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© Affiche publicitaire par Henri Cassiers vers 1905

Germain Auguste

Socio-économique, Entreprise

Deuxième moitié XIXe siècle, première moitié XXe siècle

Lorsque l’on évoque les premiers tours de roue de l’automobile wallonne, la « Germain » est régulièrement citée comme la pionnière. Si elle n’est pas la première voiture commercialisée, elle est par contre la toute première à être construite sur une échelle industrielle et en quantités importantes pour l’époque. Elle doit son nom à Auguste Germain, un industriel du pays de Charleroi, que les biographes semblent avoir totalement négligé pour se consacrer exclusivement à son exceptionnel véhicule automobile.

Les premiers pas d’Auguste Germain sont difficiles à cerner. Il semble qu’il existait, dès le milieu du XIXe siècle, une fonderie de fer équipée d’une machine à vapeur située à Monceau-sur-Sambre, au 50 de la rue de Trazegnies. Elle était dirigée par Florent Dufour, avant de devenir Les Ateliers Brison, en 1857. Ces ateliers vont se spécialiser dans la construction du matériel roulant pour le chemin de fer (montage de wagonnets, fabrication de wagon citerne, etc.). Dès 1873, on sait que du matériel de chemins de fer y est fabriqué. C’est le moment où Auguste Germain acquiert des terrains et du matériel industriel à cet endroit et semble y avoir installé les Forges et ateliers de construction de Monceau-sur-Sambre, A. Germain. L’ensemble industriel s’agrandit en 1892 par l’achat de nouveaux terrains qui semblent nécessaires pour le développement d’une nouvelle activité, la fabrication de tramways. Les Ateliers Brison qui sont actifs jusqu’en 1896 se confondent-ils avec les Forges et ateliers de construction… ? Auguste Germain est-il le directeur voire le propriétaire de l’une ou de l’autre, voire des deux entreprises ? Toujours est-il que Les Ateliers Brison disparaissent en 1897 quand se constitue la Société anonyme des ateliers Germain. Car Germain s’est avancé dans des activités où il n’est pas seul dans le secteur.

Dans les années 1880, à la tête de la SA Électricité et Hydraulique (E&H), Julien Dulait s’intéresse lui aussi aux tramways électriques, aux ascenseurs, aux machines d’extraction... Plusieurs lignes de tramways ont recours à ses services, tant en Belgique qu’en France, tandis que des charbonnages lui commandent des locomotives électriques spéciales, autant pour l’air libre que pour descendre dans les galeries. Peut-être, Dulait et Germain ont-ils noué de premières relations à ce moment. On les retrouve en tout cas associés pour réaliser un projet qui est bien dans l’air du temps : construire une automobile disposant d’un moteur à pétrole. Ils achètent plusieurs modèles pour les étudier. Les deux industriels carolorégiens ne se lancent pas seuls dans l’aventure ; ils parviennent à convaincre de nombreux partenaires liégeois, faisant de l’automobile Germain un vrai projet industriel wallon.

Avec l’aide du banquier liégeois Émile Digneffe, ils rassemblent en effet des investisseurs jusque-là actifs dans la fabrication d’armes, la métallurgie ou le commerce de la laine. Ainsi retrouve-t-on parmi les actionnaires de la Société anonyme constituée en novembre 1897, Paul Berryer (avocat et futur homme politique), Adolphe Greiner (directeur-gérant Cockerill), Ferdinand Hanquet (fabricant d’armes, Liège), Adolphe et Henri Laloux (fabricant d’armes, Liège), Jules Lamarche (industriel, Liège), Pierre Hauzeur de Simony (industriel, Verviers), Albert Simonis (fabricant d’armes, Liège), Eugène-Louis Senéchal de la Grange (industriel, Paris), Édouard Demeure (ingénieur, Bruxelles), Armand Dewandre (propriétaire, Fontaine-l’Évêque), Edmond Dewandre (avocat, Charleroi), Émile Dewandre (ingénieur, Charleroi), Franz Dewandre (avocat, Charleroi), ainsi que des agents de change bruxellois.

Avec le prototype d’une voiture automobile « système Dulait », Julien Dulait apporte des brevets spéciaux relatifs à l’automobile (acquis ou déposés par lui). Les autres apportent des études relatives aux moteurs et véhicules automobiles, des études commerciales, des matières premières, des modèles et objets fabriqués… Quant à Auguste Germain, il semble déposer tous ses avoirs dans la corbeille de la promise ; il cède en effet à l’ambitieux projet la totalité de ses usines de Monceau-sur-Sambre, à savoir des forges et des ateliers de construction raccordé à la gare de Marchienne-au-Pont (ateliers de construction, forges, chantiers, écurie, cours, maison de direction, jardins et trois maisons, le tout au Champ du Calvaire), les machines motrices, les machines-outils, l’outillage, les installations et tous les appareils ; il apporte aussi « la firme Ateliers de Monceau-sur-Sambre A Germain », sa clientèle, ses relations, son savoir-faire et toutes ses commandes en cours. Aussi Auguste Germain détient-il à lui tout seul 60% des parts constituant les 750.000 francs de capital, les 13 autres fondateurs se répartissant les 40% restants. La nouvelle SA va poursuivre des activités dans le domaine du matériel de chemins de fer et des tramways, tout en créant un département spécialement dédié à l’automobile.

Très vite, cependant, la société enregistre une importante augmentation de capital (250.000 frs) : Paul et Franz Dewandre, Arthur Gillieaux, Julien Dulait et Louis Willems apportent à la SA une convention signée entre eux et la Vve Émile Levassor, en l’occurrence Louise Cayrol (Paris). Cette dernière leur a transmis « la propriété exclusive de tous les brevets belges et de perfectionnements que M. Daimler pourrait prendre ou déposer quant aux perfectionnements qu’il pourrait apporter à ses moteurs et à ses voitures automobiles ou à ses tricycles à pétrole ; la propriété exclusive pour la Belgique de toutes ses marques de fabrique mentionnant les noms de Daimler et Levassor ; la délivrance des plans d’exécution des moteurs Daimler et des principaux types de voitures actuellement réalisées ; le prêt à titre de modèles des voitures dont elle pourra disposer ; le droit exclusif de fabriquer et vendre en Belgique les moteurs et voitures dont il est question ». Le Conseil d’administration s’élargit alors à Gottlieb Daimler, président du Conseil d’administration de la Motoren Daimler Gesellschaft, administrateur de la SA des anciens établissements Panhard et Levassor. Le brevet Panhard-Levassor pour la voiture et le brevet Daimler-Phoenix pour le moteur va assurer le succès de la Germain. Très vite, les anciens ateliers d’Auguste Germain sont en mesure de produire une dizaine de véhicules par mois. D’emblée, sous la direction de Guillaume Van de Poel, plusieurs dizaines d’ouvriers s’affairent à la mise au point d’une « deux cylindres – 6 CV », prête à concurrencer ses homologues allemandes et françaises : les nouvelles Germain sont souvent surnommés les « Panhard belges » ou les « Daimler belges ». La première Germain était sortie des ateliers le 25 juin 1898.

Très à la mode à l’époque, la Société Anonyme des Ateliers Germain inscrit ses véhicules dans des compétitions automobiles. Présente au meeting de Spa en 1899, une « Germain » remporte la course Bruxelles-Spa en 1900 et en 1902 ; jusqu’en 1908, les Germain se distingueront sur tous les terrains. Fabriquant sous licence les voiturettes Elan (1898) et des modèles Renault à cardan (1920), Germain lance en 1900 des « quatre cylindres 12 CV », diversifie ses produits dans le secteur de la navigation (1901) et des transports (1903). L’expérience acquise incite le constructeur à se dégager des brevets étrangers pour présenter des modèles qui ne doivent qu’au seul savoir-faire maison. Déjà, plusieurs brevets ont été déposés quand sort, en 1903, la série « Germain Standard » qui rencontre un premier succès, tandis que le millième véhicule est produit dans les ateliers carolorégiens où travaillent plus d’un demi-millier d’ouvriers (1904), dont la moitié rien que pour le secteur automobile. Un bureau d’études est mis en place, plusieurs innovations en ressortent. Fin 1905, Germain présente le Chainless 14/20 HP qui devient la référence de la marque en raison de son faible poids, de son équipement moteur particulièrement évolué (transmission à cardan, cylindres tournés, essieu arrière oscillant, châssis en tôle emboutie, etc.) et de sa ligne caractérisée par un radiateur de forme circulaire, ovale d’abord, ronde ensuite, à partir de 1907.

La SA des Ateliers Germain s’impose alors comme l’un des plus importants constructeurs d’automobiles du pays, reconnu par la fiabilité, l’élégance et la puissance de modèles qui se diversifient. À la veille de la Grande Guerre, Germain propose sept modèles différents et exporte énormément vers l’Angleterre. Comme pour de nombreuses sociétés wallonnes, l’occupation allemande de 14-18 constitue un violent coup d’arrêt. Pillés de leur matériel, les Ateliers Germain ne reprendront jamais la construction automobile, renouant avec la production de matériel ferroviaire, ainsi qu’une gamme importante de moteurs industriels et de moteurs marins. Quant à Auguste Germain, on perd sa trace, sa destinée s’étant entièrement fondue dans celle de sa société.

Dans les années 1930, la construction de camions rappelle les grandes heures automobiles, mais les commandes portent avant tout sur des moteurs destinés aux autorails du réseau français ; la tentation existe de renouer avec le glorieux passé, un essai est tenté en 1937, mais le contexte a considérablement changé. Après la Seconde Guerre mondiale, des bennes de voirie sortiront d’Anglo-Germain, nouveau nom de la société depuis sa fusion avec la Société Anglo-Franco-Belge de la Croyère (1964). À la fin des années 1960, le déclin économique wallon entraînait la société Germain dans sa suite de fermetures de charbonnages et d’outils sidérurgiques qui avaient fait la prospérité d’antan.

 

Sources

Annexes du Moniteur belge, 12 novembre 1897, n°3999, p. 429-436 ; n°4481, p. 991-996
http://www.rvccb.be/PAGES/CONSTRUCTEURS%20LISTE/constructeurs%20GFR.html
http://www.pscm.eu/zouteteam/pdf/voitures_belges.pdf
Reconstruire la ville sur la ville. Recyclage des espaces dégradés. Rapport intermédiaire de la subvention 2004-2005, Namur, MRW, 2005, p. 60
Pierre MASSET, Histoire de Monceau-sur-Sambre, Frameries, Dufrane-Friart, 1901, p. 159

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Colard de COLNET (dit aussi Nicolas ou écrit Collart, voire Colart) Colard

Socio-économique, Entreprise

Leernes c. 1430, Leernes début du XVIe siècle (après 1504)

Pour Georges Dansaert, il ne fait aucun doute qu’à l’origine, les Colnet venaient d’Italie – les Colneti de Venise –, avec le lourd bagage des verreries du XVe siècle. Ils sont passés par Anvers et ont essaimé dans les Pays-Bas, en Hainaut particulièrement, ainsi qu’en principauté de Liège. Dansaert identifie un Jean (de) Colnet à Fontaine-l’Evêque en 1438 qui s’occupe d’une verrerie. Virgile Lefebvre ajoute qu’il avait fait construire là-bas une petite fabrique dont l’emplacement est dénommé « chemin du four à verre », actuelle « rue du four à verre ». En déconstruisant définitivement la piste des origines italiennes des Colinet, Benoît Painchart confirme qu’une branche de la famille Colinet, spécialiste en verrerie, était établie à Momignies dans la dernière moitié du XIVe siècle.  Les frères Jehan et Collart Colinet y étaient actifs. Par la suite, deux « Jehan Colinet » poursuivront à partir de Momignies les activités de Collart, tandis qu’un Jehan puis un Collart assureront la succession du « premier » Jehan, mais en établissant leur four à verre à Leernes, en pays de Liège.

Petit-fils de Jehan Colinet ou Colnet (c. 1350 – 1412/1414), fils de Jean Colnet (c. 1400 – av. 1479), natif du pays wallon dans les années 1430, Colard Colnet est le troisième représentant de la branche de Leernes de la dynastie des Colnet, appelés à devenir les maîtres de la plupart des verreries « wallonnes » au XVIe siècle ; les Colnet/Colinet/Collenet, quelle que soit l’orthographe, seront présents en  Brabant wallon, en principauté de Liège et de moins en moins dans le pays de Chimay ; pendant quatre siècles, leurs produits satisferont les besoins du marché en verre à vitre et en verre commun du pays wallon. Les Colnet ou Colinet ont acquis une bonne connaissance du métier de verrier par une très longue tradition familiale et un premier apprentissage du « procédé normand », dit aussi « des plateaux ». Par la suite, ils pourraient avoir appris des secrets de fabrication auprès de Vénitiens émigrés (CHAMBON, PHILIPPE).Selon Painchart, c’est en 1447 que Jehan Colinet – le père de Colart – obtient de l’abbaye de Lobbes le droit d’ouvrir un four à verres dans la paroisse de Leernes. Quinze ans plus tard, signe dans son intégration réussie dans son nouveau milieu, il est fait mayeur de Leernes (1462). En 1467, Jehan Collinet et son fils Collart sont anoblis par le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, et se voient accorder de nombreux privilèges. Ces dispositions s’inspirent de celles octroyées en France par Charles VII à l’égard d’un verrier de l’Aisne en 1438. En pays wallon, ce sont les plus anciennes reconnaissances connues à propos de verriers.

En raison de l’importance accordée à leur activité artisanale si particulière, les Colnet sont « tenus et réputés pour gens francs, ainsi que leurs familles et leurs serviteurs, sans être ou pouvoir être contraints de subventions, aides, gabelles, impôts ou servages quelconques ». Les Colnet bénéficient de surcroît d’une protection particulière – eux et leurs biens – de la part du grand bailli du Hainaut. Durant la période bourguignonne caractérisée par l’unification de territoires jusque-là disparates, le père Colinet va savamment déjouer les entraves frontalières et dédouaner progressivement son commerce des droits de passage : « il s’agit du premier exemple connu en Europe d’abolition des barrières fiscales pour la commercialisation du verre à l’échelle internationale » (PAINCHART). « Maître Collart Colnet » poursuivra dans la lignée familiale et, en 1479, il obtiendra de Louis de Bourbon, prince-évêque de Liège, la confirmation des titres et privilèges accordés aux Colnet par les Bourguignons. Ainsi, le maître verrier jouit-il encore plus de facilités pour commercer par-delà les frontières politiques et surtout fiscales de son temps.

Selon Chambon, Colart Colnet possédait à Macquenoise, paroisse de Momignies, tant le four à verre que des maisons et des terres, ainsi que des droits pour couper des arbres en Thiérache (c. 1473).   En 1467, 1479 et 1504, Colard de Colnet est reconnu comme maître principal du four à verres de Leernes (enclave en Hainaut dépendant de la principauté de Liège). Exerçant un métier très spécialisé, considérés comme des gentilshommes, les membres de la famille Colnet sont les principaux artisans de leur exploitation, jaloux de leurs secrets et de leur savoir. Colard assure la formation de ses fils Gilles et Englebert ; ils seront à l’origine des deux principales branches des Colnet, dont celle de Gilles sera la plus longue.

Les origines des Colnet ainsi que leurs activités font l’objet de débats depuis de très nombreuses années ; ils sont loin d’être terminés. En effet, depuis le début du XXIe siècle, les écrits de Raymond Chambon sont très sérieusement remis en cause. Or, son ouvrage de synthèse sur l’histoire du verre en Belgique est une référence qui pèse lourdement sur la vision traditionnelle de l’histoire du verre dans le pays wallon, en particulier dans la région de Chimay. À l’instar de Benoît Painchart qui – notamment dans la revue Éclats de Verre – a donné un sérieux coup de balai sur l’historiographie traditionnelle, on restera par conséquent attentif à toute nouvelle information permettant de cerner les activités des Colnet, de Colard (de) Colnet en particulier.
 

Sources

Benoît PAINCHART, L’activité verrière des Colinet au Sart de Chimay, XIIIe-XVIIe siècles, cinq articles répartis  dans la revue Éclats de Verre, du n°21 au n°25, mai 2013-mai 2015
Janette LEFRANCQ, Apports et incidences de l’œuvre de Raymond Chambon sur l’histoire de la verrerie en Belgique, dans Annales du XVIIe Congrès de l’AIHV (qui a eu lieu à Anvers en 2006), Anvers, 2009, p. 339-343
Jutta-Annette PAGE, The ‘Catalogue Colinet’ : a mid-16th-century manuscrit ?, dans Johan VEECKMAN (dir.), Majolique et verre de l'Italie à Anvers et au-delà : la diffusion de la technologie au XVIe et au début du XVIIe siècle, Anvers, 2002, p. 243-262
M. THIRY, Les verreries du Hainaut, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 93-103
Luc ENGEN, Les verreries du Pays de Liège, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 135
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=jean;n=de+colnet;oc=3 (s.v. novembre 2014)
Michel PHILIPPE, Naissance de la verrerie moderne XIIe-XVIe siècles. Aspects économiques, techniques et humains, Turnhout, Brepols, 1998, coll. dans De Diversis Artibus, XXXVIII, p. 80, 241-242, 402-403
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_2004_num_82_4_7239_t1_1189_0000_2 (s.v. décembre 2014)
http://afaverre.fr/Afaverre/bibliographie-de-raymond-chambon-concernant-le-verre/ 
Armorial général des d’Hozier ou Registres de la noblesse de France, Paris, 1869, vol. 7, p. 509
Stanislas BORMANS, La fabrication du verre de cristal à Namur, dans Bulletin des commissions royales d'art et d'archéologie, Bruxelles, 1888, volume 27, p. 472, note 1 qui cite J-G. Le Fort, héraut d’armes du pays de Liège
C. d’E-A., Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle, Evreux, 1912, t. 11, CIB-COR, p. 214-215
Georges DANSAERT, Faire son chemin. Histoire de la famille Desandrouin, dans Documents et rapports de la Société royale paléontologique et archéologique de l’arrondissement judiciaire de Charleroi, Thuin, 1937, t. 37, p. 1-14, 19
Benoît PAINCHART, extrait de la revue Éclats de Verre, n°8 ; cfr www.genverre.com 
Raymond CHAMBON, Histoire de la verrerie en Belgique du IIe siècle à nos jours, Bruxelles, 1955
Raymond CHAMBON, Les Verreries forestières du Pays de Chimay du XIIe au XVIIIe siècle d’après les documents d’archives, dans Publications de la Société d’histoire régionale de Rance 1959-1960, Chimay, 1960, t. IV, p. 111-180
Virgile LEFEBVRE, La verrerie à vitres et les verriers de Belgique depuis le XVe siècle, Charleroi, Université du Travail, 1938
C. d’E-A., Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle, Evreux, 1912, t. 11, CIB-COR, p. 214-215
Armorial général des d’Hozier ou Registres de la noblesse de France, Paris, 1869, vol. 7, p. 509
La difficile gestion des ressources humaines autour d’un four de  verrerie à la fin de l’Ancien Régime en France par Stéphane Palaude, docteur en Histoire, Université de Lille 3 
Adolphe-Jérôme BLANQUI, Dictionnaire du commerce et de l’industrie, Volume 4, p. 449
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 256
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 277
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 277

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Colnet Englebert

Socio-économique, Entreprise

Pays wallon fin du XVe siècle, Leernes  1552

Descendant de la quatrième génération des verriers Colnet établis à Leernes, après s’être primitivement installés à Momignies, Englebert poursuit l’activité verrière familiale près de Fontaine l’Evêque, enclave en Hainaut dépendant de la principauté de Liège. Selon certains historiens (PHILIPPE à la suite de CHAMBON), il apparaît surtout qu’Englebert de Colnet est à l’origine de la verrerie spécialisée de Surginet à Beauwelz, dans le pays de Chimay (1506), où il a introduit la fabrication de verre fougère « à la façon de Venise ». Peut-être, est-ce à l’occasion d’un voyage que Colnet a appris le secret de fabrication du « verre fougère » ; peut-être a-t-il réussi à convaincre des « transfuges » de Murano, déjà actifs dans l’empire germanique, de se mettre à son service tout en lui livrant leur secret. 

Ceux-ci maîtrisent des techniques autres que celles des Altarais : originaires d’Altare, les verriers de la famille Ferry qui se sont installés peu avant la fin du XVe siècle à Haumont-Fayt deviennent de sérieux concurrents pour les Colnet qui cherchent le moyen de les contrer. Quel que soit le moyen utilisé, Englebert de Colnet aurait été le premier à introduire en pays wallon la fabrication de ces verres à la vénitienne, décorés d’émaux, ainsi que de beaux verres transparents et, en 1506, à obtenir les autorisations nécessaires (notamment auprès du prince de Chimay) pour la fournaise de Surginet à Beauwelz. En 1549, lors d’un séjour en Hainaut, Charles-Quint et son fils, le futur Philippe II, aurait rendu visite au four à verre du Surginet. Afin de prouver la qualité de leur savoir-faire, les hommes d’Englebert de Colnet et de son fils François auraient réalisé deux pièces exceptionnelles qui sont offertes aux visiteurs : une galère en verre blanc, décorée finement et mesurant un mètre vingt-cinq de long, ainsi qu’un vase sophistiqué à la manière de Venise.

Émanant des travaux de Raymond Chambon, tous ces éléments biographiques sont faux. À la suite de J-A. Page et de J. Lefrancq, Benoit Painchart a en effet démontré que Raymond Chambon avait sciemment construit de fausses archives, dessins à l’appui (la monstrance de Beauwelz, le Journal d’Amandt Collinet, la prétendue requête de 1607) pour alimenter sa thèse d’une activité verrière permanente et exceptionnelle au Surginet et au Fourmathot. S’il paraît peut-être moins glorieux, le parcours de vie d’Englebert Colnet n’en conserve pas moins autant d’intérêt, tant il est exemplatif du dynamisme de cette famille spécialisée dans le métier du verre, en pays wallon, depuis la fin du XIVe siècle.

Par un mariage destiné à renforcer les intérêts familiaux (1527), Englebert Colinet s’unit à Jacqueline, d’une autre grande famille de verriers wallons du XVIe siècle, les de Liège, originaires de Leernes. De la sorte, il fortifie l’implantation des Colinet en Brabant, en particulier du côté de Limelette. Maitre verrier principalement actif dans le roman pays de Brabant, Englebert Colnet offre tant une production raffinée que des fabrications d’usage courant qui lui valent le soutien renouvelé de l’empereur : signées par Charles Quint, des lettres patentes qui lui sont remises en 1531 confirment ses privilèges au nom de tous les autres verriers du Brabant. Il aurait obtenu de surcroît l’autorisation d’exploiter d’autres fours à verre à différents endroits de l’empire sans avoir besoin d’en référer (1540), tout au moins pour les verres d’usage courant ; les Colnet n’auront cependant pas l’envergure suffisante pour exploiter pleinement ce privilège ; ils limiteront leurs activités au pays wallon.

Englebert est-il alors le chef de la famille de Colnet dans la première moitié du XVIe siècle, employant des membres de la fratrie, recrutant de nouveaux verriers italiens (ceux de Murano), voire s’alliant avec ses concurrents (les Ferry d’Altare,  après les Deliège), en différents endroits du pays wallon ? Son frère Gilles a-t-il une activité indépendante et autonome ? Peut-être après avoir obtenu des Ferry qu’ils partagent leur monopole sur les verres « à la façon de Venise », la seule certitude est que les enfants d’Englebert comme ceux de Gilles vont assurer l’omniprésence des Colnet en tant que maîtres-verriers en pays wallon jusqu’au XIXe siècle. On compte une centaine de Colnet actifs dans le secteur verrier au cours de la période dite des « Temps modernes » et leur production va inonder le marché wallon. Ils auront aussi la sagesse de recourir à des verriers venus d’Italie dont les connaissances techniques restent supérieures à celles connues alors en pays wallon. On rencontre des Colnet en Brabant wallon, à Leernes, à Barbençon, à Froidchapelle, mais plus à Momignies et à Beauwelz au XVIe siècle…

En Brabant wallon, du côté de Glabais et de Bousval, des maîtres verriers de la famille Colnet se sont en effet établis le long du Cala, de la Lasne et de la Falise, à proximité des monastères qui offrent travail et protection et des seigneuries qui leur donnent des responsabilités administratives. Les verriers Colnet (Colinet) ont leur exploitation sur les trois cours d’eau. Leur production se limite à de la gobeleterie ordinaire, généralement réalisée par de la main d’œuvre française. À Barbençon, certains historiens avancent qu’Englebert y a obtenu l’autorisation d’exploiter le four à verre de la part de Louis de Ligne (1475-1540). Or, dans l’église Saint-Lambert de Barbençon, une pierre tombale est dédiée à un Gilles Colnet, mort en juin 1535, qui pourrait bien être le frère d’Englebert. Il nous paraît par conséquent plus logique d’attribuer cette exploitation à Gilles, d’autant que deux de ses fils en hériteront. Les gobelets appelés « vaisseaux à boire » et des verres de vitrage surnommés « gros verres plats » vont assurer la notoriété des verres de Barbençon dans toute l’Europe. Sous tous les régimes politiques qui se succèdent alors assez rapidement, les Colnet conservent le privilège d’une activité verrière permanente.

Les origines et les activités des Colnet font l’objet de débats depuis de très nombreuses années ; ils sont loin d’être terminés.  L’ouvrage de synthèse sur l’histoire du verre en Belgique de Chambon est une référence qui pèse lourdement sur la vision traditionnelle de l’histoire du verre dans le pays wallon, en particulier dans la région de Chimay. On restera par conséquent attentif à toute nouvelle information permettant de cerner parfaitement les activités des Colnet, d’Englebert (de) Colnet en particulier.
 

Sources

Benoît PAINCHART, L’activité verrière des Colinet au Sart de Chimay, XIIIe-XVIIe siècles, cinq articles répartis  dans la revue Éclats de Verre, du n°21 au n°25, mai 2013-mai 2015, en particulier la deuxième partie : en quête de vérités, les preuves de la non-existence de Verreries au Surginet et au Fourmathot au XVIe siècle, dans Éclats de Verre, novembre 2013, n°22, p. 34-46
Janette LEFRANCQ, Apports et incidences de l’œuvre de Raymond Chambon sur l’histoire de la verrerie en Belgique, dans Annales du XVIIe Congrès de l’AIHV (qui a eu lieu à Anvers en 2006), Anvers, 2009, p. 339-343
Jutta-Annette PAGE, The ‘Catalogue Colinet’ : a mid-16th-century manuscrit ?, dans Johan VEECKMAN (dir.), Majolique et verre de l'Italie à Anvers et au-delà : la diffusion de la technologie au XVIe et au début du XVIIe siècle, Anvers, 2002, p. 243-262
M. THIRY, Les verreries du Hainaut, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 93-103
Luc ENGEN, Les verreries du Pays de Liège, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 135
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=jean;n=de+colnet;oc=3 (s.v. novembre 2014)
Michel PHILIPPE, Naissance de la verrerie moderne XIIe-XVIe siècles. Aspects économiques, techniques et humains, Turnhout, Brepols, 1998, coll. dans De Diversis Artibus, XXXVIII, p. 80, 241-242, 402-403
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_2004_num_82_4_7239_t1_1189_0000_2 (s.v. décembre 2014)
http://afaverre.fr/Afaverre/bibliographie-de-raymond-chambon-concernant-le-verre/ 
Armorial général des d’Hozier ou Registres de la noblesse de France, Paris, 1869, vol. 7, p. 509
Stanislas BORMANS, La fabrication du verre de cristal à Namur, dans Bulletin des commissions royales d'art et d'archéologie, Bruxelles, 1888, volume 27, p. 472, note 1 qui cite J-G. Le Fort, héraut d’armes du pays de Liège
C. d’E-A., Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle, Evreux, 1912, t. 11, CIB-COR, p. 214-215
Georges DANSAERT, Faire son chemin. Histoire de la famille Desandrouin, dans Documents et rapports de la Société royale paléontologique et archéologique de l’arrondissement judiciaire de Charleroi, Thuin, 1937, t. 37, p. 1-14, 19
Benoît PAINCHART, extrait de la revue Éclats de Verre, n°8 ; cfr www.genverre.com 
Raymond CHAMBON, Histoire de la verrerie en Belgique du IIe siècle à nos jours, Bruxelles, 1955
Raymond CHAMBON, Les Verreries forestières du Pays de Chimay du XIIe au XVIIIe siècle d’après les documents d’archives, dans Publications de la Société d’histoire régionale de Rance 1959-1960, Chimay, 1960, t. IV, p. 111-180
André DEFLORENNE, Momignies 2000 ans d’histoire verrière, Centre culturel de Momignies, 2002, 2e éd.
Virgile LEFEBVRE, La verrerie à vitres et les verriers de Belgique depuis le XVe siècle, Charleroi, Université du Travail, 1938
C. d’E-A., Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle, Evreux, 1912, t. 11, CIB-COR, p. 214-215
Armorial général des d’Hozier ou Registres de la noblesse de France, Paris, 1869, vol. 7, p. 509
La difficile gestion des ressources humaines autour d’un four de  verrerie à la fin de l’Ancien Régime en France par Stéphane Palaude, docteur en Histoire, Université de Lille 3 
Adolphe-Jérôme BLANQUI, Dictionnaire du commerce et de l’industrie, Volume 4, p. 449
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 256
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 277
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 277
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=gilles;n=de+colnet
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=englebert+ou+engrant;n=de+colnet 
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=collart;n=de+colnet
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=francois;n=de+colnet;oc=3 (s.v. 27 novembre 2014)

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COLINET (lignée Gilles Colnet) Robert

Socio-économique, Entreprise

Leernes c. 1430 – Barbençon fin du XVe siècle/début du XVIe siècle

À la suite des sérieux doutes émis sur les travaux de Raymond Chambon (par J-A. Page et J. Lefrancq), les recherches sérieuses menées par Benoît Painchart et publiées notamment par la revue Éclats de verre montrent que, dans le dernier quart du XIVe siècle, il existe dans le pays de Chimay trois branches distinctes de la famille Colinet : l’une, établie à Bourlers, est active dans la menuiserie ; une autre, établie à Macon, fournira des agents administratifs ; enfin, celle établie à Momignies sera active dans la fabrication du verre et, très vite, pour diverses raisons, cette dynastie de verriers essaimera dans le pays wallon. Ainsi, dès le XVe siècle, trouve-t-on des Collinet/Colnet à Leernes dans le pays de Liège, ainsi que dans le comté de Namur, dans le pays de Brabant et dans la région de Barbençon. Comme l’a indiqué Benoît Painchart, les pseudo-origines italiennes des Colinet n’ont aucun sens.

Fils d’un Jehan Colinet, Robert Colinet (Leernes c. 1430 – Barbençon fin du XVe siècle/début du XVIe siècle) est le premier maître de verrerie identifié en terre de Barbençon, où il s’est établi entre 1490 et 1517, du temps de Louis de Ligne. Autour de plusieurs fours à verre, cette branche des Colnet restera active et prospèrera à Barbençon/Froidchapelle, où plusieurs fours à verre fonctionnent jusqu’en 1715. En soit, il s’agit là d’une exceptionnelle sédentarité dans un secteur de la verrerie forestière habituée à se déplacer tous les vingt ans. D’autre part, Barbençon s’impose alors comme le « principal pôle verrier et réservoir des Colinet au XVIe siècle » (PAINCHART, 4, p. 19).

À cette longue implantation à Barbençon contribue une succession de Colinet, dont Gilles (c. 1470 – après 1533), fils de Robert, et les petits-fils de ce dernier, à savoir Nicolas (Barbençon c. 1500-1572), Adrien I (Barbençon s.d. – apr. 1559), François (Barbençon s.d. – apr. 1559) et Engrand ou Enguerrant (Barbençon s.d. – apr. 1559). En 1559, les quatre frères ont reçu la confirmation par Philippe II des privilèges accordés à la fin du siècle précédent à leurs ancêtres maîtres-verriers et si Nicolas comme Adrien sont identifiés à Barbençon, il semble que François et Enguerrant travaillent aussi à Momignies. 

En ce milieu du XVIe siècle, les Colinet sont déjà à la tête d’un important réseau international verrier, disposant d’implantations de part et d’autre de toutes les frontières existant à l’époque ; au prix d’une forte endogamie, les Colnet conserveront le contrôle de l’activité verrière dans le pays wallon pendant plusieurs générations. Face à une demande toujours plus pressante, les Colnet offrent une qualité reconnue. Lors de son passage dans les Pays-Bas méridionaux, l’historien Louis Guichardin a été frappé par la supériorité du verre à vitre produit à Barbençon, comparé à celui de Hesse voire à celui de Lorraine ou provenant de Normandie. Avec leur technique de verre à boudine, les Colnet détiennent alors quasi le monopole sur le marché des provinces romanes, trouvant leur clientèle auprès des grandes familles seigneuriales. Aux privilèges liés à leur activité, les verriers Colnet ajouteront de nombreux biens et propriétés qui, au XVIIe siècle, les identifient à la noblesse.

Les origines et les activités des Colnet font l’objet de débats depuis de très nombreuses années ; ils sont loin d’être terminés. En effet, depuis le début du XXIe siècle, les écrits de Raymond Chambon sont très sérieusement remis en cause. Or, son ouvrage de synthèse sur l’histoire du verre en Belgique est une référence qui pèse lourdement sur la vision traditionnelle de l’histoire du verre dans le pays wallon, en particulier dans la région de Chimay. On restera par conséquent attentif à toute nouvelle information permettant de cerner parfaitement les activités des Colnet, ceux de la branche de Barbençon en particulier.

 

Sources

Benoît PAINCHART, L’activité verrière des Colinet au Sart de Chimay, XIIIe-XVIIe siècles, cinq articles répartis  dans la revue Éclats de Verre, du n°21 au n°25, mai 2013-mai 2015, en particulier la deuxième partie : En quête de vérités, les preuves de la non-existence de Verreries au Surginet et au Fourmathot au XVIe siècle, dans Éclats de Verre, novembre 2013, n°22, p. 34-46 ; la troisième partie : En quête de découvertes, les voirreries de Barbençon et l’enracinement méconnu des Colinet aux limites des terres de Barbençon et de Beaumont, dans Éclats de Verre, mai 2014, n°23, p. 8-16
Benoît PAINCHART, Les Colinet non verriers et leur diffusion en terres de Chimay, de Trélon et d’Etroeungt, XIVe-XVIIe siècles, dans L’Avesnois. Bulletin du Cercle historique et généalogique de Berlaimont, septembre 2013, n°31, p. 33-45
Janette LEFRANCQ, Apports et incidences de l’œuvre de Raymond Chambon sur l’histoire de la verrerie en Belgique, dans Annales du XVIIe Congrès de l’AIHV (qui a eu lieu à Anvers en 2006), Anvers, 2009, p. 339-343
Jutta-Annette PAGE, The ‘Catalogue Colinet’ : a mid-16th-century manuscrit ?, dans Johan VEECKMAN (dir.), Majolique et verre de l'Italie à Anvers et au-delà : la diffusion de la technologie au XVIe et au début du XVIIe siècle, Anvers, 2002, p. 243-262
M. THIRY, Les verreries du Hainaut, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique : des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 93-103
Virgile LEFEBVRE, La verrerie à vitres et les verriers de Belgique depuis le XVe siècle, Charleroi, Université du Travail, 1938
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=gilles;n=de+colnet
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=englebert+ou+engrant;n=de+colnet 
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=collart;n=de+colnet
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=francois;n=de+colnet;oc=3 (s.v. 27 novembre 2014)
Michel PHILIPPE, Naissance de la verrerie moderne XIIe-XVIe siècles. Aspects économiques, techniques et humains, Turnhout, Brepols, coll. dans De Diversis Artibus, XXXVIII, p. 80, 241-242, 402-403
Stanislas BORMANS, La fabrication du verre de cristal à Namur, dans Bulletin des commissions royales d'art et d'archéologie, Bruxelles, 1888, volume 27, p. 472, note 1 qui cite J-G. Le Fort, héraut d’armes du pays de Liège
Raymond CHAMBON, Histoire de la verrerie en Belgique du IIe siècle à nos jours, Bruxelles, 1955
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 256
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 277
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 277

Bidaut Eugène

Fonction publique

Liège 6/08/1808, Ixelles 19/05/1868

Fils d’un cavalier de l’armée française ayant épousé une Liégeoise en 1804, Jean-Guillaume-Eugène Bidaut grandit au sein d’une famille bourgeoise aisée, qui lui permet de suivre des études au Collège royal de Liège (1825), puis dans la toute nouvelle École des Mines de Liège. Ayant réussi le concours d’entrée à l’Administration des mines (1827), il commence une longue carrière dans l’administration « hollandaise » d’abord, belge ensuite. Né Français, il obtiendra la nationalité belge, recevant aussi la Croix de Fer en raison de sa participation active dans les événements de 1830 menant à l’indépendance de la Belgique. 

Affecté à Liège, Namur et Charleroi, l’ingénieur se distingue par des études géologiques approfondies de l’Entre-Sambre-et-Meuse, particulièrement appréciées par le secteur charbonnier. Nommé ingénieur des Mines de 1ère classe (1842), il est détaché en 1848 au département de l’Intérieur pour s’occuper de l’étude de travaux de défrichement et de fertilisation des bruyères de la Campine anversoise ; il y découvre aussi la présence de minerai de fer (1847). Promu inspecteur général au département de l’Agriculture et des Chemins vicinaux, il prend notamment en charge l’étude d’un système d’irrigation des larges prairies de la vallée de la Sambre. 

Nommé Secrétaire général du ministère des Travaux publics (mai 1858), son nom circule dans la presse en tant que candidat potentiel au poste de Ministre des Travaux publics. Ses idées libérales sont bien connues et ses amis le verraient bien briguer un mandat dans l’arrondissement de Charleroi (1859). Mais un autre défi le retient dans la région verviétoise qui lui vaudra d’être considéré comme l’auteur du barrage de la Gileppe. 

Beau-frère de Constant Materne, ministre plénipotentiaire et secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, époux d’Angélique Royer (1823-1878), ce haut-fonctionnaire de l’État se consacre en effet depuis 1856 à une mission exploratoire de grande importance, à la demande du gouvernement. Ses études initiales dans la vallée de la Vesdre n’ont d’autre objectif que d’améliorer et de réguler le débit de la Vesdre. Petit à petit, il prend conscience de l’intérêt d’un projet plus ambitieux, qui profiterait à l’industrie textile verviétoise. Dans son rapport final de mai 1866, il défend l’idée de construire un imposant barrage régulateur dans la vallée de la Gileppe, et d’établir une prise d’eau pour assurer une distribution d’eau ménagère et industrielle. 

Sa mort, deux ans plus tard, l’empêchera d’accompagner la phase décisive des travaux et d’être pleinement célébré au moment de l’inauguration du barrage de la Gileppe. Lors de la pose de la première pierre, le 9 octobre 1869, le ministre des Travaux publics de l’époque aura ces mots : « L’intelligence, le dévouement et le complet désintéressement de Bidaut perpétueront sa mémoire à Verviers, comme le barrage de la Gileppe lui assure la reconnaissance du pays tout entier ». 

Chevalier (1846) puis officier (1857) de l’ordre de Léopold, décoré de la Croix de Fer, grand officier de l’ordre de la Couronne de Chêne, commandeur des membres de l’ordre de Charles II d’Espagne, commandeur de l’ordre des SS Maurice et Lazare, Bidaut a aussi publié diverses études et participé à plusieurs Commissions spécialisées.

Sources

Richard CAMPUS, dans Biographie nationale, t. XXX, suppl. 2, col. 161-164 
Paul DELFORGE, La distribution d’eau à Verviers au XIXe siècle, Mémoire en Histoire, Université de Liège, 1985
Robert DEMOULIN, Contribution à l’histoire de la Révolution de 1830 à Liège, extrait du Bulletin de l’Institut archéologique et historique, Bruxelles, 1936, t. 60, p. 15

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Colnet Jean

Socio-économique, Entreprise

Hainaut c. 1350  – début du XVe siècle (c. 1412-1414)

L’activité verrière en pays wallon remonte à l’époque romaine, affirme-t-on généralement, et la région de Chimay est considérée comme son berceau en raison d’une production à Momignies (fournaise Mathot) datée de  1184, de la présence d’un « Pierre le verrier » vers 1259 et d’une  activité verrière à la Loge Wactiaux vers 1413, en Thiérache, selon principalement l’historien Raymond Chambon. Mais l’expertise de ce dernier est fortement contestée. Or, son ouvrage de synthèse sur l’histoire du verre en Belgique est une référence qui pèse lourdement sur la vision traditionnelle de l’histoire du verre dans le pays wallon. Les activités de la famille Colnet (ou Colinet voire Collenet) dans le métier du verre y sont connues pour remonter à plusieurs générations. Mais les origines mêmes des Colnet sont au centre de débats depuis de très nombreuses années ; ils sont loin d’être terminés. À l’instar de Benoît Painchart qui – notamment dans la revue Éclats de Verre – a donné un sérieux coup de balai sur l’historiographie traditionnelle, on restera par conséquent attentif à toute nouvelle information permettant de mieux cerner encore les activités des Colnet, de Jean Colnet en particulier.

Pour les uns, les Colnet sont originaires de Venise : un Jean Colnet/Colneti « écuyer » se serait établi à Leernes, près de Fontaine-l’Évêque au XVe siècle (LEFEBVRE), et en l’occurrence Leernes fait alors partie de la principauté de Liège ; pour les autres, c’est un certain Englebert Colnet, maître-verrier originaire de Thiérache, qui introduit en pays wallon des secrets de fabrication provenant de Vénitiens émigrés et permettant de produire du verre « à la façon de Venise » ; on rencontre aussi chez Raymond Chambon et chez Michel Philippe la thèse d’une famille « régionale », « thiérachonne », les Colinet, famille de verriers « des plus prolifiques et durables » du pays wallon. La branche plus tardive de Thiérache semble quant à elle revendiquer des origines dans le Hainaut… Pour Georges Dansaert, il ne fait aucun doute que les Colnet venaient d’Italie – les Colneti de Venise –, avec le lourd bagage des verreries du XVe siècle. Ils sont passés par Anvers et ont essaimé dans les Pays-Bas, en Hainaut particulièrement, ainsi qu’en principauté de Liège. Dansaert identifie un Jean (de) Colnet à Fontaine-l’Evêque en 1438 qui s’occupe d’une verrerie. Virgile Lefebvre ajoute pour sa part que ce Jean de Colnet avait fait construire là-bas une petite fabrique dont l’emplacement est dénommé « chemin du four à verre », actuelle « rue du four à verre ». À ce moment, Jean Colnet aurait surtout produit des vitraux. Ce serait, par conséquent, la première mention d’une verrerie sur le sol de la principauté de Liège.


L’enjeu des origines des Colnet dépasse la simple dimension historique. Il nourrit d’arguments tant le discours patriotique – national comme régional – que la construction d’une généalogie aux ascendants illustres. Dès lors, les démarches scientifiques de Benoît Painchart sont capitales quand elles aboutissent à démontrer qu’il n’y a pas d’origine italienne chez les Colnet au XVe siècle et que dès la fin du XIVe siècle, trois branches de Colinet sont implantées dans le pays de Chimay, l’une de verriers à Momignies, l’une d’agents administratifs à Macon, l’autre de charpentiers spécialisés à Bourlers. Dans le même temps, il écarte les datations antérieures à 1413 énoncées ci-dessus. Mais les Colinet sont bien présents à Momignies en 1378 et un document de 1416 témoigne de la présence d’un Colinet verrier dans le pays de Liège, tandis qu’un autre est actif à Namur.  Dès la première moitié du XVIe siècle, on rencontrera  en pays wallon un  nombre élevé de verreries nouvelles, capables de réaliser un verre blanc incolore, d’une assez bonne qualité (Beauwelz (1506), Thy (vers 1518), Macquenoise (1550), Momignies, Froidchapelle et Barbençon (1559) ainsi qu’à Leernes/Fontaine-l’Évêque).

La lignée des Colnet verriers est bien issue du pays de Chimay (PAINCHART). « Le cœur économique de l’activité se situe entre Fourmies et Chimay. (…) Le bois fournit à l’époque le combustible » (PHILIPPE). On trouve de la chaux et de la potasse à Chimay et du sable dans la région de Barbençon. La plupart de ces verreries « wallonnes » sont aux mains des descendants de Jean (ou Jehan) Colnet/Colinet/Collenet ; pendant quatre siècles, leurs produits satisferont les besoins du marché en verre à vitre et en verre commun du pays wallon. À l’origine, ils utilisaient le « procédé normand » dits « des plateaux ».
Selon Painchart, la présence de Jehan Colinet (c. 1350 – c. 1412/1414) et de son frère Colart (c. 1350 – 1422) comme verriers à Momignies est attestée par un document remontant à 1378. Par la suite, au moment de la scission de la terre de Chimay (1412), entre le comte de Hainaut et la maison de Chatillon-Blois, un autre document témoigne du travail au four de Colart (ou Collart) avec ses enfants, mais Jehan n’est plus mentionné. En raison des guerres et conflits politiques qui touchent le pays de Chimay, il est vraisemblable que le four de Momignies sera provisoirement éteint en 1425. Mais, selon la généalogie établie par Painchart, le sieur Jehan Colinet n’est alors plus de ce monde depuis une dizaine d’années.
 

Sources

Benoît PAINCHART, L’activité verrière des Colinet au Sart de Chimay, XIIIe-XVIIe siècles, cinq articles répartis  dans la revue Éclats de Verre, du n°21 au n°25, mai 2013-mai 2015
Janette LEFRANCQ, Apports et incidences de l’œuvre de Raymond Chambon sur l’histoire de la verrerie en Belgique, dans Annales du XVIIe Congrès de l’AIHV (qui a eu lieu à Anvers en 2006), Anvers, 2009, p. 339-343
Jutta-Annette PAGE, The ‘Catalogue Colinet’ : a mid-16th-century manuscrit ?, dans Johan VEECKMAN (dir.), Majolique et verre de l'Italie à Anvers et au-delà : la diffusion de la technologie au XVIe et au début du XVIIe siècle, Anvers, 2002, p. 243-262
M. THIRY, Les verreries du Hainaut, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 93-103
Luc ENGEN, Les verreries du Pays de Liège, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 135
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=jean;n=de+colnet;oc=3 (s.v. novembre 2014)
Michel PHILIPPE, Naissance de la verrerie moderne XIIe-XVIe siècles. Aspects économiques, techniques et humains, Turnhout, Brepols, 1998, coll. dans De Diversis Artibus, XXXVIII, p. 80, 241-242, 402-403
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_2004_num_82_4_7239_t1_1189_0000_2 (s.v. décembre 2014)
http://afaverre.fr/Afaverre/bibliographie-de-raymond-chambon-concernant-le-verre/ 
Armorial général des d’Hozier ou Registres de la noblesse de France, Paris, 1869, vol. 7, p. 509
Stanislas BORMANS, La fabrication du verre de cristal à Namur, dans Bulletin des commissions royales d'art et d'archéologie, Bruxelles, 1888, volume 27, p. 472, note 1 qui cite J-G. Le Fort, héraut d’armes du pays de Liège
C. d’E-A., Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle, Evreux, 1912, t. 11, CIB-COR, p. 214-215
Théodore BERNIER, La plus ancienne famille belge de gentilshommes verriers. Les Colnet, dans L’Éducation populaire, 30 août 1888, n°35
Georges DANSAERT, Faire son chemin. Histoire de la famille Desandrouin, dans Documents et rapports de la Société royale paléontologique et archéologique de l’arrondissement judiciaire de Charleroi, Thuin, 1937, t. 37, p. 1-14, 19
Benoît PAINCHART, extrait de la revue Éclats de Verre, n°8 ; cfr www.genverre.com 
Raymond CHAMBON, Histoire de la verrerie en Belgique du IIe siècle à nos jours, Bruxelles, 1955
Raymond CHAMBON, Les Verreries forestières du Pays de Chimay du XIIe au XVIIIe siècle d’après les documents d’archives, dans Publications de la Société d’histoire régionale de Rance 1959-1960, Chimay, 1960, t. IV, p. 111-180
Virgile LEFEBVRE, La verrerie à vitres et les verriers de Belgique depuis le XVe siècle, Charleroi, Université du Travail, 1938
La difficile gestion des ressources humaines autour d’un four de  verrerie à la fin de l’Ancien Régime en France par Stéphane Palaude, docteur en Histoire, Université de Lille 3 
Adolphe-Jérôme BLANQUI, Dictionnaire du commerce et de l’industrie, Volume 4, p. 449
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 256
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 277
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 277

Villers Augustin-François

Académique, Philologie

Malmedy 20/04/1748, Malmedy 20/05/1794

L’un des dictionnaires wallon-français les plus anciens connus est l’œuvre d’Augustin-François Villers. Jamais publié du vivant de son auteur, ce manuscrit a fait l’objet de beaucoup d’attention dès le XIXe siècle, notamment par la Société liégeoise de Littérature wallonne, avant d’être édité une première fois en 1957 et de faire l’objet d’une édition critique en 1999. Si l’on continue à s’interroger sur les motivations et les objectifs d’Augustin-François Villers, sorte de précurseur de la philologue wallonne, force est de reconnaître à son Dictionnaire à la fois la grande richesse des mots et expressions, l’étendue des domaines explorés, l’originalité du contenu et la délimitation stricte de l’aire géographique analysée (LECHANTEUR).

Après des études au Collège des Jésuites à Luxembourg, ce fils d’une famille patricienne malmédienne – son père a été bourgmestre de la localité – étudie le Droit à l’Université de Louvain, puis s’établit dans sa ville natale comme avocat. Nommé échevin de Malmedy (1773), Augustin-François Villers est choisi comme conseiller privé et provincial par le prince-abbé Jacques Hubin (1785) et conserve la confiance de son successeur, Célestin Thys, le dernier prince abbé de Stavelot-Malmedy.

Jurisconsulte, historien, linguiste, Villers se penche sur les statuts du pays de Stavelot et du comté de Logne (1777), il établit un Codex Stabuleto-Malmundariensis (dans les années 1780), et écrit une histoire de l’ancienne principauté de Stavelot, depuis Saint-Remacle, fondateur du monastère, jusqu’à l’élection du prince abbé Célestin de Thys (en 1787), soit l’Histoire chronologique des abbés-princes de Stavelot et de Malmedy avec les principaux événements arrivés sous leurs règnes respectifs, en la principauté de Stavelot et comté de Logne

Maïeur de Louveigné (selon certaines sources), puis surtout de Malmedy à l’heure de la seconde restauration autrichienne, en 1793, Augustin-François Villers meurt en service, dans un accident de cheval, laissant en l’état de manuscrit ce Dictionnaire wallon-français « pour l’usage de ses enfants ».

Sources

Jean LECHANTEUR (éd.), Le dictionnaire wallon-françois (Malmedy, 1793) d’Augustin-François Villers, avec un lexique des termes français vieillis ou difficiles par Martine WILLEMS, Liège, 1999, Mémoires de la Commission de Toponymie et de dialectologie, section wallonne, n°19
M. DEWALQUE, Note sur le dictionnaire d’AF Villers, dans Malmedy Folklore, 1981, t. XLV, p. 21-28
Robert CHRISTOPHE, Malmedy, ses rues, ses lieux-dits, dans Folklore. Stavelot - Malmedy - Saint-Vith, Malmedy, 1979, t. 43, p. 10
Charles GRANDGAGNAGE, Extraits d’un dictionnaire wallon-français composé en 1793 par M. Augustin-François Villers, licencié en droit, pour l’usage de ses enfants, dans Bulletin de la Société liégeoise de Littérature wallonne, n°6-2, 1863, p. 21-91
Joseph DEJARDIN, Examen critique de tous les dictionnaires wallon-français parus à ce jour, dans Bulletin de la Société liégeoise de Littérature wallonne, Liège, Carmanne, 1886, t. 22, p. 311-361
Quirin ESSER, Note sur le dictionnaire malmédien de Villers (1793), dans Bulletin de la Société liégeoise de Littérature wallonne, n°45, 1904, p. 347-352
M.S.P. ERNST, Histoire du Limbourg, suivie de celle des comtés de Dalhem et de Fauquemont…, Liège, 1838, vol. 2, p. 99-100
Albert LELOUP, Folklore Malmedy, 1957, XII, p. 162
Maurice LANG, Généalogies, dans Folklore Stavelot–Malmedy–Saint-Vith, 1965, t. XXIX, p. 48

© Sofam

Ubac Raoul

Culture, Peinture, Photographie, Sculpture

Cologne 31/08/1910, Dieudonne (Oise) 24/03/1985

En 1981, le Musée de l’Art wallon organise, dans les salles du musée Saint-Georges, une rétrospective consacrée à Raoul Ubac. Ce n’est pas la première rétrospective de cet artiste (Charleroi, 1968 et la Fondation Maeght, 1978), mais ce sera la dernière de son vivant : il était à la fois photographe, peintre, dessinateur, sculpteur, litho-graveur et lithographe, ainsi que créateur de vitrail. Toujours en quête de création, Ubac avait trouvé à Malmedy le goût pour la nature, à Cologne une technique artistique, en Dalmatie l’inspiration photographique, à Paris une influence surréaliste, en Haute-Savoie la découverte des vertus de l’ardoise et, partout dans le monde, des lieux où s’épanouir et où exposer ses œuvres multiples.

Pendant longtemps, ses biographes font naître Rudolf Gustav Maria Ernst Ubach à Malmedy, terre où la famille maternelle (les Lang) s’était spécialisée dans la tannerie. En fait, c’est à Cologne qu’il voit le jour et qu’il vit pendant quatre années, avant que sa famille ne suive le père, nommé juge de paix à Malmedy, en 1914 (en 1919 selon certains travaux). Depuis le Congrès de Vienne (1814-1815), la cité wallonne est prussienne ; elle change de statut en juin 1919 et c’est dans le nouvel Athénée de Malmedy que le jeune Ubach accomplit ses études (1920-1929), croisant sans doute la route de l’abbé Bastin. 

Si la perspective du métier de garde-forestier attire le jeune homme, la lecture du Premier Manifeste du surréalisme d’André Breton modifie radicalement ses perspectives. Celles-ci sont larges, car le jeune homme aime le voyage, traversant volontiers le cœur d’une Europe qui n’est pas encore en guerre. En quête d’identité personnelle et artistique, il ne fixera son patronyme définitif qu’en 1950 : « Je déclare signer mes œuvres Raoul Ubac ».

En 1929, Raoul Ubac est inscrit à la faculté de Lettres de la Sorbonne et recherche le contact avec le milieu artistique parisien, en particulier les surréalistes. Trouvant dans la photographie le moyen d’assouvir sa créativité, Ubac quitte Paris pour Cologne, où il fréquente l’École d’Arts appliqués, ainsi qu’un cercle d’artistes progressistes. La Dalmatie le fascine et il en revient avec des images d’assemblages de pierres qu’il crée et qu’il va dessiner, peindre et surtout photographier. Toutes les années trente seront, pour Rolf Ubac-Michelet, une période d’expérimentation des techniques photographiques et d’inventions (photocollage, photomontage, surimpression, brûlage, solarisation, voilage ou le paraglyphe) ; influencé par Man Ray, il cherche à constituer une nouvelle image, par la destruction de l’ancienne, pour inventer sa réalité. Ses œuvres sont notamment présentes dans les manifestations des surréalistes, auxquels il se joint sans réserve ni réticence, de 1936 à 1939, et ce sont ses créations publiées dans la revue Le Minotaure qui le font connaître internationalement.

Après l’offensive allemande contre la France, Ubac se réfugie en « zone libre », pendant quelque temps, à Carcassonne, avec Magritte et Jean Scutenaire. Entre Bruxelles et Paris occupées, ensuite, il connaît une période (1940-1946) marquée par des dessins figuratifs, des encres de Chine et des gouaches. S’éloignant résolument du surréalisme et de la photo, Ubac va explorer en solitaire une voie totalement originale à partir de 1946 : plutôt que de représenter des pierres (comme il l’avait fait au début de sa période « photographie »), il va utiliser l’ardoise comme objet et support de son expression artistique. Il renoue ainsi « avec le très vieux métier des artisans-sculpteurs anonymes de son pays » (PARISSE).

Sorte de retour à la nature, l’ardoise est cependant un matériau fragile et difficile à maîtriser ; sa complexité offre, en revanche, une multitude de possibilités artistiques qu’Ubac va désormais explorer. Les quatorze reliefs du chemin de croix qui orne la chapelle Saint-Bernard de la Fondation Maeght, sur la colline de Saint-Paul de Vence, ne sont qu’un exemple des multiples réalisations de l’artiste. Dans le même temps, sa réflexion sur la forme et la couleur le conduit sur le chemin de l’abstraction lyrique, à la suite de Georges Mathieu, voire de la méditation. Progressivement, ses ardoises façonnées s’imposent comme la caractéristique unique d’un artiste qui, pourtant, réalise une œuvre beaucoup plus variée ; avec un certain succès, il ne cesse de s’adonner simultanément à la peinture, avant de mêler les genres – gravure et peinture – à partir du milieu des années 1950 ; il se consacre aussi à l’art du vitrail, à la lithographie et à la sculpture.

Souvent exposé par l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie, il fait partie, au sein de l’APIAW, d’un groupe d’artistes wallons séduits par le projet Cobra (1951-1952). Entre Liège, Paris où il vit jusqu’à la fin des années 1950 et l’Oise, où il s’installe à Dieudonné, au bord de la Forêt de Chantilly, Ubac apporte sa contribution à des projets architecturaux et participe à des expositions internationales de plus en plus nombreuses, de Tokyo à New York ou Pittsburgh, en passant par la galerie Maeght, avec laquelle il était sous contrat.

Sources

Bernard DORIVAL (préf.), Robert ROUSSEAU, Rétrospective Raoul Ubac : Charleroi, cercle royal artistique et littéraire - palais des beaux-arts, 3 février-3 mars 1968, Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, 10 mars-10 avril 1968 ; Paris, Musée national d’Art moderne, 25 avril-5 juin 1968, Charleroi-Gilly, Piérard’s, 1968
Christian BOUQUERET, Raoul Ubac. Photographie, Paris, Léon Scheer, 2000, p. 166-197
Bernard BLATTER (dir.), Yves BONNEFOY, Rétrospective Raoul Ubac : exposition, Musée Jenisch, Vevey... Musée des beaux-arts, Cabinet cantonal des estampes, du 14 juin au 30 août 1992, Paris, 1992
Rétrospective Raoul Ubac (1910-1985) Centenaire de la naissance de l’artiste, dans Arte News, octobre 2010, n°66, p. 6-7
Raoul Ubac 1910-1985 Rétrospective, Liège Grand Curtius 15 octobre 2010 – 16 janvier 2011. Dossier pédagogique, Liège, 2010 http://lesmuseesdeliege.be/wp-content/uploads/2013/06/dossped-ubac.pdf (s.v. mai 2016)
Jacques PARISSE, Situation critique. Mémoires d’un critique d’art de province, Liège, Adamm éd., 2000, p. 137-143

© Folklore Stavelot–Malmedy–Saint-Vith

Steinbach Henri

Socio-économique, Entreprise

Malmedy 16/03/1796, Malmedy 17/03/1869

Jusqu’en 1795, Malmedy et Stavelot forment une principauté abbatiale, avant de se fondre dans le département de l’Ourthe. Certes voués à la vie religieuse, les moines installés au bord de la Warche ont aussi développé des activités économiques nombreuses – moulin à grain, scierie et surtout papeterie – qu’ils abandonnent précipitamment quand le régime français se met en place. Confisqués et nationalisés, les biens du clergé sont mis en vente un peu partout ; à Malmedy, la papeterie abbatiale est achetée par deux Liégeois (1797) qui s’empressent de faire un bénéfice en revendant les anciennes propriétés des Bénédictins à trois Malmédiens, dont Henri-Joseph Steinbach. Après avoir racheté leurs parts à ses associés (1806), Steinbach, seul maître à bord, est le fondateur de la dynastie familiale des industriels du papier qui se succèdent à Malmedy tout au long du XIXe siècle.

Son fils, Nicolas-Henri-Ignace Steinbach, prend seul la direction de l’entreprise en 1832 et va donner aux affaires familiales un nouvel élan. Dans un premier temps, il poursuit la fabrication de cartons destinés à l’industrie du drap, en l’occurrence du carton poli destiné à presser les étoffes fines, soieries et draperies. La production est fort importante et, après avoir été écoulée sur les marchés de proximité (Verviers, Eupen, Montjoie), est désormais exportée sur tous les marchés d’Europe (Autriche, Russie, Suède, Espagne). 

Henri Steinbach continue aussi à vendre des papiers de qualité variée, mais il est conscient de devoir moderniser ses outils de production. Aussi, dans un second temps, il abandonne ses activités traditionnelles pour se spécialiser dans des produits de qualité supérieure : en 1841, il fait l’acquisition, en Angleterre, auprès de la firme The Bryan Donkin Company Ltd, d’une toute nouvelle machine à papier à table plate. Mue par une machine à vapeur, cet outil est capable de fabriquer du papier mince ou renforcé, d’une largeur de 140 cm, en continu. Déjà très performante, la machine anglaise est améliorée dans les ateliers malmédiens et permet à la société Steinbach d’offrir une qualité équivalente aux meilleurs produits venant d’Outre-Manche. C’est à une véritable révolution à laquelle on assiste, l’ère de la fabrication manuelle avec tous ses accessoires étant abandonnée.

D’autres machines suivront et, en peu de temps, à l’intérieur du Zollverein, la papeterie malmédienne est un des leaders du marché. Reconnaissant à l’égard de l’industriel, le gouvernement prussien nomme Henri Steinbach commissaire d’État lors de la première Exposition universelle de Paris, en 1855.

Sur le plan local, s’inscrivant dans la tradition familiale, Henri Steinbach exerce diverses responsabilités importantes. Membre du Conseil de la Ville depuis 1823, bourgmestre-adjoint pendant douze ans à titre honorifique, conseiller de la Chambre consultative du Commerce, il siège à l’Assemblée du Cercle et, en 1855, il succède à son beau-frère, Ernst von Frühbuss, comme premier député des États du Cercle.

Trois filles et trois garçons naîtront du mariage de Henri Steinbach avec Eulalie Cavens. Les trois hommes, Alphonse (1830-1913), Victor-Hubert-Marie (1836-1905) et Jules (1841-1904) resteront actifs dans la papeterie, mais c’est le cadet qui reprendra principalement les activités familiales.

Sources

Philippe KRINGS, Fritz Maiter et les cent ans de notre hôtel de ville, dans Malmedy Folklore, Malmedy, 2001-2002, t. 59, p. 27-28
Robert CHRISTOPHE, Malmedy, ses rues, ses lieux-dits, dans Folklore. Stavelot - Malmedy - Saint-Vith, Malmedy, 1979, t. 43, p. 32
Wallonia, t. 12, n°1, janvier 1904, p. 267 ; L’Écho du Parlement, 17 septembre 1865 ; La Meuse, 25 mars 1869
Walter KAEFER, Histoire du papier. Sa fabrication. Les papeteries de Malmedy, Malmedy, Association des Historiens belges du Papier, 1988
Joseph BASTIN, Les origines de la papeterie-cartonnerie de Malmedy, dans Armonac Walon d’Mâm’dî, 1937, p. 97-98
Maurice LANG, Dom André Vecqueray, fondateur de la papeterie abbatiale de Malmedy, et sa famille, dans Folklore Stavelot–Malmedy–Saint-Vith, 1952, t. XVI, p. 51-91
Maurice LANG, Généalogies, dans Folklore Stavelot–Malmedy–Saint-Vith, 1965, t. XXIX, p. 59-70
Walter KAEFER, Propos d’archéologie industrielle, dans Folklore Stavelot–Malmedy–Saint-Vith, 1981, t. XLV, p. 5-21
Walter KAEFER, La papeterie Steinbach en 1812, dans Folklore Stavelot–Malmedy–Saint-Vith, 1995-96, t. 56, p. 33-37
Anne RENARD, L'industrie de la tannerie à Stavelot et Malmédy sous le régime français, Université de Liège, mémoire inédit en histoire, 1984

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Ruet Noël

Culture, Poésie

Seraing 19/12/1898, Paris 03/04/1965

« Probablement le plus méconnu parmi les authentiques poètes de Wallonie » (DULIÈRE), Noël Ruet avait attiré sur lui l’attention d’Iwan Gilkin, Albert Mockel, Fernand Severin, Jean Toussel et Carlo Bronne, mais en dépit de leur amitié, c’est à Paris qu’il fut le plus apprécié, sans néanmoins que sa réputation ne lui ouvre une place dans les anthologies ou les histoires littéraires consacrées aux écrivains « belges ».
Issu d’un milieu populaire, orphelin dès son jeune âge, accueilli par l’orphelinat de Seraing, autodidacte, Noël Ruet n’aura d’autre projet que de conter son existence tout au long de ses poésies ; il s’inspirera aussi de la Meuse, de la vie industrielle du pays de Liège et célèbrera la Wallonie.

Mon amour, Wallonie,
Que tu me réponds mal !
Est-ce que tu renies
Mon poème natal ?

Publié en 1919, son premier recueil amorce clairement son aventure littéraire, comme l’indique son titre, Le Printemps du poète. Une trentaine de publications plus tard, sentant venir ses derniers jours, il livre un Chant pour l’Amour et la Mort (1965) qui est une sorte de grand testament. Entre les deux, son œuvre présente une cohérence certaine. Ainsi qu’il l’écrit lui-même, il a eu la volonté de Suivre sa trace (recueil paru en 1952), évoquant des moments de son existence, replongeant volontiers dans Ses Châteaux d’enfance (1946), s’efforçant de publier chaque année un recueil évoquant sa vie personnelle.

Ses tout premiers poèmes datent de 1916 : il les soumet à des auteurs reconnus et Iwan Gilkin signe la préface de son Printemps du poète, tandis que Max Elskamp l’encourage à braver son statut social. Ouvrier, électricien, employé, voyageur de commerce, bibliothécaire, journaliste, gérant de magasin, commerçant, qu’importent les obligations du quotidien : sa famille peut vivre et lui, il peut écrire à satiété. Son Beau Pays est un cantique aux paysages de la Wallonie. Poète élégiaque, Ruet est honoré par ses pairs : en 1925, le convoité Prix Verhaeren lui est décerné pour Le Musicien du cœur, précédant un prix des Amitiés françaises et un autre des Amis de Ronsard.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, échappant aux conséquences funestes d’un infarctus, il décide de quitter Liège et de s’installer à Paris (1947). Mais sa santé reste affectée par une maladie des bronches ; de surcroît, il est gagné par la solitude et son écriture est alors plus grave et sévère. En témoigne le titre du recueil paru en 1961 : Ma blessure chante. Mais à Paris, écrit-il, « Je suis libre, indépendant. Je fais l’œuvre que je devais faire pour donner un sens à mon destin. Je ne m’occupe pas des chapelles, des écoles littéraires. Je suis l’ennemi des mots d’ordre, des originalités à tout prix, des modes artificielles. Je suis assuré que la vraie originalité vient du chant tiré des profondeurs ».

Sources

Charles DELCHEVALERIE, dans La Vie wallonne, novembre 1926, LXXV, p. 195-198
La Vie wallonne, IV, 1966, n°316, p. 287 et 294-298
André DULIÈRE, Noël Ruet (1898-1965). Poète méconnu d’après une correspondance inédite, dans La Vie wallonne, 1987, n°397-400, p. 187-195

Œuvres principales 

Le Printemps du poète, 1919
Le rosaire d’amour, 1920
Le beau pays, 1920
Le Musicien du cœur, 1924
Muses, mon beau souci, 1927 (avec plusieurs eaux fortes de Jean Donnay)
L’azur et la flamme, 1928
Musique de chambre, 1930
À la Meuse, 1930
Le cercle magique, 1931
L’anneau de feu, 1934
Les roses de Noël, 1939
Châteaux d’enfance, (Charleroi, Cahiers du Nord), 1946
France, 1948
Doux et cruel, 1950
Suivre sa trace, 1952
Figure de trèfle, 1954
La Boucle du temps, (Seghers), 1956
Le bouquet du sang, 1958
Ma blessure chante, 1961
Les sources dans le cœur, (Paris, Points et contrepoints), 1963
Chants pour l’amour et la mort, (Bruxelles, De Rache), 1965