Paul Delforge-Diffusion Institut Destrée-Sofam

Statue Jules BARA

Statue à la mémoire de Jules Bara
Réalisée par Guillaume Charlier et Victor Horta, inaugurée le 20 septembre 1903.

Située place Crombez, à Tournai, un imposant ensemble statuaire figuratif rend hommage à l’action politique de Jules Bara (1835-1900), particulièrement à son rôle en tant que ministre de la Justice. Juriste, ministre de la Justice durant plus de dix ans dans des gouvernements dirigés par Frère-Orban entre 1865 et 1885, il a représenté l’arrondissement de Tournai au Parlement, en tant que mandataire libéral, de 1862 à 1900, comme député d’abord (jusqu’en 1894), comme sénateur provincial ensuite.

La stature nationale de l’homme politique libéral a conduit la ville de Tournai à ériger un monument imposant en son honneur. Sur base d’un projet du célèbre architecte Victor Horta (1861-1947), les socles sont en pierre taillée, tandis que les statues en bronze sont l’œuvre de Guillaume Charlier (1854-1925), artiste apprécié dans la cité des cinq clochers où il s’est occupé du chantier du Musée des Beaux-Arts (Mémorial Van Cutsem et groupe allégorique).

Formé auprès des frères Geefs puis praticien chez Eugène Simonis, le jeune bruxellois Guillaume Charlier a séduit un riche collecteur avec un plâtre intitulé Le déluge. Cette œuvre de 1879 place le jeune orphelin sous la généreuse protection du mécène ; il peut ainsi suivre les cours de l’École des Beaux-Arts de Paris (1880) puis chez Cavelier (1884-1886). Entre-temps, le Prix de Rome 1882 lui offre la possibilité de séjourner en Italie (1882-1884). Honoré par diverses distinctions lors des Salons où il présente ses œuvres d’inspirations diverses, il apporte à la sculpture de son temps un style propre, où s’exprime en permanence une forme de douleur de vivre due aux difficiles conditions matérielles des milieux ouvriers ou des nécessiteux. 

Dans l’ombre de Constantin Meunier, il s’attache à représenter des travailleurs (houilleur, marin, etc.) en pleine activité. Portraitiste reconnu, il répond à de nombreuses commandes officielles ou privées, à Bruxelles comme à Tournai. Dans la cité wallonne, il dépose l’impressionnante scène Les Aveugles (1906), après avoir livré un Louis Gallait, ainsi que le tout aussi monumental Jules Bara, où se mêlent le bronze et la pierre. C’est à la suite d’un concours organisé en 1901 que Guillaume Charlier est retenu par les autorités tournaisiennes.

Le monument Bara est composé de quatre parties ; de part et d’autre de la statue centrale montrant Jules Bara debout, le bras gauche plié et orienté légèrement vers l’avant, se trouvent, à gauche un homme et son fils en train de lire, et à droite, une femme dont on ne sait si elle est en train d’écrire ou de dessiner le portrait de Bara. À l’arrière, sur un très haut socle entouré de quatre colonnes, la Justice couronne l’ensemble du monument situé sur une large place donnant sur la gare. Un seul mot est gravé dans la pierre, le nom de BARA. On peut lire sur le socle du bronze de l’homme politique la signature de Guillaume Charlier, celle de la société « H. Verbyst. Fondeur. Bruxelles » et la mention du nom « Victor Horta » sur la pierre, à l’avant du monument.

L’ensemble a été inauguré en très grandes pompes le 20 septembre 1903, l’inscrivant dans la tradition – maintenue en Wallonie – de la célébration des Journées de Septembre de 1830. Une foule nombreuse eut l’occasion d’entendre le discours prononcé par Paul Hymans, d’assister au défilé de plusieurs centaines de gymnastes, de prendre part à un concert ou d’admirer, le soir, la statue illuminée. C’est à une véritable glorification de la figure de Jules Bara que procède la ville de Tournai, trois ans à peine après sa disparition.


Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 209
Alain DIERKENS, La statuaire publique, dans L'architecture, la sculpture et l'art des jardins à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995, p. 247
Paul HYMANS, Jules Bara. Discours prononcé à la cérémonie d'inauguration de la statue de Jules Bara à Tournai le 20 septembre 1903, Bruxelles, Vanbuggenhoudt, 1903
Jacky LEGGE, Tournai, tome II : Monuments et statues, Gloucestershire, Éd. Tempus, 2005, coll. Mémoire en images
Serge LE BAILLY DE TILLEGHEM, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 321-325
Elia KETELS, dans Biographie nationale, t. 41, col. 110-114.

Place Crombez
7500 Tournai

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Statue Louis GALLAIT

Dominant la partie du parc communal de Tournai qui donne accès à l’hôtel de ville, une imposante statue rend hommage au peintre Louis Gallait (1810-1887). Formé dans l’Académie de sa ville natale, le jeune artiste a connu assez rapidement le succès et a bénéficié d’importantes commandes du gouvernement belge pour réaliser des œuvres mettant en scène des épisodes de « l’histoire nationale belge ». Porte-drapeau wallon de l’école romantique belge, Louis Gallait a fait l’objet, de son vivant, d’une attention toute particulière de la part des autorités communales de Tournai. Il n’est pas dès lors pas étonnant qu’au lendemain de son décès (1887), l’administration s’empresse de faire ériger un monument à la mesure du talent de l’artiste tournaisien.

Le projet est confié au talent du jeune architecte Victor Horta (1861-1947) et du sculpteur Guillaume Charlier (1854-1925), artiste apprécié dans la cité des cinq clochers où il aura à s’occuper du chantier du Musée des Beaux-Arts (Mémorial Van Cutsem et groupe allégorique) et recevra la commande du monument Bara. Formé auprès des frères Geefs puis praticien chez le sculpteur liégeois Eugène Simonis, le jeune bruxellois Guillaume Charlier a séduit un riche collecteur avec un plâtre intitulé Le déluge. Cette œuvre de 1879 place le jeune orphelin sous la généreuse protection du mécène ; il peut ainsi suivre les cours de l’École des Beaux-Arts de Paris (1880) puis chez Cavelier (1884-1886). Entre-temps, le Prix de Rome 1882 lui offre la possibilité de séjourner en Italie (1882-1884). Honoré par diverses distinctions lors des Salons où il présente ses œuvres d’inspirations diverses, il apporte à la sculpture de son temps un style propre, où s’exprime en permanence une forme de douleur de vivre due aux difficiles conditions matérielles des milieux ouvriers ou des nécessiteux. Dans l’ombre de Constantin Meunier, il s’attache à représenter plusieurs travailleurs (houilleur, marin, etc.) en pleine activité. Jeune portraitiste, il répond à de nombreuses commandes officielles ou privées et reçoit une chance importante avec le monument Gallait.

Pour cette statue en pied, Charlier représente Louis Gallait tenant en main sa palette de peintures ; coulée par la Compagnie des Bronzes de Bruxelles, la sculpture est placée sur un socle en pierre dû à Victor Horta, dont la signature apparaît ostensiblement à l’avant gauche. Particulièrement travaillés, trois reliefs en bronze décorent le socle en retenant trois dates majeures liant Gallait à Tournai : l’accueil du peintre par les autorités tournaisiennes après son premier succès à Gand en 1832 ; les fastes du jubilé artistique organisé à Tournai le 9 septembre 1883 ; le cortège funèbre du 23 novembre 1887. Au pied du monument, sur la partie avant, des palmes sont disposées pêle-mêle autour du blason de la cité. L’inauguration du monument a fait l’objet d’une cérémonie en grandes pompes, le 20 septembre 1891, l’inscrivant dans la tradition – maintenue en Wallonie – de la célébration des Journées de Septembre de 1830. C’est à une véritable glorification de la figure de Louis Gallait que procède la ville de Tournai, trois ans à peine après sa disparition.

 

Sources

Alain DIERKENS, La statuaire publique, dans L'architecture, la sculpture et l'art des jardins à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995, p. 247
Serge LE BAILLY DE TILLEGHEM, Louis Gallait (1810-1887). La gloire d’un romantique, Bruxelles, Crédit communal, 1987, p. 22
Jacky LEGGE, Tournai, tome II : Monuments et statues, Gloucestershire, Éd. Tempus, 2005, coll. Mémoire en images, p. 26-29
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 209

 

Statue Louis Gallait

Parc communal
Square Bonduelle
7500 Tournai

carte

Paul Delforge

Monument  Adolphe Delmée – Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Adolphe DELMÉE

Monument  Adolphe Delmée, r éalisé par Guillaume Charlier et Amédée Huglo, 24 septembre 1899.

Dans le parc communal de Tournai, à quelques dizaines de mètres de l’hôtel de ville et du musée des Beaux-Arts, de l’autre côté de la haie qui borde la ruelle des Moines, on trouve le monument Adolphe Delmée, auteur d’une chanson patriotique locale Les Tournaisiens sont là. Inaugurée en 1899, l’œuvre a été réalisée par Guillaume Charlier (Ixelles 1854 – Saint-Josse-Ten-Noode 1925), aidé par Amédée Huglo (1845-1923), et grâce à la générosité du célèbre chanteur d’opéra tournaisien Jean Noté.

Journaliste, Adolphe Delmée (Tournai 1820 – Tournai 1891) dirige le journal libéral L’Économie et se fait surtout connaître par ses chansons populaires ; il écrit dans Les Etrennes tournaisiennes, dont il est l’un des fondateurs (1878). Ouvrier typographe, metteur en pages, il a fondé en 1848, le journal L’Économie qui se veut neutre politiquement et réclame d’ailleurs la suppression des tendances libérales et catholiques. Dans le monde de la presse, Delmée jouit d’une solide réputation, mais sa popularité lui vient d’ailleurs. Avec Adolphe le Ray, Adolphe Wattiez et Adolphe Payez, il est l’un des quatre Adolphe de la littérature dialectale tournaisienne, écrit Maurice Piron dans son Anthologie

À l’instar de Verviers, de Liège, de Namur, de Charleroi ou de Mons, Tournai connaît, dans la deuxième moitié du XIXe siècle une renaissance étonnante des lettres wallonnes. Avec Le Ray surtout, Adolphe Delmée est un des pionniers de ce courant auquel contribue aussi Achille Viehard. Le nom d’Adolphe Delmée a traversé les générations au travers de l’une de ses chansons, véritable hymne tournaisien. En composant en 1860 Les Tournaisiens sont là !, il inscrit définitivement dans le folklore tournaisien le souvenir des premières années de la Guerre de Cent Ans durant laquelle Tournai se trouve au cœur des rivalités entre les rois de France et d'Angleterre. La longue résistance héroïque de Tournai assiégée par les Anglais a permis à l'armée de Philippe VI de se regrouper ; influençant la tournure des événements, la résistance de 1340 vaut aux bourgeois de la ville le privilège exceptionnel de la Chambre du roi. Quand le roi entre en campagne, la milice de Tournai forme sa garde spéciale et veille sur sa personne. Face à la Flandre qui veut incorporer la cité, la France garantit surtout la trêve et l'indépendance de Tournai. S’étant inspiré de cet épisode historique, Adolphe Delmée place dans la bouche du roi de France la formule désormais célèbre : « J'peux m'endormir, les Tournaisiens sont là ! ». Achille Delmée venait d’être désigné comme membre du Comité permanent du Congrès wallon (Namur, 1891) lorsque la mort le surprit.

Son souvenir ne pouvait se contenter de l’air des Tournaisiens sont là ! et Jean Noté, chanteur d’opéra tournaisien à succès, entreprend de lui élever un monument dont la réalisation est confiée à Guillaume Charlier. Ce fut le commencement d’une fructueuse collaboration entre le sculpteur et la cité des cinq clochers, car il recevra par la suite commande des monuments Gallait (1891), Bara (1903), Les Aveugles (1906) et aura à s’occuper du chantier du Musée des Beaux-Arts (Mémorial Van Cutsem et groupe allégorique). 

Originaire de Bruxelles, Charlier a été formé auprès des frères Geefs, puis s’est retrouvé praticien chez le sculpteur liégeois Eugène Simonis. En réalisant le plâtre intitulé Le déluge, en 1879, le jeune artiste séduit un riche collecteur, Henri Van Cutsem, qui décide de le placer sous sa généreuse protection ; Charlier peut ainsi suivre les cours de l’École des Beaux-Arts de Paris (1880), ainsi que chez Cavelier (1884-1886). Entre-temps, le Prix de Rome 1882 lui offre la possibilité de séjourner en Italie (1882-1884). Honoré par diverses distinctions lors des Salons où il présente ses œuvres d’inspirations diverses, il apporte à la sculpture de son temps un style propre, où s’exprime en permanence une forme de douleur de vivre due aux difficiles conditions matérielles des milieux ouvriers ou des nécessiteux. Dans l’ombre de Constantin Meunier, il s’attache à représenter plusieurs travailleurs (houilleur, marin, etc.) en pleine activité. Jeune portraitiste, il répondra à de nombreuses commandes officielles ou privées et recevra ses premières chances à Tournai, avec les monuments Delmée puis Gallait.

Pour la réalisation du buste en pierre d’Adolphe Delmée, Charlier est associé à Amédée Huglo qui s’occupe du piédestal qui est de taille respectable. Professeur à l’Académie de Tournai (1882-1920), Huglo est un sculpteur et céramiste originaire de Lille qui est régulièrement associé à des projets, apportant sa contribution à des architectes ou à d’autres sculpteurs. Depuis 1885, Huglo joue un rôle important dans la vie culturelle tournaisienne, puisqu’il est le secrétaire/fondateur du Cercle artistique de Tournai. Huglo expose régulièrement ses œuvres personnelles à Tournai ; auteur de la décoration sculptée de la façade du Cercle artistique, il signe, en 1894, un buste en hommage à Jean Noté.
Lors de l’inauguration du monument Delmée, qui se déroule comme très souvent en Wallonie à la fin du mois de septembre, le volet officiel est suivi d’importantes réjouissances populaires. Après avoir prononcé des paroles de reconnaissance à l’égard d’Adolphe Delmée qui fut son protecteur et lui permit de se lancer dans une importante carrière internationale, Jean Noté interprète la partie soliste de la cantate d’Achille Viehard, sur une musique d’Edmond Waucampt.
 

Monument  Adolphe Delmée

A deux endroits du solide piédestal élancé qui soutient le buste, des dédicaces ont été gravées dans la pierre. Sur la face avant, en grand :

LES
TOURNAISIENS


SONT LA !
AC. DELMEE
Et en plus petit, tout en bas du monument :

TÉMOIGNAGE     DE     RECONNAISSANCE
A ADOLPHE DELMÉE
OFFERT PAR J-B. NOTÉ DE L’OPÉRA À SA VILLE NATALE

Le monument Delmée a traversé le temps sans trop de dommage. Une rénovation a cependant été nécessaire en 2000 et sa restauration a été inaugurée dans le cadre des Fêtes de Wallonie, en septembre 2000. 

 

Alain DIERKENS, La statuaire publique, dans L’architecture, la sculpture et l’art des jardins à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995, p. 247
Jacky LEGGE, Tournai, tome II : Monuments et statues, Gloucestershire, Éd. Tempus, 2005, coll. Mémoire en images, p. 37-38
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 209 et 732
Gaston LEFEBVRE, Biographies tournaisiennes des XIXe et XXe siècles, Tournai, Archéologie industrielle de Tournai, 1990, p. 45 ; p. 66
Maurice PIRON, Anthologie de la littérature dialectale de Wallonie, poètes et prosateurs, Liège (Mardaga), 1979, p. 104
Serge LE BAILLY DE TILLEGHEM, Le Cercle artistique de Tournai. Un siècle au service de l’art contemporain, dans Mémoires de la Société royale d’histoire et d’archéologie de Tournai, Tournai, 1992, n°7, p. 271-320
Eugène DE SEYN, Dictionnaire biographique des sciences, des lettres et des arts en Belgique, Bruxelles, 1935, t. I, p. 291
http://www.cabaretwallon.be/index.php?option=com_content&view=article&id=82:les-tournaisiens-sont-la-&catid=50&Itemid=79 (s.v. février 2014)

Parc communal
7500 Tournai

carte

Paul Delforge