Solvay Ernest

Conception-Invention, Chimie, Socio-économique, Entreprise

Rebecq-Rognon 16/04/1838, Ixelles 26/05/1922

Groupe chimique de taille mondiale, Solvay porte le nom de l’inventeur de la soude, du moins du procédé de la fabrique industrielle du carbonate sodique, désormais couramment appelée la Soude Solvay.

Là est tout le génie du jeune Solvay, esprit curieux qui, après une formation pratique en comptabilité, commence à travailler en tant qu’« apprenti-directeur » dans l’usine à gaz de son oncle où il apporte maints perfectionnements, notamment la récupération de l’ammoniaque. Une expérience lui permet d’obtenir du carbonate de soude et, conscient du parti qu’il peut tirer de sa découverte, l’autodidacte prend un premier brevet (1861). Après d’innombrables démarches et l’aide financière d’Eudore Pirmez et de proches, il réussit à mettre en route, à Couillet, le processus de la fabrication industrielle du carbonate sodique à l’ammoniaque ; il connaissait le problème mieux que quiconque, son père ayant été raffineur de sel après avoir été carrier. La qualité principale de son produit est de remplacer dans l’industrie le carbonate de sodium trop rare à l’état naturel (1865) ; de surcroît, le procédé récupère l’ammoniaque des cokeries. La soude est un composé essentiel dans de nombreuses applications industrielles, comme la fabrication du verre ou la métallurgie.

De 200 kg en 1865, la production journalière de la soude Solvay passe à 3 tonnes en 1867 ; en 1888, le groupe atteint une production annuelle de 350.000 tonnes. En 1900, il fournit 95 % de la production mondiale... L’Exposition universelle de Vienne (1873) a consacré la Société Solvay & Cie qui acquiert progressivement une dimension internationale depuis son centre historique de Couillet (du moins jusqu’à l’entame du XXIe siècle) et s’impose comme l’un des géants de l’industrie chimique.

Le procédé Solvay nécessite du calcaire, de la houille et du chlorure de sodium. En investisseur averti, l’industriel wallon fonde des usines là où il rencontre ces matériaux : en Lorraine française d’abord, en Angleterre, en Allemagne, en Autriche et aux États-Unis ensuite. C’est tout un empire industriel et commercial qui est créé autour du brevet, mais Solvay fait œuvre de novateur aussi dans ses méthodes de gestion en établissant une collaboration étroite entre ses diverses usines, en s’associant avec des hommes d’affaires locaux, en contrôlant strictement chaque stade de la fabrication et en autofinançant son expansion exceptionnelle. L’odyssée familiale des Solvay est certainement la plus grande réussite wallonne tant en matières industrielle, technologique que financière. À la veille de la Grande Guerre, l’empire Solvay possédait des soudières, des gisements de minerais, des salines, des charbonnages, et des fours à coke aux quatre coins du monde industrialisé.
Fondateur de l’Institut de Physiologie et de celui de Sociologie à l’Université libre de Bruxelles, ainsi que des Instituts internationaux de Physique et de Chimie, Solvay contribue au prodigieux développement international de la science au début du XXe siècle. Tous les trois ans, il réunit à Bruxelles un Conseil d’une vingtaine de spécialistes qui discutent, entre eux, pendant une semaine, d’un problème d’actualité soigneusement préparé par d’éminents rapporteurs. Ainsi, en 1911, le Conseil de Physique réunit-il onze Prix Nobel (notamment Marie Curie, Einstein, de Broglie, Planck, Langevin, Rutherford). 

Capitaine d’industries comme le XIXe siècle en a produit quelques-uns en Wallonie, Solvay introduit par ailleurs des réformes sociales hardies en introduisant de sa propre initiative des retraites ouvrières (1899), en limitant le temps de travail à 8 heures (1908), en accordant des congés payés (1913), et pratiquant le recyclage professionnel... Créateur de nombreuses œuvres sociales, mécène généreux et diversifié (Maison du Peuple, Université du Travail, expédition de Gerlache…), il est parmi les fondateurs du Comité national de Secours et d’Alimentation (1914), qui joue un rôle considérable dans le ravitaillement de la Belgique durant la Grande Guerre. Il en a été remercié par une nomination en tant que ministre d’État à l’heure de l’Armistice (1918). Cela conférait encore plus d’influence à celui qui avait été par deux fois sénateur libéral de l’arrondissement de Bruxelles (1892-1894, 1897-1900) et avait soutenu le journal L’Indépendance belge.

Sources

WIRTZ-CORDIER Anne-Marie, Nouvelle Biographie nationale, t. III, p. 304-312
Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
POTELLE Jean-François, Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Histoire, Economie, Société), Bruxelles, t. II
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. IV
La Wallonie à l’aube du XXIe siècle, Namur, Institut Destrée, Institut pour un développement durable, 2005

Mandats politiques

Sénateur (1892-1894, 1897-1900)
Ministre d'État (1918)