Tutot Charles

Culture, Edition

Liège entre 1768 et 1771, Paris ( ?) première moitié du XIXe siècle


Ayant appris le métier d’imprimeur-libraire dans le sillage de leur père, Jean-Jacques Tutot, ses fils l’aident d’abord dans ses entreprises, avant de se lancer seuls dans la vie. Génial entrepreneur, patron de presse, propriétaire de L’Esprit des Journaux, Jean-Jacques Tutot n’avait pas choisi la voie plus facile en cette période politiquement troublée ; migrant entre Liège, Herve, Bruxelles et Paris, selon les humeurs des princes et les événements, le père Tutot connaît des moments difficiles à la fin des années 1780 et Charles, son fils aîné, opte alors pour le métier des armes. La veille de l’abolition des privilèges à Paris, le jeune homme devient « enseigne au régiment de Liège » ; « l’heureuse Révolution liégeoise du 18 août » le pousse définitivement dans les rangs des révolutionnaires quand il s’embrigade parmi les gens d’armes de Fyon (juillet 1790). Lieutenant en second, il n’a guère le temps de faire ses preuves ; la restauration autrichienne le renvoie dans le giron familial et à ses activités d’imprimerie.

À Bruxelles d’abord, à Paris ensuite, Charles Tutot oublie vite le métier des armes et contribue à l’installation de l’« Imprimerie patriotique des Républicains, Tutot et fils » (1793). Le décès du patriarche en 1794 précipite le destin de sa veuve (Marie Adélaïde Painsmay) et de ses fils. Faisant face au monopole des imprimeries qui détiennent l’édition des lois et actes administratifs, Charles Tutot tente de se montrer à la hauteur de la réputation familiale. Mais les temps sont durs et les risques grands : durant les premiers mois de 1797, il fait paraître à Paris un quotidien, Le Déjeuner, dont certains articles valent à Tutot d’être accusé de royaliste et un court « transfert » sur l’île d’Oléron ; de retour à Paris, il se lance dans la publication de L’Ami des Arts, journal de littérature et de politique (novembre 1797). Si le succès est loin d’être au rendez-vous et l’expérience éphémère, le journal du fils Tutot entre dans l’histoire comme étant le tout premier quotidien littéraire français. L’esprit wallon d’innovation reste la marque de fabrique des Tutot, mais le père, Jean-Jacques, reste le plus illustre représentant de la famille. Par la suite, Charles Tutot imprime principalement des pièces de théâtre avant que l’on perde sa trace aux alentours de 1799.

Charles avait un frère, Louis, qui se lancera aussi dans le métier d’imprimeur, ainsi qu’une sœur, Lambertine, qui épouse, en 1795, Hyacinthe Jacques Fabry, l’un des fils de Jacques-Joseph Fabry.

 

Sources

Daniel JOZIC, « L’Esprit des journaux » entre tourmente et désespérance (1793-1800), dans Daniel DROIXHE (éd.), L’esprit des journaux. Un périodique européen au XVIIIe siècle, Actes du colloque « Diffusion et transferts de la modernité dans L’Esprit des journaux organisé par le groupe d’étude du XVIIIe siècle de l’Université de Liège, Bruxelles, ARLLFB/Le Cri, 2009, p. 216-234 en particulier p. 226, note 12
Pierre GILISSEN, Jean-Jacques Tutot, imprimeur, libraire et éditeur au Pays de Liège à la fin du XVIIIe siècle, dans Bulletin de l’Institut archéologique liégeois, 2007, t. CXIII, p. 200
Paul VERHAEGEN, dans Biographie nationale, t. 25, col. 856-858
Michel HANNOTTE (dir.), Journaux et journalistes liégeois au temps de l’Heureuse Révolution, catalogue de l’exposition La Plume et le Plomb, Liège, 1989
http://www.idref.fr/080223583 (s.v. décembre 2014)