Dulait Julien

Socio-économique, Entreprise

Gand 28/05/1855, Montigny-le-Tilleul 05/06/1926

Dans la famille Dulait, les charbonnages, les propriétés et les hauts-fourneaux de Charleroi n’ont guère de secrets pour les enfants de Nicolas Joseph ( ?, 1841) : Adolphe (1811-1874) fait carrière dans la houille, contribuant au développement du bassin de Charleroi ; Alexandre (1814-1903) a succédé à son père comme receveur puis inspecteur de l’enregistrement et des domaines à Charleroi ; son fils accèdera à la présidence des Forges de la Providence ; Jules (1823-1901), quant à lui, est surnommé le « médecin des hauts-fourneaux ». C’est dans ce milieu-là que naît Julien Dulait, deuxième des trois fils de Jules ; lui va plutôt s’intéresser à l’électricité.

L’invention de la dynamo par Zénobe Gramme a ouvert de multiples perspectives nouvelles (brevet déposé en 1871). Bricoleur inventif comme son illustre compatriote, ingénieur-électricien diplômé de l’École spéciale de Liège, l’Institut Montefiore (1878), Julien Dulait va se lancer dans des applications industrielles du brevet de Gramme – à l’instar de Joseph Jaspar à Liège –, non sans avoir d’abord construit des turbines hydrauliques de son invention dans les ateliers de son paternel. Engagé comme ingénieur-conseil auprès de la Compagnie générale d’Électricité, société fondée à Bruxelles en 1881 et qui fournissait l’éclairage des grands hôtels, Dulait reçoit des pièces à réparer dans son atelier de Charleroi ou se rend « sur chantier », dans des mines et des carrières. D’un séjour en Allemagne, où il étudie la dynamo de la firme Gulcher, il revient avec des projets d’agrandissement et d’investissement. Installant de nouveaux ateliers modernes à Marcinelle, il y construit une trentaine de dynamos. Dans le même temps, il électrifie certaines rues de Charleroi qui, pour la première fois en 1882, sont éclairées. En 1883, ce pionnier de l’industrie électrique crée le premier cours d’électricité annexé en 1883 à l’Ecole industrielle de Charleroi.

À partir de 1885-1886, à la tête de la SA Électricité et Hydraulique (E&H) qu’il vient de fonder, Julien Dulait étend sa clientèle et sa production, installe la première centrale électrique industrielle de Charleroi (1888) et s’intéresse aux tramways électriques, aux ascenseurs, aux machines d’extraction... Plusieurs lignes de tramways ont recours à ses services, tant en Belgique qu’en France, tandis que des charbonnages lui commandent des locomotives électriques spéciales, autant pour l’air libre que pour descendre dans les galeries. Pour monter la ligne escarpée entre Liège-Cointe, des moteurs spéciaux sont fabriqués par Dulait pour équiper des tramways. À la fin du XIXe siècle, le marché russe lui ouvre ses portes : Dulait y lance plusieurs projets, mais la crise de l’empire fera s’envoler les espoirs de l’investisseur wallon.

Néanmoins, de ses séjours en Russie, Julien Dulait ramène à Charleroi deux autres ingénieurs de talent, Zelenay et Rosenfeld : ensemble, ils mènent d’importantes recherches qui aboutissent à déposer des brevets relatifs à la traction tangentielle. Leur découverte est couronnée au  concours de Milan de 1902 et n’aura de réelles implications qu’à la fin des années 1960. En fait, cet exemple résume bien les activités de Julien Dulait. Il allie perfectionnement, inventivité et création à l’échelle industrielle, tant dans le domaine électrique qu’hydraulique. Il bénéficie des améliorations constantes de son époque, décroche des licences et apporte son savoir-faire. Ainsi met-il au point la « dynamo Dulait » appréciée dans l’industrie en raison de sa facilité et de son moindre coût ; il invente le pandynamomètre, appareil de mesure aussi simple qu’utile, ainsi que le « régulateur Dulait ». Dans de nouveaux ateliers et un hall construits à la fin du siècle, il fabrique des tramways électriques ; en 1900, il dispose à Jeumont, de l’autre côté de la frontière, de nouvelles installations.

Cependant, la concurrence étrangère est rude et la crise russe a des répercussions jusqu’à Charleroi. L’Allemand AEG (Allgemeine Elektrizitäts  Gesellschaft) vise à contrôler le marché de l’électricité en Belgique et tend à profiter des difficultés de la société E&H de Dulait. Pour contrer cette « menace », l’idée d’un grand groupe « défensif » est concrétisée en 1904 : la société E&H est absorbée par les Ateliers de Constructions électriques de Charleroi, les ACEC, sous le pilotage de l’industriel Édouard Empain qui apporte les capitaux nécessaires. Les ACEC sont promis à une expansion considérable dans toute une série de secteurs concernés par la fée « électricité » (matériels roulants, moteurs, matériels divers, etc.). Quant à Dulait, il devient le premier administrateur-délégué du service commercial de la nouvelle société, jusqu’à la remise de sa démission, en 1908. Ses fonctions d’administrateurs ou de commissaires dans une quinzaine de sociétés spécialisées dans l’acier, le gaz, l’électricité, les transports, la céramique, voire l’automobile, requéraient en effet tout son temps.

 

Sources

Jacqueline ROOZE-LOOZE, dans Biographie nationale, t. XXXIX, col. 268-278
Jean-Louis DELAET, dans Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 256-257
Ginette KURGAN, dans Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. II, p. 48, 93