Simenon Georges

Culture, Littérature

Liège 13/02/1903, Lausanne 6/09/1989

Parmi les personnalités marquantes de Wallonie, la signature de Georges Simenon s’impose sans conteste. Né à Liège, le romancier s’est fait un nom à Paris ; installé en Amérique puis finalement en Suisse, il jouit d’une indéniable réputation internationale sans que ne soit rompu le lien avec sa région natale. L’œuvre du maître du roman policier est en effet parsemée de références à ses années passées en bord de Meuse.

En ouvrant Pédigrée, par exemple, cette chronique d’une famille liégeoise vivant entre 1903 et 1918, que l’écrivain a écrite pendant la guerre et publiée en 1948, on rencontre le jeune Simenon, sous les traits de Roger Mamelin, bon élève de l’Institut Saint-André en Outremeuse, étudiant au Collège des Jésuites qui rêve de devenir officier, et enfin l’adolescent qui abandonne ses études à l’annonce de la grave maladie de cœur de son père : il a quinze ans quand la Grande Guerre s’achève et il doit gagner sa vie. 

Apprenti-pâtissier, commis dans une librairie, le jeune garçon qui est un grand lecteur trouve sa voie dans le journalisme, à La Gazette de Liège. Au gré des reportages, un nouveau monde se révèle à lui, celui des commissariats de police, celui des théâtres, des conférences... Sous le nom de Monsieur le Coq, il signe un billet quotidien : « Hors du poulailler », qui ne manque pas de sel. Plaçant quelques nouvelles dans diverses revues, la plume de Monsieur le Coq s’attache à faire sourire à la lecture des mœurs liégeoises dans Au Pont des Arches ; sous le pseudonyme de Georges Sim, illustré par des copains et publié à compte d’auteur, ce petit roman constitue sa première publication (1921), le premier d’une longue série. Si les premiers écrits publiés sous divers pseudonymes sont surtout « alimentaires », Georges Simenon qui part s’installer à Paris dès 1923 produit à un rythme forcené des contes légers, des nouvelles et des romans d’aventures qui construisent son écriture et son univers.

Sans grande importance lorsqu’il apparaît pour la première fois dans Le Train de nuit (1930), le personnage de Maigret va s’imposer de manière centrale dans l’œuvre de Simenon à partir de Pietr-le-Letton (1931), composé aux Pays-Bas, puis du Pendu de Saint-Pholien. Si des « affaires criminelles » liégeoises constituent la matière de ses romans, Simenon a besoin de voyager pour nourrir son inspiration. Comme ses romans, il fait le tour du monde. Après un séjour près de La Rochelle (1938-1945), il part pour le Canada puis les États-Unis. Pendant dix ans, il séjourne en Amérique (1945-1955), avant de s’installer à Lausanne (1957), au bord du lac Léman, où il achève paisiblement ses jours. En 1972, il avait décidé de ne plus écrire. En lieu et place de la dactylographie, il utilisera un magnétophone et alimentera de ses réflexions les Dictées publiées en 21 volumes.

Si l’influence de ses vingt premières années passées à Liège transparaît dans nombre de ses ouvrages, le talent de Simenon réside surtout dans sa manière de donner vie à des gens ordinaires, en qui chacun peut se reconnaître, qu’il les situe sous des cieux d’Amérique ou d’Europe. Cette volonté sobre de réalisme quotidien, même en situation de conflit, est l’une des clés du succès littéraire rencontré par l’écrivain prolifique. Romancier le plus traduit du siècle, Simenon a été une véritable « machine à écrire ». Menée tambour battant, l’intrigue de ses romans policiers ne peut faire oublier les dons d’observation, la peinture réaliste de la société du XXe siècle, ni même la psychologie des personnages confrontés avec des événements exceptionnels. Avec une apparente indifférence, les meilleurs de ses romans et la série des Maigret (au total plus de 300 titres en 34 ans) brossent un panorama du temps comme Balzac et Zola l’ont fait pour leur époque. Un grand nombre de ses livres sont adaptés au cinéma, conférant une dimension supplémentaire à l’œuvre de l’écrivain qui accepte volontiers de participer à des jurys de festival.

En 1977, Simenon fait don de ses archives littéraires à l’Université de Liège. Avec Jacques Dubois et Jean-Marie Klinkenberg, le professeur Maurice Piron crée le Fonds Simenon et un Centre d’études consacré à l’écrivain. Ce sont aussi des professeurs liégeois (Jacques Dubois et Benoît Denis) qui éditent une sélection des romans de Simenon en trois tomes dans la collection de la Pléiade. Quant aux autorités publiques liégeoises, elles accordent une très grande importance à leur illustre citoyen, notamment en 2003, décrétée année Simenon.

Sources

DELBOUILLE Paul, Nouvelle Biographie nationale, t. IV, p. 354-359
ASSOULINE Pierre, Simenon, Paris, éd. Julliard, 1992
Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
CAMUS Jean-Christophe, Simenon avant Simenon. Les Années de journalisme (1919-1922), Bruxelles, Didier-Hatier, 1989.
Centre d’études Georges Simenon, Simenon, l’homme, l’univers, la création, Bruxelles, Complexe, 2002
RICHTER Anne, Simenon sous le masque, Bruxelles, Racine, 2007
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. III
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. IV