© Adolphe Biarent, Mémorial réalisé par Alphonse Darville (1948). Hall d’entrée du Conservatoire de musique de Charleroi © Photo Paul Delforge – Institut Destrée

Biarent Adolphe

Culture, Musique

Frasnes-lez-Gosselies (Les Bons Villers) 10 ou 16/10/1871, Mont-sur-Marchienne 04/02/1916

Compositeur, chef d’orchestre, violoncelliste et professeur de musique, Adolphe Biarent a joui d’une solide réputation dans les premières années du XXsiècle, tout auréolé de la prestigieuse récompense du « Premier Prix de Rome » 1901. Romantique et tourmenté, silencieux et rêveur, ce disciple de César Franck a laissé un bagage musical relativement abondant, où se remarque sa constante fidélité à l’idéal de sa jeunesse. Ses œuvres « illustrent l’expression d’un compositeur de tempérament, d’un inspiré – submergé parfois par les dernières vagues du romantisme – dont la science musicale mérite de le classer à un rang très honorable », Michel Stockhem affirmant qu’Adolphe Biarent « eût pu être un second César Franck ».

Sixième d’une famille de huit enfants, très tôt remarqué dans les sociétés musicales du pays de Charleroi où il joue avec son père, Adolphe Biarent jouit de prédispositions musicales qui incitent ses premiers formateurs à l’encourager à fréquenter le Conservatoire de Bruxelles (1888). Il y remporte de nombreux prix, avant de terminer sa formation à Gand, à nouveau avec un Premier prix, celui de contrepoint et de fugue. Dans les années 1894-1901, Biarent compose une dizaine de pièces musicales originales : symphonies, fantaisies et mélodies. Quant à son « quotidien », il lui est assuré depuis sa nomination comme professeur à l’Académie de musique de Charleroi, en mars 1897.

Chargé du « cours moyen » de solfège (1897-1902), il est nommé professeur d’un cours supérieur créé à son intention à l’Académie de Musique de Charleroi ; il est le titulaire des cours d’harmonie, de fugue et de contrepoint (janvier 1902-1906). Il y sera encore responsable du cours de musique de chambre dès l’été 1906 et de la classe d’orchestre (décembre 1906), contribuant à faire de l’Académie de Musique une institution qui compte sur la place de Charleroi et en Wallonie. Le professeur Biarent est fort apprécié par ses jeunes élèves, parmi lesquels se révèleront de brillants talents comme Fernand Quinet.

Avec Martin Lünssens, Biarent prépare, en 1899 et 1900, le prestigieux concours du Prix de Rome et, avec une cantate sur le thème Œdipe à Colone, il remporte le Premier Prix. On n’a guère de traces de ses séjours à l’étranger, entre 1901 et 1906, si ce n’est qu’il reste fort attaché à Charleroi, ville pour laquelle il compose une Marche triomphale et où il fera toute sa carrière. Sa bienveillance, sa modestie et sa gentillesse se mettent au service de buts concrets à atteindre : développer la musique à Charleroi, transmettre un immense savoir à ses élèves, partager une musique de qualité dans une démarche d’éducation populaire, réservant ce qui lui reste de temps libres à la composition. Fondateur de l’orchestre de l’Académie de musique de Charleroi, il y fait jouer ses élèves, accueille des musiciens prestigieux et, alors qu’il fait jouer des compositeurs reconnus, ne négligeant pas les Wallons André-Modeste Grétry, François-Joseph Gossec, César Franck, Henry Vieuxtemps, Albert Dupuis, Léon Du Bois et Victor Vreuls, il accède à la pression locale qui veut entendre les œuvres composées par le maître carolorégien. 

Depuis son retour à Charleroi, il a totalement abandonné la musique de chambre pour se consacrer à la musique symphonique et toujours, le public de Charleroi reçoit le privilège d’entendre ses œuvres pour la première fois. Il introduit notamment ses Contes d’Orient dans la programmation de 1910, lors de la venue d’Eugène Ysaÿe. Le 26 mars 1911, le programme du « Concert de l’Académie » est tout entier consacré aux compositions de Biarent qui reprend Trenmor et la Marche triomphale, tout en offrant au public carolorégien la découverte de trois créations : Trois mélodies, pour chant et orchestre ; Légende de l’Amour et de la Mort et Rapsodie Wallonne, pour piano et orchestre. Le même programme est interprété le dimanche 11 juin 1911, dans le cadre de l’Exposition internationale de Charleroi. De belles œuvres tout impressionnistes comme Le Réveil d’un dieu (pour violon et orchestre) et Floridum Mare (un autre sonnet pour violoncelle et orchestre), d’après deux poèmes de José-Maria de Heredia constituent, avec les Contes d’Orient et la spirituelle Rapsodie Wallonne d’amples et brillantes fresques symphoniques.

En 1912, avec Gustave Roullier, il publie Mélodies populaires wallonnes et flamandes, pour faire une place à la chanson populaire dans les écoles et renouer avec une pratique ancienne et constante de la pédagogie musicale belge. Créateur d’un cercle de musique, le Decem musical, toujours dans un but de vulgarisation de la bonne musique, il abandonne totalement, à partir de 1912, la composition symphonique pour revenir à la musique de chambre. Ses nouvelles œuvres vont se ressentir de l’isolement dans lequel Biarent aspire à vivre. « Son œuvre, très structurée, révèle un esprit sérieux dont l’esthétique est influencée en ordre principal par César Franck. La Symphonie en ré mineur et la Sonate pour violoncelle et piano paraissent être les pages maîtresses d’un compositeur qui alliait à un idéal artistique élevé une remarquable technique d’écriture » (Sylvain Vouillemin). Composée en 1914-1915, sa Sonate est sans doute l’une des œuvres les plus inspirées et les plus parfaites jamais écrites par un musicien wallon depuis César Franck. Il venait de vraiment trouver sa manière personnelle et entamait une œuvre originale quand la mort le surprit en février 1916, sans descendance.

 

Paul Delforge, Adolphe Biarent, « un second César Franck » ?, suivi du Catalogue de l’œuvre complet, Revue de la Société liégeoise de Musicologie, n°39, 2020, 133 p., https://popups.uliege.be/1371-6735/index.php?id=2903&file=1&pid=2898

Sylvain Vouillemin, dans Biographie nationale, t. 33, col. 106-107

 
Inventaire de ses œuvres 

 

Piano :
Sérénade (1903)

Sonnet (1904)

Aquarelles (1905)

Feuille[s] d’Album (1905)

Nocturne (1906)

Trois pièces pour piano : Prélude, Suite ancienne, étude (1912)

[huit] Préludes Moyen-Âge (1912)

Piano et cordes :

Quintette en si mineur (1913)

Piano et violoncelle :

Sonate, pour piano et violoncelle (1915)

Orchestre :

Ouverture de Fingal d’après Ossian (1894)

Scherzo, pour grand orchestre (1895)

Alla breve (entre 1895 et 1901)

La Tempête, fantaisie pour orchestre d’après Shakespeare (entre 1895 et 1901)

Prélude, pour le Werther de Goethe (entre 1895 et 1901)

Impressions du soir : I. Rêveries ; II. Sylphes et Gnomes (1897)

Pièce symphonique (1904)

Trenmor, d’après une légende d’Ossian (1905)

Marche triomphale (1905-1906)

Symphonie en ré mineur (1908)

Contes d’Orient (1909)

Légende de l’Amour et de la Mort, d’après Richepin (1910)

Poème héroïque, d’après « Hjalmar, » de Leconte de Lisle (1911)

Piano et orchestre :

Rapsodie Wallonne, sur des thèmes populaires du Pays de Liège et de l’Entre-Sambre-et-Meuse (1910)

Violon/violoncelle et orchestre :

Deux Sonnets d’après Heredia. « Le Réveil d’un dieu » ; « Floridum Mare » (1909 et 1914)

Mélodie pour voix/chœur et piano :

Symphonie d’avril (1895)

éblouissement (1897)

L’Aveu (entre 1897 et 1901)

Lyda (1901)

Qu’importe ? (entre 1897 et 1901)

La Cigale, (Piano ad libitum), (Double chœur pour voix de femmes) [1904]

Huit mélodies pour mezzo-soprano (1915)

Mélodie pour voix et quatre instruments :

Nocturne (1905)

Voix et orchestre :

Trois mélodies pour chant et orchestre : 1. Au long de la Sambre ; 2. Coin de terre ; 3. La fête au bois (1911)

Cantate :

Œdipe à Colone, Cantate pour baryton, mezzo-soprano, chœur et orchestre (1901)