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Dunker né Wilhelm Dünker William

Culture, Chanson

Charleroi 15/03/1959, Lodelinsart 25/06/2023

C’est au milieu des années 1980 que sort un 45 tours en wallon, Todi su’l voye, qui va connaître un succès exceptionnel… près de quinze ans plus tard, quand la chanson est reprise sur un album en format CD. Son interprète, William Dunker, est alors propulsé sous les feux de la rampe, tandis que le genre « chanson en wallon » perd soudain toutes les rides que l’on lui prêtait jusque-là. Du blues en wallon, c’était une vraie révolution ! D’autres succès suivront, faisant dire à Jean-Luc Fauconnier, président du Conseil des Langues régionales endogènes de la Fédération Wallonie-Bruxelles, que « Dunker a fait plus pour le wallon que toutes les écoles de dialectologie des universités ».

Orphelin à six ans, Wilhelm Dünker a grandi dans le pays de Charleroi. Après la Seconde Guerre mondiale, son père, d’origine allemande, et sa mère, d’origine italienne, s’étaient établis pour travailler dans la mine. En 1965, la silicose a raison du chef d’une famille de quatre enfants. À l’Université du Travail, la menuiserie, l’électricité et la comptabilité sont loin de passionner l’adolescent ; il cherche alors sa voie du côté de l’Académie des Beaux-Arts. Attiré par la comédie et le théâtre, il a l’oreille musicale et c’est en autodidacte qu’il joue sur sa première guitare, tout en chantant. Surnommé Alfred, il court les soirées du pays de Charleroi. Croisant la route d’André Gauditiaubois qui deviendra son parolier, celui-ci lui propose Black Country blues. Ce sera sa première chanson. Après avoir accompagné un temps Albert Delchambre, le jeune Dunker décide de former son propre groupe : Bar reprend les succès d’autres interprètes francophones ; avec sa guitare basse, Dunker commence à donner régulièrement des concerts.

À la ferme de Martinrou, à Fleurus, Bernard Tirtiaux associe Dunker à une comédie musicale humoristique (Tais-toi et chante) qui est un véritable succès. Surtout, elle réunit Marc Keyser, Michel Barbier, Alain Boivin et William Dunker qui décident de prolonger leur collaboration au sein d’un groupe baptisé Les Jules (1983). Leurs spectacles désopilants inaugurent un genre nouveau. Prix de la Presse au Festival du rire de Rochefort 1985, Les Jules connaissent quatre années intenses, avant de se séparer (1989). En solo, sous le nom de Monsieur Cerise, Dunker devient alors animateur pour enfants sur une péniche (le Gamel), tout en poursuivant la musique dans des styles très variés. Au début des années 1990, l’éphémère Triples buses ne renoue pas avec l’exaltation provoquée par Les Jules.

Encouragé par Albert Delchambre, Dunker se remet sur la route ; dans ses tiroirs trainent des textes et des chansons de qualité ; en 1984, au grand prix de la chanson wallonne, Todi su’l voye et Djan Pinson avaient raflé les mentions, mais pas le Grand Prix. Dans la deuxième moitié des années 1990, période marquée par de nombreux débats sur l’identité wallonne, Dunker sort un album complet, Trop tchôd, où Kevin Mulligan se charge des arrangements musicaux aux accents blues des Amériques (mars 1997). Reprenant toutes les chansons déjà citées, l’album contient aussi El mambo dèl Loke à rlokter, Hey et Trop tchaud. Mais c’est Todi su’l voye qui place Dunker sur orbite, comme en témoignent l’obtention d’un disque d’or et la quantité de salles de concert qui l’attendent. En 1998, les Francofolies à Spa sont un triomphe, puis une simple représentation au Québec se transforme en une tournée avec trois artistes de là-bas : « les Fabuleux Élégants » sortent même ensemble un album qui reçoit le « Félix du meilleur album country » 1998. Après son succès québecois (Djan Pinson reste deux mois n°1 du « hit-parade »), le groupe se lance en Europe dans une tournée de concerts qui repasse notamment aux Francofolies de Spa 1999.

En 2001, la collaboration Dunker-Gauditiaubois-Mulligan, auxquels s’ajoute Marty Townsend, donne naissance à un nouveau CD, Ey adon, mais c’est l’interprétation d’une chanson bilingue (Erein Eta Joan - D’ji Sènme è Dji M’e Va), wallon-corse, qui retient l’attention du public : William Dunker est alors associé au groupe corse I Muvrini. L’adaptation en wallon de « J’aime les filles » de Jacques Dutronc et de « I can Help » de Billy Swan marque l’année 2003. Son concert au Palais des Beaux-Arts de Charleroi (janvier 2004) fait l’objet d’un DVD. En 2007, Ca va bén est le troisième album du chanteur wallon qui se donne le temps de respirer entre chaque création : en 2015, il sort Vikant au Sablon, avec le titre I Faut k’dji m’èvaye, qui présente de nouvelles sonorités.

Il est vrai que de nombreux autres projets le sollicitent : la présentation de huit émissions télévisées Couleurs Carolo (récompensées par l’Intermedia Globe Silver Award au World Media Festival à Hambourg, 2011) ; le théâtre français lui offre des rôles à sa mesure (Les fourberies de Scapin, La Bonne planque, L’étroit mousquetaire, Feue la mère de Madame, Dormez, je le veux, etc.) et le cinéma l’imite (Au cul du loup) ; en 2013-2014, le William Dunker’s band voit le jour et donne plusieurs concerts. En quelques années, William Dunker s’est imposé comme l’un des ambassadeurs d’une chanson wallonne conciliant tradition et modernité, racines et ouverture au monde.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, dont Le Soir, 16 novembre 2002
Martial DUMONT, Planète Dunker, Bruxelles, Luc Pire, 2007
http://www.igloorecords.be/artists/william-dunker/ (s.v. mai 2016)