Lenoir Etienne

Conception-Invention

Mussy-la-Ville 12/01/1822, La Varenne Saint Hilaire 03/08/1900

Énoncer les multiples inventions d’Étienne Lenoir revient à lire les pages d’un bottin de téléphone. Le trait est certes exagéré mais, en tentant de cerner le personnage, Jean Pelseneer a réussi à identifier près d’une centaine de brevets déposés par cet autodidacte, né en Gaume et débarqué à Paris à l’âge de 16 ans sans aucune formation scolaire. Illettré, mais capable de percevoir le moyen d’améliorer et de perfectionner des techniques ou des objets, Étienne Lenoir fut bien sûr amené à exercer une multitude de petits métiers pour subsister, avant de trouver sa voie. 

Contrairement à ses illustres contemporains wallons (Gramme, Solvay ou Empain), ni la notoriété ni l’aisance ne vinrent récompenser l’imagination de l’inventeur : pourtant, au milieu du XIXe siècle et au cœur de la Révolution industrielle, Étienne Lenoir apporta une contribution majeure en déposant un brevet « Pour un moteur à air dilaté par la combustion du gaz de l’éclairage enflammé par l’électricité » (1860).

Après avoir été garçon de café, l’exilé parisien entre comme ouvrier dans une fabrique d’émaillage où il met au point un procédé permettant d’obtenir un émail blanc utilisé pour les cadrans de montre (1847). Il s’intéresse aussi à l’électrolyse et améliore la méthode électrolytique pour la fabrication de revêtements métalliques : la galvanoplastie. Ce procédé lui est racheté en 1851 par une firme parisienne chargée de la décoration de l’Opéra de Paris. Il soumet à des brevets d’autres inventions et améliorations de techniques existantes : amélioration du système de freinage électrique des wagons de chemin de fer (1855), système de signalisation pour le chemin de fer (1856), pétrin mécanique, régulateur pour moteur électrique, étamage du verre (1857). Mais il reste traversé par un objectif plus ambitieux : réaliser un moteur.

Ses visites fréquentes au Conservatoire des Arts et Métiers et les cours du soir gratuits qu’il suit en compagnie d’autres amis inventeurs lui permettent de passer à l’acte en 1859. Au sein de la Société des Moteurs Lenoir-Gautier et Cie à Paris qu’il vient de fonder avec un capital initial de deux millions de francs-or, il réunit toutes les données connues à l’époque et, en mécanicien ingénieux, parvient à mettre au point le premier moteur à combustion interne (23 janvier 1860). Détenteur d’un brevet d’exclusivité pour 15 ans, sa société produit plusieurs centaines de moteurs utilisés dans le bassin parisien. En août 1861, le premier bateau à moteur équipé d’un moteur Lenoir est présenté sur la Seine au roi Louis-Napoléon. « Il ne manquait que la compression à ce premier moteur à gaz industriel pour réaliser le cycle universellement adopté par la suite. En 1862, Lenoir remplace le gaz par le pétrole ». En septembre 1863, la première automobile Lenoir équipée d’un moteur à gaz de 1,5 CV effectue 18 kilomètres en 3 heures. Les moteurs ne cesseront d’être construits et améliorés jusqu’à la fin du siècle, sans assurer la prospérité de son inventeur qui continue à déposer des brevets dans divers domaines.

En 1878, le Prix Montyon de l’Académie des Sciences de l’Institut de France récompense ses travaux sur l’étamage du verre. Le Grand Prix d’Argenteuil de la Société d’Encouragement couronne ses recherches sur le tannage du cuir au moyen d’ozone (12.000 francs-or). En 1881, la IIIe République lui accorde la nationalité française et le distingue de la Légion d’Honneur pour services rendus lors du siège de Paris en 1870-1871 : l’appareil télégraphique qu’il a perfectionné a favorisé les communications internes. Qualifié d’ingénieur à la fin de sa vie, Étienne Lenoir est inhumé au cimetière du Père Lachaise et c’est surtout après sa disparition que l’on prit conscience de l’importance de son invention.
Les deux premiers moteurs construits par Lenoir sont exposés au Conservatoire national des Arts et Métiers à Paris, tandis que d’autres sont conservés dans des musées européens. 

Une plaque commémorative et un médaillon de bronze sont inaugurés au Conservatoire de Paris, et une plaque est apposée sur sa maison natale (1912) ; celle-ci est cependant détruite par les Allemands en août 1914 et un nouveau mémorial est inauguré le 18 août 1929, en même temps qu’un monument à Arlon. 

D’autres hommages sont régulièrement organisés pour célébrer le génie de celui qui contribua à la mise au point du tout premier moteur à explosion.

Sources

Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 191
Jean-Pierre MONHONVAL, Étienne Lenoir. Un moteur en héritage, Virton, Michel frères, 1985
Jean PELSENEER, dans Biographie nationale, t. XXXIII, col. 355-364
Histoire de la Wallonie, (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 406