Paul Delforge-Diffusion Institut  Destrée-Sofam

Buste BORDET Jules

Très tôt dans le XIXe siècle, la ville de Soignies est dotée d’une gare ferroviaire, ce qui reste relativement rare pour l’époque. Inaugurée en 1841, la gare voit se développer autour d’elle un tout nouveau quartier. L’espace se dessine progressivement ; en 1893, l’ancien kiosque est reconstruit et prend place au milieu d’un square où est érigé, en 1905, un monument dédié au travail « El Cayoteu ». C’est aussi là que les autorités locales vont honorer leur citoyen le plus célèbre. 

En 1919, l’attribution du Prix de médecine et de physiologie à Jules Bordet assied définitivement la notoriété du Sonégien. Professeur à l’Université libre de Bruxelles, chercheur à l’Institut Pasteur, Jules Bordet (1870-1961) s’est spécialisé dans l’étude de la bactériologie, la réalisation de vaccin et a ouvert à la biologie de vastes horizons dans le domaine de l'immunité. Le Prix Nobel consacre ses recherches et met en évidence l’ouvrage qu’il a rédigé durant la Grande Guerre mondiale, à savoir un Traité de l'immunité dans les maladies infectieuses.

La première décision du conseil communal de Soignies consiste à rebaptiser le square de la Station : désormais, il s’appellera le Square Jules Bordet (décision du 4 décembre 1920). Ensuite, en présence de Jules Bordet, une plaque est apposée sur la façade de sa maison natale, rue de Mons. Durant la Seconde Guerre mondiale, cette maison est détruite et la plaque commémorative est sauvegardée dans les locaux de l’Athénée qui va lui aussi porter le nom de l’illustre savant, comme d’ailleurs le Centre culturel. Après son décès, une nouvelle plaque rappelle le souvenir du Prix Nobel, et est apposé au 97 de la rue de la Station.

Quant au buste, installé sur le square Bordet, face à la gare, plus personne ne semble se souvenir de quand il date, qui l’a réalisé et à l’initiative de qui il a vu le jour. Les recherches effectuées par Jean-Philippe Losfeld l’ont conduit à constater que le buste est totalement identique à celui qui se trouve sur la tombe du savant, au cimetière d’Ixelles. Cette ressemblance ainsi que la mention, sur le monument situé à Soignies, des dates 1870-1961 gravées dans la pierre, donnent à penser que le buste a été placé sur le monument au début des années 1960, peu après le décès de l’éminent Sonagien. Peut-être s’agissait-il d’une initiative des autorités communales.

Avec plusieurs effets d’étages réalisés dans la pierre, un socle longitudinal en granit supporte le buste. En plus de la mention des dates dans la partie inférieure, les mots suivants ont été gravés sur le socle, juste en-dessous du buste :

« A J. Bordet »

Très discrètement décorée, une pierre de forme carrée soutient le socle, à l’arrière, à hauteur du sol.

Bulletin de l’Amicale des Anciens élèves de l’Athénée Jules Bordet de Soignies, 2009, n°59 (http://www.amicaleanciens-ars.be/Bulletin%202009.pdf)
Informations communiquées par Jean-Philippe Losfeld (janvier 2014)

square Jules Bordet
7060 Soignies

carte

Paul Delforge

Bordet Jules

Nobel, Science, Biologie, Médecine

 Soignies 13/06/1870, Ixelles 06/04/1961

Premier savant wallon distingué par un prix Nobel (il reçoit le Prix Nobel de médecine et de physiologie en 1919), Jules Bordet a consacré la majeure partie de son temps à l'étude des mécanismes de l'immunité.

Entré à la Faculté de Médecine de l'Université libre de Bruxelles alors qu'il est âgé de 16 ans à peine, il en sort diplômé en 1892, avec les honneurs. Son mémoire qui porte sur les réactions des virus aux organismes vaccinés est récompensé par une bourse du gouvernement qui lui permet de se rendre à Paris, à l'Institut Pasteur. Pendant sept ans, il peut ainsi collaborer avec quelques chercheurs parmi les plus pointus de son temps, en particulier avec ceux qui s'intéressent aux réactions immunitaires de l'organisme ; ainsi se frotte-t-il à Elie Metchnikoff qui mettra au point le procédé par lequel les globules blancs détruisent les intrus : la phagocytose.

En 1894, le vaccin antidiphtérique est découvert. Jules Bordet élargit le champ de ses investigations, étudiant le rôle des anticorps. En 1895, il découvre le principe du sérodiagnostic in vitro. Docteur spécial de l'Université libre de Bruxelles (1896), c’est en mission au Transvaal qu’il fait la rencontre de Robert Koch (1897) et qu’il met au point une méthode de prophylaxie contre la peste bovine. En 1898, il fait la découverte des sérums hémolytiques, découverte qui ouvrait à la biologie de vastes horizons dans le domaine de l'immunité.

Rentré à Bruxelles, il dirige l'Institut antirabique et bactériologique du Brabant (1901-1940) qui devient l’Institut Pasteur, et enseigne la bactériologie à l'Université libre de Bruxelles (1901-1935). En 1933, il est appelé à la présidence du Conseil scientifique de l'Institut Pasteur de Paris. Ses cours d'immunologie seront régulièrement suivis par un auditoire nombreux et passionné.

Microbiologiste, Jules Bordet met au point la réaction Bordet-Wasserman pour détecter la syphilis. Il réalise encore, avec Octave Gengou, l'isolement du bacille de la coqueluche et de l'agent de la peste bovine (1906) et consacre une étude au sérum de sujets ou d'animaux immunisés contre des infections diverses : fièvre typhoïde, peste, charbon. Citons encore la découverte du microbe de la diphtérie aviaire (1907), la découverte de la conglutination (1909) et celle de la co-agglutination. Il centre ses travaux sur l'immunité humorale et spécialement sur le mode d'union des anticorps avec les antigènes.

Pendant les jours difficiles de la Première Guerre mondiale, il rédige un Traité d'immunité dans les maladies infectieuses. Publié en 1920, cet ouvrage est remis à jour vingt ans plus tard, et constitue l'une des références de tous les biologistes. On comprend dès lors que le Comité Nobel se soit tourné vers Jules Bordet afin de consacrer l'ensemble de sa contribution à la science de l'immunologie. Les recherches de Bordet vont permettre l'application des techniques sérologiques in vitro si utilisées aujourd'hui pour le diagnostic et le contrôle des maladies infectieuses. 

Savant de réputation mondiale, titulaire de nombreuses et importantes distinctions internationales, Jules Bordet a été reconnu sur ses terres, notamment par le Prix quinquennal des Amis du Hainaut en même temps que Jules Destrée et Georges Lemaître, en 1935.

Esprit curieux, Jules Bordet ne s’est pas « immunisé » de la société dans laquelle il vivait.  Membre de l'Assemblée wallonne dans l'Entre-deux-Guerres, président du Conseil culturel d'Expression française mis en place en 1938, il se montrait partisan de l'instauration d’une formule fédéraliste en Belgique. Auteur de Brèves considérations sur le mode de gouvernement, la liberté et l'éducation morale (1946) et de l'ouvrage Éléments d'astronomie (1947), il a figuré parmi les signataires de la pétition La Wallonie en alerte (19 avril 1949), que cinquante-trois académiciens ont adressée aux présidents des deux Chambres et par laquelle ils réclamaient une meilleure prise en considération de la Wallonie, région de plus en plus minorisée au sein de la Belgique unitaire.

Sources

POTELLE Jean-François, Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000
Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
DELFORGE Paul, Cent Wallons du Siècle, Liège, 1995
BEUMER Jacques, dans Biographie nationale, t. 38, p. col. 26-36
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. III
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. IV  

Carrefour de l'Europe ouvert à ses influences, la Wallonie a, de tout temps, été traversée par les grands courants scientifiques et technologiques. Les Wallons en ont assimilé les multiples apports et ont développé leurs propres techniques, participant ainsi, parfois de façon décisive, à l’évolution de la connaissance. Des parcours édifiants que vous pourrez retrouver dans cette leçon, au travers d’une synthèse et de documents éclairants.