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Delvaux Paul

Culture, Peinture

Antheit 23/09/1897, Saint-Idelsbald 20/07/1994

« C’est non seulement l’un des grands peintres du XXe siècle qui disparaît, mais aussi l’un des plus originaux. Il est à noter que, créateur d’une forme supérieure qu’il avait définie lui-même et qui lui a donné un rang mondial, Paul Delvaux a successivement illustré au cours de sa vie les trois régions belges : La Wallonie où il était né et où il a été reconnu comme un des Cent Wallons du Siècle, les communes bruxelloises où il a longtemps résidé, et la Flandre où il a choisi de vivre la fin de ses jours. Mais son vrai monde, celui que la postérité retiendra d’abord, est dans un autre réel » (Jean-Maurice Dehousse, 1994).

De sa jeunesse passée entre Bruxelles où son père est avocat et Antheit où vit la famille de sa mère, Paul Delvaux retiendra des souvenirs et des impressions qui nourriront son œuvre. Son goût pour le dessin est rapidement encouragé par des artistes (dont son ami Émile Salkin), mais le jeune étudiant qui achève ses humanités classiques n’a pas été autorisé par ses parents à se tourner vers les arts que par des études d’architecture à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1920). À la raideur des chiffres, il préfère cependant le symbolisme, voire l’impressionnisme, puis l’expressionnisme. Il se retrouve dès lors dans l’atelier de Constant Montald et, en 1924, il expose pour la première fois avec le groupe Sillon. Mais le jeune Delvaux cherche son style, au milieu des Permeke, Ensor, Dali, Magritte et surtout Chirico… Les influences sont multiples quand se dégagent les premiers nus de femme dans des décors singuliers. Après l’exposition surréaliste du Minotaure (1934), Delvaux crée « un nouvel univers où le rationnel, les conventions, les interdits sont, sinon abolis, du moins détournés par les voies de la poésie, de l’imaginaire, du symbole aussi, et par lesquelles Delvaux trouvera à la fois un exutoire à son anxiété et le miroir fidèle de son discours intérieur » (Philippe Roberts-Jones). De manière récurrente apparaîtront des thèmes qui marquent l’œuvre de Delvaux : les nus, les squelettes, les trains et les gares (la première a été peinte en 1922). On pourrait y ajouter des hommes en costume et à chapeau melon, voire l’univers de Jules Verne.

Peu avant la Seconde Guerre mondiale, Paul Delvaux participe à ses premières expositions internationales, avec des surréalistes, dont André Breton. Il prépare aussi de nombreux décors de théâtre, et devient professeur de peinture monumentale à l’École nationale supérieure d’Art et d’Architecture (La Cambre de 1950 à 1962). L’artiste peintre s’impose progressivement après 1945, même si certaines œuvres ne manquent pas de heurter le public. Ainsi est-il interdit par l’Église italienne lors des Biennales de Venise de 1948 et 1954. Couronné à… Venise, le film d’Henri Storck, Le monde de Paul Delvaux, contribue à la renommée du peintre, accueilli désormais à l’étranger et distingué par plusieurs récompenses prestigieuses. Il se voit aussi confier de grandes compositions murales, comme à l’Institut de zoologie à Liège (La Genèse), ou lors de l’Expo de 1958 (La Carte littéraire de Belgique). En fait, le titre du film de Storck a été particulièrement bien choisi tant rien ne ressemble à ce que Paul Delvaux est parvenu à construire, une œuvre qui trouble et questionne, d’une variété infinie et pourtant si caractéristique.

Peut-on le ranger parmi les surréalistes ? Même si Jacques Stiennon considère qu’il n’a rien de cette école, la tentation est grande. Et Delvaux lui-même est ambigu quand il dit « Pas toujours. Je ne suis pas un inventeur de formes [...]. Je suis plutôt, disons, un naturaliste : je ne déforme pas la nature et je ne le veux pas », car, dans ses tableaux, chaque élément s’identifie avec un aspect du réel, mais l’ensemble trouble les données naturelles du monde quotidien.

Comme Magritte, Delvaux a répudié l’expressionnisme flamand. Chez lui, tout est raisonné, composé, limité. Il s’est retrouvé par une inclination fatale, involontaire, sur le terrain natal de la latinité. Sous son doigté, l’objet échappe à la matière et saisit une signification de densité immédiatement cérébrale. Imprégné de culture latine, il en est l’un des messagers. La gloire qui l’introduit dans l’histoire mondiale de la peinture est celle d’un artiste wallon de dimension considérable (@@).

Dès 1945, Paul Delvaux a pris l’habitude de résider de plus en plus souvent à Saint-Idelsbald. À partir de 1982, un musée privé lui est consacré, attenant à la Fondation Paul Delvaux, fondée de son vivant par l’artiste. En 1997, une « année Delvaux » est l’occasion de plusieurs manifestations d’hommage, notamment à Antheit et à Huy, où sont exposés les paysages mosans réalisés dans sa jeunesse.

Sources

REMON Régine (dir.), Paul Delvaux. Peintre des gares, Bruxelles, Luc Pire, 2009
VAN DEUN Charles, Le pays mosan de Paul Delvaux, Huy, 1997
PAQUET Marcel, Paul Delvaux et l'essence de la peinture, Paris, Éditions de La Différence, 1992
DEBRA Maurice, Promenades et entretiens avec Paul Delvaux, Louvain-la-Neuve, Belgique, Éditions Duculot, 1991
EMERSON Barbara, Delvaux, Anvers, Paris, Fonds Mercator/Albin Michel, 1985
HOUBART-WILKIN Suzanne, Paul Delvaux : Son œuvre aux Musées royaux des beaux-arts de Belgique à Bruxelles, Wavre, Mardaga, 1983

Œuvres principales

Vieille gare du Luxembourg, 1922
Jeunes filles à la campagne, 1929
Le Paravent, 1935
Le Miroir, 1936
Pygmalion, 1939
La Visite, 1939
L’Homme de la rue, 1940
Le Musée Spitzner, 1943
Squelette, 1943
Train de nuit, 1947
Mise au tombeau, 1953
La Genèse, 1956
Trains de banlieue, 1958
La Carte littéraire de Belgique, 1958
Hommage à Jules Verne, 1971
Les Ruines de Sélinonte, 1972/1973