de Burlet Jules
Politique
Ixelles 10/04/1844, Nivelles 01/03/1897
Ardent défenseur du programme du bloc catholique, le Nivellois Jules de Burlet accomplit une carrière politique fulgurante. À cinquante ans, il devient le chef du Cabinet ministériel, en d’autres termes « premier ministre » de Belgique, avant d’être « déshabillé » par son propre parti. Jules de Burlet est le dernier Wallon « premier ministre » au XIXe siècle.
Docteur en Droit de l’Université catholique de Louvain (1866), avocat à Nivelles (1866-1872), Jules de Burlet devient juge suppléant au Tribunal de 1ère Instance de Nivelles (1872-1892), en même temps qu’il est choisi par le roi pour présider aux destinées de la ville de Nivelles (1er juillet 1872). Élu au conseil communal en 1871, il y est le seul représentant du parti catholique et parvient à retourner la majorité anticléricale, et ce pour de nombreuses années. Pendant près de vingt ans, ce jeune notable catholique va en effet être le premier magistrat de la cité brabançonne, avec le soutien du Palais. Au-delà des affaires de sa cité, il se distingue par un engagement radical dans la guerre scolaire des années 1879-1884. Son « cléricalisme » est tel que, pendant plusieurs mois, le gouvernement libéral refuse de donner son investiture officielle au bourgmestre qui poursuit cependant ses activités en tant qu’échevin faisant fonction de maïeur.
Les conditions lui sont par conséquent favorables quand il se présente aux élections législatives de 1884, encore organisées selon le système du suffrage censitaire. Choisi par les électeurs du Brabant wallon pour les représenter à la Chambre, il contribue ainsi au succès général du parti catholique qui, jusqu’en 1914, va gouverner la Belgique sans partage et sans interruption. Au Parlement, il manifeste la même détermination en faveur du programme intégral du bloc catholique ; il est d’emblée choisi comme secrétaire du bureau de l’assemblée. Cependant, sa majorité brabançonne est fragile et, en juin 1888, à quelques voix près, il n’obtient pas le renouvellement de son mandat. Jules de Burlet n’est pas oublié par ses amis politiques : August Beernaert (« premier ministre ») l’appelle en effet, en mars 1891, pour remplacer Ernest Mélot qui avait lui-même succédé à Joseph Devolder (novembre 1890), en tant que ministre de l’Intérieur et de l’Instruction publique. Jules de Burlet ne reste pas longtemps ministre extra-parlementaire. Aux élections de juin 1892, il retrouve un mandat de député dans l’arrondissement de Nivelles.
Néanmoins, le combat est rude en Brabant wallon, d’autant que le débat sur l’élargissement du corps électoral atteint son paroxysme. Comme la direction du bloc catholique, Jules de Burlet n’est pas favorable au suffrage universel ; l’attitude du ministre de l’Intérieur en témoigne lorsqu’est organisée la grève générale d’avril 1893 en faveur du suffrage universel. La formule médiane finalement adoptée (25 avril 1893) – le suffrage universel masculin tempéré par le vote plural sans le mode proportionnel – suscite la déception, tant chez les anciens que chez les nouveaux électeurs appelés aux urnes en 1894 : Jules de Burlet perd à nouveau son mandat, mais est repêché in extremis (il vient d’avoir 50 ans) comme sénateur provincial du Brabant. Il bénéficie alors de la totale confiance de son parti qui lui confie la présidence du Conseil provincial, en le maintenant aux ministères de l’Intérieur et de l’Instruction publique. En mai 1895, après la crise provoquée par l’ajournement du projet « d’annexion du Congo à la Belgique » et la démission du comte de Mérode-Westerloo, Jules de Burlet échange ses deux ministères contre les Affaires étrangères, mais la bonne entente au sommet du bloc catholique vole en éclats sur le dossier de la réforme militaire.
Lancé par Beernaert et protégé par Charles Woeste, municipaliste devenu en peu de temps l’un des personnages les plus importants du pays, Jules de Burlet pense disposer de l’autonomie et de l’autorité nécessaires pour mener les grands axes du programme de son gouvernement. Incisives et malveillantes, les attaques publiques répétées de Charles Woeste, le chef de la droite, « son président de parti », lui rappellent rapidement de qui il détient le pouvoir et ébranlent sérieusement le « premier ministre ». Après une séance mémorable au Sénat puis à la Chambre au cours de laquelle de Burlet tente de défendre le projet de son gouvernement (19 décembre 1895), le chef du Cabinet est frappé d’une congestion cérébrale qui lui sera funeste. Dernier Wallon « premier ministre » au XIXe siècle, le président du Cabinet ministériel, selon l’expression de l’époque, remet sa démission le 21 février 1896. Nommé Ministre d’État quatre jours plus tard, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire à Lisbonne (1896-1897), il représente la Belgique au Portugal, tout y cherchant, en vain, un climat propice pour se soigner.
Sources
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, La Meuse, 2 et 3 mars 1897 ; Journal de Bruxelles, 1895-1897
Jean-Luc DE PAEPE, Christiane RAINDORF-GÉRARD (dir.), Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, 1996, p. 121
Histoire du Sénat de Belgique de 1831 à 1995, Bruxelles, Racine, 1999, p. 390
Mandats politiques
Bourgmestre (1872-1891)
Député (1884-1888, 1892-1894)
Ministre (1891-1894)
Conseiller communal (1892-1895)
Premier Ministre (1894-1896)
Sénateur provincial (1894-1896)
Ministre d’État (1896)
© Institut Destrée, Paul Delforge