Guy Focant

Hôtel Kégeljan

 Après la destruction de l’hôtel de ville place d’Armes en 1914, la Ville de Namur acquit en 1919 l’hôtel particulier construit rue de Fer dans l’esprit « néo-Renaissance flamande » entre 1878 et 1880 pour les époux Kégeljan-Godin, par l’architecte bruxellois Henris Beyaert, dont il s’agit d’une des créations les plus harmonieuses. Exemple parfait du style éclectique dont l’architecte était un important représentant, l’hôtel Kégeljan présente une façade d’une rigoureuse symétrie et richement décorée : nombreux balcons, consoles, balustres, obélisques, chapiteaux corinthiens, coquillages, etc. Bombardé en 1944, reconstruit en 1947, l’hôtel Kégeljan abrita les services communaux jusqu’à la construction d’un plus vaste édifice, entamé dans son prolongement en 1981 en raison de la fusion de communes. Depuis lors, un nouveau bâtiment permet de relier par un couloir ce nouvel Hôtel de Ville et l’hôtel Kégeljan, que la Ville a remis en valeur entre 1997 et 2001.

 

 

1988 : le premier siège namurois de l’Exécutif régional

Après la construction du nouvel hôtel de ville de Namur dans les années 1980, l’hôtel Kégeljan abrita de 1988 à 1992 le siège de la présidence de l’Exécutif régional wallon, jusqu’alors installée à Bruxelles. Celui-ci était dirigé par le socialiste namurois Bernard Anselme et comprenait les socialistes André Baudson, Edgard Hismans et Alain Vanderbiest (tous trois décédés depuis) et les sociauxchrétiens Amand Dalem, Albert Liénard (également décédé) et Guy Lutgen. Alors que les autres cabinets ministériels ne s’implanteraient que progressivement à Namur, celui du Ministre-Président prit partiellement ses quartiers dans les étages de l’hôtel Kégeljan, dont le rez-de-chaussée abritait les bureaux ministériels et la salle de réunion de l’Exécutif. Bien que le nouveau siège de la présidence ait été inauguré en juin 1991, ce n’est que dans le courant de 1992 que le successeur de Bernard Anselme put quitter, avec son cabinet, la rue de Fer pour la rue Mazy et la Maison jamboise. La Ville récupéra son ancien hôtel de ville ultérieurement.

 

"Désigné en mai 1988 Ministre-Président de l’Exécutif de la Région wallonne, je me devais d’engager une course contre la montre pour verrouiller la localisation des institutions. On commença par les symboles. Il fallait que le Conseil des Ministres et le Ministre-Président soient à Namur. Il n’y avait guère d’infrastructures pour les accueillir, certes. Même la Maison jamboise, rebaptisée depuis « Élysette », depuis peu acquise par la Région, avait partiellement brûlé pendant l’ été... La Ville mit à notre disposition l’ancien Hôtel de Ville, rue de Fer. L’installation s’y fit juste avant les Fêtes de Wallonie 1988. L’endroit était sympathique, mais exigu et mal commode. Le bruit des séances du cinéma voisin traversait parfois les murs, et la salle de gouvernement servait aussi de salle à manger, de salle de réunion, de salle de presse, de salle de réception... Pour résoudre les problèmes de place, il avait fallu disperser le cabinet sur deux autres implantations à Jambes. Tout cela ne simplifiait pas le travail quotidien".  Témoignage de Bernard Anselme, in L’Aventure régionale, p. 124 

Rue de Fer, 42
5000 Namur

carte

Freddy Joris & Frédéric Marchesani, avril 2009

G. Focant SPW

Élysette

Située à Jambes, en bord de Meuse, cette demeure privée fut construite en 1877 par Xavier Thibaut-Éloin, maître-tanneur, à la place d’une précédente habitation à cet endroit. De plan rectangulaire, elle s’élève sur trois niveaux. Le « château Thibaut » sera revendu en 1923 et occupé par plusieurs propriétaires dont le bourgmestre de Jambes Raymond Materne dans les années 1960 avant de devenir propriété publique. Rénové dans les années 1990, l’édifice changea peu à l’extérieur, à l’exception d’un étage supplémentaire, ajouté au volume central. L’intérieur fut, quant à lui, entièrement rénové et le parc se trouvant à l’arrière, totalement aménagé.

La présidence de l’Exécutif wallon

Appartenant jusqu’alors à la ville de Namur qui en avait « hérité » de la commune de Jambes, la « Maison jamboise » est acquise par l’Exécutif régional dès 1985 afin d’y installer un cabinet ministériel, mais le changement de coalition à la fin de cette même année reporte sine die la concrétisation de ce projet. Il ne sera réactivé qu’après le retour du PS au pouvoir, par l’Exécutif dirigé par le Namurois Bernard Anselme, qui prévoit d’y installer son propre cabinet. À ce moment, le bâtiment est inoccupé et s’est dégradé lentement, un incendie l’a même ravagé en 1988. La réhabilitation du bâtiment est confiée à l’architecte Francis Haulot et
les travaux durent ensuite une année environ. Le siège de la présidence de la Région est inauguré le 7 juin 1991. Il comporte quatre niveaux : au rez-de-chaussée se trouvent notamment les salles de réception des hôtes de la Région ainsi que la salle réservée aux réunions du Conseil des ministres ; le premier étage abrite le bureau du Ministre-Président, des secrétariats et une salle de réunion. De l’autre côté du parc, de vastes bâtiments abritent les services du cabinet proprement dit.

Depuis Bernard Anselme en 1991 et jusqu’au printemps 2009, cinq Ministres-Présidents se sont succédés dans les lieux : Guy Spitaels (de janvier 1992 à janvier 1994) dont l’arrivée eut pour effet collatéral inattendu le surnom d’Élysette donné par la presse au bâtiment et qui lui est resté, Robert Collignon (1994-1999), Elio Di Rupo (1999-2000 et 2005-2007), Jean-Claude Van Cauwenberghe (2000-2005) et Rudy Demotte (été 2007).

"Sous la présence tutélaire d’une citadelle désormais grande ouverte, le désespoir ne règne pas au coeur de la Présidence. Par les larges baies de la Maison jamboise, un soleil plus ardent semble jaillir, en mille reflets changeants, d’une Meuse empressée de retrouver sa Sambre. Non loin au confluent des artères wallonnes, dans une onde faussement nonchalante, un bâtiment – le Parlement – se mire, sobre et majestueux comme la fonction qu’ il incarne. Face à face, solidement établis dans leur capitale namuroise, exécutif et législatif wallons semblent s’adresser un regard complice, un regard résolument tourné vers l’avenir". Témoignage de Jean-Claude Van Cauwenberghe, in L’Aventure régionale, p. 315. 

Rue Mazy 25-27
5100 Namur

carte

Freddy Joris & Frédéric Marchesani, avril 2009

Forgé au cours du XIXe siècle, le mot « Wallonie » fut rapidement popularisé tant au sein de la région qu’il désigne que chez ses voisins. Point de départ de l’affirmation de l’unité wallonne, cette dynamique a conduit, voici un siècle, à l’adoption d’un drapeau et d’une fête que le Parlement wallon a consacrés officiellement en 1998. De la revue littéraire d'Albert Mockel jusqu'à la régionalisation, cette leçon met en lumière les grands repères symboliques de l'identité wallonne au travers d'une synthèse et de documents.

Anselme Bernard

Politique, Député wallon, Ministre wallon

Mouscron, 3/11/1945

Député wallon : 1980-1981 ; 1981-1985 ; 1985-1987 ; 1988-1991 ; 1992-1995 ; 1995*, 1999-2001*
Ministre wallon : 1979-1980, 1988-1991, 1994-1999
7e Ministre Président wallon : 1988-1991
 

Actif dans les milieux fédéralistes, socialistes et syndicalistes wallons au début des années 1960 lorsqu’il achève ses études en Sciences politiques à l’Université libre de Bruxelles, Bernard Anselme devient secrétaire adjoint (1964-1968), secrétaire (1968) puis finalement président (1968-1970) des Jeunesses de la FGTB. Conseiller auprès des Cabinets Terwagne (1969-1971) et Fernand Dehousse (1971-1972), il devient le secrétaire du président du Conseil économique régional de Wallonie (1972-1977). Au printemps 1977, il est élu député de Namur pour la première fois ; il est constamment réélu à un mandat parlementaire jusqu’en 1999.

Secrétaire d’État adjoint au ministre-Président de la Région wallonne, Bernard Anselme fait partie des deux tout premiers « Exécutifs régionaux wallons » (1979-1980). Il est en charge notamment du Logement, de la Rénovation urbaine et des Affaires sociales. En août 1980, il apporte sa voix à la mise en application de l’article 107 quater et à la naissance des institutions politiques wallonnes. Président du Comité permanent des Fédérations wallonnes du PS (1981-1983), où il succède à Léon Hurez, secrétaire du bureau du Conseil régional wallon (1982-1988), il contribue à l’émergence de la Région wallonne et à l’implantation de ses institutions à Namur. Finalement adoptée en novembre 1986 et promulguée par l’Exécutif le 11 décembre, sa proposition de décret instituant Namur capitale de la Région wallonne a suscité un débat passionné.

Le 10 mai 1988, il succède à Guy Coëme à la tête du nouvel Exécutif régional wallon. Ministre-Président en charge de l’Économie et des PME (1988-1991) et de la Fonction publique (1989-1991), il est chargé de coordonner toute la politique wallonne quand, en application de la réforme de 1988, de nouvelles et importantes compétences sont transférées vers la Région. Depuis Alfred Califice, président du Comité ministériel des Affaires wallonnes, Bernard Anselme est le septième ministre à présider un exécutif wallon. Au-delà de la formule « Une Wallonie qui gagne », il s’emploie à ancrer définitivement l’ensemble des institutions wallonnes à Namur (inauguration de la Maison Jamboise en 1991), à (re)structurer l’administration, à créer de nouveaux outils (Conseil wallon de l’économie sociale, AWEX, OFI, etc.) ou à fixer de nouveaux objectifs à ceux qui existent déjà (Invests, SRIW, etc.). Garant d’un budget wallon rigoureux, le ministre-Président défend l’autonomie régionale face aux revendications financières de la Communauté française et rejette tout projet de fusion qui ferait disparaître la Wallonie au profit d’une institution francophone. Face au « fédéral », il revendique la prise en compte des intérêts wallons en matière de transport ferroviaire.

Désigné à la tête du gouvernement de la Communauté française (janvier 1992), B. Anselme est chargé de la Culture, de la Communication, des Sports et du Tourisme, mais surtout du Budget. Il s’agit pour lui de relever le défi du financement autonome de la Communauté et de rechercher de nouveaux moyens propres, notamment en révisant la dotation de la RTBf ou en créant une « wallo-taxe » communautaire. Les réformes comme l’ingéniosité fiscale du nouveau ministre-Président font grand bruit, y compris dans les rangs politiques flamands surtout lorsque le principe de « la wallo-taxe » est validé par le Conseil d’État. Tout en investissant en faveur de Mons comme capitale culturelle de la Wallonie (Centre d’art contemporain de la Communauté française au Grand-Hornu, Mundaneum, théâtre et bibliothèque, etc.), le ministre veut faire la preuve que « la Communauté française, dans son état actuel, est aujourd’hui dépassée par les faits » (discours du 27 septembre 1992). Les accords de la Saint-Michel et de la Saint-Quentin vont répondre en grande partie aux souhaits du socialiste wallon qui, en tant que député, a voté les réformes de 1988 et 1989 et adopte aussi les dispositions issues de la Saint-Michel et de la Saint-Quentin.

C’est au fédéral qu’il est appelé en mai 1993 pour remplacer Philippe Moureaux démissionnaire. Il abandonne la Communauté pour le portefeuille des Affaires sociales dans le gouvernement Dehaene. À peine a-t-il ouvert les dossiers des mutuelles, des franchises médicales, du numerus clausus, et du budget de la Sécurité sociale, que le voilà rappelé à Namur suite à « la démission des trois Guy » (janvier 1994). Au sein du gouvernement wallon, il retrouve des matières qu’il connaît bien : les Affaires intérieures, la Fonction publique et le Budget (1994-1995). En décembre 1994, la Wallonie est la première autorité régionale du pays à collecter des fonds directement auprès des épargnants (un total de 100 millions d’€) : l’emprunt wallon est surnommé le « Bernard 1er ». Conservant les Affaires intérieures et la Fonction publique (1995-1999) au lendemain des premières élections directes du Parlement wallon (il est l’un des 75 premiers élus), le ministre est contraint à la réforme du statut des intercommunales (1996), mais celle des provinces n’aboutit pas. Il impose le Pacte fiscal wallon aux pouvoirs subordonnés. Avec un peu plus de 123 mois dans un exécutif wallon, Bernard Anselme fait partie des cinq ministres ayant exercé plus de 10 ans dans les gouvernements wallons entre octobre 1974 et décembre 2014.

Réélu au Parlement wallon en 1999, B. Anselme renonce à son mandat le 1er janvier 2001 quand il devient le nouveau bourgmestre de Namur. Sur base d’un consensus obtenu au sein de la Commission Namur-Capitale du Parlement wallon (2002), il tente de consolider le statut « de centre politique wallon de sa ville » en proposant de la doter d’un nouvel hémicycle. En vain. En décembre 2006, le PS est envoyé dans l’opposition pour la première fois depuis 1976 et Bernard Anselme achève sa carrière politique comme conseiller communal de Namur (novembre 2012).

Sources

Cfr Encyclopédie du Mouvement wallon, Parlementaires et ministres de la Wallonie (1974-2009), t. IV, Namur, Institut Destrée, 2010, p. 16-22 – Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse -2014

Mandats politiques

Député (1977-1995)
Ministre de l’Exécutif régional wallon (1979-1980)
Membre du Conseil régional wallon (1980-1995)
Conseiller communal de Namur (1983-2012)
Ministre-Président de l’Exécutif régional wallon (1988-1991)
Ministre-Président de l’Exécutif de la Communauté française (1992-1993)
Ministre fédéral (1993-1994)
Ministre wallon (1994-1995)
Député wallon (1995)
Ministre wallon (1995-1999)
Député wallon (1999-2000)
Bourgmestre (2001-2006