au département des sciences politiques et sociales. En 1983, à Louvain-la-Neuve toujours, il crée un groupe de Recherche Interdisciplinaire en Développement Régional (RIDER) dont l’objectif principal est de mener des recherches scientifiques et des expertises dans le domaine du développement régional en Europe.

Membre du Centre Européen de Développement Régional (CEDRE) destiné à soutenir intellectuellement les travaux du Conseil des Régions d’Europe, qu’il avait contribué à créer et qui préfigure l’actuel Comité des Régions, il devient membre du Groupe de Recherche Européen sur les Milieux Innovateurs (1984-1999) et y est étroitement associé à la riche production scientifique produite par le GREMI dans le domaine du développement territorial et de la problématique des milieux innovateurs en Europe. Représentant du gouvernement belge au Conseil supérieur de l’Institut universitaire européen de Florence (1992-2002), dont il assure la présidence en 1997, il est désigné, en 1995, par direction de la politique régionale de la Commission européenne, au Comité de Suivi de l’European Business Innovation Centers Network (EBN), dont il sera le CEO de 1998 à 2000, avant de démissionner.

Expert OCDE, expert auprès des autorités européennes, fondateur et directeur du Réseau Innovation et Développement régional (RIDER II), Michel Quévit s’est constamment impliqué dans des dossiers importants relatifs au développement rural, à la reconversion régionale dans les pays industrialisés, à l’évaluation des politiques publiques, à la mise en place de programmes européens, aux politiques industrielles et d’innovation, et à la place de la culture dans la construction européenne.

En 2012, il a été élevé au rang d’officier du Mérite wallon.

 

Sources

Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de presse -2021 ; Fonds Fondation Bologne-Lemaire
Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, 2001, t. III

Onnou Alphonse

Culture, Musique

Dolhain 19/12/1893, Madison 29/11/1940

Violoniste virtuose, le jeune Verviétois Alphonse Onnou s’inscrit résolument dans les pas de ses illustres devanciers que furent François Prume, Henri Vieuxtemps et autres Guillaume Lekeu. Le quatuor à cordes qu’il forme à la veille de la Grande Guerre lui survivra : en 2013, le quatuor Pro Arte, qui aurait pu s’appeler Quatuor Onnou est fêté aux États-Unis à l’occasion de son centième anniversaire.

Issu d’un milieu modeste (son père était tailleur), formé à l’École de musique de Verviers (auprès de Louis Kefer et de Nicolas Fauconnier), Alphonse Onnou se révèle un violoniste hors pair ; le Prix Vieuxtemps le récompense, ainsi que la médaille de vermeil pour la musique de chambre (1911). Dès 1912, lorsqu’il fréquente le Conservatoire de Bruxelles (classe d’Alexandre Cornélis), il forme avec des condisciples un petit groupe de musiciens avec l’intention de défendre un répertoire de musique contemporaine. D’emblée, Onnou en est le premier violon. Il faudra quelques années avant que ne se mette en place définitivement le Quatuor Pro Arte, nom trouvé en 1917. La composition du groupe varie fortement en ces années de guerre et de reconstruction. Mais Onnou s’appuie très rapidement sur Laurent Halleux, un autre Verviétois, comme second violon. Fernand Quinet et Germain Prévost les rejoignent en 1919, avant que Quinet (Prix de Rome 1921) ne cède son siège à Robert Maas ; il s’agit du dernier changement significatif avant le succès remporté par le quatuor dans l’Entre-deux-Guerres.

Contraints au service militaire, les jeunes musiciens se produisent parfois sous le nom de Quatuor à Archets du 1er Régiment des Guides (1920-1921), mais une fois libérés de leurs obligations, les membres du quatuor ne vont plus cesser de se produire sous le nom Pro Arte, faisant connaître des compositeurs de leur époque (choix artistique d’Onnou), ou plus classiques (orientation de Halleux). Ils interprètent Schönberg, Berg, Roussel, Honegger, Absil… et reçoivent des compositions spécifiques de Bartok, Milhaud, Stravinsky, qui sont autant de témoignages de la qualité du groupe. Pendant un peu plus de dix ans, jusqu’au début des années 1930, Bruxelles est le lieu régulier des Concerts Pro Arte, mais, de plus en plus souvent, le quatuor est appelé à l’étranger. Parfois, Alphonse Onnou est invité à se produire en dehors du quatuor, avec son violon René Aërts, modèle Guadagnini ; mais il s’agit là d’exceptions pour ce virtuose doué d’une capacité de mémorisation peu commune.

Remarqué par Elizabeth Sprague Coolidge, une milliardaire américaine passionnée par la musique de chambre, le quatuor est invité aux États-Unis dès 1926 ; il se produit lors de l’inauguration de la salle de musique de la bibliothèque du Congrès, à Washington, puis régulièrement, grâce à sa mécène, il retourne en Amérique du Nord pour donner notamment les Concerts Pro Arte-Coolidge. À travers les États-Unis, les tournées du quatuor d’Onnou sont appréciées, mais fatigantes : en 1939, Robert Maas déclare forfait. Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, Onnou et ses compagnons musiciens (dont le violoncelliste anglais Warwick-Evans pour remplacer Maas) se trouvent aux États-Unis. Coincés Outre-Atlantique, ils décident de continuer à se produire sur place. Le responsable de l’Université du Wisconsin, leur offre l’hospitalité à Madison, sur le campus, en tant que « quatuor-en-résidence ».

Frappé d’une leucémie, aux États-Unis, en 1940, Onnou est le premier à disparaître. Il est remplacé par le catalan Antonio Brosa (1894-1979), formé à Barcelone à l’école verviétoise du violon par Mathieu Crickboom. Remplacés au fur et à mesure, les membres originels du quatuor (l’altiste Prévost est le dernier du groupe originel en 1947) cèdent la place à des Américains qui perpétuent durablement le Pro Arte Quartet of the University of Wisconsin puisque le quatuor fête ses cent ans d’existence en 2013, avant d’entreprendre une courte tournée en Wallonie et à Bruxelles. En 1944, Stravinsky écrit pour Germain Prevost l’Élégie pour alto solo qui se joue entièrement en sourdine, pour honorer la mémoire d’Alphonse Onnou le fondateur du Quatuor Pro Arte.
 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, en particulier Le Jour Verviers du 02/05/2014, La Libre Culture du 21/05/2014
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 394
http://proartequartet.org/about.html (s.v. décembre 2014)
Anne VAN MALDEREN, Le quatuor Pro Arte (1912-1947), dans Revue de la Société liégeoise de musicologie, Liège, 2002, n°19, p. 25-45 sur http://popups.ulg.ac.be/1371-6735/index.php?id=480&file=1 (s.v. décembre 2014)
Anne VAN MALDEREN, Historique et réception des diverses formations Pro Arte (1912-1947) : apport au répertoire de la musique contemporaine, thèse, Louvain-la-Neuve, 2012, cfr http://dial.academielouvain.be/handle/boreal:114941 
https://welltempered.wordpress.com/tag/composer/   (s.v. décembre 2014)
Eric Walter WHITE, Stravinsky : A critical Survey 1882-1946, Toronto, 1997, p. 180

Jardon Henri-Antoine

Militaires

Verviers 03/02/1768, Guimarães 25/03/1809

Général d’empire, dont le nom est inscrit sur l’Arc de Triomphe de l’Étoile à Paris (pilier ouest, colonne 38), Henri Jardon a connu une carrière militaire particulièrement riche en péripéties. 

Fils de Léonard Jardon et d’Elisabeth Lambertine Sechehaye, benjamin de neuf enfants, Henri-Antoine Jardon semblait promis à la succession de son père, boulanger de son état, quand, comme certains de ses frères, il est aspiré par le tourbillon révolutionnaire de 1789. Volontaire engagé dans le régiment des patriotes menés par Fyon, il gagne ses galons sur le terrain et devient lieutenant après la « bataille » de Zutendael. Malgré leur bonne volonté et leur détermination, les patriotes liégeois ne peuvent rien face aux Autrichiens qui remettent le prince-évêque sur son siège (1790). Contraint à l’exil, Jardon trouve refuge en France, singulièrement à Givet, où les proscrits forment légion pour venir en aide à la République dans la guerre déclarée à l’Autriche (20 avril 1792). 

Désigné à la tête d’une compagnie de la « Légion liégeoise », Jardon se distingue sur différents champs de bataille de façon si convaincante que, le 23 mars 1794, la Convention le promeut général de brigade. N’acceptant cet honneur qu’à la condition de rester à la tête de « ses » tirailleurs liégeois, il est intégré à la division Souham, et fait partie de l’Armée de Sambre et Meuse qui, sous les ordres de Jourdan, repousse les Autrichiens au-delà de la Meuse, après la prise de Charleroi et la bataille de Fleurus (26 juin 1794). Durant la campagne de Hollande, le Verviétois multiplie les faits d’armes, ce qui accroît d’autant son aura auprès de ses troupes (1795).

Promu commandant militaire du département de la Dyle (fin 1795), Jardon déprime jusqu’au moment où éclate une révolte de paysans en Campine, qu’il réprime (siège de Diest et bataille de Hasselt, automne 1798). Début 1799, il reçoit l’ordre de rejoindre l'armée du Danube, sous les ordres de Jourdan puis de Masséna. Dans le Valais, dans la vallée du Rhône comme sur le Rhin, Jardon et ses hommes apportent une contribution précieuse dans le succès des desseins français.

Après deux ans d’inactivité pour cause de réduction des cadres de l’armée (1801-1803), Jardon est rappelé pour assurer le commandement du département des Deux-Nèthes. Dans la foulée, le 11 décembre 1803, il est fait chevalier de la Légion d'honneur et, le 14 juin 1804, commandeur. Reparti en guerre du côté de l’Espagne cette fois (1808), à la suite de l’empereur, il prend part aux opérations devant conduire à la soumission du Portugal. C’est au cours d’une attaque destinée à prendre position à Guimarães que, s’étant porté aux avant-postes pour exhorter ses troupes, Henri Jardon est frappé d’une balle en pleine tête. Mort au combat (c’est la raison pour laquelle son nom est souligné sur l’Arc de Triomphe), il est enterré sur place.

On comprend à la lecture des principaux faits d’armes qui précèdent qu’une légende ait entouré ce général, Verviétois d’origine, à la vie si riche de péripéties. Une rue de la cité lainière porte son nom.

Sources

P. HENRARD, dans Biographie nationale, t. X, col. 154-170
Histoire du Général Jardon, Gand, 1838
Charles MULLIÉ, Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, Paris, 1852
Remember, Nos Anciens. Biographies verviétoises 1800-1900, parues dans le journal verviétois L'Information de 1901 à 1905, Michel BEDEUR (préf.), Verviers, ed. Vieux Temps, 2009, coll. Renaissance, p. 65-67
Philippe RAXHON, La mémoire de la Révolution française. Entre Liège et Wallonie, Bruxelles, Labor, 1996, p. 109

Chambon Raymond

Socio-économique

Momignies 07/04/1922, Charleroi 1976

Spécialiste du verre, initiateur du Musée du Verre inauguré à Charleroi en 1966 sur base de sa propre collection, Raymond Chambon est un personnage atypique, considéré comme un expert international de son vivant, dont les travaux ont fait longtemps référence, avant d’être sérieusement remis en question.

Peu avant la Seconde Guerre mondiale, le jeune Chambon suit les cours de la section artistique de l’école Saint-Luc à Mons ; dans le même temps, la recherche du passé passionne ce natif de Momignies, cité où bat le cœur de l’industrie wallonne du verre depuis des décennies. Et comme l’occupation allemande entrave son cursus scolaire, il transforme son loisir en activité permanente ; délaissant ses premières recherches sur la toponymie de Momignies, Beauwelz et Macquenoise, il explore le domaine des activités artisanales anciennes, s’intéressant d’abord à la fabrication de la dentelle dans les environs de Beaumont, Chimay, Cerfontaine et Couvin, avant de se consacrer quasi exclusivement à l’histoire de la verrerie. Son premier article sur le sujet date de 1943 ; de nombreux autres vont suivre, dans lesquels il affirme notamment avoir découvert des traces d’atelier de verriers à différentes époques. Élargissant progressivement son horizon, il quitte les terres de la botte du Hainaut et embrasse la totalité du territoire belge quand, en 1955, il fait paraître une volumineuse synthèse, préfacée par Germaine Faider-Feytmans, et qui fait d’emblée référence : Histoire de la Verrerie en Belgique du IIème siècle à nos jours. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, Chambon apparaît, aux yeux des scientifiques, comme un « verrier » en mesure d’apporter des éléments neufs « à l’étude de cette industrie d’art de notre passé, grâce à des connaissances scientifiques et techniques ».

Il est vrai qu’il a été engagé par les verreries en flaconnage de Momignies et par l’Union des Verreries mécaniques belges (Univerbel) en tant qu’attaché au département prospection des services commerciaux ; et en 1949, il ne cache pas qu’il rêve d’un grand musée chimacien du verre. Conseiller au sein de Glaver puis Glaverbel (1961), animateur de l’Institut national du Verre, il prend une part très active dans l’organisation du VIIe Congrès International du Verre qui se tient à Bruxelles, du 28 juin au 3 juillet 1965 ; responsable de la section « Art et histoire », Chambon accueille près de 75 spécialistes internationaux, d’Europe occidentale ou d’Europe de l’Est, des États-Unis et d’URSS, venus exposer leurs plus récentes découvertes, de fouilles de sites ou d’analyses de techniques de toutes les époques.

En 1963 ou 1966, Chambon cède sa collection personnelle à la ville de Charleroi, du moins en revend-il une partie importante, et il ne va plus cesser de travailler qu’à la création et à la naissance d’un Musée du Verre. En 1969, il signe le catalogue d’une importante exposition intitulée Trois siècles de verreries au Pays de Charleroi, 1669-1969. Et en 1973, le Musée du Verre est officiellement inauguré dans les bâtiments de l’Institut national du Verre (bld Defontaine) à Charleroi. Raymond Chambon en devient le premier Conservateur jusqu’à son décès en 1976. Membre de l’Institut archéologique liégeois, expert bénévole auprès des Musées Curtius et d’Ansembourg dont il figure parmi les donateurs, membre du Comité international du Verre pour les pays du Benelux, Raymond Chambon est considéré comme l’un des meilleurs spécialistes de l’histoire du verre.

Depuis le début du XXIe siècle cependant, de sérieux doutes commencent à planer sur ses écrits. Expert scientifique éclairé, Raymond Chambon était aussi, sans aucun doute, un marchand de verreries ; entre commerce et expertise, une confusion se serait installée, par naïveté ou pour d’autres raisons. Deux grandes thèses traversent les écrits de Chambon : d’une part, faire de sa région d’origine le cœur d’une industrie verrière, de luxe et particulièrement en avance sur son temps et, d’autre part, démontrer une continuité certaine de cette industrie régionale de l’époque romaine jusqu’à la Renaissance. Pour établir cette continuité (déjà mise en doute en 1954 par G. Faider-Feytmans pour la transition entre Rome et les Mérovingiens), Chambon avance des découvertes impossibles à vérifier, compile des articles antérieurs en élaguant les hypothèses ou s’appuie sur des faux dont il est l’auteur. 

Présentés comme des documents inédits trouvés dans les archives, son Itinéraire de la Rouillie, sa Monstrance de Beauwelz et son Journal d’Amandt Collinet (entre autres) sont autant de falsifications destinées à glorifier la terre de ses ancêtres, voire sa propre personne, celle d’un autodidacte passionné. « (…) instigateur d’une immense machination historique », « mystificateur et érudit-faussaire » (PAINCHART), Raymond Chambon a brouillé jusqu’à l’opacité l’histoire d’une industrie dont la qualité première était la transparence. Acquises par le Corning Museum Glass de New York, les archives Chambon ne sont plus accessibles actuellement. Conséquence majeure de la forfaiture de Chambon, tous les travaux ultérieurs – et ils sont nombreux – qui avaient pris Chambon comme référence doivent être remis en question : ainsi par exemple en est-il de la date et de la valeur de collections internationales, ainsi que de la place réelle du pays de Chimay dans l’histoire du verre en Europe.

Cédé à la ville de Charleroi par la Fédération des Industries verrières, le Musée du Verre s’est progressivement éloigné de la conception muséale initiale de Chambon, qui accordait la priorité aux techniques du verre, liées à l’histoire et à l’art des verriers. Dans le cadre du phasing out Objectif I, avec le soutien de la Région wallonne et de l’Union européenne, un nouvel espace a vu le jour dans le bâtiment classé – dit « La Lampisterie », au sein du Bois du Cazier à Marcinelle, avec une approche muséographique entièrement renouvelée.

Sources

Benoît PAINCHART, L’activité verrière des Colinet au Sart de Chimay, XIIIe-XVIIe siècles, cinq articles répartis  dans la revue Éclats de Verre, du n°21 au n°25, mai 2013-mai 2015, en particulier la deuxième partie : en quête de vérités, les preuves de la non-existence de Verreries au Surginet et au Fourmathot au XVIe siècle, dans Éclats de Verre, novembre 2013, n°22, p. 34-46
André DEFLORENNE, Momignies. 2000 ans d’histoire verrière, Les verreries forestières. La verrerie de Momignies, Centre culturel de Momignies, 2002, 248 p.
Art verrier 1865-1925, [Exposition organisée par la Fédération belge du verre à l’occasion du VIIe Congrès international du verre aux Musées Royaux d’Art et d’Histoire à Bruxelles de juin à juillet 1965].
Fédération de l’industrie du verre (éd.), VIIe congrès international du verre. Bruxelles 28 juin-3 juillet 1965. Programme préliminaire, Bruxelles, Centre technique et scientifique de l’industrie belge du verre et Institut national du verre, 1965
Chantal FONTAINE, Gravure sur verre et falsification…, dans Bulletin de l’association française pour l’Archéologie du verre, 2007, p. 30-31
Janette LEFRANCQ, Apports et incidences de l’œuvre de Raymond Chambon sur l’histoire de la verrerie en Belgique, dans Annales du XVIIe Congrès de l’AIHV, Anvers, 2009, p. 339-343
Jutta-Annette PAGE, The ‘Catalogue Colinet’ : a mid-16th-century manuscrit ?, dans Johan VEECKMAN (dir.), Majolique et verre de l’Italie à Anvers et au-delà : la diffusion de la technologie au XVIe et au début du XVIIe siècle, Anvers, 2002, p. 243-262
Germaine FAIDER-FEYTMANS, Verreries gallo-romaines et franques en Thiérache belge, dans L’antiquité classique, t. 15, fasc. 1, 1946, p. 135 ; cfr aussi L’antiquité classique, t. 18, fasc. 1, 1949. p. 404
Pierre HOMBERT, Raymond Chambon et Holger Arbman, Deux fours à verre d’époque mérovingienne à Macquenoise (Belgique), dans L’antiquité classique, t. 23, fasc. 2, 1954, p. 583
Chantal FONTAINE-HODIAMONT, Helena WOUTERS, Deux verres d’époque romaine falsifiés par une gravure moderne. Un ‘héritage’ de Raymond Chambon dans Bulletin de l’Institut royal du Patrimoine artistique, 33, 2009/2012, p. 29-50
Identifiée par Chantal Fontaine, la soixantaine de publications de Raymond Chambon est inventoriée ici : http://afaverre.fr/Afaverre/bibliographie-de-raymond-chambon-concernant-le-verre/

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COLNET (ou COLLINET) Amandt

Socio-économique, Entreprise

Lieu de naissance inconnu après 1580,  lieu et date de décès inconnus

« Facteur de verrerie » à Momignies, Amandt Colinet (Colnet) appartient à une dynastie de verriers actifs  en pays wallon depuis la fin du XIVe siècle, et originaires du pays de Chimay. À la lecture d’une liste de privilèges accordés par Philippe II en 1559, on se rend compte qu’ils sont une dizaine de Colnet à en bénéficier pour des fours et exploitations installés à Barbençon, Froidchapelle, Momignies, Genappe, voire Namur et le pays de Liège. Amandt Colnet (ou Collinet) n’est pas explicitement cité parmi les Colnet bénéficiant des dits privilèges, mais il présente la particularité d’avoir tenu un journal de manière ininterrompue durant quarante ans sur l’activité des verreries de Momignies (entre 1567 et 1613). Cela devrait suffire pour le ranger parmi les illustres Colnet verriers, d’autant que son témoignage apporte  une mine de renseignements sur la pratique quotidienne du métier, le contexte économique et politique de l’époque. Telle était la thèse développée par Raymond Chambon, cet historien, expert international de l’histoire du verre, qui découvrit plusieurs archives exceptionnelles, dont la monstrance de Beauwelz et le fameux Journal d’Amandt Collinet, qui lui permirent de démontrer que la région de Chimay était un lieu exceptionnel, avant-gardiste et permanent dans l’histoire du verre.

Si l’on en croit le journal, vers 1560, Amandt Colnet se rend notamment en Italie pour embaucher des ouvriers vénitiens et altarais, et les convaincre de travailler dans le pays de Chimay. Mais les guerres de religion sont néfastes à ses activités, à la fois par la baisse des commandes et le départ des ouvriers. Aussi, les deux verriers recrutés fuiront après quelque temps en raison des troubles qui règnent dans les Pays-Bas espagnols. Amandt Collinet en trouvera d’autres, venant de France ou de l’empire germanique ; vers 1582, la production reprend avec trois Altarais, et l’année suivante, il engage un Joseph Dorlodot et son fils, venus de France ; ils travailleront au Surginet à la fabrication de verres allemands. Les verriers italiens produisent alors des objets en verre fougère très clair de très bonne facture, ainsi que des objets « courants » décorés. En 1595, en raison des troubles à nouveau, les fours ne peuvent être rallumés, les ouvriers ayant fui vers d’autres cieux (Anvers, Liège notamment). 

Les Colnet sont alors contraints de revendre la verrerie de Momignies ; néanmoins Amandt Colinet continue d’y être employé. Avec la fin du siècle, les verreries de Leernes et de Froidchapelle ferment définitivement : face à la concurrence, leur production de verre à vitre n’est plus compétitive ; les verreries s’installent désormais à proximité des gisements houillers. Avec ses « produits haute gamme », Beauwelz, par contre, reste à la pointe, quelques progrès techniques ayant été utilement introduits ; on y produit des verres de cristal qui concurrencent ceux de Philippe Gridolphi, à Anvers. Face à la multiplication des verriers, Gridolphi obtient des gouverneurs des Pays-Bas le monopole absolu de cette production dans les provinces espagnoles (1607) et, malgré l’intervention du prince de Chimay, Surginet doit cesser ses activités à la manière de Venise. La fournaise est définitivement éteinte en 1620. En un demi-siècle, les Colnet perdent quasiment toutes leurs activités verrières en pays wallon.

Découvert par Raymond Chambon, le Journal d’Amandt Collinet (Colnet) présente un intérêt substantiel pour appréhender la production verrière au XVIe et au début du XVIIe siècle. Cependant, la critique historique récente a démontré que ce témoignage exceptionnel d’un autre temps n’est rien d’autre qu’un faux, fabriqué grossièrement par Raymond Chambon. En 2001/2002, analysant la monstrance de Beauwelz, appelée aussi le Catalogue Colinet, Jutta-Annette Page a démontré que l’encre du Catalogue n’a été fabriquée qu’après 1840, qu’il a été écrit à la plume métallique et non à la plume naturelle et que l’analyse des papiers présente des incohérences. Démontrant force preuves à l’appui que les « trouvailles » de Chambon, dont son Journal d’Amandt Collinet, ont été forgées de toutes pièces vers 1940, Benoit Painchart affirme pour sa part que « le personnage emblématique d’Amandt Collinet (ou Colnet) ne peut en aucun cas être celui d’un maître de fournaise ayant exercé son activité de 1567 à 1613. Sa naissance se situe peu après 1580 » et il est d’une lignée de Colnet n’exerçant pas le métier de verrier, mais active dans la sidérurgie. Par ailleurs, cet Amandt Collinet a simplement été échevin puis mayeur de Beauwelz au début du XVIIe siècle.

Alors qu’il n’y a pas eu d’activités verrières au Surginet et au Fourmathot au XVIe siècle, cet Amandt Collinet  occupe une place de choix dans de nombreux ouvrages et articles scientifiques qui s’appuyaient en toute confiance sur la synthèse de Chambon. Or, contrairement à la thèse de Chambon, le pays de Chimay n’a pas été, au XVIe siècle, « une aire de production d’exception, tant par l’excellence de ses produits que pour la précocité de ses installations en ce qui concerne « la façon de Venise » (PAINCHART, 22, p. 34).

 

Sources

Benoît PAINCHART, L’activité verrière des Colinet au Sart de Chimay, XIIIe-XVIIe siècles, cinq articles répartis  dans la revue Éclats de Verre, du n°21 au n°25, mai 2013-mai 2015, en particulier la deuxième partie : En quête de vérités, les preuves de la non-existence de Verreries au Surginet et au Fourmathot au XVIe siècle, dans Éclats de Verre, novembre 2013, n°22, p. 34-46
Benoît PAINCHART, Les Colinet non verriers et leur diffusion en terres de Chimay, de Trélon et d’Etroeungt, XIVe-XVIIe siècles, dans L’Avesnois. Bulletin du Cercle historique et généalogique de Berlaimont, septembre 2013, n°31, p. 43
Janette LEFRANCQ, Apports et incidences de l’œuvre de Raymond Chambon sur l’histoire de la verrerie en Belgique, dans Annales du XVIIe Congrès de l’AIHV (qui a eu lieu à Anvers en 2006), Anvers, 2009, p. 339-343
Jutta-Annette PAGE, The ‘Catalogue Colinet’ : a mid-16th-century manuscrit ?, dans Johan VEECKMAN (dir.), Majolique et verre de l’Italie à Anvers et au-delà : la diffusion de la technologie au XVIe et au début du XVIIe siècle, Anvers, 2002, p. 243-262
Raymond CHAMBON, Les Verreries forestières du Pays de Chimay du XIIe au XVIIIe siècle d’après les documents d’archives, dans Publications de la Société d’histoire régionale de Rance 1959-1960, Chimay, 1960, t. IV, p. 111-180
Ann CHEVALIER, Jacques TOUSSAINT, L’aventure du cristal et du verre en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1999
M. THIRY, Les verreries du Hainaut, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique : des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 93-103
Virgile LEFEBVRE, La verrerie à vitres et les verriers de Belgique depuis le XVe siècle, Charleroi, Université du Travail, 1938
Raymond CHAMBON, Histoire de la verrerie en Belgique du IIe siècle à nos jours, Bruxelles, 1955
Isabelle LECOCQ, Le verre plat dans le vitrail monumental des anciens Pays-Bas au XVIe siècle dans S. Lagabrielle et M. Philippe (éd.), Verre et fenêtre de l’Antiquité au XVIIIe siècle, Actes de colloque, Paris, 2009, p. 147-157.
http://www.verre-histoire.org/colloques/verrefenetre/pages/p403_01_lecocq.html (s.v. novembre 2014)

Gérard André

Culture, Edition

Verviers 04/09/1916, Woluwe-saint-Pierre 14/06/1985

Dans le monde de l’édition, le nom d’André Gérard doit être associé à celui de la maison Marabout et au lancement de la toute première collection de livres de poche européen en langue française ; c’était à Verviers, le 15 mars 1949.

Formé très jeune au métier de typographe dans la société familiale Gérard et Cie créée en 1930, l’adolescent aspire à voyager et mène des études en Sciences économiques à l’Université de Liège (diplômé en 1938), avec la perspective d’entrer ensuite dans la diplomatie. Mobilisé dans l’infanterie, le jeune soldat belge est entraîné dans la Campagne des 18 Jours et échappe de justesse à une captivité de cinq ans dans les lointains stalags. De retour à Verviers, il décide de s’investir dans l’imprimerie paternelle.

Celui qui fréquente le mouvement scout depuis sa jeunesse et est chef de troupe à Sainte-Julienne fonde « Scout Press » (1943), et lance une série d’imprimés, dont le Scout Magazine qui connaît un succès mitigé à la Libération. Quant au contrat qui lie l’imprimerie verviétoise à une société anglaise d’édition, il est de courte durée, même si les livres édités sortent avec une couverture plastifiée, invention de la maison Gérard et produit unique en Europe à ce moment (1947-1948). Cette expérience ouvre cependant des perspectives ; nourrissant de nombreux projets innovants, André Gérard s’installe dans de nouveaux bâtiments, avec une nouvelle machine qui imprime en quadrichromie. En 1948, il se retrouve seul aux commandes suite au décès de son père, mais il peut compter sur un ami scout, ancien responsable des publications de la Fédération des scouts catholiques de Belgique, Jean-Jacques Schellens qui sera très vite son directeur littéraire. Car l’imprimeur Gérard a décidé de créer sa propre maison d’édition, qu’il baptise Marabout.

En s’inspirant de la maison d’édition anglaise Penguin qui, elle-même, avait imité l’éditeur allemand Albatross Books, André Gérard invente surtout un nouveau format dans l’édition en langue française (1949) ; ayant connu les éditions anglaises Penguin books via les GI américains qui sortaient de leur blouson des livres de petit format vendus à prix modique, André Gérard décide de les imiter. Avec sa couverture plastifiée et surtout illustrée, le premier titre de la collection Marabout, La vallée n’en voulait pas, de Jeanne Abbott, est un succès immédiat. À raison de deux numéros par mois à ses débuts, le livre de poche Marabout s’invite comme le « guide du lecteur ».

Dans un contexte favorable de démocratisation de la lecture, une success-story est en train de naître en bord de Vesdre, même s’il faut attendre 1951 pour que s’ouvre le marché français (Pierre Seghers assurant la diffusion) et que les Marabout débarquent aussi au Québec, puis en Suisse et en Afrique. Imprimeur-éditeur, Gérard agrandit ses ateliers et achète régulièrement de nouvelles machines, tandis que J-J. Schellens veille à la qualité et à la variété des titres proposés (d’Anna Karénine de Tolstoï à Comment soigner et éduquer son enfant du docteur Spock, en passant par le tout premier Nouveau code de la route illustré, sans oublier les romans qui inspirent les films américains du moment). Autre innovation venue Verviers, il est l’un des tout premiers éditeurs à valoriser la quatrième de couverture. Enfin, la police de caractère, venue des USA, a été pensée pour favoriser la lecture et aux intérêts de l’imprimeur…

Depuis son lancement, le concept Marabout fait l’objet d’une intense campagne de marketing, ses produits sont promus par d’importantes campagnes publicitaires (notamment une émission sur Radio-Luxembourg) et soutenus par de multiples actions spéciales (liseuse, signet, maquette à construire, concours, porte-clés, etc.). On trouve les Marabout dans les kiosques puis dans les grandes surfaces ; outre des coffrets de luxe, des tourniquets ont été inventés pour présenter les différentes collections.

Créateur d’un concept à succès, André Gérard diversifie son offre. Après Marabout Géant et Marabout Service, est créée la collection « Junior » (1953), où les aventures de Bob Morane ont tôt fait d’attirer les adolescents. Après l’éphémère Marabout Album (1954), les jeunes filles ont droit à « Mademoiselle » (1955) et surtout aux aventures de Sylvie. En 1959, encore plus petit que le livre de poche, l’éditeur verviétois donne naissance au « Marabout-flash », au format carré (12x12) si reconnaissable. Aux étudiants, il propose la formule « Marabout Université », condensant le savoir à prix réduit (1961). Viennent ensuite « Marabout géant illustré » (1962), « Scope » (1964) et « Auto-flash » (1967), tandis que le « Pocket » remplace la collection « Junior » (1967). À la suite de Jean Ray, Michel de Ghelderode, Thomas Owen et Claude Seignolle, le genre fantastique sera une autre marque de fabrique originale des éditions Marabout qui, de 1949 à 1977, inscrivent 77 collections différentes à leur actif.

Dans les années 1960, Marabout propose plus de vingt nouveaux titres par mois et, à la fin de la décennie, l’éditeur verviétois peut dresser un bilan exceptionnel : son livre de poche est diffusé dans 74 pays quand sort de ses presses le 150 millionième ouvrage. En 1969, la « Bibliothèque Marabout » fait peau neuve, répartissant la nouvelle collection en séries thématiques, sous la supervision d’un nouveau collaborateur, Jean-Baptiste Baronian. Il se lance alors à la conquête du monde anglophone avec ses « Flash Books ».

Non sans difficultés économiques et financières dues aux contraintes de nouveaux systèmes de production, la S.A. Marabout emploie près de 400 personnes, à Verviers, vingt ans après sa création. Soumis à une concurrence de plus en plus sauvage (depuis 1953, Hachette s’est fait une spécialité du « Livre de poche », ce qui conduit d’ailleurs généralement à attribuer à Henri Filipacchi la paternité d’un concept… inventé par Gérard quatre ans plus tôt), Marabout commence à vaciller en 1969 ; « après avoir quelque peu copié les pockets américains quant à la présentation, aux prix, aux tourniquets, [il s’agit] de les copier quant aux structures commerciales », écrit alors Schellens qui ne se sent pas écouté et quitte Marabout pour Elsevier.

Désireux de conserver son indépendance par rapport aux banques et confiant dans des recettes pleine d’originalité qui ont toujours marché, André Gérard, passionné depuis toujours d’automobiles (sa Ferrari rouge ne passait pas inaperçue dans les rues de Verviers) entreprend de parrainer une équipe de voitures de courses (Racing Team Marabout, 1971-1973) et acquiert la première rotative offset du pays (1971). Ce choix stratégique s’avère désastreux. Les coûts de production vont ruiner l’entreprise verviétoise qui ne parvient pas non plus à convaincre le public avec ses nouvelles collections confiées à Jacques Dumont puis à Jean-Baptiste Baronian. Rien n’y fait. Quelques vrais succès éditoriaux et des nouveautés (comme l’originale collection André Gérard) ne suffisent pas à redresser la barre. Faisant appel à la Banque Bruxelles Lambert, la sprl Gérard et C° se transforme en société anonyme (fin 1973), mais le ressort est cassé dans un contexte économique défavorable.

En octobre 1975, c’est la fin de l’aventure pour André Gérard ; il reste à la tête du Conseil d’Administration mais, devenue filiale de la Banque Bruxelles Lambert, la SA Marabout accumule les millions de pertes. En septembre 1976, A. Gérard n’est plus administrateur et son ancienne société est cédée à La Librairie Hachette. En 1977 quand Marabout devient Les Nouvelles Éditions Marabout, l’imprimerie de la rue de Limbourg est revendue. En 1981, André Gérard tente un come back en lançant un bimensuel, Paru, depuis Spa où il a créé « Productions André Gérard ». Imprimé sur les presses du journal Le Jour, ce livre-magazine illustré ne tient que quatre numéros. En 1984, il ne reste plus rien de Marabout à Verviers, le centre de distribution de Hachette s’installant à Alleur. 
 

Sources

Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de presse, dont Le Soir, 21 mars 1969, p. 15 ; Michel GRODENT, André Gérard, fondateur des éditions Marabout, avait inventé le livre de poche francophone, Le Soir, 17 juin 1985 
Pascal DURANT et Tanguy HABRAND, Édition : Industriels et avant-gardistes, dans Le tournant des années 1970 : Liège en effervescence, Bruxelles, Les impressions nouvelles, 2010, p. 256-258
Jacques DIEU, 50 ans de culture Marabout, Verviers, Nostalgia Editions, 1999
Pascal DURANT et Yves WINKIN, Des éditeurs sans édition. Genèse et structure de l’espace éditorial en Belgique francophone, dans Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 130, décembre 1999, p. 61-62
http://eudesjf.free.fr/Nick_Jordan/editeur_nj.htm

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Colnet (ou De Colinet) Gilles

Socio-économique, Entreprise

Pays wallon c. 1470, Barbençon 06/1535

Petit-fils de Jean Colnet (le premier de la dynastie de Leernes) et fils de Colard de Colnet (1430-1504) selon certaines sources, au contraire possible descendant des Colnet de Momignies (PAINCHART), Gilles Colinet  s’inscrit néanmoins dans la tradition familiale et poursuit l’activité verrière implantée à Leernes (près de Fontaine l’Evêque, enclave en Hainaut dépendant de la principauté de Liège). Frère d’Englebert, il semble surtout être actif à Barbençon où les Colnet ont obtenu l’autorisation d’exploiter le four à verre de la part de Louis de Ligne (1475-1540). Dans l’église Saint-Lambert de Barbençon, une pierre tombale est dédiée à un Gilles Colnet, mort en juin 1535. Si l’autorisation d’exploitation est attribuée à Englebert par certains historiens, il apparaît cependant que Gilles, son frère, en est le principal exploitant. Les gobelets appelés « vaisseaux à boire » et des verres de vitrage surnommés « gros verres plats » vont assurer la notoriété des verres de Barbençon dans toute l’Europe. Sous tous les régimes politiques qui se succèdent alors assez rapidement, les Colnet conservent le privilège d’une activité verrière permanente.

On ignore si Gilles de Colnet exploitait le four de Barbençon de façon autonome ou s’il était engagé dans une entreprise familiale à la tête de laquelle se trouvait son aîné, Englebert. La seule certitude est l’omniprésence des Colnet en tant que maîtres-verriers en pays wallon jusqu’au XIXe siècle. On compte une centaine de Colnet actifs dans le secteur verrier au cours de la période dite des « Temps modernes ». Ils semblent avoir eu la sagesse de recourir à des verriers venus d’Italie dont les connaissances techniques sont supérieures à celles connues alors en pays wallon. On rencontre des Colnet en Brabant wallon, à Leernes, à Barbençon, à Froidchapelle, à Momignies et Beauwelz… En 1559, lorsque Philippe II confirme les privilèges accordés aux maîtres-verriers de Colnet, plusieurs sont des enfants nés du mariage entre Gilles de Colnet et Catherine de Romérée. Quatre garçons assureront la pérennité de la dynastie.
 

Sources

Benoît PAINCHART, L’activité verrière des Colinet au Sart de Chimay, XIIIe-XVIIe siècles, cinq articles répartis  dans la revue Éclats de Verre, du n°21 au n°25, mai 2013-mai 2015
M. THIRY, Les verreries du Hainaut, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 93-103
Luc ENGEN, Les verreries du Pays de Liège, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 135
Janette LEFRANCQ, Apports et incidences de l’œuvre de Raymond Chambon sur l’histoire de la verrerie en Belgique, dans Annales du XVIIe Congrès de l’AIHV (qui a eu lieu à Anvers en 2006), Anvers, 2009, p. 339-343
Jutta-Annette PAGE, The ‘Catalogue Colinet’ : a mid-16th-century manuscrit ?, dans Johan VEECKMAN (dir.), Majolique et verre de l'Italie à Anvers et au-delà : la diffusion de la technologie au XVIe et au début du XVIIe siècle, Anvers, 2002, p. 243-262
Michel PHILIPPE, Naissance de la verrerie moderne XIIe-XVIe siècles. Aspects économiques, techniques et humains, Turnhout, Brepols, 1998, coll. dans De Diversis Artibus, XXXVIII, p. 80, 241-242, 402-403
Virgile LEFEBVRE, La verrerie à vitres et les verriers de Belgique depuis le XVe siècle, Charleroi, Université du Travail, 1938
H. FETTWEIS, Les verreries du Brabant wallon, idem, p. 111-115
Benoît PAINCHART, extrait de la revue Éclats de Verre, n°8 ; cfr www.genverre.com 
Raymond CHAMBON, Histoire de la verrerie en Belgique du IIe siècle à nos jours, Bruxelles, 1955
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=gilles;n=de+colnet (s.v. 27 novembre 2014)
Stanislas BORMANS, La fabrication du verre de cristal à Namur, dans Bulletin des commissions royales d'art et d'archéologie, Bruxelles, 1888, volume 27, p. 472, note 1 qui cite J-G. Le Fort, héraut d’armes du pays de Liège
Georges DANSAERT, Faire son chemin. Histoire de la famille Desandrouin, dans Documents et rapports de la Société royale paléontologique et archéologique de l’arrondissement judiciaire de Charleroi, Thuin, 1937, t. 37, p. 1-14, 19
La difficile gestion des ressources humaines autour d’un four de  verrerie à la fin de l’Ancien Régime en France par Stéphane Palaude, docteur en Histoire, Université de Lille 3 
Adolphe-Jérôme BLANQUI, Dictionnaire du commerce et de l’industrie, Volume 4, p. 449
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 256
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 277
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 277

Delruelle Gérard

Socio-économique, Entreprise

Liège 28/06/1933, Tervueren 9/10/2019


Ingénieur civil spécialisé dans la métallurgie, Gérard Delruelle est diplômé de l’Université de Liège en 1957 et commence sa carrière professionnelle au sein de la Société métallurgique de Prayon, société dont son père Jules-Émile et son oncle, André, sont responsables et où son frère aîné, Jacques, est administrateur. Attaché à la direction (1959-1973), il devient rapidement responsable du département Recherche et Développement. En 1972/3, définitivement ébranlée par le premier choc pétrolier, la société est cependant mise en liquidation. Gérard Delruelle devient alors administrateur-délégué de la SA Mechim (1974-1978), et le vice-président de son Comité de Direction de 1979 à 1983. En 1978, il est aussi président du Conseil d’administration de la Sogep, et sera administrateur-délégué de la Sybetra, un ensemblier industriel actif au Moyen Orient et filiale de la Société générale de Belgique.

Parallèlement, il a été séduit par le projet politique d’Omer Vanaudenhove qui transforme le Parti libéral en une formation qui se veut plus ouverte au monde catholique, s’affiche belgicaine et se présente désormais sous le nom de PLP-PVV. Le succès est au rendez-vous en mai 1965, puisque le Parti pour la Liberté et le Progrès double quasiment sa représentation. Parmi les élus de l’arrondissement de Liège, Gérard Delruelle s’ouvre les portes de la Chambre des représentants, sans nécessairement partager tout le projet Vanaudenhove. 

Membre de la Commission des Finances et de la Commission des Affaires économiques, il contribue à introduire la représentation des cadres dans la loi sur l’organisation de l’économie. Si l’élan libéral est coupé au soir des élections de mars 1968, notamment par l’émergence en Wallonie du Rassemblement wallon, G. Delruelle conserve son mandat de député et se montre particulièrement sensible aux revendications wallonnes. 

Au sein du Groupe de Travail pour les Problèmes communautaires (dit Groupe des XXVIII) qui se réunit en 1969, Gérard Delruelle apporte son appui, au nom du PLP-PVV, à la proposition de François Perin (président du RW) de confier aux régions un pouvoir normatif de décision dans certaines matières : « Il faut donner du pouvoir et des compétences aux trois régions. [...] La Wallonie doit recevoir quelque chose sur le plan économique en échange de l’autonomie culturelle que réclame la Flandre. Donnez aux régions des milliards pour régler leurs problèmes prioritaires ». Ayant reçu des garanties du gouvernement (été et automne 1970), les libéraux wallons – dont G. Delruelle et P. Descamps – apportent leurs voix pour former la majorité nécessaire à l’adoption de la révision de la Constitution (décembre 1970) reconnaissant le principe des trois régions et des trois communautés.

Président de la Commission des Affaires économiques au sein du PLP wallon, G. Delruelle rate sa réélection lors du scrutin de novembre 1971, pâtissant de la montée en puissance du Rassemblement wallon, alors deuxième parti de Wallonie et bien implanté à Liège. En cours de législature, cependant, il est repêché comme sénateur coopté, pendant un très bref moment (8 novembre 1973-30 janvier 1974), de la démission de Henri Maisse jusqu’à la chute du gouvernement sur l’affaire Ibramco. À l’heure du PRLw, dont il est un des membres-fondateurs, il siègera encore une législature à la Chambre des représentants, entre 1977 et 1978. N’étant plus candidat, il reste un proche des libéraux liégeois, de Jean Gol en particulier.

En 1983, Gérard Delruelle est nommé à la présidence de la SA Cockerill-Sambre fonction qu’il exerce jusqu’en 1988. Quand il quitte le groupe, à la demande de Jean Gandois, il emmène avec lui ce qu’il reste de Metalprofil, ex-leader dans le secteur des profilages en acier : cette société s’est transformée en Polypal et était déficitaire durant les années 1980. À la tête du holding Polysoc qu’il préside et qui détient 100% du capital de Polypal Europe SA, G. Delruelle devient le patron d’une société liégeoise, basée aux Hauts-Sarts, mais au rayonnement européen. Spécialisée dans la conception, la fabrication et la vente de rayonnage de stockage industriel, elle est entrée en bourse en 1990, avant d’être l’objet d’une OPA amicale d’un groupe anglais qui achète l’entreprise pour 1,63 milliard de francs en 1992. G. Delruelle reste le patron du holding Polysoc.


Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de Presse
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 198
Philippe DESTATTE, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005

Député de Liège (1965-1971)
Sénateur coopté (1973-1974)
Député (1977-1978)