Cockerill William

Conception-Invention, Socio-économique, Entreprise

Lancashire /1759, Behrensberg (Aix-la-Chapelle) 23/01/1832

Père de John et Charles-James Cockerill, William est un artisan qui cherche à faire fortune et n’hésite pas à quitter son Angleterre natale pour réussir. D’origine irlandaise, « jennymaker » de profession, William Cockerill est un mécanicien qui déborde d’inventivité. Il connaît les mécanismes de la machine à filer la laine qui procure aux Anglais un avantage sur tous leurs rivaux. Résolu à développer sur le continent les procédés mécaniques nouvellement découverts sur son île, il brave les interdits que son pays impose pour empêcher la concurrence, se rend en Russie en 1794, puis en Suède et en Allemagne. Personne n’est cependant disposé à entendre les moyens qu’il préconise pour améliorer les outils en filature lorsqu’il croise la route d’un agent commercial d’une firme verviétoise. À Hambourg, en 1798, William Cockerill s’entretient en effet avec Henri Mali : celui-ci finit par le convaincre de rejoindre les bords de la Vesdre où son patron, Ywan Simonis, est disposé à l’héberger après avoir payé ses frais de transports depuis Hambourg.

Saisissant ce qui paraît être sa dernière chance, William Cockerill vient s’établir à Verviers (en 1799 semble-t-il) ; il est installé dans une dépendance de l’usine « au Chat » et, en secret, met au point ses idées au profit exclusif du patron lainier verviétois. Dès le 29 décembre 1800, la filature Simonis dispose d’un moulin activé par trois personnes qui produisent 400 écheveaux  par jour, ce qui remplace le travail de 100 personnes ! Cockerill construit encore d’autres machines à carder et à filer la laine pour les fabriques Biolley et Simonis, en accordant à leur société l’exclusivité de ses inventions. Très vite, le succès est au rendez-vous : les innovations de W. Cockerill vont propulser l’industrie lainière verviétoise au premier rang mondial. « Le temps du rouet avait vécu, c’était le début de la mécanisation de l’industrie lainière ».

Pour se défaire du contrat d’exclusivité qui le lie aux Biolley-Simonis, William Cockerill fait venir d’Angleterre un ouvrier qualifié, James Hodson, qui deviendra son beau-fils. Celui-ci monte son propre atelier de construction de machines, qui trouve très rapidement des commandes auprès des industriels de la laine. Avec les fils Cockerill, Hodson fournit librement des moulins dès 1803 aux filatures J-N. David, Godart, Leloup et Meunier, puis dans une seconde vague aux Dethier, Godin, Duesberg, Peltzer, Hauzeur, Sauvage.

En dépit de l’hostilité qui règne entre Anglais et Français en cette période troublée (Verviers est l’une des villes de la République française puis de l’empire napoléonien depuis 1795), les mécaniciens anglais que sont William et ses enfants – en l’occurrence William (1783-1847), James (1787-1837) et John (1790-1840) – peuvent continuer à œuvrer en terres liégeoises. D’ailleurs, en 1807, ils s’installent dans la cité ardente, au pied du pont des Arches d’abord, au Pont des Jésuites (future place Cockerill), ensuite lorsque l’atelier devint trop petit. Les Cockerill y fabriquent de nombreuses machines et y développent ce qui deviendra la grande sidérurgie du bassin de Liège. S’ils contribuent ainsi au décollage de la révolution industrielle dans l’est wallon, les Cockerill sont considérés comme des traîtres en Angleterre… En 1810, William Cockerill reçoit la grande naturalisation française et, en 1812, se retire des affaires, fortune faite. Décédé près d’Aix-la-Chapelle, William Cockerill est enterré au cimetière de Spa.

 

Sources

Pierre LEBRUN, L’industrie de la laine à Verviers pendant le XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, Liège, 1948, p. 234-241
Michel ORIS, dans POTELLE Jean-François (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 127
P.M. GASON, Histoire des sciences et des techniques. John Cockerill et le nouveau monde industriel, Seraing, 1995
Suzy PASLEAU, Itinéraire d’un géant industriel, Liège, 1992
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 328
Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
Biographie nationale, t. IV, col. 229-230
Paul LÉON, Ywan Simonis, dans Biographie nationale, t. XLIII, col. 651-660
Anne-Catherine DELVAUX, Inventaire des archives de la Société Cockerill Sambre (Groupe Arcelor) Siège de Seraing (1806-2005), Bruxelles, AGR, 2011, Archives de l’État de Liège, n°113