Paul Delforge-Diffusion Institut Destrée-Sofam

Stèle et plaque Georges ANTOINE

Stèle et plaque à la mémoire d’un musicien et d’un combattant de 1914 victime de la grippe espagnole, réalisées par Louis Dupont, 20 novembre 1938.


Dans le prolongement du Jardin d’Acclimatation, le parc public de la Boverie, à Liège, accueille, dans un décor d’arbres et de fleurs, plusieurs sculptures rendant hommage à des personnalités marquantes du monde culturel. Située face aux anciens bureaux de la RTBf-Liège, une stèle surmontée d’une plaque a été installée à la mémoire de Georges Antoine (1892-1918). Compositeur, musicien, cet artiste liégeois était promis à un bel avenir quand éclate la Première Guerre mondiale. Engagé volontaire en 1914, il combat du côté de l’Yser lorsque sa santé se détériore. Éloigné de sa terre natale, le soldat-musicien-compositeur est finalement emporté par la fièvre de la grippe espagnole, en novembre 1918.


Afin de rendre hommage au musicien trop tôt disparu, une première initiative est prise en 1929. Présidé par Sylvain Dupuis, puis par Ch. Radoux-Rogier, un Comité inaugure un médaillon au Conservatoire de Liège. Quelques années plus tard, une autre initiative est prise par une Association pour l’étude de la musique de Chambre, présidée par le professeur Bohet et soutenue par la Section de Liège des Amis de l’Art wallon, ainsi que par la ville de Liège. Le sculpteur Louis Dupont (1896-1967) se voit confier la réalisation du petit monument.


Natif de Waremme, élève d’Adrien de Witte, il reçoit une bourse du gouvernement au sortir de la Grande Guerre et ouvre son atelier. D’emblée, il reçoit quelques commandes pour des bustes et des bas-reliefs, tels le bas-relief Hubert Stiernet (1925), le buste Jean Varin (1927), le médaillon Georges Antoine (1929) ou le buste Eugène Ysaÿe (1936). Prix Trianon (1928), il obtient une nouvelle bourse de voyage du gouvernement en 1937. La même année, avec Adelin Salle et Robert Massart, il travaille sur l’important chantier des bas-reliefs du Lycée de Waha, avant de réaliser Le Métallurgiste du monument Albert Ier à l’île Monsin. De nombreuses autres commandes parviennent à l’artiste après la Seconde Guerre mondiale, principalement des bas-reliefs, avant que ne lui soient confiés le monument national de la Résistance (1955), puis les reliefs sur les bâtiments de la faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège (1958). 

Dessinateur, médailliste et statuaire, Louis Dupont reçoit en 1954 le Prix de Sculpture décerné par la province de Liège pour l’ensemble de son œuvre. Celle-ci comprend de multiples réalisations d’inspiration personnelle : après s’être acharné à faire du très joli, l’artiste n’a pas hésité à volontairement tomber dans l’excès inverse. Cherchant sa voie dans l’Entre-deux-Guerres, il aspire sereinement à la beauté dans les statues féminines qu’il affectionne, passant de l’esprit de Maillol à un symbolisme plus marqué avec la maturité.


En pierre calcaire, la stèle rectangulaire, pourvue de deux colonnettes engagées, est actuellement placée devant l’entrée des anciens bureaux de la RTBf-Liège. Elle porte une plaque carrée, en bronze, qui présente le profil droit de Georges Antoine. Sur la stèle figurent les mentions :

A G. ANTOINE
AU COMPOSITEUR
AU SOLDAT
1892-1918

Sur la stèle en pierre a été gravé le nom du commanditaire, l’« Association pour l’étude de la musique de Chambre. 1938 ». Saluée par les mouvements wallons de l’époque, l’inauguration a lieu le 20 novembre en présence des autorités locales et de personnalités du monde artistique et militaire. Échevin des Beaux-Arts, Auguste Buisseret accepte, au nom de la ville de Liège, d’assurer la pérennité du monument.

 

Sylvie DELLOUE, Nathalie DE HARLEZ, Pierre FRANKIGNOULLE, Bénédicte MERLAND, Étude historique sur sept parcs liégeois, projet réalisé par l’asbl Homme et Ville pour l’échevinat de l’Urbanisme de la Ville de Liège, Liège, 2006
Paul DELFORGE, G. Antoine, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 58
Paul DELFORGE, Société des Amis de l’Art wallon, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1484-1486
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, été 1970, p. 11
Louis Dupont : exposition du 29 avril au 21 mai 1983, Liège, Province de Liège, Service des affaires culturelles, 1983
Salon de la libération : musée des beaux-arts, du 1er juin au 15 juillet 1946... (hommage à la résistance liégeoise) : la peinture française, de David à Picasso, art wallon contemporain, le peintre Jacques Ochs, les sculpteurs Louis Dupont, Robert Massart, Adelin Salle, Liège, imprimerie Bénard, 1946
La Wallonie nouvelle, n°49, 27 novembre 1938, p. 3
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 532-533
La Vie wallonne, 15 janvier 1939, CCXXI, p. 101-103
Marcel PAQUOT, Georges Antoine, l’homme et l’œuvre, mémoire couronné par l’Académie, Bruxelles, 1935
Pierre-Yves DESAIVE, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996

Jardin d’Acclimatation du Parc de la Boverie
4020 Liège

carte

Paul Delforge

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Antoine Georges

Culture, Musique

Liège 28/04/1892, Bruges 13/11/1918

Quand il se retrouve orphelin à l’âge de 15 ans, Georges Antoine conserve de son père une culture musicale dont ce dernier était imprégné en tant que maître de chapelle de la Cathédrale de Liège et de compositeur de musique sacrée. Formé au Conservatoire de Liège dès l’âge de six ans, le jeune Antoine se distingue par les Premiers Prix de Solfège (1906), d’Harmonie (1910), de Piano (1912), de Musique de Chambre et de Fugue (1913). Le Prix de Rome est destiné à ce musicien très doué, qui se révèle aussi un compositeur doué dès 1910.

L’éclatement de la Première Guerre mondiale fixe le destin du jeune prodige. Engagé volontaire dès l’été 1914, il est pris dans la campagne de l’Yser. La maladie le contraint cependant à se retirer du Front et il est mis en congé de l’armée belge. Forcé à un sérieux suivi médical, il s’établit à Saint-Malo ; la musique reprend temporairement ses droits : Antoine enseigne, compose et organise des concerts caritatifs. Ses mélodies s’inspirent de vers de Baudelaire, de Verlaine et de Klingsor. Sa Sonate, op. 3 reçoit sa forme définitive. Mais la nostalgie accompagne le jeune homme. En 1917-1918, il compose son Opus 10 intitulé Wallonie. Sur un texte de Marcel Paquot, il célèbre sa terre natale dont il est éloigné et dont il avait pris conscience de certains enjeux politiques. En 1914, il avait participé à l’expérience éditoriale des Cahiers publiés au front pour la défense et l’illustration de la langue française en Belgique. Notamment opposé à toute forme de bilinguisme en Belgique, Georges Antoine se montre aussi attentif à la problématique du régionalisme musical wallon dans son œuvre artistique. Il tourne ostensiblement le dos à l’école moderne allemande pour embrasser l’art français où brillait son compatriote César Franck. Les circonstances de la guerre ne peuvent qu’accentuer cette tendance. D’ailleurs, malgré une santé fragile, le soldat-musicien veut prendre part à l’offensive victorieuse avec les alliés français et anglais. En octobre 1918, il fait partie des miliciens qui libèrent Bruges, mais la fièvre de la grippe espagnole l’empêche de revoir jamais la terre wallonne.

De son vivant, le talent de Georges Antoine avait déjà été repéré par Vincent d’Indy qui le qualifiait de « merveilleusement doué » et trouvait son quatuor remarquable (selon Philippe Gilson). D’autres spécialistes considèrent sa disparition comme une perte irréparable pour la musique, tant son avenir était promis à l’épanouissement d’un talent exceptionnel. Avec Georges Antoine, c’était un second Lekeu que s’apprêtait à accueillir la musique en Wallonie : le destin leur a fait connaître la même fin tragique. En 1968, la Fondation Charles Plisnier et sa Commission des Arts et des Lettres commémorent le cinquantième anniversaire de son décès ainsi que celui de Louis Boumal.


Oeuvres principales

Les sirènes, op. 1 double chœur pour voix mixtes (1910)
Deux mélodies, op. 2 (1912)
Sonate pour violon et piano en la bémol, op. 3 (1912)
Deux Chansons dans le style ancien, op. 4a (1912)
Concerto pour piano et orchestre en sol mineur, op. 5 (1914, œuvre perdue)
Quatuor en ré mineur, op. 6 pour piano, violon, alto et violoncelle (1914)
Vendanges, op. 8 (1914-1915)
Mélodies sur des vers de Baudelaire, Corbière, Klingsor, Samain et Verlaine, op. 4b et op. 7 (1915-1916)
Veillées d’armes, op. 9, poème pour orchestre (1917-1918)
Mélodies Wallonie, op. 10, Noël et Voici riche d’avoir pleuré (1918)

 

Sources

Marcel THIRY, dans Bulletin de l’Académie royale de Langue et Littérature françaises, t. XXV, n°3, décembre 1947, p. 133-155
Marcel THIRY, dans La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 435-439
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 404-406
Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 58