© commons.wikimedia.org

Marissiaux Gustave

Culture, Photographie

Marles-les-Mines (Pas-de-Calais) 01/09/1872, Cagnes-sur-Mer 12/05/1929

Très tôt, Gustave Marissiaux se passionne pour la photographie qui devient à la fois son métier et l’art dans lequel il se distingue. Ayant connu le succès et la consécration de son vivant, l’artiste photographe wallon sera rapidement oublié après la Grande Guerre. Sa représentation du travail dans les charbonnages liégeois en 1904 et 1905 le fera renaître, dans les années 1980, par les historiens qui y trouvent des témoignages uniques d’une époque, avant qu’il ne retrouve la place qui lui est due dans l’histoire de la photographie européenne.

Alors que ses deux frères aînés sont nés à Seraing, ville natale de leur mère, Gustave Marissiaux voit le jour à Marles-les-Mines où son père, français, architecte, est attaché aux houillères du Nord de la France. En 1883, la famille s’établit à Cointe (Liège) définitivement et, en 1893, tous obtiennent la nationalité belge. Membre depuis 1894 de l’Association belge de Photographie, Marissiaux en sera un membre très actif, présentant ses épreuves, donnant des conférences et offrant des projections lumineuses. Dès 1895, il réalise ses premières photographies artistiques dans les Ardennes, en Artois et en Flandre, influencé par l’anglais Peter Henry Emerson. Ayant définitivement abandonné ses études de Droit pour se consacrer à son art, il s’installe comme photographe professionnel en 1899, et dispose rapidement d’une solide réputation tant de portraitiste que d’« artiste photographe ».

Il multiplie les recherches et les essais pour parfaire les procédés et techniques photographiques, avec succès ; de nombreuses récompenses entourent en effet la présentation de ses œuvres lors de grandes expositions internationales. En 1903, un spectacle inédit est accueilli triomphalement à Liège : la projection de photographies de Venise est accompagnée de la lecture d’un texte poétique et d’une musique originale interprétée par un chœur et un petit orchestre. Marissiaux poursuivra dans le genre, mais pas seulement. 

Dès 1904, il est reconnu comme le chef de file de l’école pictorialiste en Belgique. Ce succès lui vaut une commande exceptionnelle émanant du puissant Syndicat des charbonnages liégeois : dans la perspective de l’Exposition universelle qui doit se tenir à Liège, en 1905, les patrons de houillères veulent mettre leurs activités industrielles en évidence. Aux antipodes de ses réalisations habituelles, Marissiaux doit illustrer, sans les déformer, toutes les phases du travail exécutées dans les 27 charbonnages liégeois ; les dix séries de 150 vues serviront de vitrine de l’industrie minière de Liège. Pendant plusieurs mois, Marissiaux qui pratique pour la première fois la stéréoscopie, se crée un style qui va ravir le public. La Houillère est un vrai succès, couronné par un Grand Prix de l’Exposition de 1905.

Jusqu’en 1922, en plus d’exposer dans des salons d’art photographique, Marissiaux présentera régulièrement Venise et La Houillère à travers l’Europe, y ajoutant à partir de 1908 La Bretagne. Esquisse de la vie armoricaine et Scènes grecques (un photomontage étonnant). Les soirées de projection « Marissiaux » sont des succès assurés ; à Liège, ils s’imposent comme des rendez-vous mondains. Durant l’automne 1908, est publié son album Visions d’Artiste (avec une préface d’Auguste Donnay) qui, lui aussi, est un réel succès. Il travaille aussi beaucoup sur les techniques, cherchant un procédé de photographie en couleur qu’il va pratiquer à partir de 1911 à partir de la méthode de l’Anversois Joseph Sury. 

En mai-juin 1914, il expose à Liège des photographies en couleurs, selon le procédé Sury : il s’agit d’une première car le procédé Sury est toujours secret. La Grande Guerre freine l’activité du photographe qui connaît une période difficile à la suite de la perte brutale de nombreux membres de sa famille ; il photographie fort peu durant l’occupation allemande. Pour Charles Radoux, un ami de longue date, il photographie quelques tableaux vivants de Noëls wallons en 1917, et se consacre à la mise en forme de petits albums consacrés aux Petites villes d’Italie, à la suite de plusieurs voyages effectués notamment en Toscane avant la guerre. Après l’Armistice, il accepte de se rendre sur plusieurs anciens champs de bataille ou dans des villages en ruines, où il prend une série de clichés. Malade et ruiné par la suite du plongeon des actions russes, il enregistre aussi une baisse très forte de sa clientèle ; il cherchera le repos dans le sud de la France, à Cagnes-sur-Mer, où il décède en 1929, laissant une œuvre exceptionnelle qui ne sera redécouverte qu’à la fin du XXe siècle.

Sources

Marc-Emmanuel MELON, Gustave Marissiaux. La possibilité de l’art, Charleroi, Musée de la Photographie, 1997
Marc-Emmanuel MELON, Paradoxe esthétique et ambiguïtés sociales d’un documentaire photographique : La Houillère de Gustave Marissiaux (1904-1905), dans Art et industrie, Art&Fact, numéro 30, Liège, 2011, p. 146-156
Yves MOREAU, dans Nouvelle Biographie nationale, t. II, p. 270-271