Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Buste Joseph Dejardin

Buste Joseph Dejardin, réalisé par Louis Gérardy, 1933.

Situé au bout de la rue Mattéoti, sur la place verdoyante de la cité ouvrière, un buste rend hommage à un leader syndical et homme politique socialiste, originaire du bassin sidérurgique de Liège. Comme le mentionne la plaque métallique située au bas du monument, il s’agit d’honorer ici :

JOSEPH DEJARDIN
FONDATEUR DE LA CENTRALE
SYNDICALE DES MINEURS
1873 – 1932

Il s’agit aussi, ce que ne précise pas le monument, mais que « tout le monde sait », d’honorer un enfant de la commune. C’est en effet à Grivegnée, le premier jour du printemps 1873, qu’est né Joseph Dejardin, dans une famille ouvrière déjà fort nombreuse qui comptera onze enfants. Son père comme sa mère travaillent à la mine ; à peine scolarisé, Joseph ira lui aussi à la mine, comme ses frères et sœurs. Décidé à changer sa misérable vie comme celle des autres mineurs qui partagent son sort, Joseph Dejardin va s’engager dans l’action syndicale et politique. En dépit des risques (en 1889, alors qu’il distribue le journal Le Populaire, il est arrêté et accusé de fomenter des troubles), il milite activement tant dans les organisations syndicales que politiques. 

Député socialiste de Liège (décembre 1909-1932), il figure parmi les membres-fondateurs de l’Assemblée wallonne créée à l’initiative de Jules Destrée. Échevin de Beyne-Heusay (1908), bourgmestre faisant fonction (janvier 1912), il est nommé par le gouvernement belge le 20 septembre 1914 en raison de la bravoure affichée lors de l’invasion allemande d’août 1914. Déporté en Allemagne (décembre 1916 – mars 1917), il exercera ses fonctions maïorales jusqu’à son décès. Par ailleurs et surtout, Joseph Dejardin déploie une intense activité syndicale. Président du syndicat des Mineurs avant 1914, il devient, en 1919, le leader national de la Centrale des Mineurs qu’il avait contribué à faire naître. Son expertise était appréciée et reconnue. Elle fut notamment saluée lors des Conférences internationales du Travail de 1930 et 1931 où ses interventions contribuèrent à l’élaboration des textes définitifs (durée du travail dans les mines). Vice-président de la Fédération internationale des Mineurs, il avait été désigné à la présidence lors du congrès de Londres, en septembre 1932. Ses funérailles furent quasiment nationales.

Son souvenir fut entretenu par ses camarades syndicaux. Bien que la démarche soit inhabituelle, un monument est élevé à sa mémoire et ce dès 1933. La réalisation de son buste est confiée au sculpteur Louis Gérardy (Liège 1887 – Liège 1959). Formé à l’Académie de Liège, il fréquente volontiers l’atelier d’Oscar Berchmans qui sera son maître. Proche des milieux wallons, Gérardy a été sollicité à plusieurs reprises lorsqu’il s’est agi de réaliser des médaillons destinés aux tombes des disparus (ainsi Henri Bekkers, Nicolas Defrêcheux, Louis Warroquiers au cimetière de Robermont). En 1919, il réalise le monument serbe sur la pelouse d’honneur de Robermont. Dans les années 1930, il travaille sur  le chantier de décoration du Lycée de Waha (bas-reliefs). Cependant, il s’est davantage spécialisé dans la représentation animalière (tête de chiens, d’oiseaux, etc.), signant des bas-reliefs, comme des statuettes décoratives. Lors du Salon de Liège en 1930, il présente une série consacrée aux chevaux de trait. Cela ne l’empêche pas de répondre à des commandes variées, comme celles de la statue du général Bertrand (1934) ou du buste du syndicaliste Joseph Dejardin quelques mois auparavant. Ce buste a été fondu par la société Dehin frères.

Sources

Paul DELFORGE, L’Assemblée wallonne 1912-1923. Premier Parlement de la Wallonie ?, Namur, Institut Destrée, janvier 2013, coll. Notre Histoire, p. 234
Paul VAN MOLLE, Le Parlement belge 1894-1972, Ledeberg-Gand, Erasme, 1972, p. 80
Le mouvement syndical belge, 20 novembre 1932, p. 259
À la mémoire de Joseph Dejardin, Député…, Cuesmes, imp. fédérale, s.d.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 615

Buste Joseph Dejardin

Square de la rue Mattéoti 
4030 Liège (Grivegnée)

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Buste Henri De Gorge

Buste Henri De Gorge, sculpteur/fondeur inconnu, début du XXe siècle (après déplacement).


Quand on évoque une statue de Henri De Gorge au Grand-Hornu, l’œuvre qui se trouve au centre de la cour elliptique de l’architecte Bruno Renard vient immédiatement à l’esprit ; elle a été réalisée par Égide Mélot et inaugurée en 1855 et est la toute première statue élevée en Wallonie en l’honneur d’un patron d’industrie. Pourtant, à quelques centaines de mètres de ce monument, se trouve un autre buste du patron minier. Sur la place Saint-Henri, ce buste en fonte occupe lui aussi une position centrale, mais tant par sa taille que par les arbres qui l’entourent, ce buste se fait plus discret et est beaucoup moins connu. Si la statue d’Égide Mélot semble mettre en évidence les qualités de l’entrepreneur, le buste de la place Saint-Henri rend davantage hommage à l’initiative exceptionnelle que représentait, dans l’Europe du premier tiers du XIXe siècle, la construction d’une cité ouvrière comprenant plusieurs centaines de maisons.


Situé entre la rue Sainte-Louise et la rue de Wasmes, entre les bornes des puits miniers n°1 Sainte-Augustine et Sainte-Marie-Antoinette, ce monument De Gorge est composé d’un socle en pierre d’une dimension considérable au regard du buste en fonte qu’il est destiné à porter. Comprenant trois étages, le piédestal fait l’objet d’une décoration sommaire dans sa partie centrale, avec des colonnes torsadées à chaque angle, surmontées d’un chapiteau sommaire ; c’est à ce niveau qu’apparaît la dédicace datée :

À
LA MEMOIRE
DE
H.J. DEGORGE
MDCCCXXXII

Derrière un fronton arrondi, décoré de deux oiseaux, un ultime socle simplement poli soutient le buste noir de Henri De Gorge. L’année 1832 mentionnée est celle du décès de l’industriel.


Propriétaire et directeur des charbonnages du Grand-Hornu, dans le Couchant de Mons, propriétaire d’autres concessions plus au sud, Henri Degorge (1774-1832), dit De Gorge-Legrand, a durablement frappé l’imaginaire de ses contemporains en réalisant, à partir de 1823, un ambitieux projet architectural sous la forme d’une cité ouvrière modèle. Conçu par l’architecte tournaisien Bruno Renard, le site du Grand-Hornu est progressivement achevé dans les années 1830, avec la fameuse salle de l’Atelier de Construction de Machines à Vapeur et de Mécaniques (1831-1832). L’épidémie de choléra qui frappe l’Europe en 1832 emporte cet entrepreneur originaire de Lille qui venait d’être désigné pour représenter l’arrondissement de Mons au Sénat. Il ne verra donc pas la fin de la construction de toute la cité ouvrière et des différents aménagements. Ainsi sur la place Saint-Henri était installée une puissante machine à vapeur qui assurait l’exhaure des eaux de la mine. On pouvait s’y procurer de l’eau dont la température variait selon les besoins : l’établissement des bains se trouvait à proximité. 


C’est donc sur cette place que le buste de Henri De Gorge fut installé au début du XXe siècle. « Ce ne fut pas sa destination première : il fut d’abord installé au croisement des deux allées du bois de Colfontaine, au sud du bassin minier », indique Hubert Watelet. Sans qu’il soit possible de le dater avec davantage de précision, le monument ne porte la signature d’aucun sculpteur ni architecte.

 

Sources

Léopold DEVILLERS, dans Biographie nationale, t. 8, col. 115-117
Hubert WATELET, dans Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 166
Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 430 et 434.
Marie-Laure ROGGEMANS, Jean-Marie DUVOSQUEL, Autour du Grand-Hornu, Bruxelles, Crédit communal & Fondation roi Baudouin, 1989
Hubert WATELET, Le Grand-Hornu. Joyau de la révolution industrielle et du Borinage, Bruxelles, 1993, 2e éd., dont p. 49

Buste Henri De Gorge

Place Saint-Henri

À hauteur du n°214 de la rue de Mons

7301 Hornu

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Henri DE GORGE

Statue à la mémoire de Henri De Gorge, réalisée par Égide Mélot, 1855.


Propriétaire et directeur des charbonnages du Grand-Hornu, dans le Couchant de Mons, propriétaire d’autres concessions plus au sud, Henri Degorge (1774-1832), dit De Gorge-Legrand, a durablement frappé l’imaginaire de ses contemporains en réalisant, à partir de 1823, un ambitieux projet architectural sous la forme d’une cité ouvrière modèle. Conçu par l’architecte tournaisien Bruno Renard, le site du Grand-Hornu est achevé à l’entame des années 1830, avec la fameuse salle de l’Atelier de Construction de Machines à Vapeur et de Mécaniques (1831-1832). L’épidémie de choléra qui frappe l’Europe en 1832 emporte cet entrepreneur originaire de Lille qui venait d’être désigné pour représenter l’arrondissement de Mons au Sénat. Afin de témoigner leur reconnaissance à leur illustre parent, ses héritiers décident d’élever, au centre de la grande cour elliptique conçue par Bruno Renard, une statue en bronze – fondue chez « VP » à Paris – qui représente Henri de Gorge, tenant dans la main gauche un plan roulé (son avant-bras droit fait actuellement défaut). À ses pieds apparaissent divers attributs de l’industrie minière (cordage, pic). Sur les quatre compartiments du piédestal, les inscriptions suivantes indiquent :


« H-J. DE GORGE
FONDATEUR
1810 » (AVANT).


« NÉ À VILLERS-POL 
LE 12 FÉVRIER 
1774 » (CÔTÉ DROIT)

« DÉCÉDÉ À HORNU 
LE 22 AOÛT
1832 » (CÔTÉ GAUCHE).

« HOMMAGE 
PAR 
SES SUCCESSEURS
1855 » (À L’ARRIÈRE).

Monument Henri De Gorge


Il s’agit vraisemblablement de la toute première statue élevée en Wallonie en l’honneur d’un patron d’industrie. Elle a été réalisée par Égide Mélot (1816-1885), élève de l’École anversoise. Formé à l’Académie d’Anvers, sa ville natale, il a suivi les Anversois Joseph et Charles Geefs à Paris, à l’École des Beaux-Arts auprès de Jean-Étienne Ramey ; concurrent malheureux des Geefs pour le Prix de Rome 1836, Mélot parfait sa formation à Bruxelles, où il reçoit les précieux conseils du Liégeois Louis Jehotte. Très tôt, il participe à de nombreux Salons et, dans les années 1850, il est choisi pour réaliser la statue à la mémoire de Henri de Gorge. Par la suite, Mélot contribue à la réalisation des statues du temple élevé à Laeken pour les funérailles de Léopold Ier (1865) ; dans les années 1870, il travaille surtout à Bruxelles, sur le chantier de la Bourse et du Théâtre de la Monnaie et, dans les années 1880, sur celui du Conservatoire de Musique et celui du Palais des Beaux-Arts (Musée d’Art ancien) – il signe l’allégorie de la peinture, statue placée au-dessus de l’entrée principale. Plusieurs jeunes sculpteurs (comme Desenfans) viendront parfaire leur formation dans son atelier installé à Schaerbeek.

 

Léopold DEVILLERS, dans Biographie nationale, t. 8, col. 115-117
Hubert WATELET, dans Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 166
Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 1. La Sculpture belge, Bruxelles, CGER, 1990, p. 50, 54, 65, 77, 88, 165, 248, 269 ; t. 2, Artistes et Œuvres, p. 309, 338, 348, 416, 461, 562, 593
Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 430 et 434
Marie-Laure ROGGEMANS, Jean-Marie DUVOSQUEL, Autour du Grand-Hornu, Bruxelles, Crédit communal & Fondation roi Baudouin, 1989
Hubert WATELET, Le Grand-Hornu. Joyau de la révolution industrielle et du Borinage, Bruxelles, 1993, 2e éd.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 160

Au cœur de la cour principale du site industriel – Grand-Hornu

Rue Sainte Louise 82

7301 Boussu

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Alfred DEFUISSEAUX

Monument Alfred Defuisseaux, réalisé par Paul Du Bois, 1er juin 1905.


Située au cœur de Frameries, sur une place qui porte son nom, l’imposante statue d’Alfred Defuisseaux (1843-1901) rend hommage à un homme politique ayant œuvré en faveur de l’amélioration de la condition ouvrière, ainsi qu’en témoignent les autres personnages du monument. Œuvre du sculpteur Paul Dubois (Aywaille 1859 – Uccle 1938), le monument a été inauguré le 1er juin 1905, soit moins de quatre années après la disparition de l’auteur du fameux Catéchisme du Peuple. Il s’agit là certainement du premier monument établi dans l’espace public wallon rendant hommage à une personnalité socialiste.


Dans la région de Mons et du Borinage, le nom des Defuisseaux est bien connu au XIXe siècle. Tous trois parlementaires, les frères Léon (1841-1906), Alfred et Fernand (1848-1912) sont les petits-fils d’un bijoutier ayant tenu commerce sur la place de Mons, et les enfants d’un avocat, héros de 1830, qui délaissa le barreau et la politique pour prendre la direction de la Manufacture de Porcelaine de Baudour. Issu d’un milieu bourgeois acquis aux idées libérales, Alfred s’engage en politique pour défendre des idées « socialistes » et obtenir le suffrage universel pur et simple. Avocat comme son frère Léon, Alfred est l’auteur du pamphlet rédigé sous forme de dialogues qui, distribué à 200.000 exemplaires au début de l’année 1886, doit contribuer à la mobilisation des masses en faveur du suffrage universel. Son initiative est cependant largement débordée quand éclate l’insurrection spontanée du « printemps wallon » de 1886. 

Accusé d’en être l’un des instigateurs, Alfred Defuisseaux – qui s’est réfugié en France – est condamné à six mois de prison. Persuadé que seule la grève générale immédiate peut permettre l’émergence du suffrage universel et de la république, il entre en désaccord avec le POB naissant et crée le Parti socialiste républicain (1887). Affaibli par les manœuvres de la gendarmerie et de la Sûreté de l’État, le PSR finira par intégrer le POB et, en 1894, lors des premières élections législatives au suffrage universel masculin tempéré par le vote plural, le tribun Defuisseaux est l’un des 28 premiers députés socialistes, tous élus en Wallonie. De retour au pays, l’ancien ténor du Barreau de Mons siègera à la Chambre jusqu’à sa mort, en 1901.
 

C’est pour honorer son « héraut » que la très active Fédération boraine du POB décide de lui élever un monument significatif. Sa conception est confiée au sculpteur Paul Dubois. Originaire d’Aywaille, où il grandit dans un milieu de la petite bourgeoisie, il dispose d’une aisance suffisante pour bénéficier d’une formation de sept ans à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1877-1884), où il est tour à tour l’élève de Louis François Lefèbvre, de Jean-Joseph Jaquet et d’Eugène Simonis, avant de profiter des conseils de Charles Van der Stappen. Condisciple de Rombeaux, Rousseau et Bonnetain, notamment, Paul Dubois remporte le prix Godecharle 1884 qui le place d’emblée parmi les sculpteurs les plus prometteurs de sa génération. C’est de cette époque que remonte cette signature – Du Bois – qui doit lui permettre de se distinguer de son parfait homonyme français, voire de Fernand Dubois.


Son œuvre variée et abondante (près de 200 sculptures) ne démentira pas cette entrée remarquée parmi les sculpteurs de son temps. Après trois années passées à visiter les musées d’Europe, l’artiste wallon installe son propre atelier à Bruxelles, avec Guillaume Van Strydonck. Ouvert à l’avant-garde sans renier son attachement à la Renaissance, membre-fondateur du groupe bruxellois d’avant-garde le Cercle des XX, puis de la Libre Esthétique, il excelle dans les portraits quand lui parviennent les premières commandes officielles de la ville de Bruxelles. Sans abandonner des œuvres de son inspiration qui sont remarquées et primées lors de Salons et d’Expositions à l’étranger, il réalise le monument Félix de Mérode (Bruxelles, 1898) qui symbolise le début de son succès. 

En 1900, il est nommé professeur à l’Académie de Mons (1900-1929) et, deux plus tard, il est chargé du cours de sculpture ornementale (1902-1905), puis de sculpture d’après l’antique (1905-1910) à l’Académie de Bruxelles où il reste en fonction jusqu’en 1929. En 1910, il succède à Charles Van der Stappen à l’École des Arts décoratifs. Vice-président du jury d’admission des œuvres pour le Salon des œuvres modernes de l’Exposition internationale de Charleroi (1911), il signe plusieurs monuments commémoratifs à Bruxelles et en Wallonie (Antoine Clesse à Mons en 1908, Gabrielle Petit à Tournai en 1924, Frère-Orban à Liège en 1931, de la Chanson wallonne à Tournai en 1931), ainsi que des bijoux, des médailles (dont celle de l’Exposition universelle de Liège en 1905) et des sculptures allégoriques variées. C’est par conséquent un artiste en pleine maîtrise de son art qui réalise le monument d’Alfred Defuisseaux : le choix de l’artiste est aussi guidé par le fait que depuis les années 1890 il participe activement au mouvement de socialisation de l’art. Son engagement social est sincère et profond.

Monument Alfred Defuisseaux


Coulée par la « Fonderie nle des bronzes (anc. firme J. Petermann) à Saint-Gilles-Bruxelles », la statue à trois composantes porte la signature de Paul Du Bois en date de 1904. Inauguré le 1er juin 1905, le monument place Alfred Defuisseaux au centre de la représentation, debout sur une sorte de rocher qui lui permet de dominer la situation. Scrutant l’horizon, il retient par les bras un mineur éploré dont la lampe gît couchée aux pieds des deux hommes. Comme à l’abri derrière le leader socialiste, une femme assise, au visage paisible, tient son enfant dans ses bras. La cape qui déborde des épaules du tribun accentue l’effet de protection qui semble dispenser Defuisseaux tout autour de lui. Et si la symbolique déployée par le sculpteur ne suffit pas, l’inscription qui apparaît sur le socle finit de s’en convaincre :

« A
ALFRED
DEFUISSEAUX
___
LE DÉFENSEUR DU PEUPLE »

 

 

Colfontaine, Dour, Frameries, Honnelles et Quévy, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2006, p. 175
Judith OGONOVSZKY, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 374-378
Anne MASSAUX, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 4, p. 142-145
Paul Du Bois 1859-1938, édition du Musée Horta, Bruxelles, 1996
Anne MASSAUX, Entre tradition et modernité, l’exemple d’un sculpteur belge : Paul Du Bois (1859-1938), dans Revue des archéologues et historiens d’art de Louvain, Louvain-la-Neuve, 1992, t. XXV, p. 107-116
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. 1, p. 517-518
Jean PUISSANT, dans Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 165-166
Marie ARNOULD, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 7, p. 93-95
Jules DELECOURT, dans Biographie Nationale, t. V, col. 86-87

Place A. Defuisseaux

7080 Frameries

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Paul Delforge

 Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Nicolas DEFRECHEUX et à « l’âme wallonne »

Monument La Légende, initialement dédié à Nicolas Defrecheux et à « l’âme wallonne », réalisée par Joseph Brouns sur un modèle de Joseph Rulot, c. 1965.
 

À la fin du XIXe siècle, le poète wallon Nicolas Defrecheux (1825-1874) jouit d’une célébrité incontestée depuis le succès rencontré par sa fameuse complainte, le Lèyîz-m’ plorer. Celle-ci est parue dans le Journal de Liège en 1854 et est devenue en peu de temps un immense succès populaire grâce à une adaptation d’un air en vogue, extraite de l’œuvre Gastibelza, du compositeur français Hyppolite Monpou. Balayant les vieux préjugés qui perduraient à l’égard du wallon, Leyîz-m’plorer est la première chanson à exprimer en wallon une véritable poésie lyrique. 

Deux ans plus tard, Defrecheux connaît une autre grande réussite avec le cråmignon L’avez-v’vèyou passer ?, à la fois succès populaire et œuvre célébrée en raison de la qualité de son écriture et du vocabulaire wallon utilisé. Collaborateur de l’Almanach de Mathieu Laensbergh (1857-1874) et du Dictionnaire des spots et proverbes wallons de Joseph Dejardin, Nicolas Defrecheux contribue encore à l’émergence de la Société liégeoise de Littérature wallonne, fondée en 1856. Par conséquent, au tournant des XIXe et XXe siècles, l’idée d’ériger un monument en l’honneur de celui qui est considéré comme l’un des précurseurs de la littérature wallonne est vivement soutenue dans tous les milieux wallons, qu’ils soient littéraires ou non.

À la suite d’une idée émise par Paul Gérardy, un simulacre de concours est lancé au printemps 1895 ; un Comité de l’Œuvre du Monument Defrecheux est mis en place qui précise que le monument devra avoir « le caractère d’une manifestation en l’honneur de l’idée wallonne ». Huit projets sont en compétition (ils seront exposés à la vue du public après la délibération), mais déjà une esquisse de Joseph Rulot a été retenue à l’unanimité : articulées autour d’un tertre rocheux surmonté d’un tronc d’arbre, quatre figures allégoriques – la Légende, la Poésie, la Fantaisie, la Naïveté – sont entourées de 7 personnages empruntés aux textes de Defrecheux ; occupant une surface de près de 40 m² au sol, et sur une hauteur de 6 mètres, l’ensemble est complété par trois scènes : un cråmignon d’enfants, une femme racontant des histoires à deux enfants, une jeune fille – près d’une fontaine – en admiration devant le médaillon du poète.

Sculpteur en vogue, Joseph Rulot (1853-1919) a été formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège (1871-1881) et plusieurs récompenses saluent cet artiste scrupuleux et tourmenté. Nul ne conteste son talent ; c’est d’ailleurs pour cela qu’il est nommé professeur de sculpture à l’Académie de Liège en 1904, en remplacement de Prosper Drion. Nul ne conteste non plus sa sensibilité wallonne : amis de nombreux jeunes artistes et écrivains qui se revendiquent Wallons (revues Floréal et La Wallonie notamment), il est l’un des rapporteurs importants du Congrès wallon de 1905. Nul ne conteste davantage sa large culture classique, son imagination débordante et sa créativité originale. Pourtant, candidat malheureux à la réalisation d’un monument César Franck à Paris (1904), il pêche par une forme d’insatisfaction permanente qui le conduit à rarement concrétiser ses projets. Ainsi en est-il du monument Defrecheux auquel il consacre l’essentiel de son existence, en penser aux formes idéales à lui donner, sans jamais le réaliser. Pour reprendre l’expression utilisée par Serge Alexandre, ce projet a été un véritable roman-feuilleton à rebondissements durant lequel, notamment, de vifs débats auront lieu tant sur la question de l’emplacement, du financement que de la forme et de la taille du monument.


Pourtant, les efforts de mobilisation n’ont pas manqué. Ainsi, en 1896, la Fédération wallonne publie une plaquette d’une trentaine de pages reprenant plusieurs œuvres wallonnes, dont Tot seu de N. Defrecheux, afin de rassembler les premiers deniers nécessaires au financement du monument ; une large souscription est aussi lancée ; plusieurs manifestations sont organisées  et des financements publics sont obtenus, non sans mal. Alors que plusieurs monographies s’intéressent au poète Defrecheux, confirment la qualité de son œuvre et consolident sa notoriété, le sculpteur se fait aussi attendre. Son esquisse originelle ne cesse d’évoluer. Elle prend du volume, de nouveaux personnages (34 figures et 5 moutons) sont ajoutés. Finalement, après dix-neuf ans d’attente, le but semble presque atteint : dans son atelier, Rulot peut présenter, fin juillet 1914, une maquette où l’on retrouve le programme iconographique de 1895 enrichi et disposé autour d’un massif qui évoque le rocher Bayard à Dinant, l’ensemble faisant désormais 12 mètres de haut. Des premiers travaux de fondation ont été entamés en 1913. La validation de cette œuvre doit passer la dernière étape du conseil communal quand éclate la Grande Guerre… L’ambitieux projet ne verra jamais le jour.

Monument Nicolas Defrecheux et à « l’âme wallonne » (Liège)


Après l’Armistice, alors que les pouvoirs publics financent principalement des monuments d’hommage aux victimes de la guerre, le monument Defrecheux continue d’être défendu, notamment par le plus fidèle disciple de Rulot, Jules Brouns, ainsi que par l’architecte Paul Jaspar, voire par Xavier Neujean. Néanmoins, l’année 1925, date du centième anniversaire de la naissance de Defrecheux, s’écoule sans qu’aucun monument n’émerge. L’Exposition internationale de l’Eau, en 1939, est un nouveau prétexte invoqué par le Comité auprès de Georges Truffaut pour réaliser l’œuvre de Rulot. Sans succès : bien d’autres monuments s’élèvent à Liège, mais toujours pas celui décidé en 1895. En 1946, le projet intégral est définitivement abandonné (la maquette – plâtre – du projet définitif – 165 cm – est conservée au Musée communal de Herstal). Finalement, on se souvint que Léon Souguenet vanta un jour le moulage de la statue représentant la Légende et qu’en face de cette seule figure-là, il y vit l’âme wallonne et déclara qu’à elle seule cette statue suffisait (1925). 

À partir d’une maquette de Rulot, Jules Brouns sculpta la « Légende » dans la pierre ; en 1956, cette statue est acquise par la ville de Liège et, en 1965, elle trouve place dans le Parc de la Boverie. Le « Comité Defrecheux » ayant disparu, Jules Brouns (1885-1971) sera l’un des rares à se souvenir des ambitions initiales de Rulot et en mesure de les confronter avec cette statue solitaire, bien loin d’évoquer spontanément tant l’idée wallonne que la mémoire de Nicolas Defrecheux. Sauf à y déceler de l’ironie, la seule inscription figurant sur le monument n’aide d’ailleurs pas à comprendre son histoire :


LA LÉGENDE
DE
JOSEPH RULOT
1858 – 1919

 

 

Maurice PIRON, Anthologie de la littérature wallonne, Liège, Mardaga, 1979, p. 189-190
Alain COLIGNON, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 416
Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 403
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. 2, p. 114, 468-469 ; t. III, p. 243 et 359
[Daniel DROIXHE], Quatre poètes wallons de Herstal, Littérature et monde du travail, Herstal, Musée communal, 1975, p. 20
Charles et Joseph DEFRECHEUX, Anthologie des poètes wallons, Liège, 1895
Wallonia, t. IV, 1896, p. 34 ; t. IX, 1901, p. 147-148 ; t. XI, 1903, p. 21 ; t. XIII, 1905, p. 169 ; t. XVI, 1908, p. 180
La Vie wallonne, n° LVI, mars 1925, p. 300-301
Alexandre GERARD, Nicolas Defrecheux, extrait de L’Ami de l’Ordre, Namur, 1901.
Une identité taillée dans la pierre. Le monument wallon dédié à Nicolas Defrecheux, dans Enquêtes du musée de la Vie wallonne, Liège, 2002-2004, t. XX, n°241-244, p. 307-346
Paul DELFORGE, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1449
Serge ALEXANDRE, Joseph Rulot et Jules Brouns. Deux Sculpteurs à Herstal, dans Art & Fact. Revue des Historiens d’Art, des Archéologues, des Musicologues et des Orientalistes de l’Université de l’Etat à Liège, (1993), vol. 12, p. 124-148, en particulier p. 129 et ssv.
Fabienne MASSON-RUSINOWSKI, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 544-546

Parc de la Boverie
4020 Liège

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Maurice DEFOIN

Monument à la mémoire de Maurice Defoin, réalisé par l’architecte Édouard Frankinet père et le sculpteur Alex Daoust, 21 ou 27 avril 1928.
 

Sur la rive droite de la Meuse, au pied du Rocher Bayard, apparaît sur la gauche de la N95 en venant de Givet un monument honorant la mémoire d’un motocycliste dinantais. Son nom, Maurice Defoin (1894-1927), ne doit pas être confondu avec celui d’Alphonse Defoin que porte la rue où est installé le monument. Marchand de bois de son état, conseiller communal libéral de Dinant élu en 1926, Maurice Defoin partageait surtout une forte passion pour la course motocycliste. 

C’est au volant d’une Gillet qu’il trouve accidentellement la mort, le 2 octobre 1927, à hauteur de Profondeville, alors qu’il se rend à Bruxelles pour participer à la dernière manche du Rallye national Gillet (Coleau). Co-fondateur de l’Union Motor Dinant, Defoin est immédiatement honoré, quelques mois après son décès, par la création d’une compétition portant son nom (le Grand Prix Maurice Defoin à partir du printemps 1928) et par l’inauguration d’une stèle dont la réalisation a été confiée à l’architecte Édouard Frankinet père (1877-1937) et au sculpteur Alex Daoust (1886-1947). 

Outre le médaillon présentant le profil droit du pilote avec son casque et ses lunettes de motocycliste, le sculpteur a réalisé un bas-relief allégorique où la mort munie de sa faux vient ôter la vie au « motard ». Entre le médaillon et le bas-relief, la pierre en granito est également sculptée sur sa face avant, illustrant le blason du club motocycliste. Quant à la partie supérieure de la pierre, elle est recouverte d’une sorte de dôme, tandis les quatre angles légèrement arrondis sont recouverts de décorations allégoriques coulées dans le bronze.

Monument Maurice Defoin (Dinant)


Dessinateur talentueux, Alexandre Daoust s’est pris de passion pour la sculpture quand il enseignait les mathématiques à l’Abbaye de Maredsous. Diplômé sur le tard pour pouvoir enseigner le dessin dans les Écoles moyennes de l’État, il accomplit toute sa carrière, comme professeur de dessin, à l’Athénée de Dinant (1920-1946). En parallèle, le co-fondateur de l’Université populaire de Dinant enseigne aussi à l’École industrielle de Dinant. Durant toute la période de l’Entre-deux-Guerres, Daoust s’attèle à ressusciter et à rénover l’art de la dinanderie. Quant à sa propre sculpture, elle se dégage du côté « académique » de ses débuts, pour exprimer son amour de la Wallonie, de ses habitants, de son terroir et de ses traditions. Destiné à immortaliser l’assaut aussi héroïque que vain de quelques « pantalons rouges » lancés à l’attaque de la Citadelle, son remarquable monument L’Assaut, au cimetière français de Dinant, lui ouvre de nouvelles portes (1927). 

C’est par conséquent vers un artiste local à la notoriété naissante que se sont tournés les promoteurs du monument. Continuant à sculpter des œuvres d’inspiration personnelle, Daoust répond aux demandes de particuliers comme à celles émanant des pouvoirs publics. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il se lance dans un projet qu’il mûrit depuis longtemps : « réaliser un ensemble d’œuvres sculpturales (reliefs, statues) et fusains dont le thème serait d’essence tout à fait wallonne », qu’il intitulerait L’Âme wallonne et qui serait installée à Liège. De ce projet ambitieux, il n’aura l’occasion de réaliser que la partie centrale, « Noël de Wallonie » (1946-1947).


Quant à Édouard Frankinet, né Theux en 1877, il a étudié la sculpture et l’architecture à Saint-Luc, à Liège, avant de faire une partie de sa carrière à Bruxelles (1900-1907) où il se laisse gagner par les principes du Modern Style. En 1907, il s’installe à Dinant où il échappe de peu aux massacres d’août 1914, mais pas à la déportation. Avec Arthur Defoin et Léon Sasserath notamment, il fait partie des 416 civils emmenés en Allemagne, sans enquête, interrogatoire ni jugement. Les otages dinantais sont maintenus en détention à Cassel pendant trois mois, avant d’être relâchés. En novembre 1914, l’architecte Frankinet retrouve Dinant en état de ruines. Il ne peut être que préoccupé par la reconstruction de la cité mosane pour laquelle il nourrit plusieurs projets. Après l’Armistice, il est étroitement associé au relèvement de Dinant, contribuant notamment à l’aménagement de la Grand-Place, à la (re)construction du Casino, du Musée communal ou de l’Église Saint-Nicolas. Dans la vallée de la Meuse, entre Hastière et Namur, plusieurs villas en style Renaissance mosane doivent aussi leur existence aux plans de cet architecte.

 

Michel COLEAU, Dinant reine de la Meuse, Dinant 1994, p. 163, cité par  http://www.dinant.be/patrimoine/celebrites/autres/defoin-maurice (s.v. mars 2015)
André LÉPINE, 80 monuments insolites d'Entre-Sambre-et-Meuse, Cerfontaine, 1989, p. 9
http://www.dinant.be/patrimoine/celebrites/art-&-culture/frankinet-edouard  (s.v. mars 2015)
Jean SERVAIS, Le sculpteur Alex Daoust, dans La Vie wallonne, 1947, n°238, p. 81-104
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 288

Au pied du rocher Bayard

5500 Dinant

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Eugène DEFACQZ

Monument  Eugène Defacqz, réalisé par Adolphe Fassin, avec l’architecte Charles Émile Janlet, 26 septembre 1880. Rue de Pintamont 62, printemps 1962.


Dans la cour du centre administratif d’Ath, un impressionnant monument rend hommage à Eugène Defacqz. La lecture de la face arrière du piédestal permet d’emblée de cerner le rôle joué par ce personnage du XIXe siècle, dont l’identité est précisée sur les autres faces :

À l’arrière :
MEMBRE DU CONGRES NATIONAL
PREMIER PRESIDENT DE LA COUR DE CASSATION
MEMBRE DE L’ACADEMIE ROYALE DES LETTRES
GRAND MAITRE DE LA FRANC-MACONNERIE BELGE
PRESIDENT DU CONGRES LIBERAL DE 1846

Face avant, avec les armoiries athoises en couleur :

EUGENE DEFACQZ
SOUSCRIPTION NATIONALE
1880

Du côté gauche :
ATH
17 SEPTEMBRE
1797
Du côté droit :
BRUXELLES
31 DECEMBRE
1871

Au haut du piédestal, le bronze (environ 2,30 mètres) représente un notable, en costume civil, assis, les jambes croisées. Son bras droit est posé sur le dossier du siège, l’autre sur sa jambe gauche. Figurant aussi sur le dossier, une toge bordée d’hermine conforte le statut du magistrat dont la toque est posée à ses pieds. L’espace semi-fermé de la cour donne l’impression d’un monument surdimensionné pour l’endroit. Initialement, il est vrai, le monument se trouvait sur la Grand Place d’Ath et il était encore plus impressionnant, culminant à 6 mètres ; c’est au printemps 1962 qu’il a été déplacé et, lors de ce transfert, la hauteur de son piédestal en pierres bleues (des carrières athoises Brocquet et Cie) a été réduite, sans lui enlever son caractère imposant.

L’idée d’élever un monument à Eugène Defacqz remonte au lendemain de son décès ; les amis libéraux du défunt avaient sollicité les autorités communales de la même famille politique (1872), mais il faut attendre 1877 pour que des personnalités athoises se constituent en une Commission spéciale, soutenue progressivement par les autorités locales, provinciales et nationales. Une souscription publique lancée à l’échelle nationale vient compléter le financement d’un projet qui cadre parfaitement avec la volonté politique belge de l’époque. 

Depuis sa naissance, la Belgique de 1830 n’a de cesse de renforcer sa légitimité en promouvant toute initiative en faveur de l’installation de statues dans l’espace public. Ainsi, le ministre libéral Charles Rogier encourage chaque province à élever un monument digne des gloires nationales dans son chef-lieu. Aux quatre coins du pays, les édiles municipaux se mobilisent bon gré mal gré (en raison des coûts) dans un projet qui se veut collectif, mais qui met en évidence à la fois des particularismes locaux, des rivalités politiques et des interrogations sur la définition de « belge ». Jusque dans les années 1870, Ath était restée à l’écart de ce mouvement, même si l’on ne peut omettre la fontaine Hennepin. 

Le monument en l’honneur d’Eugène Defacqz ramène la cité des Géants dans le cortège des autres villes belges qui contribuent à la statuomanie de l’époque. Que Defacqz soit un ancien membre du Congrès national joue en faveur du choix de cette personnalité. En dépit de propositions fort avancées émanant de membres de la Commission, l’intervention financière de l’État lui donne le droit de désigner le sculpteur, la technique et l’emplacement : la Commission royale des Monuments opte pour Adolphe Fassin (1828-1900), le bronze coulé et la Grand Place. La ville d’Ath quant à elle attribue à l’architecte Charles Émile Janlet (1839-1919) la responsabilité du piédestal. Organisée sous les auspices des autorités locales, l’inauguration a lieu le dernier dimanche de septembre 1880, et s’inscrit dans l’esprit de la célébration des Journées de Septembre.


En 1880, même si les Anciens Volontaires de 1830 sont présents, l’unionisme a vécu. Ainsi, le clergé athois n’a pas daigné participer à l’inauguration que le ministre Jules Bara et le gouverneur du Hainaut relèvent de leur présence. Il convient de souligner que les autorités locales profitent de l’occasion pour montrer leurs réalisations en faveur de l’enseignement public et laïque ; or, faut-il le rappeler, la guerre scolaire a éclaté entre les principaux dirigeants libéraux et catholiques. Par ailleurs, on observe aussi que, malgré leur quotepart financière importante lors de la souscription publique, les milieux maçonniques n’ont pas été officiellement invités à l’inauguration du monument. Si l’unanimité peut se réaliser pour reconnaître en Defacqz un homme de 1830 et un haut magistrat intègre et cultivé, les avis sont plus tranchés sur d’autres aspects de ses engagements. Président du Congrès libéral de 1846, il n’avait pas permis de lever les profonds différends opposant les radicaux et les conservateurs. Quant à la référence explicite à son activité maçonnique, elle confirme, aux yeux de ses anciens adversaires, qu’Eugène Defacqz était avant tout le représentant affirmé d’un parti ; le journal catholique local rappelle volontiers l’opposition de Defacqz à la liberté religieuse et son insistance pour que les pouvoirs publics surveillent la liberté d’enseignement… Dès l’origine, sa statue sur la Grand Place d’Ath ne parvient pas à symboliser l’union de tous les Belges.


Originaire d’Ath où il a fait ses études avant de se rendre à Dijon, Eugène Defacqz (1797-1871) avait obtenu une licence en Droit à Bruxelles en 1817 et exercé comme avocat au barreau de Bruxelles où ses collègues apprécièrent rapidement ses diverses qualités. N’ayant manifesté aucune prise de position à l’égard du Régime hollandais, il se retrouve impliqué dans la Révolution de 1830 quand il est désigné par le Gouvernement provisoire comme membre du comité de Justice chargé de la réorganisation de la magistrature (27 septembre 1830). Désigné conseiller à la Cour supérieure de justice à Bruxelles, il y fera sa carrière pendant quarante ans. Beaucoup plus éphémère est son parcours politique : choisi comme l’un des 3 représentants du district d’Ath au Congrès national (3 novembre 1830), il contribue à l’adoption du principe d’un cens électoral et est l’un des rares congressistes à s’opposer à l’interdiction de toute intervention du pouvoir civil dans les affaires d’un culte. Il aura encore l’occasion d’exprimer son anticléricalisme et son paternalisme radicaux au Conseil communal de Bruxelles (1836-1848) et au Conseil provincial du Brabant (1838-1849) qu’il préside brièvement (1847-1849).


Initié dans la loge L’Espérance dès 1820, il fonde à Bruxelles la loge Les Amis du Progrès en 1838, dont il devint Vénérable. Grand-Maître du Grand Orient de Belgique, il préside l’association de  1842 à 1852. Président du fameux Congrès libéral de juin 1846 – il a été choisi en raison de son autorité morale et de l’indépendance d’esprit dont il a toujours manifesté –, il ne parvient cependant pas à réunir durablement les tendances radicales et conservatrices qui se manifestent alors. Critiqué de part et d’autre, il se retire de la politique active pour se consacrer principalement à sa carrière de magistrat. Avocat général à la Cour de cassation (1832), il est nommé conseiller en 1837 et devient premier président à la Cour de cassation en 1867. Co-fondateur de l’Université libre de Bruxelles, il y donnera pendant quelques années un cours de droit coutumier. En 1846, il publie d’ailleurs le premier volume de son Ancien droit Belgique qui reste une mine de renseignements. D’autres ouvrages sont de la plume d’Eugène Defacqz, élu correspondant en 1856 et membre effectif en 1866 de l’Académie royale de Belgique ; il fut directeur de la Classe des Lettres en 1870. C’est à rendre les multiples facettes de cette éminente personnalité que s’attela le sculpteur Fassin entre 1878 et 1880.

Monument  Eugène Defacqz


Âgé de cinquante ans, cet artiste liégeois (né à Seny près de Nandrin en 1828) avait fait ses classes à l’Académie de Liège (avec Buckens notamment), puis à celle d’Anvers, avant de gagner Paris, puis Rome où une bourse de la Fondation Darchis lui permit de résider durant cinq ans. Là, en 1863, il réalise le plâtre d’un Acquaiuolo napolitain qui fait sursauter tous les critiques d’art du Salon de Bruxelles. Tous crient au génie et à la révolution artistique : en se détournant des sujets de l’Antiquité, Fassin avait réussi à trouver ses modèles dans la foule du peuple italien, inaugurant un mouvement qui ne fera que s’amplifier. Son œuvre reçoit la médaille d’or et la commande du marbre par le gouvernement. Elle sera exposée à Paris puis à Philadelphie ; par la suite, l’artiste ne parviendra pas à soutenir sa réputation et il tombera dans l’oubli. Installé à Bruxelles dès 1869, Fassin poursuit une œuvre personnelle, tout en participant à des concours pour des commandes officielles, sans grand succès car la concurrence est rude. L’air de Rome manque au Liégeois qui, après divers séjours, finit par s’y établir définitivement en 1882. Il venait d’achever le bronze d’Eugène Defacqz qui semble être sa seule réalisation officielle dans l’espace public.


Déplacé en 1962, le monument Defacqz a été restauré en 1993 et, deux ans plus tard, l’idée de le ramener sur la Grand Place a été évoquée par les conseillers communaux libéraux, qui voulaient profiter des importants travaux de rénovation et d’aménagement de la mobilité au cœur de la cité des Géants. Leur proposition n’a pas été suivie. 

 

 

Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 441
Jean-Pierre DUCASTELLE, dans Cahiers de l’Urbanisme, septembre 2001, n°35-36, p. 27 et ssv.
Jean-Pierre DUCASTELLE, Statuomanie athoise : l’érection de la statue d’Eugène Defacqz à Ath (1880), dans Annales du Cercle royal d’histoire et d’archéologie d’Ath et de la région et des Musées athois, 1996-1997, t. LV, p. 223-278
Joseph TORDOIR, Des libéraux de pierre et de bronze. 60 monuments érigés à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, Centre Jean Gol, 2014, p. 21-26
Philippe GODDING, dans Nouvelle Biographie nationale, t. VI, p. 106-111
Liliane SABATINI, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 393
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, Bruxelles, CGER, 1990, p.  75-78
http://books.google.be/books?id=v6DaJFklrYIC&pg=PA34&lpg=PA34&dq=ath+monument+%22eug%C3%A8ne+defacqz%22&source=bl&ots=uJXqYJhWp0&sig=Ut7w0V9fSpYax-QXDziqPiIdN4U&hl=fr&sa=X&ei=yQsXU7GSIbTR4QTg1YDgDA&ved=0CD8Q6AEwAw#v=onepage&q=ath%20monument%20%22eug%C3%A8ne%20defacqz%22&f=false 
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 563

Grand Place
7800 Ath

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Plaque Camille DEBERGHE

Plaque commémorative Camille Deberghe, à l’initiative des autorités locales.


À hauteur des n°5/7 de la rue Charles Nicaise, dans le centre de la ville, sur la façade latérale d’un petit bâtiment affecté comme cabine électrique, une plaque commémorative en marbre noire rend hommage à une personnalité libérale de La Louvière assassinée en octobre 1944.


Originaire de Houdeng-Aimeries, Camille Deberghe (1879-1944) est une personnalité majeure de La Louvière et de la région du Centre dans l’Entre-deux-Guerres. Journaliste, chroniqueur politique, directeur-administrateur du quotidien libéral louviérois Les Nouvelles, il défend aussi les idées libérales au Conseil communal (1921-1944) de La Louvière, et au Conseil provincial du Hainaut (1924-1932). Président de multiples associations et fédérations – libérales, de journalisme et culturelles – Camille Deberghe est le président-fondateur et animateur-mécène des Amitiés françaises de La Louvière; grâce à ses initiatives, La Louvière connaît une importante vie artistique d’inspiration parisienne. Représentant de l’arrondissement de Soignies (1934-1940) à l’Assemblée wallonne et membre de son Bureau permanent, Deberghe s’occupe aussi de bienfaisance. En mai 1940, il reste à La Louvière. Des quatre conseillers communaux (sur 17) encore présents, c’est lui qui émerge pour exercer les fonctions de bourgmestre. Mais dès le 15 août, il est arrêté en raison de ses activités antinazies manifestes depuis longtemps ; privé de liberté, il est interdit de toute fonction politique. Résistant actif, membre du groupe Mill, Deberghe contribue à la libération de La Louvière et participe à sa reconstruction quand, le 3 octobre 1944, il est assassiné devant son domicile (14 rue Warocqué), victime d’un règlement de comptes commandité par le docteur Célestin Rinchard.


L’animosité entre les deux hommes remonte à la fin des années trente. Chirurgien diplômé de l’Université libre de Bruxelles, Rinchard est bien connu dans la région du Centre en raison de son train de vie et de débordements qui lui valent à la fois des ennuis professionnels et une solide réputation de noceur. Néanmoins, ayant obtenu le soutien d’élus socialistes de La Louvière (Roger Roch principalement), il décroche une place de chirurgien chef adjoint à l’hôpital civil de La Louvière, en dépit de candidats mieux cotés (1939). Dans son journal, Deberghe dénonce une « combine politique », mais en vain.

Commence alors un mano a mano qui va dégénérer. À peine désigné comme bourgmestre, Deberghe s’empresse de casser la nomination de Rinchard. Mais après l’arrestation de Deberghe, Rinchard parvient à récupérer son poste. À l’approche de la fin de la guerre, Rinchard se porte acquéreur d’une clinique à Braine-l’Alleud et s’éloigne de La Louvière. Avec Le Pays réel dans sa poche droite et Le Drapeau rouge dans sa poche gauche, celui qui fréquentait des représentants de l’Etat-major allemand dans le Roman Pays parvient à devenir le chef du Front de l’Indépendance de Braine-l’Alleud, à embobiner le sénateur-bourgmestre Jules Hans comme d’ailleurs Achille Chavée, et à bénéficier aussi du soutien d’un jeune magistrat de Nivelles. 

Privé de liberté, Deberghe est quant à lui occupé à monter un dossier contre celui qu’il soupçonne d’être à l’origine de ses problèmes : dès le 8 septembre 1944, il dépose une plainte très étayée devant le parquet de Nivelles. Sentant de fortes réticences du côté de Nivelles, Deberghe s’apprête à remettre son dossier à l’auditeur militaire de Charleroi, le 4 octobre. Il n’en aura pas l’occasion. Après une enquête minutieuse et laborieuse, la Justice parviendra à confondre Rinchard et ses acolytes, tous membres d’un « comité de vigilance », auquel d’autres crimes et forfaitures furent explicitement attribués. « L’Affaire Rinchard » a fait la une des journaux pendant des mois ; enfin, le 1er février 1952, la Cour d’Assises de Bruxelles rend son jugement et condamne Rinchard aux travaux forcés à perpétuité.


Ce contexte explique pourquoi, au cœur de La Louvière, une plaque commémorative rend :

« HOMMAGE A
CAMILLE DEBERGHE
CONSEILLER COMMUNAL
CONSEILLER PROVINCIAL
HOMME D’ŒUVRES
NE LE 31 JANVIER 1879
LACHEMENT ASSASSINE
LE 3 OCTOBRE 1944 »

 

Sources


Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 401
Yves VANDER CRUYSEN, Un siècle d’histoire en Brabant wallon, Bruxelles, Racine, 2007, p. 99-101
René HAQUIN, Pierre STÉPHANY, Les grands dossiers criminels en Belgique, Bruxelles, Racine, 2005, vol. 1, p. 95-112

5-7 rue Charles Nicaise 

7100 La Louvière

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Paul Delforge

KIK-IRPA, Bruxelles et © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Buste Adrien de Witte

Buste Adrien de Witte, réalisé par Oscar Berchmans avec l’aide de l’architecte Alfred Lobet, 19 novembre 1938.


Au lendemain de l’Exposition universelle de 1905, le parc de la Boverie devient progressivement le lieu privilégié pour accueillir des monuments dédiés principalement à des artistes liégeois. Dès 1907, est inauguré un buste dédié au peintre Léon Philippet ; en juillet 1923, Gilles Demarteau est honoré à son tour, avant que ne les rejoignent, sans être exhaustif, Louis Boumal (1925), Jean Varin (1928), Jean-Barthélémy Renoz (1930), Armand Rassenfosse (1935), Adrien de Witte (1938), Georges Antoine (1938), Auguste Donnay (1956 ?) et Richard Heintz (1956). Une galerie des bustes prend ainsi place dans la pergola du parc de la Boverie ; elle permet au public de croiser une palette d’artistes de renom, du moins jusqu’au début du XXIe siècle. On assiste en effet alors une série de disparitions et d’actes de vandalisme (vols, dégradation, lancer de buste dans la Meuse…) contraignant les autorités liégeoises à mettre à l’abri certains bustes restants. Si quelques monuments restent intacts, d’autres ont entièrement disparu, comme en témoignent certains socles nus.


Inauguré le 19 novembre 1938, en présence du bourgmestre Xavier Neujean, le buste d’Adrien de Witte n’a pas échappé à ce phénomène. Le socle est toujours présent, mais le buste a disparu en 2007. Réalisé en bronze coulé, d’une dimension de 70 centimètres, il était dû à l’initiative de l'Œuvre des Artistes qui en avait confié la réalisation au sculpteur liégeois Oscar Berchmans (Liège 1869 – Spa 1950). En 1938, l’artiste jouit d’une solide réputation. Son monument à Hubert Goffin, inauguré en 1912, est sa carte de visite la plus visible en région liégeoise jusqu’au moment où il achève le très remarqué fronton de la façade de l’Opéra royal de Wallonie qui constitue sa plus belle réussite (1930). 

Depuis sa plus tendre enfance, il évolue dans un milieu tourné vers la peinture ; lui a cependant opté pour la sculpture lorsqu’il a suivi les cours de l’Académie des Beaux-Arts de Liège auprès de Prosper Drion et d’Adrien de Witte (1884) ; il a aussi fréquenté l’atelier de Léon Mignon et de Paul de Vigne auprès desquels il a appris son métier. Au-delà de commandes pour des particuliers, Berchmans est régulièrement sollicité par les autorités communales liégeoises qui lui confient la réalisation de bas-reliefs pour le Palais des Beaux-Arts de l’Exposition de 1905, le mémorial Mignon (1906), des bustes et des monuments comme celui déjà cité à Hubert Goffin à Ans (1912), ou celui dédié à Hortense Montefiore-Levi (1911), voire le mémorial Wauters de Waremme. Comme ses collègues, Berchmans a également signé de nombreux monuments aux victimes et aux héros de 14-18, par exemple, le mémorial dédié à l’exploit de l’Atlas V ou le bas-relief apposé contre la façade de l’Université de Liège commémorant les exécutions sommaires de civils par les Allemands durant la nuit du 20 au 21 août 1914. À partir de 1919, Berchmans enseigne à l’Académie de Liège et il ne fait aucun doute qu’il y croise la route de son collègue Adrien de Witte, sans savoir encore qu’il sera amené à en réaliser le buste de son aîné.


Adrien de Witte (Liège 1850 – Liège 1935) est de la génération qui précède Berchmans. Lui aussi a été formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, mais de Witte a choisi la peinture quand il accomplit un premier voyage en Italie en 1872-1873, avant d’y séjourner plus longtemps, de 1879 à 1884, en tant que boursier de la Fondation Darchis. Dès la décennie 1870, l’artiste a signé ses œuvres les plus significatives : La Lessiveuse, La femme au corset noir et la très connue Femme au corset rouge, datant de 1880. Professeur à l’Académie des Beaux-Arts dès 1885, il va se consacrer entièrement à ses élèves, jusqu’en 1921, faisant finalement regretter que l’artiste ne se soit pas montré plus productif : 80 œuvres ont été cataloguées en 1927 – 237 en 1981 à l’occasion d’une rétrospective au « musée de la Boverie ». Ses dessins, eaux fortes, aquarelles et peintures à l’huile ont sonné la renaissance de l’école liégeoise dans le dernier quart du XIXe siècle.



Sources


Françoise CLERCX LEONARD-ÉTIENNE, Sylvie LEJEUNE (dir.), Adrien de Witte : dessins, pastels, gravures : Liège, cabinet des estampes, musée de la Boverie, du 11 septembre au 15 novembre 1981, Ville de Liège, 1981 
(Jules BOSMANT), Salon 1950 : exposition rétrospective Adrien De Witte organisée à l'occasion du centenaire de la naissance du maître : musée des beaux-arts de Liège, 14 octobre-12 novembre, Liège, 1950
Charles DELCHEVALERIE, Adrien De Witte, Anvers, 1949, coll. Monographies de l’Art belge
Jacques STIENNON, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
Jacques PARISSE, Actuel XX : la peinture à Liège au XXe siècle, Liège, Mardaga, 1975, p. 32
Charles DELCHEVALERIE, Adrien de Witte, peintre, dessinateur et graveur, Liège, Bénard, 1927
Une certaine idée de la Wallonie. 75 ans de Vie wallonne, Liège, 1995, numéro spécial de La Vie wallonne, t. LXIX, p. 141 et 142
http://balat.kikirpa.be/photo.php?path=A118170&objnr=10128100 
La Vie wallonne, juin 1927, LXXXI, p. 265-268
La Vie wallonne, II, n°250, p. 109-117
La Vie wallonne, IV, n°252, 1950, p. 291-295
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, été 1970, p. 11
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 83
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 359
La Vie wallonne, III, 1950, n°251, p. 219
Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
 

 

Buste Adrien de Witte. Montage réalisé à partir d’une photographie de l’IRPA

Parc de la Boverie

4020 Liège

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Gosuin de STREEL

Statue de Gosuin de Streel, réalisée par Léopold Noppius,entre 1881 et 1884.


Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège d’un bâtiment digne de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser une toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Elles racontent l’histoire de la principauté de Liège, privilégiant les acteurs du Moyen Âge.


À titre personnel, Léopold Noppius, le frère de l’architecte liégeois, signe onze décorations particulières, dont 9 statues de personnalités majeures de l’histoire de la principauté de Liège, parmi lesquelles Gosuin de Streel. À son sujet, il est inutile de chercher les traits de son visage, le sculpteur ne semble pas disposer d’informations précises à son sujet et il se contente de le représenter comme un guerrier, harnaché dans ses cuirasses et sous son casque, posant la main gauche sur son bassin tandis que la droite s’appuie sur une longue épée. Le visage de Gosuin est ainsi le seul à ne pas être représenté, d’autres hommes d’armes ayant leur visière remontée, comme Henri de Hornes ou Vincent de Bueren. Il s’agit d’une réelle singularité car les statues « liégeoises » sont toutes réalisées avec un souci d'art et de différenciation. Représentant d’une illustre famille de la noblesse hesbignonne, Gosuin de Streel a marqué l’histoire liégeoise par l’opposition qu’il manifesta à l’encontre du prince-évêque Louis de Bourbon.


Avec Vincent de Bueren, cité ci-dessus, Gosuin est considéré comme l’un des principaux meneurs dans la tentative de capture du duc de Bourgogne lors du fameux épisode des Six cents Franchimontois. Refusant que la principauté devienne un état vassal de la Bourgogne, il a profité de l’éloignement continu de l’évêque, Louis de Bourbon, et de l’absence momentanée de son intendant, d’Humbercourt pour accompagner les « patriotes » liégeois dans la prise du pouvoir de la cité (septembre 1468), provoquant ainsi la colère du duc de Bourgogne qui met ses armées en route. Au prix d’un coup de main hardi, Streel et Bueren parviennent à faire prisonniers l’évêque et son intendant lors d’une rencontre à Tongres (9 octobre). Trop confiant en leur prince-évêque, les Liégeois le laissent partir négocier à Péronne. Mal leur en prit. Le 27 octobre, les armées bourguignonnes sont aux portes de la ville. Le dernier coup de force de Bueren échoue. Charles le Téméraire n’est pas capturé et les « Franchimontois » sont mis en déroute. Livré au duc de Bourgogne, Gosuin de Streel est décapité le jour de Noël, devant la Cour de Bruxelles. Comme le sculpteur de Tombay avec de Bueren, Léopold Noppius s’est limité à suggérer le statut de Gosuin de Streel, dont la statue se situe dans un angle formé par le côté doit du péristyle et le début de la façade orientale.


Avant ce chantier de décoration, Léopold Noppius dont l’atelier accueillait le tout jeune Léon Mignon avait déjà signé quelques bas-reliefs, médaillons et bustes en région de Liège, comme sur le fronton du portique d’accès à l’Institut de Zoologie de l’Université de Liège. Réalisant des statues s’inspirant de sujets religieux (Vierge, Saint-Sébastien, etc.) qui ornent les églises, il rédige et publie, en 1880, un Projet de cortège historique pour Liège. Après le succès rencontré par celui organisé à Bruxelles à l’occasion des cinquante ans de la Belgique, il présente aux autorités liégeoises, et aussi à tous les partenaires du pays wallon, un projet de cortège historique qui pourrait se dérouler à Liège afin d’honorer et de glorifier tous ceux qui ont contribué à l’histoire de la principauté de Liège, voire du pays wallon. Nombre des personnalités évoquées dans son opuscule se retrouvent sur la façade du palais provincial.

 

Sources


Léopold NOPPIUS, Cortège historique, Liège son passé son présent, Liège, éd. Blanvalet et Cie, 1880
Jean LEJEUNE (dir.), Liège et son palais : douze siècles d’histoire, Anvers, Fonds Mercator, 1979
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 97
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 231
Jean-Luc GRAULICH, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996 
Félix MAGNETTE, Précis d’histoire liégeoise à l’usage de l’enseignement moyen, Liège, 1929, 3e éd., p. 162 et 165

 

Statue Gosuin de Streel (Liège)

Façade latérale du Palais provincial, face à la place Notger

4000 Liège

carte

Paul Delforge