Institut Destrée - P. Delforge © Sofam

Monument Salvador ALLENDE

Jusqu’en 2001 et l’attentat des deux tours à New York, la date du 11 septembre symbolisait principalement le coup d’État dont le Chili avait été la victime en 1973 ; le président régulièrement élu Salvador Allende était renversé et assassiné par Augusto Pinochet. 

À la jeune démocratie chilienne ainsi écrasée succédait une longue dictature. Le temps n’efface pas des mémoires le retentissement d’un événement dont la dimension est sans conteste internationale. À travers le monde, les protestations sont nombreuses et prennent des formes diverses. Ainsi assiste-t-on à l’érection de monuments ou à la désignation de noms de rue en l’honneur de « Salvador Allende ». Les occurrences sont telles à travers le monde qu’un site les répertorie (www.abacq.org/calle). 

En Wallonie, plus d’une vingtaine de rues, boulevards, squares ou allées portent le nom d’Allende, tandis que des réfugiés chiliens sont à l’initiative de plusieurs monuments, en province de Liège comme en Hainaut.

Ainsi en est-il à Romsée, commune de l’entité de Fléron, où un monument a été érigé sur le square… Salvador Allende, en 1979 et inauguré le 11 septembre 1979. Sur une imposante pierre brute en granit a été apposée une plaque de schiste sur laquelle est gravée la mention suivante :

SALVADOR ALLENDE
1908 – 1973
ASSASSINE
PAR LE FASCISME
AU CHILI

Un arbre a été planté à l’arrière du monument, un carré étant formé tout autour par une haie basse.

Depuis cette date de 1979, chaque année, les autorités communales de Fléron et l’Union socialiste communale organisent un hommage qui réunit des sympathisants à l’occasion de prises de parole et du dépôt de fleurs. La situation politique au Chili, la politique belge et locale, la lutte contre l’extrémisme et la résurgence des idées nauséabondes sont au centre des différents discours.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Renseignements communiqués par Marc Cappa (novembre 2015)
www.abacq.org/calle (s.v. mars 2015)

Square Allende
4624 Romsée (Fléron)

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Buste de Félicien Yernaux

Buste de Félicien Yernaux.
16 septembre 1934, Réalisé par les élèves de l’École, avec l’aide de Hector Brognon.

Ce sont les élèves de l’École industrielle d’Écaussinnes, vraisemblablement aidés par leur professeur, le sculpteur Hector Brognon, qui ont réalisé, avant la Seconde Guerre mondiale, les bustes d’Ernest Martel et de Félicien Yernaux que l’on peut encore voir aujourd’hui depuis la rue Ernest Martel, dans la cour d’entrée de l’actuelle École Industrielle et Commerciale d’Écaussinnes. La juxtaposition de ses deux bustes peut apparaître quelque peu étonnante au vu du passé des deux personnages. Actif syndicaliste du secteur des carrières, Ernest Martel s’était signalé par son opiniâtreté dans la défense des intérêts des ouvriers carriers. Face à ce leader socialiste, Félicien Yernaux (1854-1943) était, au contraire, un des patrons des célèbres carrières d’Écaussinnes, certes à l’écoute de certaines revendications de ses ouvriers, mais pas du tout sensible au discours syndical et politique des socialistes locaux. D’ailleurs, en 1910, Félicien Yernaux participe à un important mouvement de lock-out décidé par les 18 maîtres de carrières de l’Association des Maîtres de carrières d’Écaussinnes, Marche-lez-Écaussinnes, Feluy et Arquennes, solidaire avec la direction du Levant ; les patrons réagissent ainsi à une grève générale décrétée par l’organisation syndicale d’Ernest Martel. Mouvement destiné à raffermir l’autorité patronale face aux ouvriers de mieux en mieux organisés, le lock-out va durer de juin 1909 à janvier 1910. Après 37 semaines de bras de fer, le travail reprendra, mais laissera des traces.

Une trace positive de ce conflit social est notamment la transformation de l’École locale de dessin en une École industrielle. L’utilité d’une telle école était défendue de longue date par Ernest Martel, et les maîtres de carrières acceptent finalement de soutenir sa création. Il semble que c’est à cette époque que Félicien Yernaux est désigné pour devenir le premier président de la Commission administrative de l’École industrielle et commerciale d’Écaussinnes. Il exerce cette présidence jusqu’en 1933, année où il est remplacé par… Ernest Martel. Destiné à former la jeunesse aux métiers de la région, cet établissement symbolise en quelque sorte l’accord qui pouvait régner entre l’industriel et le syndicaliste. La juxtaposition des bustes de Yernaux et de Martel renvoie dès lors davantage au fruit de leur collaboration, qu’aux distances idéologiques évidentes qui existaient entre ces deux personnalités marquantes de la région. L’idée des bustes est née au moment du passage de relais entre les deux hommes et leur inauguration remonte au 16 septembre 1934.

Attribué aux élèves de l’École, le buste doit certainement surtout au sculpteur et architecte Hector Brognon (Bois d’Haine 1888 – Bois d’Haine 1977) qui est professeur dans l’établissement. Surnommé récemment « le Rodin de Bois d’Haine », Brognon avait l’habitude de prêter ses services dans la réalisation de monuments ou de bustes réalisés par ses élèves ou par ses amis. Au sortir de la Grande Guerre, il jouit d’une solide réputation dans le Hainaut en raison de sa parfaite connaissance de la pierre bleue d’Écaussinnes. Plusieurs commandes de bustes et de statues lui parviennent, ainsi que des monuments aux morts et aux héros des deux guerres destinés aux places publiques (Écaussinnes-d’Enghien) ou aux cimetières (les « Martyrs de Tamines » en 1926, ou le bas-relief Ernest Martel en 1939). Brognon est encore l’auteur du monument dit de Marguerite Bervoets à La Louvière et a participé à la décoration des frontons et panneaux de l’hôtel de ville de Charleroi (côté rue de Turenne et rue Dauphin).

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Archives
Informations aimablement communiquées par la bibliothèque d’Écaussinnes et le Cercle d’Information et d’Histoire locale (l’abbé Jous et son frère)
Claude BRISMÉ, Ernest Martel (1880-1937), dans Le Val Vert. Bulletin trimestriel du Cercle d'Information et d'Histoire locale des Écaussinnes et Henripont, Écaussinnes-Lalaing, 1988, n° 64 ; 1989, n° 65-67
Claude BRISMÉ, Histoire des Écaussinnes, recueil n°15 du Cercle d’information et d’histoire locale, 2010
Léon BAGUET, dans Le Val Vert, 1990, n°69, p. 12
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 155
Guy SYMOENS, Hector Brognon (1888-1977) le Rodin de Bois d’Haine, dans Les Cahiers du Grand Manage, 2009, n°56
http://www.eic-ecaussinnes.be/historique_suite.html (s.v. février 2014)

Buste de Félicien Yernaux – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Cour de l’École commerciale et industrielle
Rue Ernest Martel 6
7190 Ecaussines

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument WINCQZ

Monument Wincqz ; 18 septembre 1881. 
Réalisé par Albert Hambresin.


Au cœur de Soignies, dans une rue qui porte son nom, un imposant monument honore Pierre-Joseph Wincqz (1811-1877) qui marqua l’histoire de sa région au milieu du XIXe siècle par ses activités industrielles et politiques. Confiée au sculpteur Albert Hambresin (Willebroek 1850 – Genval 1937), sa statue a été inaugurée en 1880 sur la place du Millénaire, face à l’hôtel de ville qu’il avait contribué à construire.

Le travail dans les carrières est un secteur d’activités important dans la région de Soignies. La famille Wincqz y est active depuis plusieurs générations quand Pierre-Joseph Wincqz devient le seul héritier. Formé au métier et à la gestion de l’entreprise pendant dix ans aux côtés de son père, il poursuit la modernisation de sa société, en inventant un appareil qu’il fait breveter ou en investissant dans de nouvelles machines. En plus des qualités intrinsèques de la pierre bleue de Soignies, le sens de la communication et de la publicité donne aux carrières Wincqz une renommée européenne. Propriétaire-exploitant (1852-1877) de plusieurs sites carriers dotés de moyens modernes d’exploitation, Wincqz emploie plusieurs centaines de personnes. Membre de la Caisse de Prévoyance pour les Ouvriers carriers de Soignies (1863), il s’impose comme un important notable, actif en politique et dans de nombreuses associations professionnelles. Ardent défenseur des idées libérales, échevin (1843-1845, 1851), il exerce le maïorat de Soignies sans interruption pendant un quart de siècle (1852-1877). Conseiller provincial du Hainaut (1848-1857), il grimpe d’un échelon quand il est appelé à remplacer A. Daminet au Sénat : représentant direct de Soignies pendant vingt ans (1857-1877), membre de la commission des Travaux publics, il se révèle un défenseur du développement du rail (à l’origine de la prospérité de son industrie) et de l’obligation scolaire.
Dans les années 1840, à titre personnel, Wincqz fait construire une importante demeure de style néoclassique, dénommée le château Wincqz avant de passer dans le patrimoine des Paternoster ; acquise par les autorités communales au milieu du XXe siècle, la demeure est occupée par la Maison de la Laïcité. La rue qui descend du château vers le centre-ville fut d’abord un chemin privé avant de devenir la rue Wincqz : fort logiquement, c’est là qu’est transféré son monument, en 1956, après l’explosion de gaz qui endommage fortement « l’ancien » hôtel de ville devant lequel le monument de l’homme d’affaires et l’homme politique avait été inauguré en 1880.

À la mort de P-J. Wincqz, Soignies ne dispose pas encore d’un monument exaltant une quelconque personnalité historique. Nul n’ignore cependant que, dans les « grandes villes » de Belgique, la statuomanie sévit depuis quelques années, à l’initiative surtout des milieux libéraux qui veulent, de la sorte, renforcer la légitimité de la nation belge. Soignies décide dès lors de participer à cet élan en honorant P-J. Wincqz. Une souscription publique est lancée dès 1878 et le projet est confié à Albert Hambresin, sculpteur alors peu connu.

Inscrit à l’Académie de Bruxelles auprès du Liégeois Simonis dès les années 1860, Hambresin s’y distingue en remportant concours et mention, avis favorables confirmés lors d’exposition de ses premiers plâtres aux Salons de Bruxelles et de Gand (années 1870). Engagé sur le chantier de décoration de l’hôtel de ville de Bruxelles, il achève en 1880 sa première grande statue publique, celle de P-J. Wincq inaugurée en 1881 à Soignies, en même temps que les trois allégories destinées à Bruxelles. Il recourt alors à un nouveau procédé de fonte à la cire perdue. Membre du groupe l’Essor (1883), Hambresin apporte aussi sa contribution à la réalisation des statuettes en bronze des métiers pour le Petit Sablon à Bruxelles (1879-1882). Le succès de l’artiste n’allait plus se démentir, étant sollicité par des commandes pour la Belgique comme pour l’étranger, tout en réalisant des statues de sa propre inspiration : le groupe en plâtre La famille (1888) – conservé au Musée des Beaux-Arts de Bruxelles – est considéré comme son œuvre maîtresse. Il se laisse aussi inspirer par des sujets à caractère historique et s’adonne aussi à des thématiques liées au travail. Auteur de nombreux bustes pour les Académies, Hambresin se fait plus rare au début du XXe siècle et vit retiré à Genval.
Fondue par la Compagnie des Bronzes de Bruxelles, la statue de Wincqz que Hambresin avait achevée en 1880 dut attendre l’achèvement du socle qu’avait dessiné l’architecte Henri Beyaert, celui-là même qui avait conçu les plans de l’école primaire voulue par Wincqz. Ce piédestal en pierre bleue de Soignies se devait d’être particulièrement soigné. Outre les associations libérales, de nombreux carriers avaient participé à la souscription pour le monument. Tous étaient présents lors de l’inauguration organisée en septembre 1881 pour honorer l’industriel et le libéral. Représenté débout, la jambe gauche légèrement vers l’avant, Wincqz porte son écharpe maïorale à la ceinture et tient dans la main droite une feuille de papier où apparaît le mot INDUSTRIE. Cette feuille déroulée symbolise aussi le plan que les carriers devaient suivre lors de la découpe des pierres. À ses pieds, à l’arrière, le sculpteur a représenté une série d’outils (maillet, ciseaux, équerre, compas) utilisés par les carriers que, de loin, certains pourraient confondre avec des symboles maçonniques. Comme l’explique Jean-Louis Van Belle le fait de mettre en évidence le plan déroulé et à l’arrière-plan les outils du carrier témoigne de l’opulence atteinte par le patron-exploitant de carrière, autrefois (par ses ancêtres) tailleur de pierre.
Dans la pierre ont été gravés successivement :

sur la face avant :
A
PIERRE-JOSEPH WINCQZ
BOURGMESTRE
1852-1877
LA VILLE DE SOIGNIES

À gauche :
MEMBRE DU CONSEIL COMMUNAL
1841-1877
CONSEIL PROVINCIAL
1848-1857
SENATEUR
1857-1877

À droite :
NE A SOIGNIES
LE 24 OCTOBRE 1811
DECEDE
LE 3 AVRIL 1877

Sources

Joseph TORDOIR, Des libéraux de pierre et de bronze. 60 monuments érigés à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, Centre Jean Gol, 2014, p. 73-78
Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 433
J-L. VAN BELLE, Une dynastie de bâtisseurs. Les Wincqz, Feluy-Soignies (XVIe – XXe siècles), Louvain-la-Neuve, 1990, en particulier p. 56, 69-80
Gérard BAVAY, La grande Carrière P.-J. Wincqz à Soignies, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 1994, Les carnets du patrimoine no 3
Jean-Luc DE PAEPE, Christiane RAINDORF-GÉRARD (dir.), Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, 1996, p. 624-625
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 441-443 (t. I, p. 103, 105, 237, 252, 253
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 677
 

Monument Wincqz – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Rue P-J. Wincqz à hauteur de l’intersection avec la rue de Billaumont
7060 Soignies

carte

Paul Delforge

IPW

Monument Georges WILLAME

Mémorial Georges Willame, réalisé par Marcel Collet, 1er juin 1930.


Djé vourou pouvwer prind’ a spalle
em vi Nivelles
Èye l’d’aller moustrer d’ainsi pa
Tous costes…
(Em’ Nivelles)

C’est au printemps 1930 qu’est inauguré un mémorial Georges Willame (1863-1917), au parc de la Dodaine, à Nivelles. Plus d’un an auparavant (janvier 1929), un Comité du Mémorial Georges Willame s'était en effet constitué à Nivelles dans le but d’ériger un mémorial à celui qui avait disparu en plein cœur de la Grande Guerre, suite à une congestion, alors que les autorités allemandes procédaient à la séparation administrative. Issu d’une famille implantée depuis plusieurs générations dans la cité de sainte Gertrude, Willame a fait carrière à Bruxelles, au sein de l’administration du ministère de l’Intérieur (1881), dont il deviendra directeur général. Mais c’est l’écrivain wallon, le conteur français, l’archéologue, le folkloriste et l’historien nivellois que saluent principalement les membres du Comité du Mémorial Georges Willame et tous ceux qui ont accepté de souscrire financièrement à son projet d’ériger un monument à Nivelles. Ce sont toutes les facettes de l’activité intellectuelle de Willame qui fédèrent : les uns se souviennent qu’il avait fondé une feuille en patois appelée L’Aclot (1888) et qu’il avait produit avec El Rouse dé Sainte Ernelle (La rose de Sainte Renelde) la première pièce de théâtre poétique en wallon (1890). D’autres veulent honorer celui qui contribua au lancement de la revue Wallonia, ou se souvenir de celui qui se mobilisa auprès des autorités belges pour accroître les subventions à accorder à la littérature régionale. Sur le plan plus local, nul n’ignore que Willame s’intéressa particulièrement à l’histoire de Nivelles à laquelle il consacra plusieurs études, ou qu’il introduisit comme cadre de deux de ses romans. La mobilisation autour du projet du Mémorial Georges Willame permit de commander à Marcel Collet (1894-1944) une œuvre à la mesure du personnage.

Mémorial Georges Willame

À la fois sculpteur et architecte, prix Godecharle 1907, Marcel Collet (1894-1944) a reçu plusieurs commandes de la ville de Nivelles, dont la célèbre statue de l'archange saint Michel, patron originel de la ville, qui couronne le perron depuis 1922, du moins quand elle n’est pas prise à partie par des chapardeurs. Frère de Paul Collet, le sculpteur signe d’autres monuments à Nivelles, ainsi que diverses maisons de particuliers dans le style Art Déco à Bruxelles.
La stèle en pierre est donc simple, destinée à mettre en évidence un bas-relief en bronze et une série de mentions gravées dans la pierre. Par une découpe originale de la pierre, Marcel Collet a créé un effet de profondeur et d’élévation, réservant des places appropriées aux deux textes : le plus long, cité ci-dessus, occupe la partie inférieure et la plus large de la stèle ; l’autre, placé entre la citation en wallon et le profil gauche de l’écrivain, mentionne simplement : 
« A Georges Willame
Les Aclots »

La stèle Willame a quelque peu voyagé dans Nivelles, trouvant place dans le Parc de la Dodaine avant d’être installée sur un square, à l’entrée de la rue des Vieilles prisons, au carrefour de la rue Saint-Georges et de la rue de l’Evêché.

 

Paul DELFORGE, Essai d’inventaire des lieux de mémoire liés au Mouvement wallon (1940-1997), dans Entre toponymie et utopie. Les lieux de la mémoire wallonne, (actes du colloque), sous la direction de Luc COURTOIS et Jean PIROTTE, Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 1999, p. 285-300
Alain COLIGNON, Georges Willame, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1674
La Terre wallonne, 1929, t. 19, n°113, p. 304
Le Guetteur wallon, janvier 1929, n°12, p. 253

Du parc de la Dodaine au square de la rue des Vieilles Prisons
1400 Nivelles

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Banc Émile WIKET

Banc Émile Wiket, réalisé par Jules Brouns, septembre 1954.

Le chansonnier wallon Émile Wiket (1879-1928) n’est pas l’homme d’une seule composition ; pourtant, seule sa chanson Li P’tit banc ! a réussi à résister au temps et à maintenir le souvenir de son auteur, tant par l’interprétation des paroles sur une musique de Pierre Van Damme, que par la présence d’un banc sur une place liégeoise portant le nom du poète wallon.

Chansonnier wallon, disciple de Defrecheux, Émile Wiket a brodé sur le thème du Lèyîz-m’plorer de nombreuses variations, dont sa chanson la plus populaire, Li P’tit banc (1899), ainsi que « sa suite de sonnets Li tchanson dès bâhes (La chanson des baisers) dans laquelle il réussit par un effet de mise en scène et l’insertion de détails intimistes, à rajeunir le sujet ». Secrétaire à l’École d’Armurerie de la ville de Liège, il a consacré l’essentiel de son temps à la langue wallonne. Auteur de multiples vaudevilles avec Maurice Midrolet de 1900 à 1910, ainsi que de contes et de nouvelles, de recueils de chansons et de volumes en vers, d’œuvres dramatiques et lyriques, chroniqueur, chansonnier et poète, Émile Wiket a reçu de multiples lauriers de ses pairs, tout en étant fort applaudi par le grand public. Rédacteur en chef de Noss’Pèron, dont il a été le fondateur, rédacteur en chef d’Amon nos Autes, président du Cercle littéraire La Wallonne, membre titulaire de la Société de Littérature wallonne (1925), collaborateur à Li Trintchet, à Li Clabot et au Réveil wallon, il fut aussi attentif à l’affirmation et à la défense de la Wallonie politique. Critique à l’égard d’auteurs auxquels il reprochait de vouloir orner le wallon des clicotes di Paris (chiffons de Paris), il n’échappe pas aux mêmes artifices et est finalement rangé parmi les représentants les plus typiques de la préciosité. En 1927, il est le premier titulaire du Grand Prix de Littérature wallonne (1926) décerné par la Société de Littérature wallonne, à l’initiative du Théâtre du Trianon.

Banc Émile Wiket (Liège)

Cela n’empêche nullement Li P’tit banc d’être l’une des chansons wallonnes parmi les plus célèbres. Si, depuis 1940, le compositeur a donné son nom à une rue de Liège, la société littéraire « La Wallonne » dont il fut le président attend toujours, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, que le poète dispose d’un petit monument sous la forme d’un petit banc. Il s’agirait d’élever ce banc précisément dans le jardin-square qui porte déjà son nom au coin des rues Wazon, Saint-Laurent et Monulphe, à Liège, non loin de la rue Wazon où il vécut. Créant en son sein un Comité Émile Wiket, le cercle littéraire lance une souscription publique durant l’été 1948, sans grand succès immédiat. Persévérant, grâce à Flore Lomba, il parvient à convaincre et à obtenir le soutien de la province de Liège, ainsi que de nouveaux sympathisants. Le projet est confié à Jules Brouns, déjà auteur du banc Van Damme. En septembre 1954, est inauguré là où « La Wallonne » l’avait souhaité un élégant banc en pierre bleue, comprenant une longue partie assise, relevée sur le côté droit d’une pierre haute. Sur celle-ci, on peut lire que l’ensemble est dédié


A
ÉMILE WIKET
POÈTE WALLON
1879 – 1928


TOT PRÈS DÈ VÎ PONT I N’A ST-ON P’TIT BANC


avec une phrase en wallon évoquant les deux premiers vers de la célèbre chanson. Dans le coin inférieur droit de la pierre haute, on peut encore lire que le monument a été


ÉRIGÉ PAR
SOUSCRIPTION
PUBLIQUE
PAR LA CRL
LA WALLONNE


Sculpteur surtout actif en région liégeoise, Jules Brouns (Ivoz-Ramet 1885 - Herstal 1971) a été formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège où Joseph Rulot a été l’un de ses principaux professeurs. Récompensé par plusieurs prix, le jeune Brouns est d’abord tailleur de pierre dans l’entreprise paternelle, avant de devenir professeur de modelage et de dessin à l’École technique de Huy, ensuite à Seraing. Après la Grande Guerre, il reprend l’atelier de Rulot dont il est le légataire universel. Au-delà de la conservation et de l’entretien de la mémoire de son maître, Jules Brouns réalise essentiellement des monuments aux victimes de la guerre, principalement en région liégeoise, dans des cimetières comme sur les places publiques. Il signe notamment, en 1952, la statue du mémorial Walthère Dewé. Son style est souvent reconnaissable par le recours

 à une allégorie féminine, debout regardant vers le ciel et de grande dimension. 

Sources

Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1673-1674
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), t. 3, p. 193
Oscar PECQUEUR, dans La Vie wallonne, octobre 1927, LXXXVI, p. 76-80
La Vie wallonne, janvier 1928, LXXXIX, p. 185
Wallonie libre, février 1954
Le Gaulois, 14 août 1948, n° 114, p. 3
Serge ALEXANDRE, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996, p. 142
Serge ALEXANDRE, Joseph Rulot et Jules Brouns. Deux Sculpteurs à Herstal, dans Art & Fact. Revue des Historiens d’Art, des Archéologues, des Musicologues et des Orientalistes de l’Université de l’État à Liège, (1993), vol. 12, p. 124-148
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 157
Charles DEFRECHEUX, Joseph DEFRECHEUX, Charles GOTHIER, Anthologie des poètes wallons (…), Liège, Gothier, 1895, p. 17-19

 

Place Émile Wiket
4000 Liège

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Antoine WIERTZ

Monument Antoine Wiertz, réalisé par Victor De Haen, 30 août 1908.

Les signes de la présence d’Antoine Wiertz (1806-1865) à Dinant sont nombreux. L’artiste avait conservé un rapport particulier avec sa ville natale et, à son décès, une trentaine de ses toiles ainsi que son cœur embaumé furent légués à la cité mosane. L’idée d’élever à sa mémoire un monument de prestige fit l’objet d’une souscription publique. En raison du peu de succès rencontré, elle fut abandonnée : Le Triomphe de la Lumière, cette statue de 45 mètres de haut dont avait rêvé Wiertz, ne verra jamais le jour tout en haut du rocher qui surplombe la Meuse et la ville, devant la Citadelle. En 1905, la revue Wallonia reprend une idée de Henry Carton de Wiart qui suggère que les collections du musée Wiertz, à Ixelles, soient exposées à Dinant, dans une salle permanente, qui pourrait prendre place dans une fabrique en amont du pont principal qu’il faudrait exproprier. Finalement, c’est à l’occasion du 100e anniversaire de la naissance de Wiertz que la décision est prise par de réaliser un projet plus modeste, mais néanmoins d’envergure : un Comité présidé par Jules Leblanc est mis en place (1906) pour définir le monument et choisir le statuaire.

Le monument inauguré le 30 août 1908 est l’œuvre du sculpteur bruxellois Victor de Haen (1866-1934) qui signe là un imposant ensemble. Posée sur un piédestal haut de 5 mètres et constitué de blocs bruts de rochers du pays, la statue en bronze (haute de 3 mètres) montre Wiertz debout, en plein travail, un pinceau dans la main droite, sa palette de couleurs dans l’autre. Le visage du peintre paraît inspiré et prêt à s’attaquer à une des immenses toiles dont il avait le secret. S’étant attaché à représenter les plis d’une cappa florentine dans laquelle est drapé le peintre, le sculpteur de Haen a placé des livres à ses pieds, ainsi qu’une tête de cheval renversée sur la partie arrière. En contre-bas, une femme vêtue d’un voile très léger (un bronze lui aussi de trois mètres) semble à la fois prendre la pose et être en train de sculpter un petit sanglier, qu’elle tient dans sa main gauche levée, tandis qu’elle tient son outil dans la main droite. En étant fort attentif, on distingue sur la face avant du rocher, sculptée dans la pierre, la mention suivante :


A
WIERTZ


Entouré de végétations maîtrisées, l’ensemble monumental constitue en lui-même une sorte de rond-point, situé aujourd’hui à quelques mètres des bords de la Meuse et à deux pas de l’Athénée. L’attitude donnée par le sculpteur correspond assez bien au surnom de Wiertz, « le philosophe au pinceau », ainsi qu’à son côté un peu fantasque, voire théâtral.

Artiste excessif et complexe, surdoué sans aucun doute, Antoine Wiertz (1806-1865) exalte les sujets antiques de manière grandiloquente. Marginal, isolé volontaire, « seul portraitiste wallon vraiment romantique » (Vandeloise), Wiertz signe de multiples portraits qu’il ne respecte pas lui-même, considérant qu’il s’agit pour lui simplement de gagner sa vie. Ses croquis et préparations sont multiples, de même que les textes d’un artiste finalement très cérébral, comme en témoignent ses œuvres « sociales » voire « politiques » des années 1850 inspirées par son amour de la justice et sa croyance dans le progrès. Pamphlétaire (Napoléon aux enfers), son génie frôle parfois la folie. Outre ses fresques et ses portraits, Antoine Wiertz était aussi sculpteur comme en témoigne son projet Le Triomphe de la Lumière qui n’est pas sans évoquer la plus tardive statue de la Liberté de Bartholdi.

Quant à Victor de Haen, il n’a jamais connu Wiertz, étant né l’année qui avait suivi le décès du Dinantais. Fils du sculpteur Jacques Philippe de Haen, il reçoit une longue formation à l’Académie de Bruxelles (1882-1892) et surtout le Prix de Rome 1894. Œuvrant sur le chantier de la décoration du Botanique, à Bruxelles, avec Charles Van der Stappen et Camille Meunier notamment, ainsi que sur le chantier de l’arcade du Cinquantenaire, de Haen excelle dans les portraits, les bustes et les figures, qu’ils soient parfaitement ressemblants ou allégoriques. Auteur de plusieurs monuments aux victimes de la Grande Guerre (Saint-Trond par ex.), il signe une production personnelle de rares bronzes en petits formats fort appréciés, d’inspiration Art nouveau.

L’inauguration du monument Wiertz fut à l’image du personnage : compliquée et, à l’inverse d’un tel événement, discrète ; certes, le ministre des Beaux-Arts s’était fait représenter et, au nom des autorités locales, le bourgmestre Ernest Le Boulengé a pris la parole devant un public local nombreux – il discuta la question de savoir si Wiertz était païen ou chrétien et conclut en faveur du second –.  Certes, une fanfare entonna la Brabançonne depuis un bateau « Dinant-Tourisme » ancré au milieu du fleuve et des coups de canon furent tirés. Mais un différend était né entre le statuaire et le Comité patronnant l’initiative. Plusieurs motifs avaient envenimé leurs relations, si bien que le sculpteur ne fut point invité à l’inauguration. L’atmosphère s’en trouva plombée.

La question de l’emplacement fut un premier problème. Le statuaire bruxellois avait conçu son œuvre et ses proportions en fonction d’un environnement précis : la petite place proche de la vieille collégiale. Mais les Dinantais en décidèrent autrement et choisirent la place de Meuse où, indépendamment de maisons sans style, s’élevait un kiosque à la taille une demi fois plus grande que la statue, provoquant (selon de Haen) un sentiment d’écrasement, tandis que la profondeur de la vallée de la Meuse n’offrait aucun repère et rendait le monument étriqué (toujours selon de Haen). 

Monument Antoine Wiertz (Bouvignes, Dinant)

Par ailleurs, les Copères exigèrent du sculpteur qu’il couvre au minimum d’un voile la poitrine dénudée de la jeune femme placée au pied du maître ; un ministre intervint même dans la discussion afin que la représentation soit « chaste et sage ». Enfin, le Comité dinantais exigea que Wiertz porte un chapeau à la Rubens. Dans la description laissée par Gérard Harry (Figaro, 30 août 1908), le Wiertz statufié et inauguré le dimanche 30 août 1908 est décrit comme coiffé d’un feutre provoquant à la Rubens, le maître idéalisé par l’artiste dinantais. Cependant, de chapeau, de Haen ne voulait pas et il a tenu tête…

Plusieurs années plus tard, la statue Wiertz va quitter son emplacement originel sur le quai de Meuse, en contrebas de la tour Montfort, environnement que plusieurs cartes postales de l’Entre-deux-Guerres ont immortalisé. Le monument est déplacé à l’autre bout de la ville, sur la même rive de la Meuse, mais 4 kilomètres plus loin, à Bouvignes.

Sources

Guv VANDELOISE, La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, 506-514
Serge LE BAILLY DE TILLEGHEM, Louis Gallait (1810-1887). La gloire d’un romantique, Bruxelles, Crédit communal, 1987, p. 14-15
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 135
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 393
Jacques STIENNON, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
Daniel CONRAADS et Dominique NAHOÉ, Sur les traces de 14-18 en Wallonie, Namur, IPW, 2013, p. 128
Wallonia, t. XIII, 1905, p. 258-259
Le Figaro, 30 août 1908 (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k288199b/f3.textePage.langFR)
La Meuse, 29 et 31 août 1908 ; L’Indépendance belge, 10 septembre 1908 ; Het Laatste Nieuws, 1er et 7 septembre 1908 ; L’Avenir du Luxembourg, 2 et 6 septembre 1908
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 353

 

Place de Meuse (30 août 1908) puis square du 13e de Ligne (date inconnue)
5500 Bouvignes (Dinant)

carte

Paul Delforge

 Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Joseph WAUTERS

Monument Joseph Wauters, réalisé par Oscar Berchmans avec l’architecte Joseph Moutschenn 28 juin 1931.

Situé place de l’École moyenne, au cœur de Waremme, le monument Joseph Wauters rend hommage à une des personnalités socialistes les plus connues en Wallonie. Avec son bas-relief doré réalisé par Oscar Berchmans, la stèle réalisée par Joseph Moutschen est dévoilée moins de deux ans après la disparition de l’ancien ministre ; devant une foule particulièrement nombreuse, une dizaine d’orateurs prennent la parole, en ce 28 juin 1931 : Émile Vandervelde en tant que patron du POB évoque le parcours politique de Wauters ; en tant que président de l’Association de la Presse Belge, Paul Delandsheere évoque celui qui a été le directeur du Peuple ; après Joseph Van Roosbroeck secrétaire général du POB et sénateur de Malines qui prononce son discours en flamand, Joseph Bondas s’exprime au nom de la Commission syndicale, Arthur Jauniaux au nom des Mutuelles, Victor Servy au nom des Coopératives, Anthony Vienne au nom de la presse socialiste, Fernand Lebeau au nom de la Fédération Huy-Waremme du POB et Georges Hubin en tant que collègue parlementaire.

Sont ainsi évoquées presque toutes les facettes de l’intense activité déployée par Joseph Wauters (Rosoux-Crenswick 1875 – Uccle 1929). Pour être complet, il aurait fallu faire appel à ses professeurs de l’Université de Liège qui l’encadrèrent durant ses études scientifiques et sa défense de thèse en Sciences physiques et chimiques (1901). Il aurait fallu évoquer ses années comme professeur à l’École de Tannerie, de responsable du laboratoire de recherches pour l’industrie du cuir et de secrétaire de la section belge de l’Association internationale des Chimistes des Industries du cuir. Déjà actif au sein des étudiants socialistes, Wauters avait été séduit par la « Charte de Quaregnon » et, homme pragmatique, il avait contribué à fonder mutuelle, coopérative et syndicat, avant d’entrer à la Chambre des représentants, comme élu de Huy-Waremme (1909-1912, 1914-1929). Journaliste puis directeur du Peuple (1910), il devient le délégué du POB auprès du gouvernement du Havre dès les premières semaines de la Grande Guerre. Sous l’occupation, il contribue à la constitution du Comité national de secours et d’alimentation. Après l’Armistice, il devient le premier socialiste élu en Wallonie à siéger dans un gouvernement belge en temps de paix. En charge du Ravitaillement, de l’Industrie et du Travail (1919-1921), il est considéré comme le père d’une série de lois sociales préfigurant un système de sécurité sociale, après l’inscription du suffrage universel dans la Constitution. Parmi d’autres avancées attendues par le POB, outre la suppression de la limitation du droit de grève et la journée des 8 heures, on lui attribue la paternité de l’index. Il sera encore ministre entre 1925 et 1927.

Devant l’école communale, l’espace et le monument qui lui sont consacrés sont à la mesure des éloges qui lui sont prodigués. La décision a été prise dès 1929 et la construction a été entamée en 1930. Le très large espace aménagé devant le monument a été quelque peu rogné avec le temps ; latéralement, la végétation a pris la place de constructions en pierre, mais l’essentiel du monument demeure, avec ses deux hautes statues en bronze, représentant un ouvrier de l’industrie et un agriculteur se serrant la main, bras tendu à l’horizontal, par-dessus la stèle centrale où est incrusté le bas-relief fixant le profil gauche de Joseph Wauters.



A

JOSEPH

WAUTERS

1875
1929
 

Monument Joseph Wauters – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Ce monument est l’un des premiers à être consacrés à une personnalité socialiste en Wallonie. Sa réalisation a été confiée au sculpteur liégeois Oscar Berchmans (Liège 1869 – Spa 1950), qui jouit alors d’une réputation solide. Son monument à Hubert Goffin, inauguré en 1912, est sa carte de visite la plus visible en région liégeoise jusqu’au moment où il achève le très remarqué fronton de la façade de l’Opéra royal de Wallonie qui constitue sa plus belle réussite (1930). C’est à ce moment qu’il se consacre au monument Wauters. Berchmans est alors âgé de 61 ans et il enseigne à l’Académie de Liège depuis 1919. Depuis sa plus tendre enfance, il évolue dans un milieu tourné vers la peinture ; lui a cependant opté pour la sculpture lorsqu’il a suivi les cours de l’Académie des Beaux-Arts de Liège auprès de Prosper Drion et d’Adrien de Witte (1884) ; il a aussi fréquenté l’atelier de Léon Mignon et de Paul de Vigne auprès desquels il a appris son métier. Au-delà de commandes pour des particuliers, Berchmans est régulièrement sollicité par les autorités communales liégeoises qui lui confient la réalisation de bas-reliefs pour le Palais des Beaux-Arts de l’exposition de 1905, le mémorial Mignon (1906), des bustes et des monuments comme celui déjà cité à Hubert Goffin à Ans (1912), ou celui dédié à Hortense Montefiore-Levi (1911), dont le style est assez comparable au monument Wauters de Waremme. Comme ses collègues, Berchmans a également signé de nombreux monuments aux victimes et aux héros de 14-18, par exemple, le mémorial dédié à l’exploit de l’Atlas V ou le bas-relief apposé contre la façade de l’Université de Liège commémorant les exécutions sommaires de civils par les Allemands durant la nuit du 20 au 21 août 1914. Élève préféré de Léon Mignon, il a touché à tous les aspects de son art. Avec le sculpteur, l’architecte Joseph Moutschen (1895-1977) apporte sa contribution à l’hommage au socialiste Wauters. Professeur à l’Académie de Liège, échevin POB des Travaux publics de Jupille, Moutschen a contribué à la réforme des cours d’architecture de l’Académie de Liège où il fera tout sa carrière comme professeur (1922-1959), puis directeur (1948-1960). Proche du Groupe l’Equerre, architecte moderniste, il jouira d’une forte réputation internationale.

 

Hubert LABY, Joseph Wauters, dans Grands hommes de Hesbaye, Remicourt, éd. du Musée de la Hesbaye, 1997, p. 87-91.
Léon DELSINNE, Joseph Wauters, dans Biographie nationale, t. XXXIII, col. 730-737.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 83
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 359
La Vie wallonne, III, 1950, n°251, p. 219
Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996

Place de l’École moyenne
4300 Waremme

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Arthur WAUTERS

Monument Arthur Wauters, réalisé par Fernand Hubin et, pour le buste, par Louis Dupont, 13 octobre 1963.

Waremme dispose de deux monuments Wauters ; l’un, rue de l’École moyenne, est dédié à Joseph (1875-1929) et remonte à 1931 ; l’autre, place Ernest Rongvaux, à deux pas de la gare, commémore le souvenir d’Arthur (1890-1960) et son inauguration remonte à l’automne 1963.

Licencié en Sciences politiques et sociales et docteur en Sciences économiques de l’Université libre de Bruxelles, volontaire de guerre, Arthur Wauters est tout autant engagé dans le mouvement socialiste que son frère Joseph, son aîné de quinze ans ; quand ce dernier devient ministre du Travail et de l’Industrie (1918-1921), Arthur le rejoint comme chef de Cabinet. Attiré par l’action internationale, auteur de plusieurs rapports sur l’URSS, ainsi que sur la situation au Congo, le fondateur de la maison d’édition L’Églantine (1922) apportera, sa vie durant, des témoignages originaux sur la société russe, voire sur les pays de l’Est et la Chine communiste. Professeur à l’Université libre de Bruxelles (1933), journaliste, il succède à son frère Joseph à la direction du Peuple (1929-1937), ainsi que comme député (1929), avant d’être coopté comme sénateur (1932-1936), puis de revenir à la Chambre (1936-1944), en tant que représentant de l’arrondissement de Huy-Waremme. Lui aussi ministre (1937-1939, 1939, 1939-1940, 1946), il est parmi les tout premiers parlementaires à rejoindre Londres pour y poursuivre la guerre contre l’Allemagne nazie. Nommé à la tête des services de l’Information au ministère des Affaires étrangères, après la Libération, il renonce à son mandat de député, est envoyé comme ministre extraordinaire en Pologne, avant d’être nommé ambassadeur plénipotentiaire de Belgique à Moscou (1952-1955).

Au moment de l’annonce du décès d’Arthur Wauters, le conseil communal de Waremme unanime s’engage à ériger rapidement un monument en son honneur. En 1963, le CLéO de Waremme présente un projet qui est validé par les autorités locales, dont son bourgmestre Edmond Leburton. L’architecte Fernand Hubin est chargé d’exécuter l’ensemble au centre duquel vient prendre place un buste dû au ciseau de Louis Dupont. L’inauguration se déroule en présence de nombreuses personnalités politiques locales, dont le ministre et bourgmestre Leburton, ainsi que les architecte et sculpteur.

Au moment de la préparation du monument, Fernand Hubin (1919-1989) n’est pas encore totalement absorbé par la politique ; certes, comme son père, il milite dans les rangs du Parti socialiste et, depuis 1954, il siège au Conseil provincial de Liège et, depuis 1958, au conseil communal de Huy, mais il est avant tout architecte. Diplômé de l’Académie des Beaux-Arts de Liège, section Urbanisme (1945), le Hutois associé à Jean Dehasque dans leur bureau d’architecture (1946-1984) réalisera notamment l’Hôpital du Bois de l’Abbaye à Seraing. Par la suite, c’est-à-dire à la fin des années 1960, il devient tour à tour échevin puis bourgmestre de la ville de Huy (1979-1982), député (1971-1978) puis sénateur (1979-1985) et membre du Conseil régional wallon (1980-1985) à ses débuts. Mais c’est l’architecte qui réalise les plans du monument Arthur Wauters et ses aménagements, en 1963, et le buste est exécuté, quant à lui, par un sculpteur waremmien à la réputation solidement établie.

Monument Arthur Wauters (Waremme)

Natif de Waremme, élève d’Adrien de Witte, Louis Dupont (1896-1967) a toute sa carrière derrière lui quand lui est confié le buste d’Arthur Wauters. Dans les années 1920, il avait déjà signé le bas-relief Hubert Stiernet (1925), le buste Jean Varin (1928), le médaillon Georges Antoine (1929) et surtout les bustes Ysaÿe (1936) et César Thompson (1939). Boursier du gouvernement (1921), Prix Trianon (1928), il a collaboré avec Adelin Salle et Robert Massart sur l’important chantier des bas-reliefs du Lycée de Waha (1937), il a signé le Métallurgiste pour le monument Albert Ier à l’île Monsin (1939) et au-delà d’autres bas-reliefs, il a réalisé le monument national de la Résistance (1955), ainsi que des allégories sur les bâtiments de la faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège (1958). Dessinateur, médailliste et statuaire, professeur de sculpture à l’Académie de Liège (1949-1967), Louis Dupont avait reçu en 1954 le Prix de Sculpture décerné par la province de Liège pour l’ensemble d’une œuvre à laquelle s’ajoutait, en 1963, le buste d’Arthur Wauters, inauguré dans sa ville natale.

 

Lionel JONKERS, 1914-2014. Cent ans de mayorat à Waremme, s.l., s.d. [2014], p. 128-129
Hubert LABY, Joseph Wauters, dans Grands hommes de Hesbaye, Remicourt, éd. du Musée de la Hesbaye, 1997, p. 83-86
Paul VAN MOLLE, Le Parlement belge 1894-1972, Ledeberg-Gand, Erasme, 1972, p. 380-381
Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Parlementaires et ministres de la Wallonie (1974-2009), t. IV, Namur, Institut Destrée, 2010
Louis Dupont : exposition du 29 avril au 21 mai 1983, Liège, Province de Liège, Service des affaires culturelles, 1983
Salon de la libération : musée des beaux-arts, du 1er juin au 15 juillet 1946... (hommage à la résistance liégeoise) : la peinture française, de David à Picasso, art wallon contemporain, le peintre Jacques Ochs, les sculpteurs Louis Dupont, Robert Massart, Adelin Salle, Liège, imprimerie Bénard, 1946
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 532-533
Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
La Vie wallonne, janvier 1930, CXIII, p. 165-173

Place Ernest Rongvaux 
4300 Waremme

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Arthur WAROCQUE

Monument fontaine Arthur Warocqué, réalisé par Maurice Bisschops avec un buste dû à Thomas Vinçotte, 12 octobre 1884.

Les fondateurs de la dynastie des industriels Warocqué étaient Isidore (1771-1848) et son frère Nicolas (1773-1838). Sans reconstituer ici leur arbre généalogique, il importe de retenir ici qu’Abel (1805-1864), le fils aîné de Nicolas, eut deux fils, Léon (1831-1868) et Arthur (1835-1880), ce dernier étant lui-même le père de Raoul Warocqué, le dernier de cette dynastie d’industriels ayant fait fortune grâce à l'exploitation de charbonnages dans le Centre. À la mort de son frère Léon, Arthur est seul à la tête des affaires familiales. Administrateur délégué de la société du Charbonnage de Mariemont et du Charbonnage de Bascoup, il s’inscrit dans la lignée familiale par ses politiques résolument sociale et d’innovation, tout étendant ses activités dans le secteur de la banque et de la finance. Comme ses ancêtres, il est touché par le virus de la politique : député libéral de Thuin (1864-1880), il est désigné par le roi bourgmestre de Morlanwelz, quatre ans après la disparition de son père et quelques semaines après celle de son frère Léon. Il occupe la fonction de 1868 jusqu’à son décès, en 1880. Grand voyageur, cet homme fortuné menait une vie mondaine qui ne l’empêcha pas de s’avérer un maire attentif à réformer l’enseignement, tout en puisant dans ses propres deniers pour doter la commune des écoles nécessaires.

Peu de temps après son décès soudain (il avait 45 ans), ses administrés profitèrent de l’installation de la distribution d’eau dans la commune pour consacrer une fontaine assez imposante à leur ancien maïeur. Une souscription publique fut lancée conjointement par ses amis libéraux, les autorités locales et les employés de ses sociétés. La réalisation du monument fut confiée à l’architecte Maurice Bisschops, tandis que le buste était attribué à Thomas Vinçotte (1850-1925). L’architecte bruxellois, disciple de Horta, ne négligea aucune occasion de mettre en évidence ce représentant de la dynastie Warocqué. Au cœur de la cité, sur la place des Écoles (celles financées par Warocqué), aujourd’hui rebaptisée place Roosevelt, le monument-fontaine est composé de quatre bassins à sa base cylindrique et d’une imposante partie centrale rectangulaire tout en hauteur. Équilibrant l’ensemble par rapport au dénivelé de la place, deux-trois marches conduisent aux bassins ; ceux-ci étaient alimentés par des becs verseurs sortant de la bouche de lion (ils sont aujourd’hui hors service). Sur la partie supérieure, les quatre faces sont ornées : devant par le buste d’Arthur Warocqué, sur les trois contours par des évocations particulièrement explicites de sa carrière politique d'administrateur des sociétés charbonnières et de ses divers titres officiels.
Sur la face avant, apparaît l’inscription suivante :


ARTHUR
WAROCQUÉ


Viennent ensuite, successivement, à droite :


À LEUR REPRESENTANT
LES ÉLECTEURS LIBÉRAUX DE L’ARRONDISSEMENT DE THUIN
A LEUR BOURGMESTRE
LES HABITANTS DE LA COMMUNE DE MORLANWELZ


à gauche :

A LEUR ADMINISTRATEUR DELEGUE
LES ACTIONNAIRES ET LE PERSONNEL DES SOCIÉTÉS
CHARBONNIERES
DE MARIEMONT ET DE BASCOUP


à l’arrière : 

MEMBRE DE LA CHAMBRE DES REPRESENTANTS (1864)
BOURGMESTRE DE MORLANWELZ (1868)
ADMINISTRATEUR DELEGUE DES SOCIETES CHARBONNIERES
DE MARIEMENT ET DE BASCOUP (1868)
OFFICIER DE L’ORDRE DE LÉOPOLD
COMMANDEUR DE LA LÉGION D’HONNEUR
CHEVALIER DE L’ORDRE DE FRANÇOIS-JOSEPH D’AUTRICHE
NE A MARIEMONT LE 11 JANVIER 1835
MORT À BRUXELLES LE 8 AVRIL 1880

Monument fontaine Arthur Warocqué (Morlanwelz)



Du milieu des années 1870 jusqu’aux années 1909-1910, Maurice Bisschops est un architecte fortement sollicité à Bruxelles et dans les communes avoisinantes. Disciple de l’école Horta, il alterne commandes publiques et commandes privées et réalise aussi bien des monuments funéraires, des bâtiments publics, des fabriques que des maisons particulières. En 1892, Maurice Bisschops aura l’honneur de se voir confier la construction du nouvel hôtel de ville de Morlanwelz (inauguré en 1895).

C’est un Thomas Vinçotte encore jeune qui se chargea du buste en marbre blanc. Très tôt intéressé par la sculpture, il avait déjà eu la chance de fréquenter l’atelier d’Alexandre et Guillaume Geefs quand il avait été admis à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Élève brillant auprès de Joseph Jaquet et d’Eugène Simonis, second au Prix de Rome 1872, il était parti se perfectionner dans plusieurs ateliers parisiens et les bustes (l’un de P. Orts, l’autre de Giotto) qu’il présenta au Salon de Bruxelles en 1875 lui assurèrent une notoriété définitive. Après deux années en Italie (1877-1879), il répondait à de multiples commandes publiques et du Palais royal, tout en poursuivant une œuvre personnelle. En marbre ou en bronze, avec des bustes, des statues, des monuments ou des bas-reliefs, réaliste ou introduisant de la fantaisie, Vinçotte s’imposait alors comme une valeur sûre de son temps, se spécialisant, à partir des années 1880 dans la représentation des chevaux. Originaire de Borgerhout et décédé à Schaerbeek, il a été professeur de sculpture à l’Institut supérieur national des Beaux-Arts d’Anvers de 1886 à 1921.

 

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse 
Maurice VAN DEN EYNDE, Raoul Warocqué, seigneur de Mariemont (1870-1917), Mariemont, 1970
La Vie wallonne, IV, 1971, n°336, p. 410-413
Journal de la Marbrerie et de l’Art décoratif, n°119, 5 octobre 1908, supplément de la Revue générale de la Construction
Hervé HASQUIN, La Wallonie, Son histoire, Bruxelles, Luc Pire, 1999, p. 144
Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 2001
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 656-657
Joseph TORDOIR, Des libéraux de pierre et de bronze. 60 monuments érigés à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, Centre Jean Gol, 2014, p. 52-57
Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 434, 439
Hugo LETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 605-609
Anne VAN LOO (dir.), Dictionnaire de l’architecture en Belgique de 1830 à nos jours, Anvers, Fonds Mercator, 2003, p. 515-516
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 757

Place Roosevelt
7140 Morlanwelz

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Abel WAROCQUE

Statue Abel Warocqué ; 15 novembre 1868.
Réalisée par Guillaume Geefs.

Après celui d’Henri De Gorge inauguré en 1855 au Grand-Hornu, la statue d’Abel Warocqué est l’un des tout premiers monuments dédié à un capitaine d’industrie dans l’espace public de Wallonie. Dressé sur la Grand place de Morlanwelz, le monument rend aussi hommage à celui qui administra la commune pendant près de trente ans. Sur le socle en pierre sont en effet gravées les mentions suivantes :


« À leur bourgmestre,
les habitants de Morlanwelz
Le 15 novembre 1868 ».

« À leur administrateur,
les employés des charbonnages de Mariemont et de Bascoup ».


Les deux grandes activités locales du grand-père de Raoul Warocqué sont ainsi mises en évidence : son rôle politique et son rôle économique. L’emplacement n’est pas neutre puisque la statue Warocqué est placée devant l’église qu’il fit construire en 1862-1864 selon les plans de l’architecte bruxellois Laureys, et surtout sur l’emplacement de l’ancienne église, détruite en 1863.

Fils aîné de Nicolas Warocqué (1773-1838), Abel (1805-1864) est rapidement appelé à lui succéder dans les diverses industries et participations familiales, principalement les charbonnages de Mariemont et de Bascoup. Seul propriétaire de Mariemont en 1838, il mène une politique d’investissements portant à la fois sur l’amélioration des voies de communication, sur les con

ditions de travail (logements ouvriers) et la prise de participation (sidérurgie, assurance, chemins de fer, etc.). En 1855, il obtient une médaille d’or à l’Exposition universelle de Paris pour une machine de son invention : la « warocquière » est une « échelle à vapeur » destinée à faciliter la montée et la descente des mineurs. Désigné comme bourgmestre de Morlanwelz, défenseur du programme libéral, il dirige l’entité de 1836 à 1864.

C’est ce « héros » du XIXe siècle que Guillaume Geefs (1805-1883), son contemporain, est chargé de figer pour l’éternité. Formé à l’Académie d’Anvers, le jeune Geefs a été rapidement repéré par ses professeurs ; une bourse lui a permis de parfaire sa formation à Paris et, à son retour, il était nommé professeur de sculpture à l’Académie d’Anvers (1833-1840). Membre de la classe des Lettres de l’Académie dès 1845, il la préside de 1858 à 1883. Il était membre de l’Institut de France. Présent dans différents salons, il s’impose avec le modèle de la statue du Général Belliard et le monument funéraire du comte Frédéric de Mérode. Le jeune royaume de Belgique venait de trouver l’un de ses sculpteurs capables de figer dans la pierre (ou le bronze) les personnes et les événements les plus illustres du pays. Répondant aux multiples commandes destinées à orner les églises, les places, les édifices, les cimetières ou les salons de toute la Belgique, il livre à Anvers une statue de Rubens (1840) et à Liège, celle de Grétry (1842), avant de réaliser de nombreuses statues de Léopold Ier. C’est donc un artiste renommé et chevronné qui réalise, pour Morlanwelz, la statue Warocqué.

Le bourgmestre et grand patron est représenté debout, en costume d’époque ; à l’arrière de la jambe gauche, le sculpteur évoque explicitement l’invention de Warocqué, à savoir la warocquière : le nom est mentionné au bas d’une sorte de longue feuille de dessin où sont représentés deux mineurs montant ou descendant dans un puits de mine maçonné. Le sculpteur anversois Guillaume Geefs signe sa réalisation par la mention « Gme Geefs/statuaire du roi/Bruxelles » gravée dans le bronze.

 

Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 656-657
Sybille VALCKE, dans Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 415-417
Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 434
Hervé HASQUIN, La Wallonie, Son histoire, Bruxelles, Luc Pire, 1999, p. 144

Grand Place
7140 Morlanwelz

carte

Paul Delforge