Detrez Conrad

Culture, Littérature

Roclenge-sur-Geer 01/04/1937, Paris 11/02/1985

Couronné par le Renaudot 1978, le talent d’écrivain de Conrad Detrez trouve son inspiration dans la vie exceptionnelle de l’auteur, sorte d’héritier spirituel de Charles Plisnier. Comme l’écrit Robert Frickx, « Chacun de ses romans apparaît comme le maillon d’une vaste autobiographie, transposée sur le plan mythique, mais fortement ancrée dans notre époque et réservant une place considérable aux événements vécus par l’auteur ».

Élève brillant à Roclenge et aux Collèges de Visé et de Herstal, Detrez n’a de cesse de fuir par la lecture la trace de ses jeunes années marquées par la guerre, les crues du Geer et la vue des bêtes découpées par son père qui exerce le métier de boucher. Tenté par la prêtrise, il entre au Séminaire de Saint-Trond en 1957. Deux ans plus tard, il s’inscrit à l’Université catholique de Louvain, en Théologie. C’est là qu’il découvre la politique, non seulement au travers des conflits linguistiques belges, mais aussi au travers des témoignages d’étudiants sud-américains. Interpellé par les questions politiques et attiré par la liberté sexuelle, il renonce à la prêtrise et part pour le Brésil (juillet 1962), où il enseigne dans plusieurs collèges catholiques. À la suite de l’instauration de la dictature (1964), Detrez se retrouve mêlé aux mouvements d’opposition au régime, et y rencontre Carlos Marighela qui sera tué par la police en 1969. Avec Marighela, Detrez écrit un pamphlet politique, Pour la libération du Brésil. En 1967, Detrez est arrêté, emprisonné puis expulsé. À Paris, où il s’est réfugié et où il traduit du portugais en français plusieurs ouvrages politiques, il commence à écrire son autobiographie.

Après un bref retour à Rio de Janeiro et un passage éclair à Roclenge, Detrez prend la direction de l’Algérie où se trouve le quartier général de la résistance brésilienne. En 1971, il est condamné à deux ans de prison par le Brésil. Désabusé, il s’installe à Bruxelles en 1972. C’est à ce moment qu’il rédige Ludo, ainsi que Les plumes du Coq. Correspondant permanent à Lisbonne pour la RTB (1974), il rend compte de la Révolution des Œillets. De retour à Paris, il est critique littéraire et publie L’herbe à brûler. Ses confrères reconnaissent son talent et lui décerne le Renaudot (1978). Amnistié par le gouvernement brésilien en 1980, il s’empresse de retourner à Rio d’où il ramène un nouveau livre. En 1982, il sollicite la citoyenneté française. Il est alors nommé attaché culturel et scientifique auprès de l’ambassadeur de France au Nicaragua. Ce pays, en proie à une guerre civile, sera le théâtre de son roman La Ceinture de feu. Ce sera son dernier livre car la maladie l’emporte.

Dans Les Plumes du coq, un large passage consacré à Léopold III et aux grèves de l’été 1950 atteste une prise de conscience précoce des tensions internes à la Belgique. En 1965, Conrad Detrez signe, dans Combat, un article sur le fédéralisme et la politique internationale. « La Wallonie aspire à un rôle international ; elle doit défendre sa personnalité pour servir sa propre libération économique et celle d’autres régions ». Pour Detrez, « la Wallonie a servi de modèle à l’émancipation des peuples contre le capitalisme. Les exemples, quels qu’ils soient, sont avant tout wallons ».

Signataire du manifeste pour la belgitude (1979) – avec Folon, Alechinsky et une série d’autres artistes ironisant sur la reconnaissance des entités fédérées belges – à l’occasion de l’ouverture de la maison de la Wallonie à Paris, Conrad Detrez reviendra sur sa signature, en mars 1980. Il dit alors préférer le rattachement de la Wallonie à la France plutôt que d’être le parent pauvre d’un pouvoir flamand fort. En 1982, il signe une préface séparée, avec José Fontaine, du livre de photos : Il a plu sur le grand paysage d’Alexis Droeven.

 

Oeuvres principales
  • Pour la libération du Brésil, Paris, Éd. du Seuil, 1970 (en coll. avec Carlos Marighela) (écrits politiques)
  • Les mouvements révolutionnaires en Amérique latine, Bruxelles, Éd. Vie ouvrière, 1972 (écrits politiques)
  • Ludo, Paris, Calmann-Lévy, 1974.
  • Les plumes du coq, Paris, Calmann-Lévy, 1975.
  • L’herbe à brûler, Paris, Calmann-Lévy, 1978.
  • La lutte finale, Paris, Balland, 1980.
  • Le dragueur de Dieu, Paris, Calmann-Lévy, 1981.
  • Les noms de la tribu, Paris, Éd. du Seuil, 1981.
  • La guerre blanche, Paris, Calmann-Lévy, 1982.
  • Le mâle apôtre, Paris, Éd. Persona, 1982 (poésie)
  • La ceinture de feu, Paris, Gallimard, 1984.
  • La mélancolie du voyeur, Paris, Denoël, 1985.

 

Sources

Robert FRICKX, Conrad Detrez, Service du Livre luxembourgeois, 1992
Robert FRICKX, dans Nouvelle biographie nationale, t. 3, p. 138-143
Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 493
Jacques STIENNON, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995