Wauters Joseph

Politique

Rosoux-Crenswick 08/11/1875, Uccle 30/06/1929

Petit cultivateur dans les riches terres de Hesbaye, le père Wauters quitte le village de Rosoux pour s’installer à Waremme, y ouvrir une boucherie et tenir un négoce de bétail et de semences. C’est dans la capitale de la Hesbaye que Joseph Wauters, aîné de dix enfants, peut entreprendre des études à l’École moyenne. Vu l’excellence de ses résultats, il poursuit sa scolarité à l’Athénée de Liège, avant d’obtenir une licence à la Faculté des Sciences de l’Université de Liège (1898). Continuant sur sa lancée, il est nommé assistant et défend avec brio une thèse de doctorat en Sciences physiques et chimiques (1901). Professeur à l’École de Tannerie, adjacente aux bâtiments de l’Université, il devient le responsable du laboratoire de recherches pour l’industrie du cuir. Auteur de contributions scientifiques, il participe à plusieurs congrès européens, et, en raison de sa spécialisation, est choisi comme secrétaire adjoint de la Bourse aux Cuirs de Liège, ainsi que comme secrétaire de la section belge de l’Association internationale des Chimistes des Industries du cuir. Un tel parcours, rapide et brillant, n’est qu’une facette, certainement la moins connue, de la vie de Joseph Wauters. Car son nom est traditionnellement attaché aux avancées sociales les plus hardies du XXe siècle : ministre de l'Industrie et du Travail, il est considéré comme le père d’une série de lois sociales préfigurant un système de sécurité sociale, après l’inscription du suffrage universel dans la Constitution (1919).

La « combinaison » entre l’élément chimique et le facteur politique s’est réalisée dès les années 1890 passées à Liège : secrétaire du Cercle des Étudiants socialistes de l’Université, membre de la Générale des Étudiants, J. Wauters se révèle un orateur doué, notamment lorsqu’il s’agit de défendre le principe du suffrage universel. Séduit par la Charte de Quaregnon (1894), il retient l’idée d’un collectivisme préservant la propriété privée, mais dans une juste répartition, et surtout celle de la coopération. Tout en encourageant la formation de syndicats de défense des intérêts ouvriers (surtout des paveurs), il fonde une mutuelle destinée à la fois à supporter les soins médicaux pour les humains et à se prémunir contre la mortalité du bétail (1895). Cofondateur de la coopérative « La Justice » en 1898, il implante progressivement mais solidement la mercerie/boulangerie dans sa Hesbaye agricole. Tout en plaidant pour l’action commune des forces syndicales, politiques et mutualistes, il milite encore en faveur d’un enseignement obligatoire et gratuit pour les enfants, et en faveur d’un enseignement professionnel et technique. Dans la foulée des mesures entreprises par le docteur Ernest Malvoz, Joseph Wauters dote la région de Waremme d’un sanatorium, d’un hôpital, etc.

La démission du député Pascal Braconier (nommé sénateur provincial) ouvre les portes de la Chambre des représentants au jeune Joseph Wauters. Son maiden speech porte sur les conceptions socialistes en matière fiscale, mais son intervention en faveur des ouvriers agricoles marque ses collègues (1909). Député de l’arrondissement de Huy-Waremme, il n’est cependant pas reconduit le 2 juin 1912. Peut-être est-ce pour cette raison qu’il ne siège pas à l’Assemblée wallonne. Lors des élections partielles de mai 1914, il retrouve un siège qu’il occupera jusqu’à son décès. Ephémère conseiller communal (1909-1910), il abandonne ses fonctions universitaires au moment où, député, il prend la direction du journal socialiste Le Peuple (1910), quotidien auquel il collaborait depuis 1900. La politique l’a emporté sur les sciences.

Délégué du POB auprès du gouvernement du Havre dès les premières semaines de la Grande Guerre, il contribue à la constitution du Comité national de secours et d’alimentation et, en dépit de l’occupant, défendra ses principes et ses valeurs durant les quatre ans de guerre. En 1919, il est fait Grand Officier de la Légion d’Honneur. À l’heure de l’Armistice, Joseph Wauters, qui avait à plusieurs reprises réclamé la constitution d’un gouvernement d’union nationale, est désigné à une fonction ministérielle dans l’équipe Delacroix. En charge du Ravitaillement, de l’Industrie et du Travail, il peut être considéré comme le premier socialiste élu en Wallonie à siéger dans un gouvernement belge en temps de paix. Son sens de l’organisation excelle aux difficiles moments de la reconstruction : il contribue à rétablir les moyens de circulation, à approvisionner la population et instaure une forme d’assurance-chômage volontaire, des bourses de travail, des commissions paritaires d’industries, et un Fonds national de crises. On lui attribue aussi volontiers la paternité de l’index, le fameux indice des prix à la consommation qui, sur base de l’analyse de l’évolution du prix d’un certain nombre de produits de consommation quotidienne, permet une adaptation des salaires proportionnée. En 1920, il parvient à faire adopter une loi garantissant une pension de vieillesse pour les salariés de 65 ans. Il contribue à la création de la société nationale des habitations à bon marché. En 1921, l’article 310 du code pénal qui limitait abusivement le droit de grève est abrogé, tandis qu’est votée la loi du 14 juin obligeant la journée des 8 heures et la semaine des 48 heures sans diminution de salaire : un fameux succès pour le monde du travail.

Malgré ou à cause de ce bilan, le POB se retrouve dans l’opposition entre 1921 et 1925, mais quand se constitue le Cabinet Poullet bipartite, J. Wauters retrouve son ministère de l’Industrie et du Travail, avec la Prévoyance sociale (17 mai 1925-20 mai 1926), qu’il conserve dans le Cabinet tripartite Jaspar I (20 mai 1926-21 novembre 1927). Prenant une part active dans la lutte contre la crise monétaire, il s’efforce de consolider les acquis sociaux et d’introduire une série d’autres mesures, dont la plus marquante est la signature de la Convention internationale du travail sur la journée des 8 heures. L’alliance avec les catholiques et les libéraux ne dépassera pas l’année 1927 condamnant le POB à l’opposition jusqu’en 1935. Mais les 18 mois passés au gouvernement ont été suffisants pour conforter la réputation du ministre socialiste de Huy-Waremme, décédé prématurément des suites d’une longue maladie en 1929.

Ses funérailles ont été quasi nationales et, d’emblée, le nom de Joseph Wauters entre dans la mémoire collective comme celui d’un grand homme ayant contribué à aider durablement tous ses contemporains, avant, pendant et après la Grand Guerre. À l’entame du XXIe siècle, une centaine de rues portent encore son nom dans toute la Wallonie (contre aucune en Flandre) et, en 2005, dans le cadre du 175e anniversaire de la Belgique et d’un « jeu-concours » organisé par La Meuse et RTL pour désigner « le Belge des Belges », Joseph Wauters arrivait en cinquième position et comme premier Wallon.

Sources

Hubert LABY, Joseph Wauters, dans Grands hommes de Hesbaye, Remicourt, éd. du Musée de la Hesbaye, 1997, p. 87-91.
Léon DELSINNE, Joseph Wauters, dans Biographie nationale, t. XXXIII, col. 730-737.

Mandats politiques

Conseiller communal de Waremme (1909-1910)
Député (1908-1912, 1914-1929)
Ministre (1918-1921, 1925-1927)