Yerna Jacques

Officier (Historique)

LIÈGE 24.11.1923 – LIÈGE 11.03.2003
 

Né d’une mère d’origine flamande et d’un père ouvrier qui fut secrétaire de la régionale de Liège du syndicat socialiste Gazelco, Jacques Yerna s’implique très jeune dans le combat syndical. Après des études en Sciences économiques à l’Université de Liège, terminées avec succès en 1947, cet intellectuel prend notamment une part active dans la réflexion menée par le syndicat socialiste sur les réformes de structures.

Homme de combat et de convictions, il participe activement à la mobilisation contre le retour de Léopold III en 1950, ce qui lui vaut trois semaines de prison. Contribuant à de nombreux journaux progressistes, il y fait preuve de son indépendance d’esprit, prenant parfois des positions contraires à celles décidées par sa hiérarchie. En 1959, elles lui vaudront une brouille temporaire avec André Renard.

Acteur des grèves de l’hiver 1960-1961, Jacques Yerna, devenu secrétaire national de Gazelco, rejoint le Mouvement populaire wallon (MPW) en 1962, avec l’ambition de rendre la Wallonie maître de sa situation économique. Il participe ainsi à l’ensemble des actions wallonnes, notamment la lutte contre la fixation de la frontière linguistique ou encore pour l’introduction du référendum et la constitution d’une assemblée wallonne.

Radicalement wallon, il devra, à l’instar d’autres leaders du MPW, rompre en décembre 1964 avec le Parti socialiste belge (PSB), dont l’action gouvernementale est mise en cause par les militants fédéralistes. Jacques Yerna œuvre cependant à l’unification des régionales wallonnes de la FGTB et au rapprochement avec le PSB qui se concrétisera en 1968. Cette année-là, il devient également président du MPW.
 
A ce poste, il incarne une ligne renardiste et déploie une activité intense, notamment pour réclamer la concrétisation - via l’application de l’article 107quater de la Constitution - de la régionalisation économique prévue dans la loi Terwagne. Ce leader charismatique, militant de longue date pour doter la Wallonie des moyens de son redressement, verra son combat concrétisé, en partie, avec la réforme de la Saint-Michel faisant de la Belgique un Etat fédéral en 1993.

Toute sa vie, il a œuvré à l’unité des forces progressistes, à rapprocher les familles philosophiques et à jeter des ponts entre la Wallonie, Bruxelles et la Flandre. En 1968, il est le cofondateur, avec Max Bastin, du groupe B-Y qui réunit gauches chrétienne et socialiste. Vingt ans plus tard, il déclarait encore à ce propos : J’y crois toujours … Mais ce rassemblement devrait s’élargir aux militants de la paix, de la cause des femmes, de l’écologie . Refusant toutes les formes d’exclusion, il a également soutenu le docteur Willy Peers dans son combat en faveur de la dépénalisation de l’avortement.

Jacques Yerna fut fait officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.

Orientation bibliographique :

Paul DELFORGE, Yerna Jacques, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 6432.

van Belle François

Officier (Historique)

TILLEUR 29.09.1881 – TILLEUR 27.05.1966

Jumeau de Charles Van Belle, issu d’une famille de Flandre française (Bailleul), l’enfance des deux frères baigne dans le militantisme. La maison familiale sert ainsi de siège pour le Parti ouvrier belge (POB) local mais aussi d’entrepôt de journaux, voire d’armes et de dynamite ; ce qui explique qu’elle ait fait l’objet de nombreuses perquisitions.

Conseiller communal en 1908, François Van Belle est un militant actif au sein du Mouvement wallon. En 1905 et 1912, il participe ainsi au Congrès wallon de Liège et fait mettre, dès 1920, le fédéralisme au programme de l’Union socialiste de Tilleur.  A partir de 1925, il participe au Comité d’Action wallonne de Liège, puis préside la Concentration wallonne de 1931 à 1937. Cet organisme tiendra huit congrès annuels de 1930 à 1938 au cours desquels Van Belle défend la Wallonie sur tous les plans (linguistique, économique, militaire).

Député à la Chambre des Représentants de 1919 à 1958, il est omniprésent dans les discussions qui intéressent les Wallons. Ainsi, en septembre 1935, il dépose une proposition d’amendement (Truffaut-Van Belle) sur l’emploi des langues à la frontière linguistique. Il crée et préside, en 1936, un Groupe parlementaire wallon, ancêtre officieux des groupes linguistiques qui verront le jour après la réforme de l’Etat de 1970. De même, en 1938, il signe et défend le projet de fédéralisme préparé par Fernand Dehousse et Georges Truffaut, prônant un système qui ne sera instauré que cinquante-cinq ans plus tard.

Durant la Seconde Guerre mondiale, François Van Belle développe une activité  de résistant, devenant le premier président de La Wallonie libre clandestine puis, à la Libération, du Mouvement Wallonie libre. Entre 1942 et octobre 1944, il assure aussi la présidence du Rassemblement démocratique et socialiste wallon, visant à rapprocher socialistes et libéraux.  A partir de 1941, il prend part aux travaux du Conseil économique wallon. Quand ce dernier sort de la clandestinité en septembre 1944, Van Belle en devient le premier président provisoire.

Durant l’occupation, il travaille également à la préparation du premier Congrès national wallon, qui réunira des milliers de militants à Liège, les 20 et 21 octobre 1945. A cette occasion, il défend la thèse de l’autonomie de la Wallonie. Particulièrement actif lors de la Question royale, il semble avoir apporté son soutien à la tentative avortée de former un gouvernement wallon, initiative clandestine et révolutionnaire pour l’époque.

En 1952, François Van Belle prend l’initiative, avec Joseph Merlot, de déposer une nouvelle proposition fédéraliste au Parlement, sans plus de succès qu’en 1938. Lors du congrès des socialistes wallons de 1959, âgé de 77 ans, il défend encore la notion de la séparation pure et simple qui ne postule aucune révision constitutionnelle.

Militant wallon de premier plan, François Van Belle fut fait officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.

Orientation bibliographique :

Irène VRANCKEN-PIRSON & Sophie JAMINON, VAN BELLE François, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 6072.

Truffaut Georges

Officier (Historique)

LIÈGE 22.12.1901 – HERREFORD 03.04.1942

Né à Liège, Georges Truffaut se destine à la carrière consulaire. La Première Guerre mondiale marque profondément le jeune homme qui, âgé d’à peine quinze ans, n’hésite pas à fuguer dans l’espoir de rejoindre le front. En 1919, il embarque comme cadet sur un navire-école à Anvers. Breveté officier en 1921, il ne pourra en faire son métier.

Passionné par l’écriture, Truffaut entre en 1924 à La Wallonie, dont il sera secrétaire de rédaction. Parallèlement, il officie comme éditorialiste dans l’Action wallonne, témoignant ainsi de son double engagement wallon et socialiste.

Il devient conseiller communal de Liège en 1932 puis échevin des travaux à partir de 1935. Ce mandat marquera durablement la ville avec des réalisations comme le monument Tchantchès, le Lycée de Waha ou le pont du Longdoz notamment. Souhaitant répondre à un essoufflement des industries liégeoises, il conçoit l’asbl le Grand Liège en 1936 et il s’emploie à créer le port autonome pour que la Cité ardente puisse tirer un maximum de profit du canal Albert. Enfin, l’exposition de l’eau de 1939 couronnera sa carrière municipale, Liège devenant, pendant plusieurs mois, un centre d’attraction international.

Elu député en novembre 1934, il manifeste immédiatement son intérêt pour les questions monétaires, dénonçant les manœuvres qui conduisent à la dévaluation du franc. Wallon convaincu et visionnaire, il dépose au Parlement, en 1938, avec Joseph Martel et François Van Belle, une proposition établissant un fédéralisme à trois régions. Préparée avec Fernand Dehousse, il s’agit de la première tentative parlementaire d’instaurer un système fédéral qui verra le jour … cinquante-cinq ans plus tard !

Conscient des dangers que représentent les dictatures fascistes, Truffaut dénonce la duperie de la non intervention qui condamne l’Espagne républicaine. Il s’en prend également à la politique de neutres, ou de pleutres, qu’on tente de faire jouer à la Belgique …, critiquant fermement l’orientation que donnent Léopold III et Paul-Henri Spaak à la politique étrangère depuis 1936.

A la veille de la guerre, ce combattant des extrémismes insiste pour être mobilisé, malgré qu’il soit réformé en raison d’une blessure à la main. Il refuse la capitulation et rejoint le gouvernement à Londres et l’embryon d’armée belge qui se reforme en Angleterre. En 1941, il lance un appel aux Liégeois, les exhortant à résister. Il trouvera la mort lors d’un entraînement en avril 1942. Sa disparition est relayée par les feuilles clandestines. Fait exceptionnel, le drapeau de l’hôtel de Ville de Liège est mis en berne en hommage, sans que l’occupant nazi n’intervienne. Après le conflit, sa dépouille est ramenée à Liège, où il est enterré.

Georges Truffaut fut fait officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.

Orientation bibliographique :

Paul DELFORGE, Truffaut Georges, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 6020.
Philippe RAXHON, Truffaut Georges, dans Nouvelle biographie nationale, T. 5, Bruxelles, 1999, pp. 334-337.

Troclet Léon

Officier (Historique)

BAGIMONT 14.02.1872 – LIÈGE 07.10.1946

D’origine ardennaise, Léon Troclet s’établit rapidement à Liège, où il entame sa carrière politique comme député, responsabilité qu’il exercera à de multiples reprises de 1900 à sa mort. Père de Léon-Eli Troclet, il est un des premiers socialistes à se rallier aux idées fédéralistes au début du XXe siècle, luttant  parallèlement pour la Wallonie et le monde ouvrier.

Il est ainsi significatif de mentionner que, dès 1903, il crée le quotidien La Wallonie, organe de la fédération liégeoise du Parti ouvrier belge (POB), qui ne paraîtra que dix jours. Pionnier du fédéralisme – ou de la « séparation administrative » pour reprendre la terminologie de l’époque – il dénonce, en 1911, les inégalités dans la répartition du budget des travaux publics, dont 82 millions vont à la Flandre, 32 à Bruxelles et, seulement, 7 à la Wallonie, pourtant la plus grande contributrice.

Auteur de plusieurs études sur le fédéralisme, dont la première paraît en 1911, il participe activement au développement du Mouvement wallon, notamment par son intervention lors du congrès de Liège de 1912. A cette occasion, Léon Troclet est l’un de ceux qui, avec Jules Destrée, Emile Jennissen et Albert Mockel, défendent vigoureusement l’idée de la séparation administrative. Cet événement au retentissement considérable déclenche une véritable dynamique wallonne symbolisée, la même année, par la Lettre au roi de Jules Destrée et la création de l’Assemblée wallonne, premier parlement, officieux, de la Wallonie.

Partisan de la reconnaissance de trois régions, la Wallonie, la Flandre et l’agglomération bruxelloise, Léon Troclet continue de développer et de théoriser ce projet après la Première Guerre mondiale. Il dépose ainsi son premier projet de décentralisation provinciale au Parlement, en 1924.

Continuant la réflexion à l’intérieur du POB, il figure parmi les signataires du « Compromis des Belges » préparé par Jules Destrée et Kamiel Huysmans, prônant un fédéralisme modéré. Militant pour sortir des schémas établis un siècle plus tôt, il contribue à organiser le premier congrès des socialistes wallons en 1938 et invite son parti à étudier rapidement la question du fédéralisme et l’établissement de trois provinces, au lieu de neuf.

En 1945, un an avant son décès, il participe au fameux Congrès national wallon de Liège qui rassemble des milliers de militants s’exprimant, d’abord, en faveur du rattachement à la France puis pour le fédéralisme.

Grand connaisseur des systèmes institutionnels étrangers, Léon Troclet a été un des premiers à théoriser le fédéralisme comme système pouvant permettre de prendre en compte les besoins spécifiques de la Wallonie.

Il fut fait officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.

Orientation bibliographique :

Paul DELFORGE, TROCLET Léon, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 6012.

Terwagne Freddy

Commandeur (Historique)

AMAY 26.03.1925 – LIÈGE 15.02.1971

A l’instar de beaucoup de jeunes de son époque, Freddy Terwagne voit ses études troublées par la seconde guerre mondiale. S’engageant dans la Résistance en septembre 1942, alors qu’il n’a pas encore terminé ses humanités, il s’y distingue au point de devenir officier de l’Armée secrète et de recevoir la Croix de guerre et la Médaille de la Résistance. Après le conflit, il poursuit des études de droit à l’Université de Liège, où il est proclamé Docteur en 1949.

C’est à cette époque que Freddy Terwagne est sensibilisé à la question wallonne, en couvrant les congrès wallons pour le compte du journal La Wallonie. Installé comme avocat, il devient notamment membre du Comité permanent du Congrès national wallon, en parallèle à une carrière politique qu’il entame, en 1952, comme conseiller communal socialiste à Amay. En 1958, il devient député de l’arrondissement de Huy-Waremme.

Très actif lors des grèves de l’hiver 1960-1961, il figure parmi les membres fondateurs du Mouvement Populaire Wallon d’André Renard, en 1961. Militant pour le maintien des Fourons à Liège, il dépose une proposition de loi visant à recueillir l’avis des populations intéressées par les modifications des limites territoriales ; proposition repoussée le 30 octobre 1962. Refusant de voter le clichage de la frontière linguistique, il s’inscrit en rupture avec les consignes de vote de son parti, ce qui lui vaut, ainsi qu’aux autres députés « rebelles », d’être temporairement sanctionné.

Farouche défenseur du fédéralisme, il définit au sein du Parti socialiste belge une méthode de travail empreinte de pragmatisme, qui permet de baliser le processus de réforme de la Constitution. Devenu Ministre des relations communautaires en 1968, il déploie une activité intense, notamment le 18 juillet 1970, dans une séance du Sénat demeurée historique, afin de convaincre ses collègues d’inscrire les trois Régions dans la Constitution.

Ce travail trouvera un premier aboutissement le 15 juillet 1970, avec le vote de la loi dite « Terwagne », posant la première pierre d’une décentralisation économique que les militants wallons appellent de leurs vœux depuis de très nombreuses années. Pour le reste, les difficultés institutionnelles de la décennie 1970, ainsi que le décès prématuré de Freddy Terwagne, reporteront de dix ans la mise en œuvre concrète de cette (r)évolution via l’activation du fameux article 107quater de la Constitution. Il faudra, en effet, attendre 1980 pour voir la Région wallonne sortie des limbes et encore neuf ans de plus pour que naisse la Région de Bruxelles-Capitale.

En tant que Ministre, Freddy Terwagne avait prévu de placer les six communes des Fourons sous l’autorité du Ministre de l’Intérieur. Repris par Fernand Dehousse, ce projet pourtant signé par tous les ministres du Gouvernement est rejeté par les parlementaires C.V.P. en octobre 1971, provoquant la chute de l’exécutif.

Freddy Terwagne décède le 15 février 1971, emporté par la maladie, peu après avoir conquis le maïorat d’Amay.

Il fut fait Commandeur du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012, plus de quarante ans après avoir réussi à faire inscrire la Wallonie dans la Constitution.

Orientation bibliographique :

Paul DELFORGE, TERWAGNE Freddy, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 5886.
Claude REMY, Inscrire la Wallonie dans la Constitution, Mont-sur-Marchienne, Institut Jules Destrée, 1991.

Schreurs Fernand

Officier (Historique)

LIÈGE 26.07.1900 – LIÈGE 10.12.1970

Issu d’une famille d’origine hollandaise ayant combattu dans la légion belgo parisienne lors de la révolution de 1830, Fernand Schreurs grandit dans un environnement libéral et francophile. C’est ainsi qu’encore étudiant à l’Athénée de Liège, il fonde la Ligue des Lycéens wallons qui devient, en 1919, la Jeune Garde wallonne.

Docteur en droit de l’Université de Liège en 1924, avocat auprès de la Cour d’Appel de Liège, il s’affirme rapidement comme une des chevilles ouvrières du Mouvement wallon de l’Entre-deux-guerres, principalement en raison de sa contribution active à de nombreuses revues.

Pendant la guerre, dès septembre 1940, il rejoint les résistants wallons réunis sous la bannière de Wallonie libre. Le rôle de Fernand Schreurs au sein de la résistance en Wallonie est majeur. Il dirige le journal clandestin de Wallonie libre, participe à la relance du Conseil économique wallon et devient membre du comité directeur du Rassemblement démocratique et socialiste wallon qui vise à rapprocher socialistes et libéraux, lui-même siégeant parmi ces derniers. Il contribue aussi aux projets pour la Wallonie libérée, défend des patriotes devant les conseils de guerre allemands, parallèlement à ses actions de résistance armée.

Plusieurs fois décoré - notamment, de la Croix de guerre - pour son action de résistant, il s’affirme à la libération comme l’animateur du Mouvement wallon pour lequel il organise le Congrès national wallon de 1945, qui verra les congressistes wallons de toutes tendances se prononcer pour le fédéralisme, après un vote « sentimental » en faveur du rattachement à la France. Pendant quinze ans, il contribuera ainsi à coordonner tous les mouvements wallons.

Après la Question royale au cours de laquelle il milite, avec le Congrès national wallon, contre le retour du roi Léopold III, il noue le dialogue avec les fédéralistes flamands. Le 3 décembre 1952 est ainsi signé par cinquante Flamands et cinquante Wallons un texte commun, connu sous le nom d’Accord Schreurs-Couvreur. Défendant l’idée d’une fédéralisation de la Belgique reposant sur la reconnaissance des peuples wallon et flamand, ce Manifeste reconnaît Bruxelles comme capitale fédérale jouissant d’un statut spécial, alors que la frontière linguistique serait définitivement fixée.

Faute de résultats tangibles, le Congrès national wallon s’essouffle et, dans la foulée des grèves de l’hiver 1960, cède la place à une nouvelle prise de conscience, sous l’impulsion d’André Renard et du Mouvement populaire wallon. Le rôle de Fernand Schreurs n’en reste pas moins important, notamment pour la défense de Fourons et dans la réflexion devant mener à la réforme de l’Etat de 1970.

Libéral de tendance radicale, il s’éloigne peu à peu du PLP défendant l’unitarisme pour rejoindre le PSB, en 1968, deux ans avant sa mort. Il aura ainsi la satisfaction de voir aboutir une partie de son combat avec l’annonce, par le Premier Ministre Gaston Eyskens, que l’Etat unitaire avait vécu.

Fernand Schreurs fut fait officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.

Orientation bibliographique : Paul DELFORGE, SCHREURS Fernand, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 5664.

Rousseau Félix

Officier (Historique)

SALZINNES 14.01.1887 – NAMUR 07.09.1981

Docteur en Histoire de l’Université de Liège en 1910, archiviste aux archives de l’Etat de Mons puis conservateur aux Archives du Royaume à Bruxelles et aux archives de l’Etat à Namur, Félix Rousseau est un historien engagé dans la vie culturelle de Namur et de la Wallonie. A ce titre, il participe activement au développement du folklore namurois autour des fêtes de Wallonie.

Militant wallon, il adhère, dès 1913, à la Société des Amis de l’Art wallon fondée par Jules Destrée. Collaborant à quelques revues, son engagement prend plus d’ampleur encore lors de la seconde Guerre mondiale. Conscient que le mouvement de résistance Wallonie libre ne touche pas les catholiques, il collabore à la fondation du Mouvement wallon catholique. A la libération, ce mouvement clandestin se mue en Rénovation wallonne et Félix Rousseau devient membre du comité central. Il participe ainsi au Congrès national wallon de Liège en 1945 où des centaines de congressistes de toutes tendances se prononcent pour le fédéralisme.

Plusieurs fois sollicité pour traduire son engagement wallon en politique, Félix Rousseau préfère militer sur le plan académique. Enseignant successivement à l’Université catholique de Louvain (1942-1946), où il est chargé du cours de folklore wallon, puis à l’Université de Liège (1943-1957), il est l’auteur de plus de deux cents publications.

Historien et folkloriste, il s’intéresse particulièrement à la culture wallonne sous toutes ses formes. Prenant le contre-pied d’Henri Pirenne, focalisé sur le Brabant, Félix Rousseau démontre le rôle du pays mosan dans la civilisation européenne.  Il fait ainsi part de sa conviction selon laquelle : notre Terre wallonne est une terre latine et les Wallons participent à la plus belle culture, la plus riche, la plus humaine qui ait fleuri en occident, la culture latine principalement sous sa forme française. C’est le fait capital de notre histoire qui explique nos façons de penser, de sentir, de croire.

Ces thèmes sont repris dans Wallonie, terre romane, son ouvrage le plus important, publié en 1960. Il y expose son point de vue sur les origines de la frontière linguistique, y traite du problème culturel non sans ajouter quelques considérations sur les prétentions flamandes en Wallonie et sur le problème bruxellois. S’inscrivant dans l’actualité, il plaide ainsi pour éviter le diktat imposé par la majorité, qui pourrait provoquer l’éclatement du pays.

Historien prolixe et professeur d’université, Félix Rousseau participe activement à la réflexion sur l’enseignement de l’Histoire dès 1945. Il ne manquera pas de stigmatiser la déformation du passé par la vision d’une Belgique unitaire. C’est pourquoi, à l’instar de son collègue Léon-Ernest Halkin, il plaide pour l’enseignement de l’histoire locale et régionale, qui est à ses yeux la seule base d’une histoire sérieuse.

Félix Rousseau fut fait Officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.

Orientation bibliographique :

Marinette BRUWIER, ROUSSEAU Félix, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 5543.

Rey Jean

Commandeur (Historique)

LIÈGE 15.07.1902 – LIÈGE 19.05.1983

Fils d’un pasteur protestant français établi à Liège, Jean Rey est poussé par la Première Guerre mondiale à accomplir ses études en Angleterre. Revenu à Liège, il devient docteur en droit (1926), avocat et homme politique libéral. Secrétaire du groupe universitaire pour la Société des Nations en 1921, il milite notamment en faveur du désarmement et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Militant wallon, il contribue activement au mensuel l’Action wallonne, où il dénonce le rexisme, les dangers de l’Allemagne hitlérienne, ainsi que la politique de neutralité : La neutralité, dans l’Europe de 1938, c’est en réalité la résignation devant une éventuelle servitude, c’est l’acceptation de vivre en nations d’esclaves plutôt que de combattre en peuples d’hommes libres.  Distinguant les problèmes linguistiques et la décentralisation régionale, il considère le fédéralisme comme le seul moyen de maintenir la Belgique.

Prisonnier durant toute la guerre, tentant de s’évader à deux reprises, il constate à son retour de captivité que le fédéralisme a fait de grands progrès dans l’opinion wallonne. Plusieurs fois ministre, il dépose, en 1947, une proposition de loi sur l’organisation d’un Etat fédéral. Lors de la Question royale, il plaide contre le retour de Léopold III et pour son abdication nécessaire pour sauvegarder le pays. A cette occasion, il insiste sur les vrais problèmes qui touchent la Wallonie à ses yeux, à savoir le fait que Bruxelles accapare les capitaux, les banques et les industries. Durant les années 1950, il occupe le poste de Ministre des affaires économiques.

A partir de 1958, il se consacre pleinement à l’idée européenne. En 1967, il devient, ainsi, le premier président de la Commission européenne d’où il lance la politique régionale qui pourra bénéficier à la Wallonie notamment.

Son mandat européen prenant fin en 1970, il revient à la politique nationale où ses options fédéralistes pèsent sur le débat visant à réformer l’Etat. C’est ainsi que, continuant à dénoncer la fuite des cerveaux wallons vers Bruxelles et l’étranger, il plaide pour un conseil des ministres de la région wallonne au moment où seules les communautés revendiquées par la Flandre sortent des limbes.

Etant par la suite cantonné à un rôle de sage au sein du parti libéral, il prend de moins en moins position, à l’exception, en 1976, d’une Lettre au Roi qu’il signe avec Fernand Dehousse, Francis Delperée, Maurice Leroy, Joseph Hanse et Marcel Thiry, réclamant une révision de la Constitution devant déboucher sur un véritable état fédéral.

Considéré comme un des pères de l’Europe, il sort de sa retraite en 1979 et figure parmi les premiers députés européens élus au suffrage universel.

Jean Rey fut fait Commandeur du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.

Orientation bibliographique :

Paul DELFORGE, REY Jean, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 5425.
R. FENAUX, Jean Rey. Enfant et artisan de l’Europe, Bruxelles, 1972.