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Brain Richard

Conception-Invention, Ingénieur-inventeur, Socio-économique, Entreprise

Grande-Bretagne fin XVIIIe siècle, Liège c. 1840/1850


Ouvrier anglais ayant travaillé comme surveillant et contremaître dans l’entreprise Boulton-Watt à Birmingham, Richard Brain se laisse convaincre de suivre John Cockerill dans les projets qu’il développe à Liège et à Seraing. Il s’y installe en 1818. Détenant quelques secrets de fabrication que l’Angleterre tente, tant bien que mal, de conserver, il contribue au montage de plusieurs machines à vapeur et, avec Cockerill, il prospecte aussi le marché des exploitations houillères wallonnes afin d’évaluer les besoins et de proposer des machines adaptées. Responsable de la fonderie, Brain ne s’entend cependant plus avec les frères Cockerill et, durant l’été 1819, le mécanicien anglais décide de voler de ses propres ailes en prospectant pour lui-même au pays de Liège.

Le transfuge y propose ses services – surtout son savoir-faire et ses connaissances – à quelques rentiers qui sont prêts à investir dans les « techniques nouvelles », porteuses de revenus intéressants. À Ougrée, avec un autre ouvrier anglais (Hope), Brain convainc Ista d’investir dans une fonderie que Charles Quirini-Goreux (Liège 1780 - Jemeppe 1862) a créée récemment (1809), mais qu’il ne parvient pas à rentabiliser. Occupant une vingtaine d’ouvriers, la fonderie d’Ougrée créée en décembre 1819 parvient notamment à vendre une petite dizaine de machines à vapeur. Ainsi, Richard Brain a-t-il installé plusieurs machines du type Watt pour actionner des moulins à Alost (1819), à Hamme (1820), à Gand et à Louvain (1821). Ce sont les toutes premières machines de ce type installées en Flandre. Mais ce n’est pas suffisant pour la société de Brain et ses associés, et la faillite est déclarée (1822). En décembre 1826, Brain tente d’installer à Bruxelles une grande fabrique de machines à vapeur, sans succès cependant. En 1827, avec un projet similaire, il s’associe avec un industriel installé à Hourpes, Hubert Lejeune, sans plus de réussite.

Relançant son projet « liégeois » avec d’autres bailleurs de fonds, Brain fonde les « Ateliers d’Ougrée à Seraing » (1821), en s’associant avec Watrin-Dardespine. Parmi les 17 machines installées, on sait qu’il vend notamment une machine à vapeur soufflante à Hubert Lejeune – il s’agit seulement de la 2e machine de ce type installée en Hainaut – et qu’il installe à Bruxelles une machine permettant l’alimentation en eau. Mais son activité pourtant diversifiée ne parvient toujours pas à décoller (1828).

La troisième tentative wallonne de Brain sera la bonne. La fortune des Lamarche est telle qu’ils peuvent se permettre de racheter tous les biens de Quirini-Goreux, y compris les installations conçues par Brain. Il n’est plus question de location et de production à petite échelle. Richard Brain a convaincu Gilles Antoine Lamarche et ses frères de se lancer dans un projet ambitieux. Les Lamarche s’occupent de la gestion financière et Brain dispose de toute l’indépendance nécessaire dans la direction technique.

À la manière d’un William Cockerill avec les industriels de la laine verviétois, Richard Brain pilote le projet industriel, embauche des ouvriers anglais qui lui apportent les derniers perfectionnements techniques et utilise la main d’œuvre locale dont l’habilité n’a rien à envier à ses collègues d’outre-Manche. L’ancienne fonderie se transforme en usine intégrée, avec comme objectif la fabrication de machines à vapeur et autres objets métalliques (1829). En moins de sept ans, la Société d’Ougrée connaît un développement exceptionnel.

En 1836, avec l’apport en capital de la jeune Banque de Belgique, se constitue la « Société anonyme de la Fabrique de Fer » qui se dote progressivement du matériel le plus moderne de l’époque (deux hauts fourneaux au coke, 16 fours à puddler, laminoir, fonderie, 6 machines à vapeur) pour « fabriquer de la fonte moulée, du fer et des machines ». Au moment où, sous la gouverne d’un ministre liégeois, la Belgique se lance dans la construction d’un ambitieux réseau ferroviaire, la société fournira, notamment, les rails du chemin de fer. Pour Richard Brain, la transformation de la fabrique en Société anonyme marque la fin de son association d’égal à égal avec les Lamarche : ceux-ci reprennent toutes les participations financières de l’Anglais qui est désormais employé par la Société de la Fabrique de fer d’Ougrée, avec un salaire à la hauteur de son apport technique et de son statut de « directeur-gérant ». C’est ainsi qu’un mécanicien anglais, autre que William Cockerill, désormais installé en pays wallon, contribue à l’essor de la révolution industrielle en Wallonie. Une quarantaine de machines à vapeur sortiront de « son » usine et seront implantées en Belgique. Il avait surtout contribué à installer la structure de base de la Fabrique de Fer d’Ougrée, appelée à un développement considérable.

 

Sources

Anne VAN NECK, Les débuts de la machine à vapeur dans l’industrie belge, 1800-1850, Bruxelles, Académie, 1979, coll. Histoire quantitative et développement de la Belgique au XIXe siècle, p. 119, 242, 267, 269, 281, 288, 289, 293-295, 307-309, 316, 323, 331-333, 356, 359, 371, 416, 419, 540, 543, 559, 561, 564, 571, 572, 728, 783, 830
Robert HALLEUX, Cockerill. Deux siècles de technologie, Liège, éd. du Perron, 2002, p. 21-22
J. PURAYE, G.A. Lamarche, 1785-1865. Notes pour servir à l’histoire industrielle du pays de Liège, dans Bulletin de l’Institut archéologique liégeois, 1962, t. 75, p. 101-151
Frank BECUWE, In de ban van Ceres. Klein- en grootmaalderijen in Vlaanderen (ca. 1850 – ca 1950), Bruxelles, 2009, Archeologie, Monumenten- en Landschapsonderzoek in Vlaanderen n°3 (https://oar.onroerenderfgoed.be/publicaties/RELM/3/RELM003-001.pdf ) (s.v. octobre 2014)
Marinette BRUWIER, Les relations dynamiques entre le progrès industriel et la construction des machines, dans B. VAN DER HERTEN, M. ORIS, J. ROEGIERS (dir.), La Belgique industrielle en 1850 : deux cents images d’un monde nouveau, Anvers, Bruxelles, 1995, p. 133