de Ville Arnold
Conception-Invention
Huy 15/05/1653, Modave 22/02/1722
Entre Arnold de Ville et Rennekin Sualem, une querelle est alimentée portant sur la question de savoir lequel des deux a été l’inventeur de la Machine de Marly. Depuis plusieurs années, Louis XIV cherchait le moyen de disposer de quantités importantes d’eau pour l’entretien des jardins et la création de jeux d’eau à Versailles ; plusieurs projets avaient été menés, mais aucun ne donnait satisfaction quand fut lancé un appel d’offre international (1678) que remporta le duo de Ville – Sualem. Entamé en 1681, le chantier de Marly s’achèvera sept ans plus tard : l’eau de la Seine est élevée à plus de 150 mètres au-dessus de son niveau ordinaire par un mécanisme fameux qui passa, « jusqu’à sa destruction, en 1817, pour la huitième merveille du monde ». C’est à Sualem que les honneurs furent rendus par la Cour, les hommages soulignant qu’il avait été l’unique inventeur de « la machine ». Quant à De Ville, il fut jusqu’à sa mort le gouverneur de la machine. Plus qu’un inventeur, Sualem fut un génial adaptateur des meilleures techniques connues à l’époque et De Ville un entrepreneur qui osa se lancer dans un projet qui aurait pu valoir sa ruine, en cas d’échec, et parvint à convaincre Louis XIV de ne pas trop regarder à la dépense...
Disposant d’une bonne culture technique lors de sa formation au Collège des Jésuites à Paris, diplômé en Droit de l’Université de Louvain (1674), le fils de Winand de Ville (bourgmestre de Huy et maître de forges) avait remarqué l’entreprise menée par les Sualem à Modave et il sut les convaincre de participer avec lui à l’appel d’offre lancé par la Cour de France. Là, il bénéficia, semble-t-il, du soutien de Jean Ferdinand de Marchin, maréchal de France, qui l’introduisit auprès de Colbert. Après un essai grandeur nature concluant à Saint-Germain, le duo de Ville-Sualem obtint le marché et se mit à la tâche. Celle d’Arnold de Ville fut certainement de conserver la confiance du roi et ses investissements, d’une part, de trouver des fournisseurs très spécialisés, notamment au pays de Liège, d’autre part.
Après Marly, outre son titre de « gouverneur », Ar. de Ville devient un « agent de la diplomatie française en principauté de Liège », mais ne parvient pas à prendre rang au sein de la noblesse française. L’informateur de Louis XIV tombe en disgrâce sous le Régent et choisit de se retirer dans le château de Modave qu'il a acquis en 1706. Ayant obtenu le titre de baron libre du Saint-Empire en 1686, il consacre sa retraite « à rédiger son propre Théâtre de machines ».
Sources
Robert HALLEUX, La machine de Marly et les savoirs techniques en Wallonie au XVIIe siècle, dans Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000
Michel ORIS, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
M. YANS, Arnold de Ville le Penseur de la machine de Marly, dans Les Cahiers historiques, n°28, série III, 1963, p. 15-17.
R. VAN DEN HAUTE, L'inventeur de la machine de Marly ne fut pas celui qu'on pensait. Comment Renkin Sualem de Jemeppe-sur-Meuse fit venir l'eau de la Seine à Versailles, dans Les Cahiers historiques, série III, n° 25, 1963, p. 67 et ssv.
A. SPINEUX, Arnold de Ville, artisan du faste de Versailles, dans Revue du Conseil économique wallon, n°18-19, 1956, p. 85-86.
M. YANS, De Ville, dans Biographie nationale, t. 26, Bruxelles, 1936-8, col. 751-752
E. PONCELET, Lettres inédites et mémoire du baron de Ville touchant la machine de Marly, dans Bulletin de la Commission royale d'Histoire, t. 98, (1934), p. 274 et ssv.
© Institut Destrée, Paul Delforge