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Roggeman Jean

Socio-économique, Syndicat

Juslenville-Theux 09/04/1872, Dison 28/03/1928

Surnommé le « Père du syndicalisme verviétois », Jean Roggeman est entré dans l’histoire sociale de la Wallonie en affrontant le monde patronal dans un conflit particulièrement dur, en 1906, au terme duquel il obtient la signature de la première convention collective à long terme du pays. Grand connaisseur des théories socialistes de son temps, il marque son temps par une plume journalistique constamment au service de ses idées syndicales.

Son père, tisserand gantois, avait quitté les bords de l’Escaut dans l’espoir de trouver du travail à Verviers, capitale mondiale de la laine. Il y avait rencontré une Wallonne et le couple aura 9 enfants. Installé au début des années 1870 à Andrimont, Jean Roggeman y fait sa scolarité primaire dans la toute nouvelle école Fonds-de-Loup, mais très vite les apprentissages accaparent le tout jeune adolescent qui travaille chez des commerçants et des artisans, et jamais en usine. Son maigre salaire est bien utile à la famille quand il est tiré au sort pour le service militaire (cinq ans à Anvers). À peine rentré à Verviers (1900), il lance un journal destiné à mobiliser la classe ouvrière. À la périodicité mensuelle, cette gazette est écrite entièrement par Jean Roggeman, entouré de quelques dévoués.

De longue date, le bassin de vie de Verviers est réputé pour la capacité de ses travailleurs à s’organiser et à défendre de meilleures conditions de travail. Au cœur du XIXe siècle, quand l’activité industrielle bat son plein dans le secteur du textile, les organisations ouvrières qui se mettent en place sont inspirées par les courants anarchistes, fédéralistes et autonomistes ; les Verviétois jouent un rôle majeur au temps de la Ière Internationale. À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, cet esprit est toujours présent, mais les efforts trop dispersés n’ont pas abouti à une organisation solide. Avec Jean Roggeman, le monde du travail verviétois va trouver une personnalité hors du commun, capable de structurer le mouvement ouvrier en s’appuyant au départ sur le groupe des tisserands.

Son coup d’éclat le plus spectaculaire est, assurément, l’épreuve de force qui oppose, pendant plusieurs mois en 1906, la Fédération des patrons du textile et la Confédération syndicale de Verviers. Cette dernière a été créée par Roggeman en 1902. Elle s’appuie notamment sur le journal syndical Le Tisserand créé en 1900, devenu rapidement Le Travail (mars 1901), et qui aura une parution quotidienne à partir de 1906 (ce journal ne cessera de paraître qu’en 1979). C’est autour de ces journaux que s’organise véritablement une structure syndicale ouvrière à Verviers, indépendante du POB : l’Association générale des Tisserands (1900) et la Fédération de la laine peignée (1901) forment la Confédération syndicale (1902) en englobant des corporations de métiers et en déployant des services mutuellistes et plusieurs caisses (chômage, résistance, décès, etc.). Divers succès assurent la stabilité de la Confédération et en 1905 naît un Comité syndical d’action et de propagande général ; la puissance syndicale ouvrière est en pleine expansion quand elle s’oppose avec force et détermination au lock-out total des patrons du textile. Durant l’épreuve de force de 1906, Jean Roggeman est l’un de ses leaders et forcera son homologue patronal à la signature d’un accord historique : il s’agit en effet de la toute première convention collective à long terme ; se constitue pour la première fois un organisme permanent de conciliation entre patrons et ouvriers.

Partisan de l’indépendance syndicale à l’égard de la structure politique du POB, défenseur de la neutralité syndicale, Jean Roggeman ne cache pas sa sympathie pour les idées socialistes ; en raison du soutien apporté par le POB aux forces syndicales durant l’année 1906, il accepte d’être candidat au scrutin communal d’octobre 1907 et il est élu conseiller communal de Dison. En vue du scrutin législatif de 1908, il n’est cependant pas retenu par les instances verviétoises du POB. Indépendamment des éléments circonstanciels, Roggeman défend des principes majeurs et n’hésite pas à s’opposer fortement avec Émile Vandervelde. Entre le « patron » du POB et le leader du Mouvement syndical de Verviers, les joutes sont homériques, même si les deux hommes se respectent profondément. Le débat est essentiellement idéologique. Et le Bruxellois aura le dessus.

Au lendemain du scrutin communal d’avril 1921, Jean Roggeman entre au collège échevinal disonais ; il est chargé des Finances sous la conduite du bourgmestre Jules Hoen. Il rejette cependant toute autre présence sur des listes du POB aux législatives. Le syndicaliste tient trop à son indépendance et sa force réside principalement dans les articles qu’il distille dans Le Travail. Ainsi, adversaire de Jacqmotte, Roggeman pourfend les idées communistes dans plusieurs éditoriaux et signe la brochure La politique communiste devant le syndicalisme verviétois où il développe son point de vue (1922).

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. II, p. 186
Maria ROGGEMAN, Jean Roggeman : travail de deuil, dans Annales de la Fondation Adolphe Hardy, Dison, 1995, n°5, p. 93-100
René BONAVENTURE, Parti socialiste et Mouvement syndical à Verviers, 1893-1914, Université de Liège, Mémoire inédit, 1962, en particulier p. 121-166, 194-226

Mandats politiques

Conseiller communal de Dison (1907-1928)
Échevin (1921-1928)