Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Mémorial du général PIRON à Couvin

Les monuments d’hommage à la Brigade Piron sont nombreux, en Belgique, comme en France ou aux Pays-Bas. Ils sont une quarantaine à rappeler le rôle de la brigade dans la libération de certains lieux ou à évoquer la mémoire de ses soldats tombés au combat, évocation individuelle ou collective. Un seul monument, cependant, rend hommage individuellement au commandant de la First Belgian Brigade, Jean-Baptiste Piron et il est situé dans sa ville natale. En plus de donner son nom à la place principale de Couvin, les autorités locales y ont érigé une stèle avec un médaillon. L’ensemble a été réalisé à partir d’un médaillon qu’avait réalisé le sculpteur Victor Demanet.

Mémorial général Piron – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Le sculpteur Victor Demanet

Né à Givet de parents namurois, Victor Demanet (1895-1964) a grandi au confluent de la Sambre et de la Meuse, ses parents tenant un commerce d’antiquités au cœur de la ville wallonne. Appelé à leur succéder, Demanet fréquente l’académie des Beaux-Arts (1916-1919) où il est l’élève de Désiré Hubin, mais la révélation lui vient des œuvres de Constantin Meunier et surtout de la thématique sociale et ouvrière développée par le peintre/sculpteur bruxellois. Lors d’un séjour à Paris, les œuvres de Rude, Carpeaux et Rodin finissent par convaincre Demanet que sa voie est dans la sculpture. Remarqué au Salon des Artistes français de Paris, en 1923, pour son buste de Bonaparte à Arcole, Victor Demanet s’impose rapidement comme un portraitiste de talent auquel sont confiées de nombreuses commandes publiques. Comme d’autres artistes de son temps, il réalise plusieurs monuments aux victimes des deux guerres. Il est aussi l’auteur de plusieurs dizaines de médailles (dont une du général Piron), ce qui ne l’empêche pas de poursuivre une œuvre plus personnelle à l’inspiration comparable à celle de Constantin Meunier, avec de nombreux représentants du monde du travail. Installé à Bruxelles depuis 1926, il décède à Ixelles en 1964. Sans croiser la route de J.-B. Piron, l’artiste est un contemporain du militaire.

Jean-Baptiste Piron

En effet, c’est en 1896 que Jean-Baptiste Piron naît à Couvin. Entré à l’École militaire à 17 ans, il n’a pas 20 ans quand il est appelé à diriger un peloton au sein du 2e régiment de ligne en août 1914 et combat notamment sur l’Yser. L’armée sera sa destinée. Nommé capitaine en 1933, il fait partie de l'état-major du 5e corps d'armée quand commence la Drôle de Guerre. 

À l’issue de la Campagne des 18 Jours et de la capitulation décidée par Léopold III, J.-B. Piron refuse de se constituer prisonnier et, après plusieurs mois de pérégrination, parvient à atteindre l’Écosse (février 1942). En Grande-Bretagne, après la disparition tragique de Georges Truffaut qui avait tenté de constituer les bataillons d’une armée belge opérationnelle, Piron se voit finalement confier, par Hubert Pierlot, le commandement d’un noyau de combattants capables d’aider les forces alliées. 

À la tête de la First Belgian Brigade, le colonel arrive en Normandie en août 1944 et participe à la campagne de libération, avant d’être propulsé vers l’avant du front : le nord de la France est dégagé plus rapidement que prévu et la Brigade Piron accompagne les troupes britanniques dans leur mouvement de libération, essentiellement du côté des provinces flamandes ; les hommes de la Brigade Piron seront encore de la Bataille des Ardennes et livreront de durs combats aux Pays-Bas (fin 1944 - début 1945). 

Général-Major (décembre 1945), Piron reste à la tête des troupes belges qui occupent une partie de l’Allemagne aux côtés des Alliés (décembre 1946 - décembre 1947), avant d’être nommé Lieutenant-Général (décembre 1947), puis chef de l'état-major de la Force terrestre belge et aide de camp du roi Baudouin (janvier 1951). En 1954, contre son gré, il est placé à la présidence d’un Conseil supérieur des Forces armées. Sa carrière militaire s’achève en juillet 1957 et il consacre ses loisirs à écrire ses mémoires. Il accepte aussi de participer aux hommages rendus à sa brigade, ou à sa personne comme c’est le cas à Couvin, en septembre 1971.

Ce jour-là, les autorités locales dévoilent en effet l’imposante stèle en marbre rouge sur laquelle est incrusté le médaillon en bronze où Demanet avait représenté le profil gauche de J.-B. Piron, le regard autoritaire, fixant l’horizon. Sous le médaillon, apparaissent trois carrés aux couleurs l’un des armes de la Brigade Piron, l’autre de la Belgique, et le troisième de Couvin. Alors que figurent côte à côte, tout en bas, les drapeaux de l’Angleterre, de la France, des Pays-Bas et des États-Unis, une large plaque en bronze, gravée, développe la longue dédicace :

LA VILLE DE COUVIN ET LES ANCIENS
COMBATTANTS DE LA BRIGADE PIRON
EN HOMMAGE
AU LIEUTENANT GENERAL
J.PIRON - D.S.O.
NATIF DE CETTE VILLE QUI EN 1944
A LA TÊTE DE LA FIRST BELGIAN BRIGADE
PARTICIPA AU DEBARQUEMENT EN
NORMANDIE ET CONTRIBUA A LA LIBERATION
DE LA FRANCE, LA BELGIQUE ET LA HOLLANDE

René DIDISHEIM, Au-delà de la Légende : L'histoire de la brigade Piron, Liège, Pim Services, 1946.
Henri BERNARD, dans Nouvelle Biographie nationale, t. I, p. 290-291.
Jean-Baptiste PIRON, Souvenirs 1913-1945, Bruxelles, 1969.
G. WEBER, Des hommes oubliés, Histoire et histoires de la brigade Piron, Bruxelles, 1978.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 397
Jacques TOUSSAINT, Victor Demanet dans Arts plastiques dans la province de Namur 1800-1945, Bruxelles, Crédit communal, 1993, p. 147.
http://www.brigade-piron.be/monuments_fr.html (s.v. mai 2014)
Informations communiquées par Jean Henrard (juin 2014)

 

Place du général Piron/
rue du Bercet
5660 Couvin

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Paul Delforge

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Stèle Octave PIRMEZ

À plusieurs reprises, les autorités locales d’Acoz ont rendu hommage à Octave Pirmez (Châtelet 1832 - Acoz 1883), citoyen de l’entité, décédé le 1er mai 1883. 

En 1932, le centième anniversaire de la naissance de l’écrivain a donné lieu à de très importantes manifestations. Si les cérémonies n’ont pas manqué en 1983, pour commémorer les cent ans de sa disparition, c’est en 2013, que les autorités de Gerpinnes lancent plusieurs animations et inaugurent, dans l’espace public, une stèle en pierre bleue, réalisée par la marbrerie fleurusienne Pyrotech, sur un dessin de Philippe Busine... 

Stèle Octave Pirmez (Acoz)

Fondée en 1865 par Octave Pirmez, la Société des Fanfares d’Acoz ne pouvait manquer ce rendez-vous au cours duquel des récitants font aussi revivre des extraits de l’œuvre de l’écrivain.

La forme rectangulaire du monument évoque celle de la Tour octavienne, lieu d’écriture privilégié d’Octave Pirmez ; le bâtiment désormais en ruine est représenté sur l’une des faces de la stèle ; sur deux autres côtés, ont été gravées deux citations de Pirmez :

« J’ai consumé dans/ la vallée d’Acoz/ vingt étés et/ autant d’hivers./ Elle a pris ma vie/ tout en/ m’inspirant./ Elle et moi nous/ ne faisons plus/qu’un./ Puis-je l’oublier/ dans mes livres ? »

« Quelle que/ soient la douceur/ et la majesté/ des sites que/ nous parcourons,/ nul ne nous/ touche aussi/ profondément/ que la contrée/ où s’éveillent/ nos premières/ émotions./ Là gît la racine/ de notre vie. »

Sur la quatrième face, celle qui est orientée vers le ruisseau, on peut lire au-dessus de la gravure d’une main tenant la plume :


OCTAVE
PIRMEZ
1832
1883



À l’entrée du RAVeL, le monument est proche à la fois de l’ancienne Tour et du château Pirmez. Acquis par sa mère en 1856, le château d’Acoz est entièrement restauré (1859) et sera le lieu de résidence principal de l’écrivain pendant plus de 20 ans. Ayant choisi de s’isoler du monde, Pirmez développe une écriture centrée sur sa personne, sa vie sentimentale et une profonde mélancolie. Il se livre à une forte introspection psychologique et apparaît, aux yeux de certains critiques, comme le parangon de l’écrivain wallon. À l’inverse, d’autres considèrent que l’œuvre de « ce dandy désuet » ne mérite pas de survivre (Piron). Si des pérégrinations en Europe inspirent à Pirmez quelques belles pages de ses romans, c’est par contre dans la romantique vallée d’Acoz et à l’ombre de la tour d’Acoz qu’il écrit Les feuillées, pensées et maximes (1861), Jours de solitude (1869) et Heures de philosophie (1873), Remo. Souvenir d’un frère (1881) et ses nombreuses lettres à José de Coppin (Lettres à José, 1881).

Président de l’asbl 4e centenaire de la Châsse de Sainte Rolende, président de l’harmonie de Gerpinnes, l’architecte Philippe Busine est particulièrement impliqué dans la vie culturelle de Gerpinnes. Cousin de Laurent et frère de Gabriel Busine, il n’a jamais quitté le village d’Hymiée où il a installé son bureau d’architecte et à partir duquel il mène plusieurs projets à caractère social. Plusieurs fois sollicité par les partis politiques traditionnels, il se laisse convaincre en 2005 et est candidat cdH lors du scrutin d’octobre 2006. Meilleur faiseur de voix, il décroche le maïorat et est confirmé dans ses fonctions, six ans plus tard. C’est par conséquent un maïeur-architecte qui conçoit et inaugure le monument Octave Pirmez.



Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse 
Maurice WILMOTTE, dans Biographie nationale, t. 17, col. 622-637.
Maurice PIRON, Les lettres wallonnes dans la Littérature française, Paris, Larousse, 1969, t. II p. 372.
Marguerite YOURCENAR, Souvenirs pieux, Paris, 1973.
La Vie wallonne, 15 novembre 1922, XXVII, p. 110 et ssv. ; 15 août 1924, XLVIII, p. 481-495 ; 15 septembre 1924, XLIX, p. 14 et ssv. ; 15 novembre 1924, LI, p. 93-106 ; 15 décembre 1924, LII, p. 133-152 ; mars 1931, CXXVII, p. 323-327 ; 1963, I, p. 73 ; 1983, I, n°381, p. 54-55.
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 399.
Joseph HANSE, dans La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 384-385
http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:tSKUttIxxQAJ:www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid%3DDMF20130226_00273786+&cd=5&hl=fr&ct=clnk&gl=be 
http://acoz.skynetblogs.be/archives/category/05-acoz-histoire-patrimoine/index-1.html/ (s.v. juillet 2015)
Cécile VANDERPELEN-DIAGRE, Des hommes d’élite ? L’identification des écrivains à une classe sociale en reconstruction (Belgique, XIXe siècle), Contextes 8, 2011, http://contextes.revues.org/4717 (s.v. octobre 2015)

À l’entrée de la rue de la Tour octavienne
(à hauteur du Ravel, sur la ligne 138)
6280 Acoz (Gerpinnes)

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Paul Delforge

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Plaque Père PIRE

Le nombre de Wallons ayant reçu le Prix Nobel se compte sur les doigts d’une main. Dans l’ordre chronologique : Jules Bordet (1919), Dominique Pire (1958) et, ensemble, Albert Claude et Christian de Duve (1974). 

Hormis quelques noms de rue, on chercherait presque en vain des lieux où ces personnalités historiques font l’objet d’un hommage dans l’espace public wallon. Certes, depuis les années 1960, Bordet est commémoré à Soignies. Quant à Dominique Pire (1910-1969), son souvenir semble pâtir d’une ambiguïté « originelle ». 

Né à Leffe, dans l’entité de Dinant, où il a vécu ses vingt premières années, le Père Pire a parcouru le monde tout en faisant du Couvent de la Sarte, à Huy, son nouveau point d’ancrage, établissant, de surcroît, à Tihange, son université de la Paix en 1960. Si les autorités hutoises avancent l’idée de créer, au sein du fort de Huy, un espace dédié aux Prix Nobel (1998-1999), lorsqu’est commémoré le 40e anniversaire de l’attribution du prix au Père Pire, c’est à une initiative privée que l’on doit, 5 ans plus tard, la création d’un espace de paix et de méditation dédié à Dominique Pire, dans son village natal de Leffe.

Entre-temps, une plaque a été apposée sur sa maison natale.

Plaque Dominique Pire (Dinant)

On y trouve l'inscription suivante :

ICI EST NÉ LE 10 FÉVRIER 1910   (1969)
LE R. PÈRE DOMINIQUE GEORGES PIRE
PRIX NOBEL DE LA PAIX 1958

« SON AMOUR DES HOMMES
N’AVAIT PAS DE FRONTIÈRES »

 

À l’occasion du 45e anniversaire de la remise du Prix Nobel au père Dominique Pire, une série d’activités sont organisées à Dinant, plus précisément à Leffe, à l’initiative de l’association « Espère en Mieux » (et les historiens Jacques Olivier et Claudy Burnay), en collaboration avec le Centre culturel régional de Dinant et le soutien de l’abbaye de Leffe. 

Outre une importante exposition, un « espace de paix et de méditation » est ainsi officiellement inauguré, le 28 septembre, devant un parterre de personnalités (dont l’ambassadeur de Norvège), à côté de l’église Saint-Georges, à l’endroit où se trouvait le vieux cimetière de Leffe. La stèle rénovée du père Pire y voisine avec neuf panneaux didactiques. Une entrée se fait par le square Dominique Pire. 

Saccagé durant l’été 2012, l’espace a été remis en état l’année suivante et n’est plus accessible sans surveillance.



Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse

Rue Saint Pierre 113
5500 Dinant

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Paul Delforge

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Statue Pierre l’Ermite

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte provincial Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser une toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. 

Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Déjà à ce moment, une commission de spécialistes devait sélectionner les personnages illustres du passé liégeois. 

Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une nouvelle commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Le liégeois Lambert Noppius (1827-1889) coordonne le chantier de décoration. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif. Celle de Pierre l’Ermite, réalisée par Laumans, est parmi celles-ci.

Statue Pierre l’Ermite

Auteur de deux statues et d’un bas-relief illustrant « L’érection du palais par Erard de la Marck », le sculpteur anversois Jean-André Laumans (1823-1902) fait partie de l’équipe d’une douzaine de sculpteurs qui travaillent sous la direction de Lambert Noppius. Élève de Jean Geefs, second Prix de Rome en 1851, auteur de quelques réalisations à Bruxelles, Jan Andries Laumans participe au chantier liégeois entre 1877 et 1884. Il signe plusieurs sculpteurs dans des églises bruxelloises et travaille sur les chantiers de décoration des hôtels de ville de Bruxelles et de Furnes. Celui qui deviendra professeur à l’Académie de Maastricht est l’auteur, sur le chantier du Palais provincial de Liège du Pierre l’Ermite situé sur le retour du péristyle, du côté gauche, sur la partie supérieure de la colonne de gauche. Il figure à côté de la statue d’Alix de Warfusée, et est visible à l’extrême gauche supérieure de la façade principale. Tenant une croix bien en évidence à hauteur de son cœur, le fameux prédicateur de la Croisade semble vouloir poursuivre sa vaste entreprise malgré la pierre qui le fige pour l’éternité.

À l’époque où il a été sélectionné comme personnalité marquante de l’histoire liégeoise, on considérait encore que Pierre l’Ermite était originaire de Huy, qu’il avait été l’initiateur de la Croisade bien avant le pape Urbain et qu’il avait fondé le monastère de Neufmoustier, sur les hauteurs de Huy, après son retour de Jérusalem. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, on admettait encore que Pierre l’Ermite avait fini ses jours à Huy, en 1115. Depuis lors, notamment grâce aux travaux critiques de Godefroid Kurth qui, le premier, remit en question la légende, nul n’ignore qu’une grande partie de la biographie ancienne de Pierre l’Ermite ne correspond en rien avec la vérité historique. Si la décoration du palais provincial devait être refaite totalement en ce XXIe siècle, il y a de fortes chances pour que Pierre l’Ermite ne figurât plus parmi les personnalités marquantes de la glorieuse histoire liégeoise.



Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 87.
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
Godefroid KURTH, dans Biographie nationale, t. XVII, col. 435-442.
Jean FLORI, Pierre l’Ermite et la première croisade, Paris, Fayard, 1999, essentiellement p. 20-28, 494-495
Hélène WALLENBORN, Pierre l’Ermite aux origines du Neufmoustier ?, dans Annales du Cercle hutois des Sciences et des Beaux-Arts, Huy, 1994, t. XLVIII, p. 221-239.
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, t. 1 et 2, Bruxelles, CGER, 1990, p. 93, 267, 269
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 31
La Meuse, 2 octobre 1880.

Façade du Palais provincial
(face à la place Notger)
4000 Liège

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Paul Delforge

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Monument Hubert PIERLOT

 

Monument Hubert Pierlot (Cugnon)

Issu d’une famille exploitant les ardoises dans le Luxembourg, Hubert Pierlot (Cugnon 1883 – Uccle 1963) étudie le droit à l’Université catholique de Louvain dont il sort docteur. Avocat, il est volontaire de guerre au 20e de ligne durant la Grande Guerre. Élu député catholique de l’arrondissement de Neufchâteau en 1925, sénateur provincial (1926-1946), Hubert Pierlot a joué un rôle important dans la vie politique belge, avant, pendant et juste après la Seconde Guerre mondiale. Homme rigoureux, intègre, appréciant l’ordre dans le respect des prescrits constitutionnels, il devient ministre de l’Intérieur (1934-1935) et, à ce titre, fait interdire les milices privées. Ministre de l’Agriculture (1935-1939), mais surtout président de l’Union catholique belge (1935-1936), il refoule la tentation rexiste. Défenseur de la politique dite de neutralité présentée en 1936 par Léopold III et P-H. Spaak, il hérite du poste de Premier Ministre en 1939 et devient ainsi l’un des rares Wallons qui accèdent à cette fonction au XXe siècle (quatre catholiques et un socialiste). Chef du gouvernement belge à Londres, en totale opposition avec Léopold III, il reste Premier Ministre jusqu’en janvier 1945. Nommé Ministre d’État en 1945, il réussit à rassembler tous les piliers catholiques autour d’un programme politique commun au nouveau PSC-CVP. Mais quand il veut se présenter au Sénat, début 1946, les pressions internes à sa famille politique sont telles qu’il préfère se retirer de la vie politique. La charge polémique de la Question royale contribuera à maintenir Hubert Pierlot dans l’ombre qu’il avait choisie, ne rompant le silence qu’une seule fois dans une série d’articles parus dans Le Soir en juillet 1947.

Aucune autorité publique ne prendra dès lors la responsabilité de commémorer son souvenir. En 1966, trois ans après son décès, une Fondation voit le jour, mais les premières biographies scientifiques sur Pierlot ne paraîtront qu’au XXIe siècle. Quant au monument élevé à Cugnon, le village natal d’Hubert Pierlot, il est dû à l’initiative de la Fondation qui porte son nom. Celle-ci a obtenu le patronage du gouverneur de la province de Luxembourg, Jacques Planchard, et du collège des bourgmestre et échevins de Bertrix, mais aucune personnalité ne représente officiellement les autorités belges, le 5 mai 1990 pour la cérémonie d’hommage et l’inauguration du monument à l’ancien Premier Ministre. Parmi l’assistance, on reconnaît notamment deux parlementaires de la province (Joseph Michel et Jacques Santkin), d’anciens militaires, des résistants, des représentants d’associations patriotiques, des amis de la famille et les membres de celle-ci. Après une cérémonie dans l’église de Cugnon, l’hommage se poursuit sur la place, juste à côté, en présence des Chasseurs ardennais, avec le dévoilement du monument commémoratif composé de deux plaques de schiste scellées dans un impressionnant mur de pierres du pays. Sobre voire austère, le monument ne donne à voir aucune représentation de Hubert Pierlot (ni buste, ni bas-relief, ni médaillon), se contentant de faire apparaître en lettres rouges sur la plaque principale, l’inscription suivante :


A  LA  MÉMOIRE
DE        HUBERT
MARIE-EUGÈNE
COMTE PIERLOT
ENFANT DU PAYS
PREMIER MINISTRE
DE   1939  À  1945


Quant à la seconde plaque, verticale, côté rue, elle reprend la devise de l’homme politique : Pro Patria Semper.
Les discours prononcés en mai 1990 témoignent que les controverses et les polémiques du passé ne sont pas effacées, en dépit des appels à la réconciliation. Si l’inauguration se déroule symboliquement en mai 1990, cinquante ans après le début de la Seconde Guerre mondiale, cela résulte davantage du hasard que de l’intention, selon les organisateurs qui n’évitent pas une autre coïncidence : l’inauguration du monument Pierlot se tient très peu de temps après la crise constitutionnelle déclenchée par le roi Baudouin, suite à son refus de contresigner la loi dépénalisant partiellement l’avortement. À cinquante ans de distance, se posait ainsi, nolens volens, la même question sur l’impossibilité de régner.

 


Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Pierre VAN DEN DUNGEN, Hubert Pierlot (1883-1963), La Loi, le Roi, la Liberté, Bruxelles, Le Cri, 2010 (Prix Stengers 2011)
Thierry GROSBOIS, Pierlot 1930-1950, Éditions Racine, Bruxelles, 2007
William UGEUX, dans Biographie nationale, t. 40, col. 704-715
Cérémonie d'hommage au comte Hubert Pierlot, Premier ministre de 1939 à 1945. Inauguration d'un monument commémoratif, le 5 mai 1990 à Cugnon, Bruxelles, Fondation Pierlot, 1991

Rue Jules Pierlot 1
6880 Cugnon (Bertrix)

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Louis PIERARD

Dans la cité Louis Piérard, à Frameries, à un endroit de la partie extérieure de la rue des Templiers, surgit un espace arboré qui accueille, depuis 1959, un monument consacré à un écrivain et à un homme politique très attaché à son Borinage natal, qui fut aussi un très grand amateur d’art et l’ami de nombreux artistes. Huit années après sa disparition, les autorités de Frameries ont décidé de lui dédier un monument et ont confié sa réalisation au sculpteur André Hupet (Grand-Reng 1922 – Ciply 1993).

Monument Piérard

Le sculpteur André Hupet

Formé à l’Académie de Mons auprès de Louis Buisseret (1937-1947), Prix Godecharle 1947 (pour La Dense, Mons, théâtre communal), André Hupet est un sculpteur qui a rapidement été sollicité dans la région de Charleroi, après la Seconde Guerre mondiale, pour assurer la décoration du Palais des Expositions (1953), du Palais des Beaux-Arts (1957) et du Palais de Justice (1964). On le retrouve ensuite à Gembloux (Institut agronomique), puis à Mons (Faculté polytechnique en 1962, Lycée Bervoets en 1965), etc. 

Ses œuvres monumentales (principalement des allégories) ne passent pas inaperçues, mais ce ne sont pas ses seules réalisations. Céramiste, il a été membre de la « Maîtrise de Nimy » dès 1943, et a participé à l’expérience communautaire de Raoul Godfroid dans le cadre de la Manufacture impériale et royale de faïenceries. Il expose énormément dans les années 1940 et 1950, tant à l’étranger que sur ses terres. 

Dessinateur, créateur de tapisseries, il est également peintre ; figuratif, il se range dans le courant expressionniste, sans qu’il s’agisse de sa seule marque stylistique. Professeur à l’Académie de Mons à partir de 1948, André Hupet enseigne aussi à l’École supérieure d’Architecture (1948) et à l’École normale secondaire de Mons (1954). 

Au tournant des années 50 et 60, il est sollicité pour figer définitivement les traits de personnalités de l’ouest wallon comme Alex de Taeye (1957), Louis Piérard (1958), Achille Delattre (1959), Achille Liénard (1965), René Thône (1970) et Edmond Yernaux (1970). C’est après avoir contribué à la décoration des Écoles de la cité Louis Piérard à Frameries, en 1956, qu’André Hupet est sollicité pour ciseler un portrait de Louis Piérard à placer dans l’espace public. Il réalise un bronze qui colle au plus près au profil gauche de l’écrivain et l’incruste sur une sobre colonne en pierre bleue. Sur la face avant, la dédicace est elle aussi minimaliste :


LOUIS
PIERARD

1886 – 1951

L’ensemble est placé sur une esplanade arborée, où deux saules pleureurs créent une atmosphère quiète et sauvage. Peut-être faut-il voir là une allusion à l’action que mena Louis Piérard pour sauver le bois de Colfontaine, mais ce ne serait là qu’un aspect anecdotique, tant les activités de Louis Piérard furent denses et variées. 

Louis Piérard

Descendant d’une lignée de porions, Louis Piérard était né à Frameries à la veille de l’émeute ouvrière qui frappe le pays wallon durant le printemps 1886. En a-t-il été influencé ? Toujours est-il que ce fils de commerçants mènera une carrière politique en tant que représentant du POB. Conseiller communal (1932), puis bourgmestre de Bougnies (1933-1948), il représente l’arrondissement de Mons à la Chambre pendant de nombreuses années (1919-1951). Tribun polémiste, il dépose notamment une loi instituant l’Œuvre nationale des Loisirs du Travailleur (1922) ; aussi devient-il en 1929 président du Conseil supérieur de l’Éducation populaire. Se définissant volontiers comme un Wallon ardemment francophile, grand voyageur, polyglotte, Louis Piérard taquine la plume avec passion. Écrivain, critique d’art, reporter, journaliste, essayiste (Visages de la Wallonie, 1934), ce boulimique est encore l’organisateur d’expositions de peintures et de spectacles théâtraux. Grand amateur d’art, il fait renaître la section d’art du Parti ouvrier belge (1924). Militant wallon, il soutient la Lettre au roi de Jules Destrée, tout en naviguant dans les milieux belges, entre le modèle d’une Belgique française et celui d’une Wallonie plus autonome.



Marinette BRUWIER, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, 2001, t. III, p. 1268-1269.
Alain JOURET, dans Nouvelle Biographie nationale, 2001, t. VI, p. 311-317.
La Vie wallonne, IV, 1951, n°256, p. 295-296.
http://www.andrehupet-artiste.be/biographie.htm (s.v. juin 2014)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 734.

cité Piérard, rue des Templiers – 7080 Frameries

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Mémorial PETRARQUE à Habay-la-Neuve

L’étonnement est grand de rencontrer un monument dédié à l’illustre Pétrarque au milieu de la forêt d’Anlier. Pourtant, le long de la rue Bonaparte, depuis 1947, une plaque commémorative rend hommage au père de l’humanisme. Originaire d’Arezzo (1304-1374), Francesco Petrarqua est considéré comme l’un des plus grands auteurs de la littérature italienne. Depuis sa première rencontre, en 1327, avec une jeune femme de haut rang, il nourrit à son égard un amour platonique qui inspire ses meilleurs poèmes, dont notamment le Canzoniere. En dépit de la mort de Laure en 1348 des suites de la peste noire, elle ne cessera d’occuper les pensées de Pétrarque. Diplomate, appelé à mener de nombreux voyages à travers l’Europe, cet érudit s’adonne aussi à l’écriture de textes religieux et de nature historique. Si sa poésie est rédigée en toscan, ses autres écrits sont en latin.

L’idée d’un mémorial Pétrarque émane de l’Académie luxembourgeoise et de ses 40 membres, dont l’actif animateur Pierre Nothomb. Créée dans l’Entre-deux-Guerres, cette société d’écrivains et artistes relance justement ses activités après un long silence imposé par la guerre. En présence d’une foule nombreuse, de représentants de l’Académie de Langue et de Littérature françaises et l’Académie Pétrarque d’Arezzo, ainsi que de Camille Huysmans, ministre de l’Instruction publique en personne qui prononça un long discours, une stèle est dévoilée, le 2 août, mêlant l’ardoise de Martelange et le marbre de Carrare. 

Mémorial Pétrarque

Sur la plaque de marbre, a été gravée l’inscription suivante :

MILLE PIAGE IN UN GIORNO E MILLE RIVI
MOSTRATO M’HA PER LA FAMOSA ARDENNA
AMOR

EN
MCCCXXXIII
FRANCESCO PETRARCA
PARCOURUT CE CHEMIN
OU LE SOUVENIR DE LAURE
L’INSPIRA

ERIGÉ
PAR L’ACADÉMIE LUXEMBOURGEOISE
MCMXLVII

S’appuyant sur des textes anciens, les membres de l’Académie luxembourgeoise ont observé qu’au retour d’un voyage d’études l’ayant mené dans l’Entre-Sambre-et-Meuse, et à Liège en particulier, Pétrarque a écrit avoir emprunté un chemin qui traversa l’Ardenne pour regagner l’Italie. Si le chemin parcouru n’est pas décrit avec précision, Pierre Nothomb a reconnu sans discussion qu’il ne pouvait s’agir que de la voie sacrée de 1333, un vieux chemin rocailleux entre Habay et Wissembach. Mieux même, le savant littérateur luxembourgeois est convaincu que l’endroit précis où Pétrarque songea à Laure, son célèbre amour, est un lieudit cadastré « Doux pommier », à quelques dizaines de mètres de la place Bonaparte, surtout « à la frontière des langues romane et thioise, à la zone de partage des rivières coulant les unes vers la France, les autres vers la dépression rhénane, à la jonction enfin de l’Ardenne mystique et de la Gaume tarasconnaise ». Si non e vero, e bene trovato serait-on tenté d’écrire à propos de cette « démonstration » signée Pierre Nothomb dont la seule intention est de sceller symboliquement un pacte d’amitié indissoluble entre Pétrarque et le Luxembourg.

Annuellement, par la suite, l’Académie luxembourgeoise prendra plaisir de déposer d’autres monuments commémoratifs originaux en terre ardennaise. Pour trouver le mémorial Pétrarque, il faut suivre la rue Bonaparte sur un kilomètre à partir de l’entrée du parc du Châtelet (en direction de Martelange).



Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
La Vie wallonne, II, 1947, n°238, p. 212-213.
La Vie wallonne, IV, n°252, 1950, p. 300.

Rue Bonaparte
6720 Habay-la-Neuve

carte

Pour trouver le mémorial Pétrarque, il faut suivre la rue Bonaparte sur un kilomètre à partir de l’entrée du parc du Châtelet (en direction de Martelange).

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Gabrielle PETIT

Place Clovis, au pied de l’église Saint-Brice, à Tournai, un monument d’hommage à la résistante Gabrielle Petit est inauguré en mai 1924 par les autorités locales. Afin de marquer l’importance de l’événement, la reine Elisabeth a tenu à être présente à cette occasion. Toute la ville de Tournai est par conséquent mobilisée, et le monument réalisé par Paul Du Bois est à la hauteur de l’héroïne tournaisienne et nationale qui est honorée.

Monument Gabrielle Petit

Gabrielle Petit

Née à Tournai en 1893, Gabrielle Petit est apparentée, par son père Jules Petit, à la famille Bara, qui lui vient en aide matérielle pour ses études. Par conséquent, son exécution par les Allemands, au Tir national à Bruxelles, le 1er avril 1916, n’a pas échappé à l’opinion publique qui s’est scandalisée du comportement de l’occupant.

La jeune fille avait achevé ses études au couvent des Sœurs de l’Enfant-Jésus, à Brugelette, quand éclate la Première Guerre mondiale, et elle multipliait les petits boulots pour survivre. Son mariage était sa préoccupation principale quand son fiancé, Maurice Gobert, un jeune sous-officier, est mobilisé, tandis que Gabrielle Petit s’engage comme infirmière. Contre sa volonté, Gabrielle Petit perd définitivement le contact avec son petit ami. 

C’est en cherchant désespérément à le retrouver qu’elle est recrutée par les services de renseignements alliés et envoyée en mission en Belgique occupée (juillet 1915). L’espionne parvient à fournir diverses informations à caractère militaire, tout en s’occupant du passage de civils aux Pays-Bas, mais elle est repérée. Malgré les précautions prises à la suite d’une première alerte, Gabrielle Petit est finalement démasquée sous son faux nom de Mlle Legrand. 

Arrêtée en janvier 1916, elle est condamnée le 3 mars et fusillée le 1er avril. Son dévouement et son sort tragique marquent l’opinion publique, d’autant qu’une série d’anecdotes et faits romancés viennent alimenter la légende autour de la jeune femme.

Dès les premiers jours de l’Armistice, plusieurs initiatives sont prises : funérailles nationales (mai 1919), décorations, attribution de son nom à des rues, pose de plaques commémoratives (Tournai, 1919) et construction de monuments. Gabrielle Petit est élevée au rang d’héroïne nationale belge. Après Bruxelles (1923), Tournai (1924) honore à son tour celle qui fera l’objet d’un film en 1928 et d’une littérature abondante dans l’Entre-deux-Guerres.

En raison de sa portée symbolique, le monument tournaisien ne pouvait être confié qu’à un artiste confirmé et reconnu. Aidé par l’architecte Joseph Van Neck (1880-1953), le sculpteur Paul Dubois  (Aywaille 1859 – Uccle 1938) s’emploie à immortaliser la jeune femme. Le piédestal en pierre de France comporte trois parties ; le centre s’élève comme la base d’un obélisque qui incorpore un débord rectangulaire où est gravée la dédicace.

VOUS ALLEZ VOIR
COMMENT
UNE FEMME BELGE
SAIT MOURIR

Gabrielle Petit

 

Latéralement, deux ailes de renfort encadrent la colonne centrale, tandis qu’un large espace est créé à l’avant-plan, avec deux marches d’accès. Lors de l’inauguration, cet espace sera couvert d’un nombre considérable de gerbes et de couronnes de fleurs. Sont encore gravées les mentions suivantes sur le côté droit :

née à Tournay
le 20 février 1893
et sur le côté gauche :
fusillée
le 1 avril 1916
 

On ne voit plus guère l’erreur factuelle du sculpteur, qui avait gravé 1915 au lieu de 1916. On retrouve aussi les armoiries de Tournai sur la partie avant et inférieure du monument.

Quant à la statue en bronze proprement dite (fondue par la Compagnie nationale des Bronzes), elle représente une jeune fille debout, portant des vêtements communs de l’époque, qui donne l’impression d’aller de l’avant, tandis qu’une autre jeune fille, ailée, l’accompagne en lui déposant un baiser sur le front. Surmontant Gabrielle Petit, l’autre femme paraît la guider, son bras gauche tendu vers l’avant, semblant à la fois protecteur et indicateur du chemin à suivre. Le sculpteur a multiplié les effets de drapé sur ses deux personnages et a donné une indiscutable originalité à l’ensemble de son œuvre tournaisienne.
 

Le sculpteur Paul Dubois

Originaire d’Aywaille, où il grandit dans un milieu de la petite bourgeoisie, Paul Dubois dispose d’une aisance suffisante pour bénéficier d’une formation de 7 ans à l’académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1877-1884), où il est tour à tour l’élève de Louis François Lefèbvre, de Jean-Joseph Jaquet et d’Eugène Simonis, avant de profiter des conseils de Charles Van der Stappen. 

Condisciple de Rombeaux, Rousseau et Bonnetain, notamment, Paul Dubois remporte le prix Godecharle 1884 qui le place d’emblée parmi les sculpteurs les plus prometteurs de sa génération. C’est de cette époque que remonte cette signature – Du Bois – qui doit lui permettre de se distinguer de son parfait homonyme français, voire de Fernand Dubois.

Son œuvre, variée et abondante (près de 200 sculptures), ne démentira pas cette entrée remarquée parmi les sculpteurs de son temps. Après 3 années passées à visiter les musées d’Europe, l’artiste wallon installe son propre atelier à Bruxelles, avec Guillaume Van Strydonck. Ouvert à l’avant-garde sans renier son attachement à la Renaissance, membre-fondateur du groupe bruxellois d’avant-garde le Cercle des XX, puis de la Libre Esthétique, il excelle dans les portraits quand lui parviennent les premières commandes officielles de la ville de Bruxelles. 

Sans abandonner des œuvres de son inspiration, qui sont remarquées et primées lors de Salons et d’Expositions à l’étranger, il réalise le monument Félix de Mérode (Bruxelles, 1898) qui symbolise le début de son succès. En 1900, il est nommé professeur à l’Académie de Mons (1900-1929) et, deux plus tard, il est chargé du cours de sculpture ornementale (1902-1905), puis de sculpture d’après l’antique (1905-1910) à l’Académie de Bruxelles où il reste en fonction jusqu’en 1929. En 1910, il succède à Charles Van der Stappen à l’École des Arts décoratifs. Vice-président du jury d’admission des œuvres pour le Salon des œuvres modernes de l’Exposition internationale de Charleroi (1911), il signe plusieurs monuments commémoratifs à Bruxelles et en Wallonie (Alfred Defuisseaux à Frameries en 1905, Antoine Clesse à Mons en 1908, Frère-Orban à Liège en 1931, de la Chanson wallonne à Tournai en 1931), ainsi que des bijoux, des médailles (dont celle de l’Exposition universelle de Liège en 1905) et des sculptures allégoriques variées. C’est donc à un artiste confirmé qu’est confiée la réalisation du monument Gabrielle Petit à Tournai en 1924.




Jacky LEGGE, Tournai, tome II : Monuments et statues, Gloucestershire, Éd. Tempus, 2005, coll. Mémoire en images, p. 55, 69-72
Pierre DECOCK, dans Biographie nationale, t. 43, col. 576-585
Judith OGONOVSZKY, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 374-378
Anne MASSAUX, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 4, p. 142-145
Paul Du Bois 1859-1938, édition du Musée Horta, Bruxelles, 1996
Anne MASSAUX, Entre tradition et modernité, l’exemple d’un sculpteur belge : Paul Du Bois (1859-1938), dans Revue des archéologues et historiens d’art de Louvain, Louvain-la-Neuve, 1992, t. XXV, p. 107-116
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. 1, p. 517-518.

Place Clovi
7500 Tournai

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument PETERS

Monument abbé Péters

Dans le prolongement de la rue de la Tannerie, à hauteur de la place du Parc, un espace a été aménagé pour accueillir le buste en bronze de l’abbé Péters, exécuté par les Allemands en 1943. Depuis cette esplanade, l’axe de vision permet d’apercevoir nettement les deux tours de l’ancienne abbatiale et cathédrale Saints-Pierre-et-Paul et Saint-Quirin de Malmedy, église à laquelle l’abbé était particulièrement attaché.

Originaire de Verviers, Joseph Péters (1894-1943) avait terminé des études de théologie au Petit Séminaire de Saint-Trond et au Grand Séminaire de Liège quand il est ordonné prêtre (1921). La Grande Guerre l’avait conduit sur la route des Pays-Bas, chemin obligé pour rejoindre l’armée belge sur le front de l’Yser, mais il est arrêté et emprisonné à Holzminden, n’étant libéré qu’en raison de son état de santé délicat. 

Professeur au Petit-Séminaire de Saint-Roch à Ferrières pendant dix ans, il est ensuite désigné comme aumônier de la JEC à Malmedy et loge alors au n° 16 de la rue du Parc. Désigné en 1937 comme professeur de religion à l’École moyenne des Filles de Malmedy, il contribue à l’intégration de cette ancienne région prussienne dans son nouveau cadre institutionnel. En effet, lors des négociations qui aboutissent à la signature du premier traité de Versailles (28 juin 1919), il a été donné suite à une partie des revendications de gains territoriaux énoncés par la Belgique : après un plébiscite populaire un peu particulier, les cantons wallon de Malmedy et germanophones d’Eupen et Saint-Vith sont transférés et placés sous la souveraineté belge

Dans les années 1930, au moment où quelques éléments isolés manifestent, à Malmedy, des positions en faveur du régime hitlérien et d’un retour du canton à l’Allemagne, l’abbé Péters va faire partie de leurs contradicteurs. Cet engagement résolu, Péters le maintient au lendemain de l’invasion allemande de mai 1940 et de l’annexion décidée par Berlin. Le 18 mai 1940, en effet, les territoires d’Eupen, Saint-Vith, Moresnet et Malmedy sont annexés au Reich et intégrés à la Rhénanie. La nationalité allemande est imposée aux habitants. En l’absence de messages émanant des autorités belges, les populations concernées vont rester longtemps démunies. Quelques rares personnalités locales émergent cependant pour dénoncer le diktat allemand et ses conséquences, notamment le recrutement des jeunes dans l’armée allemande. Dans sa paroisse (là où le monument est érigé), l’abbé Péters est de ces résistants.

De sa chaire de vérité, il multiplie les prêches antinazis, refusant de pratiquer la langue allemande qu’il connaît pourtant, pour protester contre l’interdiction du français. Dans ses interventions auprès de la jeunesse, il continue ses mises en garde contre les dangers du nazisme et de la propagande des Jeunesses hitlériennes. Tant bien que mal, il tente de détourner les jeunes de l’embrigadement massif. Placé sous surveillance dès 1941, l’abbé est accusé de faire obstacle au recrutement des jeunes malmédiens sous l’uniforme allemand. Le 1er octobre 1942, il est arrêté et incarcéré à la prison d’Aix-la-Chapelle, puis transféré à la prison de Plötzensee. L’acte d’accusation stipule : « Démoralisation de la puissance militaire, en relation avec une complicité avec l’ennemi, traître à son pays ». Condamné à mort, il est décapité à Berlin le 1er juillet 1943.

À la Libération, plusieurs hommages locaux sont rendus à l’abbé Péters. Ainsi, par exemple, la rue du Parc est-elle rebaptisée de son nom, qui figure aussi en bonne place sur les monuments aux morts réalisés dans les années 1940. En 1953, une plaque commémorative est inaugurée dans la cour de l’école moyenne des filles, là où il avait enseigné. On peut y lire « Je donne volontiers ma vie pour la jeunesse de Malmedy ». 

Mais c’est à l’entame des années 2000 qu’un citoyen malmédien entreprend de rendre hommage à celui qui l’avait empêché de répondre aux sirènes d’apparence séduisantes de la Jeunesse hitlérienne. Comme son frère Camille, Roger Colette (-Lansival) entrait dans l’adolescence au moment des événements qui le marquèrent durablement. Sur les conseils de l’abbé (dont Roger était l’acolyte), les parents Collette envoyèrent Camille se réfugier du côté belge. Roger lui-même fut accueilli à la frontière franco-belge. S’il évita l’incorporation dans l’armée allemande, le jeune Roger entré en résistance fut dénoncé et ne parvint pas à échapper à la mort, au camp d’Ellrich-Buchenwald. 

En guise d’hommage à l’attitude volontariste de l’abbé, Roger Collette prend l’initiative d’honorer sa mémoire et fait réaliser, à ses frais, l’esplanade ainsi que le buste de l’abbé Péters. L’ensemble est inauguré le 30 juin 2002.
 

Non signé, le buste en bronze repose sur un piédestal en pierre bleue, de conception simple. Une première plaque mentionne :

Abbé
J.PETERS

1894 - 1943

Toujours sur la face avant, sur le pied, une autre plaque, plus discrète, identifie le généreux donateur :
« l’aménagement de cette place
ainsi que le monument ont été offerts par
Roger Colette-Lansival
en juin 2002 »

Le buste a été réalisé par la firme allemande Plein-Bronzen, établie à Speicher, tandis que le socle est l’œuvre de la marbrerie malmédienne Victor Meyer.




Informations aimablement communiquées par Raymond Jacob, responsable du cercle historique de Malmedy (juin 2014)
Raymond JACOB, L'abbé Péters, résistant malmédien, dans Malmedy - folklore, Malmedy, 2001-2002, t. 59, p. 91-116, coll. « Malmedy - folklore »
Raymond JACOB, Le monument de l'abbé Péters, dans Malmedy - folklore, Malmedy, 2003-2005, t. 60, p. 53-58, coll. « Malmedy - folklore »
Jacques WYNANTS, Eupen-Malmedy (les « Cantons de l’Est » belges) : la question de la nationalité ; les conséquences, dans Sylvain SCHIRMANN (dir.), Annexion et nazification en Europe : Actes du colloque de Metz, 7-8 novembre 2003, Université de Metz, p. 14-16, en ligne http://www.memorial-alsace-moselle.com/f/fiches/colloque_metz/MEMORIAL_COLLOQUE_basse_reso.pdf 
http://www.malmedy.be/fr/Tourisme/A-visiter/lieux-et-sites/monument-abbe-peters.html (s.v. mai 2014)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t.

Place du Parc
4960 Malmedy

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue François PETERINCK

Au tournant des années 1970 et 1980, les autorités tournaisiennes procèdent à la rénovation de leur Conservatoire. Alors que le chantier se termine, six statuettes en bronze sont posées sur le toit-terrasse qui fait face au carrefour du beffroi. Œuvres de Gigi Warny, elles portent le nom de six Tournaisiens ayant acquis une forte notoriété dans différentes activités : Jacques Daret pour la peinture, Pierre de la Rue pour la musique, Lefebvre-Caters pour l’orfèvrerie, Michel Lemaire pour la dinanderie, Pasquier Grenier pour la tapisserie et François Joseph Peterinck (1719-1799) pour la porcelaine.

Originaire de Lille, Peterinck est occupé à la démolition des fortifications de Tournai durant l’occupation française de 1745-1748, avant de faire commerce de charbon à Ath, puis d’investir à Tournai, en 1750-1751, dans le rachat d’une toute nouvelle manufacture de faïences. Ouvrant aussi une usine de porcelaine, François (-Joseph) Peterinck ne va plus s’occuper que du développement de son entreprise, la hissant au sommet de la production européenne de son temps, au point de rivaliser avec les faïences de Sèvres et de Saxe. 

Disposant d’un monopole pour la fabrication de la porcelaine sur tous les Pays-Bas, la Manufacture impériale et royale de Tournai réalise une production variée et de très grande qualité qui lui assure une durable réputation. Il n’est par conséquent pas étonnant que François Peterinck soit considéré comme l’une des six personnalités les plus importantes de l’histoire culturelle et artistique de Tournai.

Statue évoquant François Peterinck

Car tel est bien le sens à donner aux six statuettes réalisées par Geneviève Warny. Née à Bruges en 1958, cette artiste autodidacte qui offrait les petites statues qu’elle créait à ses amis s’est laissée convaincre par l’architecte André Wilbaux de réaliser « six attitudes grandeur nature » pour le fronton de l’ancien Conservatoire de Tournai. Relevant le défi, en travaillant le bronze pour la première fois, Gigi Warny délaisse la psychologie qu’elle avait étudiée à l’université catholique de Louvain (1983) pour faire de la sculpture son activité principale. Installant son atelier à Louvain-la-Neuve, elle réalise des œuvres variées pour la cité universitaire (fontaine Léon et Valérie en 1984 sur la place de l’Université, La main en diplôme en 1995 près des Halles, Rêverie d’eau en 2001 à la piscine du Blocry), mais aussi ailleurs. Améliorant et modifiant progressivement ses techniques, elle expose essentiellement en Belgique avant de traverser l’Atlantique et d’être connue aussi au Québec.




Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
http://www.gigiwarny.be/Gallerie.html (sv. février 2014)
Jean LEMAIRE, La porcelaine de Tournai, histoire d’une manufacture, (1750-1891), Bruxelles, Renaissance du Livre, 2005
E-J. SOIL DE MORIALMÉ, dans Biographie nationale, t. XVII, col. 94-98

 

 

toit du conservatoire – 7500 Tournai

carte

Paul Delforge