Goffin Hubert

Héroïsme

Ans 1771, Sclessin 8/07/1821

Depuis le XVIe siècle, le pays de Liège s’intéresse à l’exploitation du charbon, qu’en wallon on appelle la houille. Après avoir utilisé les couches de surface, il devient impératif de creuser des galeries, toujours plus profondes. Les puits de mine se multiplient et, parallèlement, les accidents dus aux éboulements, aux coups d’eau ou aux explosions due au grisou. Le 28 février 1812, dans la mine du Beaujonc, une exploitation située à Ans, dans la banlieue liégeoise, c’est un coup d’eau qui se déverse sur une équipe d’une centaine de mineurs occupés à creuser une galerie à 170 mètres de profondeur.

Proche du panier qui remonte la houille et les hommes (cuffat) vers la surface, Hubert Goffin, ouvrier expérimenté promu contremaître en raison de ses états de service, est en situation de sauver sa vie en actionnant le mécanisme de remontée. Il est aussi en mesure d’organiser les secours en cédant sa place dans le cuffat. 35 mineurs parviennent ainsi à revoir la couleur du ciel, tandis qu’une centaine d’autres tentent d’échapper à l’eau qui monte de plus en plus dans les galeries. Tout en imposant son autorité auprès d’hommes désespérés qui ne pensent qu’à sauver leur peau, Hubert Goffin conduit le groupe à un niveau plus élevé qui s’avère un cul-de-sac. Privés de nourritures et dans une atmosphère où l’air se raréfie, les hommes s’emploient à creuser un tunnel de salut. Pendant cinq jours, alors qu’en surface on a perdu l’espoir de les retrouver vivants, les mineurs emmenés par H. Goffin déploient l’énergie du désespoir et parviennent à retrouver un accès vers la lumière du jour. Au total, ce sont 70 autres hommes qui émergent ainsi de la terre, Hubert Goffin et son fils sortant les derniers.

Âgé de 41 ans, père de sept enfants, Hubert Goffin est salué en héros. Son acte héroïque fait rapidement le tour d’Europe napoléonienne. Une collecte à l’échelle de tout l’empire rassemble une somme permettant « d’indemniser » les familles des victimes. L’empereur lui-même est sensibilisé et décide d’accorder le titre de chevalier de la Légion d’honneur à Hubert Goffin, qui devient ainsi le premier ouvrier à recevoir cette distinction. La célébration a lieu à l’hôtel de ville de Liège, le 22 mars 1814 et est aussi l’un des derniers actes officiels posés par la France impériale en pays wallon. La portée du geste posé par Goffin dépasse sa petite personne. Il devient un « objet politique », comme le montre le titre de chevalier du Lion de Belgique que s’empresse de lui décerner, en 1815, le nouveau roi Guillaume des Pays-Bas.

Pour Hubert Goffin, certes honoré et bénéficiant d’une petite pension annuelle, les événements ne modifient guère son quotidien. Il continue à se rendre quotidiennement à la mine, jusqu’à ce matin du 5 juillet 1821 où, appelé à la rescousse pour éteindre un incendie à la houillère du Bois de Saint-Gilles, à Sclessin, il ne peut éviter une violente explosion due au grisou. Projeté contre la paroi, il meurt sur le coup. Seul, son fils Mathieu, qui l’avait accompagné dans son acte de bravoure, avait vu son existence bouleversée : Napoléon avait ordonné que l’adolescent fréquente les cours du Lycée de Liège, aux frais de l’État.

À diverses reprises, le souvenir du mineur Hubert Goffin, chevalier de la Légion d’honneur, a été l’objet de l’attention des particuliers ou des pouvoirs publics. L’Académie française proposa son exemple comme sujet d’un prix de poésie. En 1912, pour le centenaire du « miracle », un monument est érigé sur la place communale d’Ans, en l’honneur de Hubert et de Mathieu Goffin ; la sculpture est due à Oscar Berchmans. En 2012, une série d’initiatives rappellent, au-delà de l’héroïsme d’un seul, les conditions difficiles dans lesquels des milliers d’hommes furent amenés à travailler pour gagner leur vie et assurer la prospérité de leur région.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
L’Avenir wallon, 23 novembre 1916, p. 1
Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 433
Claude RAUCY, Hubert Goffin, chevalier de la mine, Ans, 2012