IPW

Plaque Édouard REMOUCHAMPS

Plaque à la mémoire d’Édouard Remouchamps, réalisée par Georges Petit, 4 février 1913.

Sur la façade de la maison natale d’Édouard Remouchamps (1836-1900), une plaque en bronze a été apposée le 4 février 1913 à l’initiative de l’association des Amis de l’Art wallon. Le sculpteur Georges Petit y a représenté deux personnages, dans un certain relief, celui de Tâti (à droite) recevant d’un air bravade les remontrances de sa sœur Tonton (à gauche) (incarnés par T. Quintin et J. Lambremont) ; il a ensuite inscrit la mention suivante :

« Le 14 mai 1836
est né dans cette maison
Édouard Remouchamps
auteur de la célèbre comédie
Tâti l’Pérriqui
dont le succès détermina
le réveil du Sentiment wallon ».

La plaque est signée, à gauche, les Amis de l’Art wallon, à droite, Georges Petit.

La date de l’inauguration n’a pas été choisie au hasard. Le 4 février 1913 marque le 25e anniversaire de la centième représentation de Tâti, ce qui est un succès sans précédent pour les lettres wallonnes. Il s’agit d’une initiative privée.
Lors de sa séance du 12 mars 1912, la société des Amis de l’Art wallon a répondu favorablement à la suggestion d’Oscar Colson de rendre hommage à Édouard Remouchamps par un monument public ; la discussion s’est ouverte à un projet plus vaste. Le mémorial en bronze ou en pierre dédié à Remouchamps serait installé dans la cour de l’hôtel d’Ansembourg où d’autres monuments prendraient place ; l’endroit deviendrait une sorte de panthéon « de nos gloires wallonnes, mot bien gros pour la modestie des nôtres ». Chargée d’étudier concrètement la question, la section liégeoise fait rapport lors de l’assemblée du 13 octobre. Finalement, l’initiative se limitera à apposer une plaque commémorative sur la maison natale de Remouchamps, rue du Palais 44. Une souscription publique et l’appui des autorités provinciales liégeoises permettent de réunir les moyens financiers nécessaires d’autant qu’une représentation de Tati l’Periqui procure la recette des entrées à ce projet confié au sculpteur Georges Petit (1879-1958).

Né à Lille, de parents liégeois, Georges Petit grandit à Liège et reçoit une formation artistique à l’Académie des Beaux-Arts où il est l’élève de Prosper Drion, Jean Herman et Frans Vermeylen. Il deviendra plus tard professeur de cette Académie. « Depuis 1901, date de ses premières œuvres, jusqu’à la guerre de 1940, Georges Petit a occupé avec autorité la scène artistique liégeoise », affirme Jacques Stiennon qui explique qu’il devait sa position aux multiples commandes officielles reçues autant qu’à sa maîtrise précoce de son art. Sa sensibilité et sa capacité à transformer une anecdote en symbole universel ont influencé durablement ses élèves, parmi lesquels Oscar et Jules Berchmans, Robert Massart, Louis Dupont et Adelin Salle. D’abord attiré par les portraits, Petit a livré plusieurs bustes de grande facture, tout en s’intéressant à la condition humaine. Marqué par la Grande Guerre, l’artiste y puise une force qui se retrouve dans ses réalisations des années 1917 à 1927. Comme épuisé par tant de souffrances, il choisit la peinture de chevalet et devient plus léger, sans tomber dans la facilité. Les visages humains tendent à disparaître et tant les paysages que les traditions wallonnes l’inspirent : en peinture, comme dans ses médailles (qui sont très nombreuses et d’excellente facture), voire dans les quelques sculptures qu’il exécute encore, comme la Tradition commandée par le Musée de la Vie wallonne.

Georges Petit avait vingt-et-un ans lorsqu’Édouard Remouchamps est décédé. En raison du retentissement de la pièce Tâti l’periqui, il ne pouvait ignorer le nom de son auteur ; mais au-delà du nom, le personnage restait quelqu’un de discret. Bourgeois prospère en raison des activités de meunerie développées en Hesbaye, libéral et philanthrope, homme cultivé aimant la poésie, française d’abord, wallonne ensuite, Édouard Remouchamps a peu écrit, mais sa troisième pièce de théâtre connaît la consécration à partir de 1884, quand tout le pays wallon découvre progressivement cette comédie-vaudeville en trois actes et en vers qui interpelle, sans avoir l’air d’y toucher, le public sur des sujets politiques d’actualité. De surcroît, elle contribue à la renaissance du théâtre wallon, tout en alimentant la prise de conscience politique wallonne. Il n’est donc pas étonnant que les Amis de l’Art wallon aient souhaité marqué son souvenir sur la maison familiale, celle aussi de leur ami Joseph-Maurice Remouchamps, l’un des fondateurs du Musée de la Vie wallonne.

Sources

Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°36, automne 1970, p. 23
Maurice PIRON, Anthologie de la littérature dialectale de Wallonie, poètes et prosateurs, Liège (Mardaga), 1979, p. 214-218
Jacques STIENNON (introduction), Georges Petit, catalogue de l’exposition organisée à Liège du 9 janvier au 2 février 1980, Verviers, 1980
Wallonia, 1912, p. 559-560

 

Maison natale
Rue du Palais  44
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Louise-Marie

Monument Louise-Marie, réalisé par Jean-Joseph Jaquet, 1878 puis 2 septembre 1999.

À défaut d’obtenir du roi de France son fils comme souverain du nouvel État Belgique (printemps 1831), les révolutionnaires de 1830 qui avaient convaincu Léopold de Saxe Cobourg d’accepter la couronne de Belgique tout en prêtant serment sur la Constitution eurent finalement comme première reine… la fille du roi de France. Née à Palerme en 1812, la fille du duc d’Orléans devient en effet, en 1832, la seconde épouse du roi des Belges (1790-1865) ; il s’agit d’un mariage arrangé à forte valeur diplomatique entre une jeune fille de 20 ans et un prince qui a le double de son âge. Quatre enfants naîtront de leur union, dont le futur Léopold II. En 1850, après la mort de son père détrôné deux ans plus tôt par les événements parisiens, la santé de Louise-Marie est chancelante. Cherchant calme et repos à Ostende, elle y décède le 11 octobre 1850.

Dans le mouvement de valorisation des personnages historiques par l’érection de monuments destinés à renforcer la nationalité belge, la famille royale n’est pas encore très présente dans l’espace public de Wallonie au milieu du XIXe siècle. Le phénomène sera surtout marqué au XXe siècle, avec la multiplication des monuments en l’honneur d’Albert Ier. Seules deux statues de Léopold Ier ont vu le jour à Namur (1869), puis à Mons (1877), quand naît le projet d’une statue en l’honneur de Louise-Marie. Alors qu’Ostende ne tient pas du tout à un monument qui rappellerait le décès de la reine dans la cité balnéaire, Philippeville manifeste clairement son intention d’une telle statue sur son territoire (décision du conseil communal du 27 octobre 1874). Le sculpteur Jean-Joseph Jaquet (Anvers 1822 – Schaerbeek 1898) en est l’exécutant ; il présente une sculpture réalisée selon la technique récente de galvanoplastie.

Formé à l’Académie d’Anvers, puis élève du Liégeois Louis Jehotte à l’Académie de Bruxelles (1839-1840), Jaquet se perfectionne dans l’atelier de Guillaume Geefs. Présent au Salon de Bruxelles de 1842, il expose onze pièces à celui de 1845, dont son monument Froissart qui sera installé et inauguré en 1848 sur la grand place de Chimay. Reconnu comme statuaire officiel, Jaquet fera toute sa carrière en répondant aux multiples commandes des autorités publiques, du gouvernement comme des municipalités, en Belgique comme aux Pays-Bas. Plus de 300 statues et une trentaine de bustes sont à mettre à son actif, dont le Baudouin de Constantinople, à Mons. D’initiative, l’artiste se laissera inspirer par des sujets mythologiques ou multipliera les allégories, recourant au bronze, au marbre ou à la pierre. Professeur de sculpture d’après la figure antique, Jaquet succède à Jehotte comme professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1863-1898), et obtient aussi le cours de sculpture d’ornement (1888-1898). Ce sculpteur « officiel » était tout désigné pour réaliser la statue de Louise-Marie.
Outre le fait d’être la première statue d’une reine des Belges à être installée en Wallonie, l’œuvre de Jaquet présente l’autre particularité d’avoir été l’une des premières à être exécutées selon la technique de galvanoplastie, technique innovante développée par la société d’Électro-Métallurgie de Haeren. Lorsque le sculpteur a terminé son modèle en plâtre, celui-ci est pris en gutta-percha afin de constituer le moule ; ensuite, par des procédés électrochimiques, on projette à l’intérieur du moule des couches de cuivre qui se superposent progressivement jusqu’à une épaisseur déterminée (5 à 6 mm). Du fer est ensuite coulé à l’intérieur du moule pour renforcer la réalisation. Selon ses promoteurs, le procédé présente plusieurs avantages : le produit est plus précis, moins cher et offre davantage de variations de couleur.
Si une troisième particularité doit être trouvée à l’œuvre de Jaquet, elle concerne la posture imposée à son sujet. La reine est en effet représentée assise sur son trône. Ses vêtements d’apparat sont l’occasion pour le sculpteur de jouer avec les plis et les effets des tissus ; il poursuit son exercice en réalisant deux bouquets de fleurs et ne manque pas de souligner le statut de son personnage en lui plaçant une couronne sur la tête. La première inauguration du monument a lieu en 1878. La statue est alors posée sur un socle de 3,5 m de haut. Sur la face avant, les armoiries se partagent l’espace avec la dédicace : 
 

Monument Louise-Marie

Louise-Marie
Première reine des Belges
 

Une grille en fer forgé noire entoure la base du piédestal. De part et d’autre du monument, deux fontaines imposantes en pierre ont été installées ; elles puisent leur eau dans un puits que le monument dissimule. Les photos du XXe siècle montrent que progressivement les deux fontaines se sont transformées en vulgaires supports d’éclairage public. Quant à la statue elle-même, elle supporte mal le poids des ans. En 1997, elle est descendue de son socle et une analyse technique a tôt fait de confirmer sa vétusté. Le socle à son tour est démonté. Lors d’importants travaux de réaménagement de la place d’Armes, à la fin du XXe siècle, l’ancien puits est aménagé et sa mise en évidence s’accompagne du déplacement de la statue Louise-Marie, du moins de la copie de sauvegarde qui en est faite, de la Grand Place vers la rue de Namur, au carrefour avec le boulevard de l’Enseignement, sur le site qu’occupait jadis l’École moyenne. L’inauguration de la « nouvelle » statue se déroule le 2 septembre 1999. Lors de ce transfert, l’occasion est saisie de ramener la statue plus près du sol ; elle est désormais portée par un socle en béton d’une cinquantaine de centimètres de haut.

 

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (dont Le Soir, 5 juillet 1999)
Jean-Pierre DUCASTELLE, Statuomanie athoise : l’érection de la statue d’Eugène Defacqz à Ath (1880), dans Annales du Cercle royal d'histoire et d'archéologie d'Ath et de la région et des Musées athois, 1996-1997, t. LV, p. 234-235
Richard KERREMANS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 458-459
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 762

Place d’Armes, puis au carrefour de la rue de Namur et du boulevard de l’Enseignement 
5600 Philippeville

carte

Paul Delforge

Monument Pierre-Joseph REDOUTE

Monument-fontaine à la mémoire de Pierre-Joseph Redouté, réalisé par le sculpteur Victor Van Hove et l’architecte Dumont, 1860.
 
Situé en face de l’Hôtel de Ville, un monument élevé par la commune de Saint-Hubert à la gloire du peintre Pierre-Joseph Redouté (1759-1840) rappelle que le célèbre « Raphaël des fleurs » est natif de l’entité, comme l’ensemble de sa famille. Construit sur les plans de l’architecte bruxellois Dumont dans au tournant des années 1850-1860, il se présente sous la forme d’une large fontaine surmontée d’un buste en bronze réalisé par le sculpteur Victor Van Hove (1826-1891).

Le projet d’un tel monument avait été décidé par le conseil communal de Saint-Hubert en juillet 1845. Quelques années sont nécessaires pour achever l’ensemble qui prend place sur l’ancienne maison communale, rasée en 1854. Aménagé en plan circulaire, le large bassin est édifié en pierres de taille bleues scellées avec du plomb, le tout supporté par des consoles à volutes. Quatre volumes rectangulaires équidistants accueillent autant de sphinx. Séparant la vasque en quatre, ils semblent veiller sur la quiétude du héros local. Au cœur du bassin, en effet, une colonne massive à panneaux avec base à paliers et pans coupés est surmontée du buste en bronze représentant Redouté. Sur chaque pan coupé, une croix est taillée en relief et sur chaque face de la colonne, un mascaron à tête de lion laisse s’échapper l’eau. Quant à la partie supérieure de la colonne, entre le bronze et le socle, ont été gravés dans la pierre des références au métier du peintre : dans une série d’entrelacs, apparaissent en effet une palette de couleurs et ses pinceaux. Sur la partie avant, une plaque de fonte mentionne :

« P. J. Redouté
peintre de fleurs
à la cour de France
1759-1840 ».

Peintre et décorateur de l’abbaye de Saint-Hubert, le père de Pierre-Joseph Redouté avait envoyé son fils à Paris pour se former et y développer le talent naturel qu’il a décelé. Il y perfectionne la technique de l’aquarelle et excelle dans la reproduction des fleurs en général, des roses en particulier. De sa rencontre avec le botaniste Charles-Louis L’Héritier de Brutelle (1746-1800), Redouté apprend beaucoup de sa science et restitue ainsi la nature avec une plus grande exactitude encore. Quant à Gérard Van Spaëndonck (1746-1822), professeur de peinture de fleurs au Jardin du Roi et directeur de la Collection des Vélins, il enseigne au jeune wallon les raffinements de l’aquarelle et une nouvelle technique de gravure, l’eau-forte au pointillé, que Redouté amène à un très haut niveau de perfection. S’appuyant sur un nouveau procédé de gravures en couleurs qu’il a mis au point dès 1796, « le Raphaël des fleurs » édite des milliers de planches, estampes, gravures, lithographies, etc. Il accepte aussi d’être le professeur de dessin de plusieurs personnalités parisiennes de l’époque qui lui assurent leur protection.

C’est donc un illustre prédécesseur que Victor Van Hove reçoit mission de représenter. Formé à l’Académie de Bruxelles par Louis Jehotte (1846-1851), le jeune artiste a quitté Renaix pour se consacrer exclusivement à la sculpture, perfectionnant ses méthodes auprès d’Eugène Simonis en cours privés (1850-1851). La reconnaissance ne se fait pas attendre. Exposé aux Salons de Paris où il tente de s’installer, il revient à Bruxelles où des commandes officielles l’attendent. En 1855, un Esclave nègre après la bastonnade est particulièrement remarqué tant à Bruxelles qu’à Paris où il reçoit une médaille d’or. C’est à cette époque de bonne inspiration qu’il réalise le buste colossal en plâtre représentant P-J. Redouté. Achevé en 1857, il sera fondu avant d’être inauguré vers 1860 sur la place du Marché de Saint-Hubert. Par la suite, les œuvres d’inspiration de Van Hove continuent d’être admirées, mais, pour vivre de sa sculpture, il recherche des commandes publiques qui sont fort disputées. Par conséquent, il doit se résoudre à délaisser la sculpture pour la peinture, domaine dans lequel le succès lui assure une plus grande aisance.

Sources

Marylène LAFFINEUR-CREPIN, « Le Raphaël des fleurs : Pierre-Joseph Redouté », dans Jacques STIENNON, Jean-Patrick DUCHESNE, Yves RANDAXHE (dir.), De Roger de le Pasture à Paul Delvaux. Cinq siècles de peinture en Wallonie, Éditions Lefebvre & Gillet, Les Éditeurs d’Art Associés, Art & Fact, 1988, p. 144
Mémoires de Wallonie, Les rues de Louvain-la-Neuve racontent…, Luc COURTOIS (dir.), Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 2011, p. 385-386
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 593-595
 

Monument-fontaine Pierre-Joseph Redouté

 

Place du Marché 
6870 Saint-Hubert

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Statue Rathier

Statue de Rathier, réalisée par Jules Halkin, réalisée par Jules Halkin, c. 15 octobre 1880.

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius, une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs destinés à raconter l’histoire liégeoise. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et placées à leur place respective. Rathier est parmi celles-ci.

Placée logiquement selon l’évolution chronologique entre les princes-évêques Francon et Wazon, la statue de Rathier est l’une des 42 personnalités retenues, selon le critère d’avoir marqué l’histoire de la principauté de Liège. Elle se situe sur la partie supérieure gauche de la façade occidentale. L’évêque Rathier (Liège circa 890 – Namur 974) est l’un des évêques les plus remarquables de l’histoire liégeoise. Formé à la solide école de Lobbes, il apparaît comme l’un des meilleurs théologiens de son temps (Genicot), voire « le seul théologien de son siècle » (Kurth). Considéré comme « un des esprits les plus curieux » de son temps, Rathier excelle en médecine, en mathématiques et en sciences, il maîtrise les auteurs grecs et romains, connaît le droit canon et les philosophes. Plusieurs voyages à l’étranger lui ont permis de rassembler tout un savoir qui faisait défaut dans sa patrie avant lui. Latiniste distingué, il développe aussi, comme théologien, une approche personnelle. Si son savoir est considérable, Rathier restera toujours malheureux dans ses entreprises liées aux charges ecclésiastiques. Désigné comme prince-évêque en 953, il devra renoncer à sa charge tant l’opposition de l’aristocratie et du clergé liégeois était forte (955). Éphémère évêque de Vérone (962-969), il connaît aussi de sérieux problèmes quand il prétend à la direction de l’abbaye de Lobbes. C’est à l’abbaye d’Aulne que Rathier achève une longue existence, marquée par des déboires dans les cercles de pouvoirs, mais par une œuvre intellectuelle de premier ordre.

Cette complexité ne se lit pas sur la statue réalisée par Jules Halkin (Liège 1830 – Liège 1888) qui se contente de le lui faire tenir un parchemin dans la main gauche, bien peu représentatif de l’abondante production littéraire du personnage. De facture sérieuse, elle est néanmoins réalisée avec un souci d’art et de différenciation. Liégeois lui-même, le sculpteur accomplit l’essentiel de sa carrière dans sa ville natale. Il y a d’ailleurs suivi les cours de Gérard Buckens à l’Académie des Beaux-Arts, avant qu’une bourse de la Fondation Darchis ne lui permette de séjourner à Rome pendant plusieurs mois (1851-1853). Il parfait ensuite sa formation en France et en Allemagne. Au début des années 1860, il trouve facilement des acheteurs privés pour plusieurs de ses premières réalisations essentiellement d’inspiration religieuse (Vierge, chemin de croix, bas-reliefs, etc.), avant de participer au chantier de décoration du palais provincial de Liège : là il signe huit statues et bas-reliefs dont « l’assassinat de Saint-Lambert », « la sortie des Franchimontois » et un « Notger répandant l’instruction ». Le sculpteur réalise encore un Saint-Lambert pour la cathédrale Saint-Paul et un chemin de croix en pierre de France pour l’église Saint-Jacques (1862-1865). Ses bustes en bronze et en marbre trouvent aussi de nombreux amateurs auprès de bourgeois de la Cité ardente, qu’ils soient industriels, intellectuels ou artistes eux-mêmes. Sa notoriété, Jules Halkin la doit surtout à sa sculpture monumentale du Cheval de halage (1885) qui partage avec le Torè de Mignon l’espace des Terrasses de Liège.

Sources

Liliane SABATINI, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 436-437
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 79
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 676
Isabelle VERHOEVEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996 
Godefroid KURTH, Rathier, dans Biographie nationale, t. 18, col. 772-783
La Meuse, 2 octobre 1880 et ssv.


 

Statue de Rathier – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam


 

 

Façade du Palais provincial
Face à la place Notger
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Buste Louis Rademecker

Buste à la mémoire du commissaire et résistant Louis Rademecker, réalisé par Marceau Gillard, 26 janvier 1974. 

Sur la façade du commissariat de police situé rue Hullos, à Liège, émerge un monument dédié à Louis Rademecker. Il s’agit d’un buste sculpté par Marceau Gillard, posé sur une longue pierre bleue rectangulaire et placé dans un aménagement spécifique de la façade ; sur le socle, une petite plaque en bronze indique :

LOUIS RADEMECKER
COMMISSAIRE DE POLICE
MORT EN HÉROS À LA CITADELLE DE LIÈGE
LE 14 MARS 1943

En dessous, sur le socle, les mots suivants sont gravés en relief dans le marbre noir :

MIEUX VAUT MOURIR
DEBOUT
QUE VIVRE A
GENOUX


Cette inscription a été gravée par le maître marbrier Delferrière.

Au sortir de la Grande Guerre, Louis Rademecker (Liège 1895–1943) était entré au service de la Sûreté de l’État ; envoyé en Allemagne, il a fait partie de l’armée belge d’occupation en tant qu’officier de la police judiciaire (1919-1925). Agent de liaison entre services secrets belge et français à Düsseldorf, il perd son emploi lorsque la Sûreté réduit ses cadres. Entré à la police de Liège en juillet 1926, l’agent de 3e classe est promu commissaire-adjoint de 2e classe (1927) et de 1ère classe en 1933. Secrétaire du Commissaire en chef (1931), il est une personnalité respectée sur la place de Liège, comme en témoigne sa désignation en tant que Directeur de l’École de police (1937). Renouant avec ses activités de renseignements lorsque la menace de guerre se précise, Rademecker crée l’Épingle noire, au service de la France. Tentant de contribuer à l’effort de résistance à l’invasion allemande (mai-juin 1940), il revient à Liège durant l’été et est attaché au Parquet de police, tout en étant le chef du secteur Liège-Limbourg du réseau Francis-Daniels. Sa désignation comme Commissaire de police de la 4e division par Joseph Bologne (1941) est rejetée par les autorités d’occupation : la police allemande a d’ailleurs déjà arrêté le policier liégeois pendant quelques jours en octobre 1940. Néanmoins, faisant fonction de commissaire, il dirige le bureau de la rue Hullos quand la Geheime Feldpolizei procède à nouveau à son arrestation. Cette fois, cependant, il est enfermé au secret, dans une cellule de la Citadelle. Il y est torturé et c’est plus que vraisemblablement des suites des sévices endurés qu’il décède le 14 mars 1943. Les Allemands affirmeront qu’il s’est pendu… Des photos souvenirs imprimées à l’époque indiquent qu’il fut abattu par la Gestapo. Les soupçons allemands portent sur les activités clandestines de Louis Rademecker, accusé d’espionnage. Ancien agent du Cinquième bureau français, il était resté en contact avec des officiers français au début de la Seconde Guerre mondiale et le réseau d’évasion qu’il a mis en place vers la France a permis le rapatriement de plusieurs dizaines de prisonniers de guerre français évadés, ainsi que des aviateurs anglais ; il travaillait aussi pour Luc-Marc. Par ailleurs, dès 1941, il avait contribué à la création d’une association d’aide et de solidarité à l’égard des familles des policiers ; à l’origine, il s’agissait d’aider les proches des policiers prisonniers, en fuite ou déportés ; elle étendra ses activités à d’autres catégories de patriotes résistants et les maintiendra en les diversifiant après la Libération.

En 1991, « L’œuvre Louis Rademecker » fêtait ses 50 années d’existence avec faste et elle reste active à l’approche de ses 75 ans. Chaque année, le monument Rademecker est fleuri à l’occasion de la journée commémorative organisée par les associations patriotiques et par le Comité des Fastes de la Police liégeoise.

Après la Libération, Louis Rademecker a droit à des funérailles officielles grandioses (19 juillet 1945). L’œuvre qui porte son nom inaugure un monument en 1946 en l’honneur des policiers liégeois décédés, mais il faut attendre janvier 1974 pour qu’un monument soit exclusivement consacré à Louis Rademecker ; il est l’œuvre de Marceau Gillard.

Né en France de parents wallons (Louvroil 1904 – Liège 1987), Marceau Gillard arrive à Liège avec sa famille en 1914. Au sortir de la Grande Guerre, il suit les cours de dessin à l’Académie de Liège avant d’opter aussi pour la sculpture, où il devient l’élève d’Oscar Berchmans. Il se distingue par plusieurs prix durant sa formation (1918-1928). Restaurateur de tableaux (dans les années 20), décorateur de théâtre, il devient professeur dans le réseau provincial liégeois (1931-1949) à Seraing, puis à Huy ; après la Seconde Guerre mondiale, il succède à Oscar Berchmans quand il devient professeur de sculpture à l’Académie de Liège (1949-1970). Membre de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie, Gillard fait partie du groupe « Pointes et Bosses », sous-section figurative de l’association présidée par Marcel Florkin. Aspirant à la réalisation de grands formats, il répond à des commandes officielles et privées, émanant principalement de la région liégeoise. Associé notamment à la décoration du Pont des Arches (« Naissance de Liège » – 6 mètres) et du Pont Albert Ier, il signe l’imposant monument d’hommage aux victimes de Grâce-Berleur, tuées lors des événements de la Question Royale. À Huy, il signe le monument aux prisonniers politiques de la Seconde Guerre mondiale.

Sources

Emmanuel DEBRUYNE, La guerre secrète des espions belges 1940-1944, Bruxelles, Racine, 2008, p. 24
Coeurs belges, avril 1951, n°4, p. 3-4 (reproduisant un article du 3 mai 1944)
http://www.bel-memorial.org/cities/liege/liege/liege_stele_rademecker.htm 
Cédric VRANKEN, La police communale de Liège pendant la Seconde Guerre mondiale, Université de Liège, département des sciences historiques, année académique 2013-2014, inédit, p. 179-193, 332-333
Jean-Patrick DUCHESNE, Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 626-627
Joseph PHILIPPE, Marceau Gillard dans l’École liégeoise de sculpture, Liège, 1991
Jean BROSE, Dictionnaire des rues de Liège, Liège, Vaillant-Carmanne, 1977, p. 94-95

 

Buste Louis Rademecker (Liège)


 

 

Rue Saint-Laurent 79
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Médaillon Jean Racine au Théâtre de Mons

C’est au début des années 1840 que la ville de Mons accueille un nouveau théâtre : sur les plans de l’architecte montois Charles Sury (1814-1865), un bâtiment néo-classique s’élève à l’angle de la rue Neuve et de la Grand Place. Le porche d’entrée, avec ses colonnes ioniques, est fermé par trois massives grilles en fonte, réalisées par le ferronnier Ph.-J. Hoyois et ornées par le sculpteur Émile Hoyaux qui signent les quatre médaillons représentant Molière, Racine, Grétry et de Lassus, ainsi que les attributs des arts scénique et musical sur un fronton triangulaire.

L’inauguration se déroule le 18 octobre 1843, offrant à la ville de Mons un théâtre moderne en plein centre-ville. Devenu vétuste, voire dangereux, le premier théâtre sera démoli au milieu du XXe siècle et laissera place à un « Grand Théâtre » tout neuf, inauguré en 1948, où l’on a conservé les grilles d’origine, leur hauteur étant quelque peu réduite. Quant aux quatre médaillons d’E.-J. Hoyaux qui continuent d’y briller de mille feux, ils datent de 1846.

Formé au collège de sa ville natale, le Montois Sury avait été nommé conducteur des travaux de la cité du Doudou en 1837, avant d’être désigné comme architecte principal en 1844. Mons lui doit plusieurs édifices comme le théâtre déjà cité (1843), mais aussi l’arsenal (1848), l’abattoir (1853), le manège (1854) et une école. Professeur à l’Académie des Beaux-Arts, Sury a aussi contribué à la restauration du beffroi et de Sainte-Waudru, et a pris part aux projets d’agrandissement de la ville après la démolition des fortifications. Sury était plus âgé que Hoyaux.

Formé à l’Académie de sa ville natale, où il reçoit les conseils d’Antoine Van Ysendyck, le Montois Émile-Joseph Hoyaux  (14 juin 1823 - date de décès inconnue) avait exposé dès 1842 un bas-relief et un buste de Voltaire qui furent immédiatement remarqués. C’est par conséquent à un sculpteur de 20 ans qu’est confiée la réalisation des médaillons des grilles du théâtre (achevés en 1846), avant d’être sollicité pour d’autres réalisations diverses. 

Outre de nombreux bustes et portraits, Hoyaux réalise une statue de la Vierge pour la chapelle du saint-Sacrement à Sainte-Waudru et s’occupe de la restauration des gargouilles de la même Saint-Waudru ; il signe aussi le bas-relief du fronton du théâtre de Mons, ainsi qu’un bas-relief sur le mausolée de la famille Duvivier (1855). Issu d’une famille de tailleurs de pierre, Émile-Joseph Hoyaux semble être le père d’Émile-Aimé Hoyaux, ingénieur et entrepreneur, pionnier en de nombreux domaines, dans le dernier quart du XIXe siècle, et notamment qui fut à l’initiative de la Cité ouvrière de Cuesmes (la Cité Hoyaux). Quant à Jean Racine (1639-1699), il est considéré comme le représentant type de la tragédie française classique : La Thébaïde (1664), Alexandre le Grand (1665), Andromaque (1667), Britannicus (1669), Iphigénie (1674), Phèdre (1677) sont quelques-unes de ses œuvres parmi les plus connues. Elles ont été jouées par le théâtre montois qui témoigne ainsi son attachement au théâtre français.



Ernest MATTHIEU, Sury, dans Biographie nationale, t. 24, col. 277-279.
Le passé artistique de la ville de Mons, dans Annales du Cercle archéologique de Mons, vol. 16, 1880, p. 360.
Christiane PIÉRARD, Les logements sociaux à la fin du XIXe siècle et la Cité Hoyaux à Mons (Cuesmes), dans Revue belge d’histoire contemporaine, 1977, n°3-4, p. 539-567.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 728.
http://www.samons.be/sites/default/files/LettredeSam201202.pdf (s.v. juillet 2015)

Grand-Place
7000 Mons

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Plaque Benoît QUINET

Plaque Benoît Quinet (Mons)

Parmi les écrivains wallons qui marquent le début du XIXe siècle figurent trois poètes montois, Adolphe Mathieu, Charles Potvin et Benoît Quinet. 

Se détachant du romantisme, Benoît Quinet (1818-1902) est « un poète lamartinien, religieux, moralisateur, patriote, tantôt railleur, tantôt intimiste ». Sans cesse, il réécrit ses textes et d’aucuns lui reprochent de trop souvent se répéter. 

Étudiant à l’Université catholique de Louvain au début des années 1840, il y écrit ses premiers textes (Le prisonnier mystérieux, puis La Voix d’une jeune âme), poème à message patriotique ; avec Homme au masque de fer, il se laisse aller à publier un drame d’une grande fantaisie. Trouvant dans la vie locale, ses mœurs et ses coutumes, ainsi que dans la défense des intérêts de la Belgique ses principaux thèmes d’inspiration, il est considéré, de son temps et encore au début du XXe siècle, comme l’un des principaux porte-drapeaux du mouvement littéraire de langue française qui a pris ses racines à Mons depuis les années 1830. Dantan chez les contemporains (1851) est par exemple un recueil de satires politiques et littéraires des démocrates et libres penseurs de 1848. Lilia est un recueil d’odes ; Patria rassemble des chants patriotiques ; Au Village réunit des tableaux de genre ; quant à Science, il s’agit d’un poème philosophique dans lequel il expose ses convictions religieuses. Ses contemporains reprochent déjà à Quinet de vouloir trop remanier ses textes ; cette manie lui vaudra d’ailleurs la mésaventure d’être exclu de concours, les dates de production de ses œuvres ne correspondant pas aux délais imposés ; mais tous lui reconnaissent une inspiration entièrement wallonne et une verve pétillante, pleine d’ironie et de sarcasme. Ses succès de librairie sont grands. Il fut le continuateur de l’Armonaque dè Mons lancé par l’abbé Letellier et, de sa formation en droit, il a retiré matière à publier plusieurs brochures très spécialisées pour le monde de l’industrie.
 

Quelques semaines après la disparition de l’écrivain, la « minorité » catholique (parti auquel avait appartenu Quinet et pour lequel il sera candidat en 1878) sollicite du conseil communal de la ville une initiative pour « consacrer la mémoire du poète » ; en date du 22 juin 1903, il est décidé qu’une plaque commémorative sera apposée sur la façade du n°2 de l’ancienne rue du Mont-de-Piété, où le poète est décédé. Ornée d’effets figuratifs végétaux, elle est apposée avant octobre 1904. Par la suite, à une date inconnue, la plaque de bronze est transférée non loin de là, au cœur du Jardin du Mayeur. La trace de ce transfert est visible sur la plaque actuelle car, sur l’inscription actuelle :


NÉ À MONS
LE 2 AVRIL 1818,
LE POÈTE
BENOIT QUINET
EST MORT EN CETTE VILLE*
LE 29 DÉCEMBRE 1902
ÉRIGÉ PAR LA VILLE DE
MONS


on remarque que la mention « ville » a été superposée à l’inscription initiale, à savoir « maison »…
Régulièrement, lors des fêtes de Wallonie, en septembre, des fleurs sont déposées au pied de cet hommage au poète Benoît Quinet.

* anciennement MAISON


Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse dont Le Monde illustré, n°2391, janvier 1903
Journal de Bruxelles, 30 décembre 1902 ; Journal de Charleroi, 31 décembre 1902 ; Le Courrier de l’Escaut, 3 janvier 1903
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 383
Benoit Quinet 1818-1902. Œuvres choisies, Hornu, impr. Abrassart-Malice, 1905

2 rue du Mont-de-Piété
(entre juin 1903 et octobre 1904)
Ensuite au Jardin du Mayeur
7000 Mons

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Ernest PSICHARI

Durant les combats particulièrement meurtriers qui se déroulent au mois d’août 1914 dans toute la province de Luxembourg (bataille des frontières), un jeune lieutenant français, du 2e régiment d’artillerie coloniale, perd la vie à l’entrée du village de Rossignol. S’il est enterré au cimetière militaire français de l’orée de la forêt (Rossignol) dès 1919, avec des dizaines d’autres de ses compagnons d’infortune, un premier monument est érigé en son honneur, dans l’espace public, quelques mois après l’Armistice (1920). 

Ce combattant n’est pas ordinaire : petit-fils de Renan, il est aussi l’un des tout premiers écrivains français tombés au champ d’honneur ; de surcroît, ses ouvrages les plus récents et son engagement dans la foi catholique donnent matière à transformer la mort d’Ernest Psichari en un martyr chrétien ou en un héros militaire.

Ernest Psichari

Né à Paris un 27 septembre 1883, Ernest Psichari est le fils du philologue Jean Psichari co-fondateur de la Ligue des Droits de l’homme, et, par sa mère, le petit-fils d’Ernest Renan et l’arrière-petit-neveu du peintre Ary Scheffer. Alors qu’il étudie la philosophie à Paris, au tournant des XIXe et XXe siècles, Psichari publie ses premiers poèmes qui s’inscrivent dans le courant symboliste. 

Désireux de servir la France, il délaisse une thèse de doctorat entamée sur le thème de « la faillite de l’idéalisme » pour le métier des armes (1904). Jeune brigadier, membre d’une expédition géographique, il tire de ses premiers services dans l’Oubangui-Chari-Tchad français (1906-1907) une nouvelle inspiration pour un récit de voyage qu’il rédige à son retour (Terres de soleil et de sommeil, 1908, couronné par l’Académie française). Essentiellement descriptif, Terres contient un étonnant dernier chapitre où on lit à la fois une justification de la colonisation, une apologie de la guerre, et une affirmation de la supériorité des blancs sur les noirs. Quand le sous-lieutenant de l’École d’artillerie de Versailles parvient à reprendre du service en Mauritanie (1909-1912), il se révèle un militaire aguerri, particulièrement attentif à affirmer la présence française. 

C’est en Afrique qu’il écrit L’Appel des armes, un roman à thèse qui, publié en 1913, tourne le dos au symbolisme et amplifie les idées en germe dans le dernier chapitre de Terres. Il s’agit d’un tournant dans sa pensée. Cet ami de Péguy y exprime un nationalisme hargneux et une pensée réactionnaire. « Le petit-fils de Renan, jusqu’alors connu pour son activité dreyfusarde et socialiste » (NÉAU-DUFOUR) change de camp, choisit celui de l’ordre, au point que certains historiens verront dans L’Appel des armes l’un des premiers témoignages d’une sensibilité préfasciste (GIRARDET).

Cependant, contrairement à ses contemporains – Péguy, Barrès ou Maurras –, Psichari ne cherche pas à élaborer une vision politique ; il n’aboutit à une forme de nationalisme intégral qu’en raison de sa propre crise intérieure qui n’est pas encore terminée. En effet, tandis que sa vie affective continue de connaître d’importants déchirements, éloignée cependant des périlleux chemins de traverse qu’il avait empruntés jadis, il abjure sa foi orthodoxe pour être baptisé selon le rite catholique. La quête sous-jacente d’une mystique le conduit sur le chemin du catholicisme intégral (vers 1912) et il réécrit par deux fois son dernier opus, en donnant une large place à « la recherche de la foi », tout en y manifestant un esprit de tolérance – notamment à l’égard de l’Afrique – et en se référant aux idéaux de 1789. Accoler une étiquette définitive à la pensée de Psichari apparaît par conséquent bien difficile. C’est à titre posthume que paraîtront en 1916 Le voyage du centurion, où il raconte les étapes de sa conversion, puis, en 1920, Les voix qui crient dans le désert.

Psichari achève l’écriture de ses deux romans autobiographiques, relevant de la « littérature catholique », quand éclate la Grande Guerre. Celle-ci l’empêche de prononcer ses vœux et d’entrer définitivement dans l’ordre des Dominicains. Envoyé sur le front belge, il se réjouit de prendre les armes pour ramener l’Alsace et la Lorraine dans le giron de la nation française. Mortellement touché au combat, le 22 août, à Rossignol, il est l’un des tout premiers écrivains, lieutenant appartenant au milieu intellectuel de son temps, à laisser la vie sur le champ de bataille. Celui qui était l’ami de Charles Péguy (tué lui aussi au combat quinze jours plus tard) et de Jacques Maritain devient très rapidement, dans la presse, la figure du héros militaire et celle du martyr chrétien. Après l’Armistice, sous la plume d’auteurs aussi divers que Henri Massis, Charles Maurras, Maurice Barrès, Jacques Maritain, Robert Garric, Charles de Gaulle, François Mauriac, Edmond Rostand et bien d’autres, on se dispute la mémoire de cette sorte de héros national de la France, défenseur de la patrie, de la nation et de l’Église.
 

Monument Ernest Psichari (Rossignol)

Le monument inauguré à Rossignol le 23 août 1920 n’échappe pas à cette compétition mémorielle. L’initiative est revient à Henri Massis, critique littéraire parisien déjà proche de Maurras et de l’Action française, ainsi qu’au poète et juriste bruxellois Thomas Braun, grand admirateur de l’Ardenne, et à Jean Psichari, le père d’Ernest. 

L’inauguration se déroule après une cérémonie religieuse célébrée par un père dominicain du prieuré Saulchoir, celui-là même où Psichari devait faire son noviciat. En présence du colonel français Cayrade, elle se déroule à l’endroit (ou près de l’endroit) où le soldat tomba à la tête de sa batterie. La presse s’en fait particulièrement l’écho, Le XXe siècle consacrant plus d’une page à honorer Ernest Psichari. D’autres initiatives seront prises par la suite dans le village de Rossignol qui devient, dans l’Entre-deux-Guerres, un lieu de pèlerinage particulièrement fréquenté par les milieux catholiques belges et français, qu’il s’agisse des scouts, des jécistes, des acéjibistes ou de la Ligue des familles nombreuses.

En bord de route, à quelques dizaines de mètres du cimetière civil, le monument Psichari s’élève en trois niveaux ; un large socle en pierres du pays accueille le monument proprement dit, composé d’une base en pierres légèrement arrondies qui supportent un obélisque d’environ 2 mètres de haut. 

Sur la face avant de l’obélisque, un glaive dressé verticalement est surmonté de l’inscription :


ERNEST
PSICHARI


Du côté droit, au sommet de l’obélisque a été gravée la date du 22 août 1914, tandis qu’à gauche apparaît la mention « ici tomba ». Sur le socle, on peut voir deux flambeaux avec les inscriptions :


LES TROUPES DE LA MARINE (à droite)
LE SOUVENIR FRANÇAIS (à gauche)


Aucune indication ne permet de connaître le nom du sculpteur ou de l’architecte ayant conçu ce monument.



Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (en particulier la période d’août 1920 et Le XXe siècle)
Daniel CONRAADS et Dominique NAHOÉ, Sur les traces de 14-18 en Wallonie, Namur, IPW, 2013, p. 137.
Frédérique NÉAU-DUFOUR, Ernest Psichari : l’ordre et l’errance, Paris, éd. du Cerf, 2001
Raoul GIRARDET, La société militaire dans la France contemporaine 1815-1939, Paris, Plon, 1953, p. 307.
http://www.ftlb.be/pdf/WAR14-18.pdf 
http://ftlb.be/fr/attractions/fiche.php?avi_id=2852 
www.STADTAUS.com_rossignol_ernest_psichari.pdf (s.v. juillet 2015)

Rue Camille Joset
6730 Rossignol (Tintigny)

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Fontaine et buste de Pierre Ponthier à Marche-en-Famenne

Au cœur de Marche-en-Famenne, sur la place actuellement appelée du roi Albert, s’élève une impressionnante fontaine, au centre de laquelle se dresse le buste du commandant Pierre Ponthier (Ouffet 1858 – Kassongo 1893). Inauguré en 1897, le monument est l’œuvre d’Alphonse de Tombay (Liège 1843 – Liège 1918). 

Cette initiative communale rencontre une triple préoccupation. D’abord, mettre en évidence le progrès technique et social que constitue la fourniture d’eau potable aux habitants de la localité ; d’autres communes de Wallonie optent aussi, au XIXe siècle, pour un monument-fontaine dédié à un personnage historique « local » : c’est là le deuxième objectif poursuivi : rendre hommage à un enfant du pays mort au combat au Congo. Enfin, il s’agit aussi de vénérer un héros qui a perdu la vie dans un fait d’armes destiné à libérer des esclaves. Les cartes postales représentant le monument qui circulent au début du XXe siècle insistent sur la campagne antiesclavagiste que mena alors l’État indépendant du Congo.

Construite sur le pignon aveugle du 18 de la rue Dupont, elle accompagne la moitié de la partie inférieure de la façade. Les pierres taillées en forme de pyramide lui donnent un aspect d’Egypte ancienne, le genre égyptisant étant fort en vogue à l’époque. En tout cas, Alphonse de Tombay n’a pas lésiné avec les effets apportés aux diverses parties de la fontaine. Installé au centre d’un portique incurvé en son centre, un socle à trois faces vient soutenir le buste en bronze de Ponthier. 

Fontaine Ponthier – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Gravée dans un cartouche, l’inscription suivante, redorée, surmonte le buste :

AU COMMANDANT Pierre PONTHIER
TUÉ AU COMBAT DE KASSONGO
LE 19 OCTOBRE 1893

Du bas du socle portant le buste, sortent trois têtes de lion distribuant de l’eau dans trois doubles bassins en cascade. Trois autres têtes de lion apportent de l’eau dans les bacs semi-circulaires les plus grands : c’est là que l’on voit, sur les cartes postales anciennes, les habitantes de la localité remplir leur seau ou laver le linge.

Militaire moustachu, portant casquette et décorations, le buste de Ponthier évoque ce sous-lieutenant d’infanterie qui s’engage en mars 1887 au service du jeune État indépendant du Congo appartenant à Léopold II. Après une première affectation au service topographique, il participe à l’expédition qui établit le camp de Basoko destiné à faire obstacle aux incursions des marchands d’esclaves (1888). Les escarmouches sont nombreuses. Après un bref retour en Europe, il repart en 1890 en obtenant le commandement de l’avant-garde de l’expédition Van Kerckhoven dans le Haut-Uele. Il s’y signalera par l’attaque d’un camp de trafiquants, par l’écrasement de dizaines d’entre eux et par la libération de plus de deux cents Africains promis à l’esclavage. Après un rapide retour en Europe pour soigner une blessure, il repart au Congo en 1893. À la tête des Stanley-Falls, Ponthier succombera à ses blessures après une bataille livrée par l’armée commandée par Dhanis contre les trafiquants du chef arabe Rumaliza, près de Kassongo. Sur place, son nom est donné à une station de Wabundu sur le fleuve Congo (Ponthierville).

Fils et petit-fils de sculpteurs liégeois, Alphonse de Tombay a appris le métier dans l’atelier paternel, avant de fréquenter l’Académie de Liège où il bénéficie notamment des conseils de Prosper Drion. Ami de Léon Mignon, il bénéficie comme lui d’une bourse de la Fondation Darchis et séjourne plusieurs mois à Rome (1874-1878). De retour à Liège, il répond à plusieurs commandes officielles dont un buste de Charles Rogier (1880) à Bruxelles qui aura beaucoup de succès. C’est aussi à ce moment qu’il participe au chantier de décoration du palais provincial de Liège auquel il livre six statues et trois bas-reliefs évoquant des scènes historiques. Exposant ses propres œuvres tout en répondant à de nombreuses commandes officielles à Bruxelles, il devient professeur à l’Académie de Saint-Gilles, avant d’en assurer la direction (1902). L’œuvre réalisée à Marche-en-Famenne est une œuvre de maturité.

Hotton, Marche-en-Famenne et Nassogne, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2006, p. 190.
Frère M-G. ALEXIS, Léopold II, souverain de l’État indépendant du Congo, Soldats et missionnaires au Congo de 1891 à 1894, Bruxelles, Desclée, de Brouwer, 1897.
http://search.arch.be/BE-A0510_000280_002648_DUT.ead.pdf (s.v. mars 2014)
http://balat.kikirpa.be/photo.php?path=A4216&objnr=10031033
http://www.ftlb.be/fr/attractions/architecture/fiche.php?avi_id=4140 
http://www.congoposte.be/ponthier.htm 
http://www.lemuseedeleauetdelafontaine.be/fontaines-de-belgique/rechercher-une-fontaine/luxembourg/marche-en-famenne-fontaine-ponthier.aspx (s.v. juin 2014)
Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 350-351.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 457-458.
Serge ALEXANDRE, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996.

Place roi Albert Ier
6900 Marche-en-Famenne

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Jules PITOT

La lecture des trois faces de l’étonnant monument Jules Pitot, à Quiévrain, suffit à mesurer l’importance de l’hommage rendu par la population à son bourgmestre. Sur la face avant apparaît la dédicace principale et traditionnelle :

A
JULES PITOT
BOURGMESTRE
DE
QUIEVRAIN
1881-1910
______
SES CONCITOYENS
RECONNAISSANTS

Cette reconnaissance s’explique par l’activité déployée pendant près de 30 ans par ce maïeur libéral. Ainsi que le mentionne la face de gauche, il a contribué à

ENSEIGNEMENT
EMBELLISSEMENT
DE LA
COMMUNE

ainsi que, comme l’indique la face de droite, à l’établissement d’une importante infrastructure dans cette cité wallonne placée à la frontière française :

ABATTOIR
DISTRIBUTION
D’EAU
HYGIÈNE - VOIRIE

 

Monument Jules Pitot – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Ce n’est pas un buste que le sculpteur Léon Gobert a ciselé, ni un médaillon, mais la synthèse des deux dans un bas-relief en bronze, présentant le visage de Jules Pitot légèrement de côté. Sur la place aménagée en 1930 pour permettre le tracé du jeu de balle, au cœur de la cité ouvrière qu’il avait contribué à construire, le monument Pitot est positionné de telle sorte qu’il soit bien visible dans l’axe de la rue (aujourd’hui appelée) reine Astrid qui donne sur les deux côtés de la place. Sa présence face à la caserne des pompiers n’est pas non plus un effet du hasard. En 1908, le maieur Pitot avait en effet décidé de doter sa commune d’une compagnie de sapeurs-pompiers autonome, composée d’hommes de la localité.

Le monument comprend deux parties : le piédestal en pierre bleue ressemble à la toiture d’une tour d’église ; ce socle de pierre à degrés est surmonté par un fût à dominante de marbre gris, arrondi en son sommet. L’influence de l’Art Déco est manifeste. En plus de la recherche d’effets de profondeur et de décoration aux angles de la colonne, un jeu de couleurs a été créé par le choix de pierres différentes : la partie principale est foncée, tandis qu’un effet de rouge est donné à la transition entre le piédestal et le fût, et sur la partie supérieure de celui-ci. Aucune autre signature que celle de Léon Gobert, sur le bas-relief, n’apparaît sur le monument.

Léon Gobert (Wasmes 1869 – Mons 1935) est un artiste en vogue, au tournant des XIXe et XXe siècles, dans le Hainaut. Élève et disciple de Charles Van Oemberg à l’Académie des Beaux-Arts de Mons, dont il deviendra lui-même professeur (1899-1934), il a également suivi des cours à l’Académie de Bruxelles, où l’enseignement de Charles Van der Stappen l’a particulièrement inspiré. Prix Godecharle 1895, il s’est spécialisé dans la réalisation de sculptures, bustes, médaillons et bas-reliefs illustrant le travail de la mine, la misère et la condition ouvrière. On lui doit des types d’ouvriers ou d’ouvrières, des portraits et des sujets d’inspiration régionale. Travaillant surtout le bronze, il pratique aussi le modelage et la taille directe. Natif de Wasmes où il a laissé plusieurs œuvres, Léon Gobert a réalisé notamment la Fontaine de L’Ropieur à Mons.

 

Boussu, Hensies et Quiévrain, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 148
http://www.hetp.be/quievrain/frame.html?http://www.hetp.be/quievrain/bfp.htm (s.v. juin 2014)
Wallonia t. XII, 1904, p. 261.
Wallonia, t. XXI, 1913, p. 622.
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, t. 1 et 2, Bruxelles, CGER, 1990, p. 194, 598.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 634.

 

Place du Ballodrome
7380 Quiévrain

carte

Paul Delforge