Sofam

Monument Johannes TINCTORIS

Statue à la mémoire de Johannes Tinctoris,réalisée par Louis Samain, 17 octobre 1875.

Si l’on hésite encore entre Braine-l’Alleud et Nivelles comme lieu de naissance de Johannes Tinctoris, c’est à Nivelles qu’a été érigé, en 1875, un impressionnant monument en bronze, juste à côté de la collégiale, sur le haut de la rue Bléval, à l’entrée de la rue de Soignies. Comme la plupart des monuments de cette époque, des barrières en fer forgé ceinture le socle en pierre de granit. Très large à la base, celui élevé à Nivelles est particulièrement travaillé, donnant l’impression de se réduire progressivement, après cinq niveaux de rétrécissement présentant chacun des rainures longitudinales gravées vers l’extérieur ou vers l’intérieur. Plus étroit et plus haut, le dernier niveau est encore surmonté d’un léger surhaussement avant que ne vienne prendre place la statue en bronze. Ce dernier niveau est coupé aux angles et décoré d’effets végétaux. Les quatre panneaux, quant à eux, comprennent deux par deux une tête de lion dépassant fortement, d’une part, et une discrète, d’autre part. Le nom du musicien apparaît sur le panneau central. Quant à la sculpture de Tinctoris, elle donne davantage l’impression de représenter un moine, avec sa chasuble à longues manches dont les plis sont bien marqués par le sculpteur. Tinctoris tient dans sa main gauche un livre qui illustre la contribution de Tinctoris à l’élaboration de la théorie musicale, tandis que sa droite tient son habit en créant les plis souhaités par le sculpteur.

Originaire du roman païs de Brabant, Tinctoris a fait des études de Droit à Orléans, mais c’est vers la musique qu’il s’oriente : on le retrouve maître de musique et des enfants de chœur de la cathédrale Sainte-Croix (1460-1465), puis à la cathédrale Saint-Lambert à Liège (1474-1476). Chantre et chapelain auprès du roi Ferdinand d’Aragon, à Naples, de 1476 à 1481, il voyage ensuite entre Liège et Naples, recrutant des chanteurs pour son maître ou pour la cour de Bourgogne et celle du roi de France. On le retrouve un temps à Nivelles (comme chanoine du chapitre) et il semble achever sa vie à Rome, où il chante encore comme membre de la chapelle papale jusqu’en 1500. Mais c’est le théoricien de la musique que le monument de Nivelles honore. On doit en effet à Tinctoris d’importants ouvrages de « musique pratique » et une douzaine de traités où ce théoricien de premier plan décrit tous les stades de l’apprentissage des musiciens à la polyphonie. Son Terminorum musicae definitiorum est considéré comme le premier dictionnaire des termes musicaux. C’est sans doute ce document que Louis Samain (1834-1901) a représenté dans la main gauche de sa statue.

Monument Johannes Tinctoris

Originaire de Nivelles, Samain se mêle aux sculpteurs déjà établis, comme Jehotte, les frères Jaquet et Van den Kerkhove, dans les années 1860. En 1864, il est l’un des lauréats du Prix de Rome et parfait sa formation à l’étranger. Appartenant à la génération de Cattier et de Sopers, Samain tente d’échapper au conformisme ambiant, en livrant des œuvres aux traits plus dynamiques et en retenant des sujets en lien avec l’Afrique et la conquête coloniale. Son marbre Esclaves marrons surpris par des chiens fait sensation au Salon de Bruxelles de 1869, de même que son Esclave repris par les chiens (1897), inspiré par la lecture de La case de l’oncle Tom (actuellement avenue Louise). Pour vivre, il participe aussi au chantier de la décoration de la Bourse de Bruxelles dans les années 1870 (allégorie de l’Amérique) et répond à la demande Nivelles en réalisant le Johannes Tinctoris (1875). En 1880, pour la gare du Midi, il achève un « groupe colossal en fer de fonte » (Les progrès des chemins de fer) qui couronne la façade principale, avant de participer au chantier du Musée d’Art ancien, où il exécute l’une des quatre statues symbolisant les Beaux-Arts, en l’occurrence l’architecture (1881-1884).

Si nombre des œuvres de Samain sont encore visibles, celle qu’il a réalisé pour Nivelles n’existe plus. L’impressionnant Tinctoris n’a pas résisté aux bombardements allemands de mai 1940, pas davantage que la collégiale. Si celle-ci fut reconstruite, aucune initiative n’a été entreprise pour remettre Tinctoris dans l’espace public de Wallonie.

 

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Robert WANGERMÉE, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
Léopold GENICOT, Racines d’espérance. Vingt siècles en Wallonie, par les textes, les images et les cartes, Bruxelles, Didier-Hatier, 1984 p. 136
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, t. 1, Bruxelles, CGER, 1990, p. 74, 75, 87, 88, 162, 163, 165, 166, 248, 267, 338

Place Bléval 
1400 Nivelles

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument et buste Albert THYS

Monument et buste Albert Thys, 30 mai 1948. 
Buste réalisé par Charles Samuel.

Quand les autorités de Dalhem inaugurent un monument en l’honneur d’Albert Thys, en face de sa maison natale, dans la rue qui porte désormais son nom, elles rattrapent en quelque sorte un retard de mémoire à l’égard de leur illustre concitoyen. Depuis 1927, en effet, un impressionnant mémorial accueille les promeneurs à une entrée du parc du Cinquantenaire à Bruxelles, tandis qu’une ville du Bas-Congo… Thysville (actuellement Mbanza-Ngungu), a procédé elle aussi à l’érection d’un monument à son fondateur, depuis 1928. À la veille du centenaire de la naissance d’Albert Thys, et à l’occasion du 50e anniversaire de la création du Chemin de fer des Cataractes, Dalhem pose le premier jalon d’une série d’initiatives destinées à mettre en évidence le parcours hors du commun de l’enfant du pays. En 1961, un premier petit musée est inauguré ; en 1988, l’asbl Dalhem 900e publie des lettres privées écrites au Congo dans les années 1887-1888, tandis que le Musée s’installe dans un nouvel environnement pour développer diverses initiatives autour d’Albert Thys (Dalhem 1849 – Bruxelles 1915).

Monument et buste Albert Thys – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Pionnier de la mise en valeur du domaine africain acquis par Léopold II à la fin du XIXe siècle, ce fils de médecin liégeois avait choisi la carrière des armes et s’était retrouvé homme d’affaires, exécuteur d’une politique coloniale au profit de la métropole. Passionné de géographie, cet officier supérieur de l’armée belge devient le bras droit de Léopold II dans son entreprise coloniale. Il effectue de très fréquents voyages entre l’Europe et l’Afrique (1887-1899) et parvient à convaincre des investisseurs de participer à la création de la Compagnie du Congo pour le Commerce et l'Industrie : ainsi est construit le premier chemin de fer dans le Bas-Congo (il relie le port de Matadi à Léopoldville, 1890-1898), ce qui permet la mise en valeur du potentiel économique de cette région d’Afrique. Directeur intérimaire du département de l’Intérieur de l’État indépendant du Congo (1889), il est surtout administrateur délégué de la CCCI. Sa responsabilité dans la surexploitation des autochtones a été évoquée à diverses reprises, tandis que Barbara Emerson souligne que Thys a été le premier à réagir et à dénoncer les exactions commises, et que G. Defauwes montre, à travers sa correspondance, un Albert Thys humaniste. Après le Congo, Thys se passionne pour l’extrême Orient : à la tête de la Banque d'Outremer (1899), il développe un modèle industrielle similaire à celui du Congo, sous la coupole de la Compagnie internationale d’Orient. Les mines, le rail, la métallurgie, l’électricité, l’éclairage, les tramways constituent quelques-uns des secteurs d’activités de « l’explorateur wallon » que l’on retrouve encore au Canada où sa Compagnie construit au début du XXe siècle l'un des plus grands complexes industriels de production de papier, la Belgian Pulp and Paper Cy.

Le buste Albert Thys qui est inauguré à Dalhem le 30 mai 1948 est dû au ciseau de Charles Samuel, décédé depuis 10 ans. Cela n’a rien d’étonnant puisque le buste fut offert par Gilbert Périer, le petit-fils du général. Les premiers contacts pour le monument ont eu lieu durant l’été 1947 et l’objectif était clairement de faire coïncider l’événement au 50e anniversaire de la création du chemin de fer du Congo. Quant au buste en bronze de Dalhem, il porte la date de 1915, et que Samuel a réalisé un autre buste, en marbre celui-là, vers 1919. Ces œuvres correspondent à la période de maturité de l’artiste.
Pour y arriver, Charles Samuel avait emprunté un chemin un peu particulier. Son avenir paraissait en effet tracé pour un tout autre horizon. Son père, agent de change d’origine hollandaise établi à Bruxelles, lui avait ouvert les portes d’une banque, mais le jeune homme préférait les dessins aux chiffres. Ami de l’orfèvre Philippe Wolfers, le père introduisit alors le fils dans l’atelier du maître et la carrière artistique de Charles Samuel fut d’emblée placée sous les meilleurs auspices. Encadré par le bijoutier Wolfers, le médailliste Wiener et les sculpteurs Jaquet et Van der Stappen, notamment, il fréquente l’Académie de Bruxelles dans les années 1880 et est embrigadé très tôt sur des chantiers de décoration (hôtel de ville de Bruxelles). Il présente aussi des œuvres personnelles lors de Salons et y remporte diverses récompenses d’importance, avant d’être honoré du Prix Godecharle 1886. Les commandes publiques lui arrivent (monument Uylenspiegel à Ixelles en 1894, Frère-Orban à Bruxelles, Fauconnier à Thuin, etc.). Bruxelles reste son principal terrain de travail, même s’il expose des œuvres plus personnelles en Flandre ou en Wallonie, comme à l’Exposition universelle de Liège, en 1905. Après la Grande Guerre, il est appelé à réaliser le nouveau Coq du monument de Jemappes (1922), ainsi que plusieurs monuments aux victimes de la Grande Guerre. L’artiste se fait plus rare et, en 1934, des raisons de santé le poussent à s’installer sur la Côte d’Azur. Toute sa vie, il a signé de nombreux bustes ; il a ainsi figé pour l’éternité des personnalités du monde politique ou judiciaire, Anna Boch, Fernand Khnopff, la reine Elisabeth, ainsi que le général Albert Thys déjà mentionné.

 

Musée royal de l’Afrique (Tervueren), Fonds Cornet, n°406, 407, 408, 409, 410, 411, 415
Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 135
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 580
Jean DUSART, Albert Thys : créateur de la ligne de Chemin de fer Matadi-Léopoldville, Paris, 1948
Georges DEFAUWES, Albert Thys, de Dalhem au Congo dans http://www.dalhem.be/WEBSITE/_Download/PDFDivers/AlbertThys_Defauwes.pdf (s.v. novembre 2013)
http://www.bel-memorial.org/names_on_memorials/display_names_on_mon.php?MON_ID=2182 
http://www.bel-memorial.org/cities_liege_2/dalhem/dalhem_mon_thys.htm (s.v. juillet 2013)
Judith OGONOVSZKY, Charles Samuel, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 550-553
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 396

Ancienne place du Marché
rue Albert Thys
4607 Dalhem

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Buste César Thomson

Buste César Thomson, 17 juin 1939.
Réalisé par Louis Dupont.

Situé dans les jardins de la partie centrale du boulevard Piercot, au cœur de Liège, un buste en pierre calcaire de César Thomson rend hommage à l’illustre violoniste. Il a été réalisé sur le modèle du buste en marbre blanc de Louis Dupont inauguré le 17 juin 1939 : ce jour-là, le buste en marbre de Thomson rejoint notamment celui d’Eugène Ysaÿe au Conservatoire de Liège. Dans le même temps, une cérémonie est organisée par l’Union des professeurs du Conservatoire de Liège : cette Union avait en effet lancé la souscription publique et elle réunit à Liège tous les amis de César Thomson, venant d’Amérique et d’Europe, au moment où se tient également à la périphérie de la cité ardente l’Exposition internationale de l’Eau. En présence de l’échevin de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, Auguste Buisseret, entouré de Charles Radoux-Rogier (président du Comité organisateur), d’Edmond Glesener (directeur général des Beaux-Arts) et de Fernand Quinet, le directeur du Conservatoire, discours et concert sont au programme de cette journée où la ville de Liège rend officiellement hommage à l’un de ses enfants, dont les traits ont été figés dans le marbre par le statuaire Louis Dupont (1896-1967).

Natif de Waremme, élève d’Adrien de Witte, il a travaillé sur quelques bustes et bas-reliefs comme le bas-relief Hubert Stiernet (1925), le buste Jean Varin (1927), le médaillon Georges Antoine (1929) et surtout le buste Ysaÿe. Ceux qui l’ont choisi sont sûrs de son talent. N’a-t-il pas reçu une bourse du gouvernement (1921) et le Prix Trianon (1928) ? N’a-t-il pas été associé à Adelin Salle et à Robert Massart sur l’important chantier des bas-reliefs du Lycée de Waha (1937) ? Et alors que l’on inaugure le buste de César Thompson, Dupont était en train d’achever la réalisation du Métallurgiste du monument Albert Ier à l’île Monsin. De nombreuses autres commandes parviendront à l’artiste après la Seconde Guerre mondiale, principalement des bas-reliefs, avant que ne lui soient confiés le monument national de la Résistance (1955), puis les reliefs sur les bâtiments de la faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège (1958). Dessinateur, médailliste et statuaire, professeur de sculpture à l’Académie de Liège (1949-1967), Louis Dupont recevra en 1954 le Prix de Sculpture décerné par la province de Liège pour l’ensemble de son œuvre. Le buste de César Thomson figure parmi ses réussites. Il est posé sobrement sur un socle en pierre très simple où est gravé le seul nom César Thomson. Il s’agit d’un piédestal similaire à celui d’Eugène Ysaÿe.

Élève de Jacques Dupuis (1830-1870), ce virtuose, professeur de violon au Conservatoire de Liège, César Thomson (Liège 1855 – Bissone, Suisse, 1930) est l’un des maillons importants de l’École wallonne du violon dont François Prume, Henri Vieuxtemps et Eugène Ysaÿe sont les figures les plus connues. Enfant prodige, César Thomson cultive le don que la nature lui a offert auprès de Dupuis. Médaille de vermeil du Conservatoire de Liège (1869), il est plébiscité sur les scènes suisses, italiennes et allemandes, après avoir été acclamé partout où il se produisait en pays wallon. Quand César Thompson, Martin Marsick, Eugène Ysaÿe et Rodolphe Massart – génération dorée – se produisent ensemble sur une scène liégeoise, la quintessence de la musique est alors rassemblée pour le plus grand bonheur d’un public wallon composé de mélomanes avertis. Professeur au Conservatoire de Liège de 1882 à 1897, César Thomson quitte la cité ardente pour Bruxelles où il remplace Eugène Ysaÿe comme professeur au Conservatoire, avant de gagner les États-Unis après la Première Guerre mondiale. Soliste à Berlin (1879-1881), premier violon de son propre quatuor à cordes (1898), compositeur, Thomson s’est fait l’interprète d’œuvres méconnues de Paganini et a contribué à la revalorisation d’œuvres de l’école italienne.

Sources

Louis Dupont : exposition du 29 avril au 21 mai 1983, Liège, Province de Liège, Service des affaires culturelles, 1983
Salon de la libération : musée des beaux-arts, du 1er juin au 15 juillet 1946... (hommage à la résistance liégeoise) : la peinture française, de David à Picasso, art wallon contemporain, le peintre Jacques Ochs, les sculpteurs Louis Dupont, Robert Massart, Adelin Salle, Liège, imprimerie Bénard, 1946
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, été 1970, p. 6
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 532-533
http://www.sculpturepublique.be/4000/Dupont-CesarThomson.htm (s.v. juillet 2013)
http://balat.kikirpa.be/photo.php?path=B177042&objnr=10152117 (s.v. juin 2014)
La Vie wallonne, 15 août 1939, CCXXVII, p. 333-336
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 187

Boulevard Piercot 
4000 Liège

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Paul Delforge

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Plaque Édouard THIRIONET

Plaque commémorative sur la maison natale d’Édouard Thirionet, réalisée à l’initiative des Rèlîs namurwès et de l’Association des écrivains wallons anciens combattants, 26 octobre 1930.

En février 1930, quand décède Édouard Thirionet (1891-1930), c’est l’un des piliers de l’association des Rèlîs namurwès qui disparaît. S’il n’était pas parmi les quatre fondateurs en 1909, il est le premier membre extérieur recruté dès 1910 par cette association fondée pour l’étude et l’encouragement de la littérature wallonne, en particulier du wallon namurois. Il en sera aussi le quatrième président, de 1924 à 1930. Afin de préserver le souvenir de cette personnalité jamboise particulièrement impliquée dans la vie culturelle locale et dans la valorisation de la langue wallonne, ses amis des Rèlîs et de l’Association des écrivains wallons anciens combattants s’empressent d’apposer une plaque commémorative sur la façade de la maison natale de Thirionet, en associant à la fois les autorités politiques locales, la Fédération des Invalides, le Comité de Wallonie, la Fédération wallonne, les Pierrots philanthropes, la société Moncrabeau, l’Association des écrivains wallons anciens combattants et le Club La Perle, autant de cercles dans lesquels Thirionet était fort actif.
Contrôleur des contributions à Auvelais, cet ancien étudiant de l’Athénée de Namur avait contribué grandement aux expériences éditoriales des Rèlîs namurwès, que ce soit dans Lî Ban Cloke (1909-1911), ainsi que pendant la Grande Guerre, voire aussi au Guetteur wallon. Usant des pseudonymes de Maulair et Djean Kîrit, il croque, en wallon, une série de types namurois, bien connue sous le titre de Djins d’nos djins. C’est la maladie contractée au moment où il était prisonnier dans les camps allemands qui eut finalement raison de celui qui était un compagnon de la lutte wallonne de François Bovesse. Témoignage de son engagement wallon, il avait souhaité que son cercueil soit recouvert du drapeau wallon. En octobre 1930, les autorités politiques locales ainsi que les militants wallons de Namur étaient présents pour l’inauguration de la plaque en marbre apposée sur sa maison natale.
 

Sources

Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1524
Émile ROBIN, À la mémoire d’Édouard Thirionet, dans Le Guetteur wallon, novembre 1930, nlle série, n°2, p. 56-60
Lucien MARÉCHAL, Vingt-cinq années d'activité wallonne du cercle royal littéraire Les Relis Namurwès, dans Le Guetteur wallon, avril 1934, 10e année, n°129, nlle série n°43, p.  147
Les Kriegscayès. Un témoignage de guerre inédit en wallon, Namur, Rèlîs Namurwès, 2015, p. 84-86
Association des Ecrivains wallons Anciens combattants, Xe anniversaire. Plaquette-Souvenir, 1931, p. 18

Rue du Commerce
5100 Jambes

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Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Stèle Théroigne de MÉRICOURT

Stèle à la mémoire de Théroigne de Méricourt, réalisée à l’initiative du SI de Marcourt, 5 août 1989.

Sur un bloc de pierre installé devant le syndicat d’initiative de Marcourt, une plaque rend hommage à une jeune fille née dans ce petit village au XVIIIe siècle et qui s’est distinguée, à Paris, durant les années décisives de la Révolution française. Comme l’indique l’inscription :


THEROIGNE DE MERICOURT
EST NÉE A MARCOURT
LE 13 AOÛT 1762
ANNE JOSEPHE DITE DE MERICOURT.
FILLE DE PIERRE THEROIGNE ET
D’ELISABETH LAHAYE DE MARCOURT
DÉCÉDÉ À PARIS LE 8 JUIN 1817.
ELLE A PARTICIPE
A LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
ET A LA PROPAGANDE DE LA JUSTICE
ET DU BON DROIT.


Anne-Josèphe Terwagne (ou Théroigne, les orthographes varient très fort) est une figure mythique de cette période troublée qui va de 1789 à 1794. Après avoir beaucoup voyagé en Europe, la jeune fille est à Paris au printemps 1789. Beaucoup de rumeurs alimentent la notoriété de la « Belle Liégeoise » dont il semble établi qu’elle assiste à la visite du roi à l’hôtel de ville (17 juillet), qu’elle s’assied fréquemment dans la tribune de l’Assemblée nationale pour assister aux débats, qu’elle tient salon rue du Boulay et qu’elle constitue avec Romme un cercle politique qui défend des idéaux démocratiques. Prenant résolument le parti des républicains contre les royalistes (1792), prenant en tout cas le parti de Brissot, elle semble vouloir développer un programme dans lequel la femme est appelée à jouer un rôle actif dans la société. Peu suivie par les femmes elles-mêmes, regardée avec circonspection par ses « amis » politiques, Théroigne de Méricourt (ainsi que la surnommait la presse royaliste) devient par contre le porte-fanion de tous les combats sous la plume de certains biographes : ils lui accordent un premier rôle dans les différents événements sanglants qui marquent 1792 et le début de 1793. Passée à tabac et outragée par des « jacobines » (mai 1793), elle sombre dans la dépression nerveuse et mentale. Sa vie mouvementée nourrira les imaginations, dès le siècle du romantisme, au point d’en faire une des premières féministes. Le village de Marcourt n’a pas échappé au phénomène : le curé de la paroisse obtint au tournant du XIXe et du XXe siècle de faire démolir la maison natale de cette héroïne aux idées révolutionnaires.

En l’absence de lieu de mémoire, le syndicat d’initiative de Marcourt saisit l’occasion des célébrations du bicentenaire des événements de 1789 pour lancer le projet d’élever une stèle en l’honneur de la jeune femme et de ses idées. L’inauguration de la stèle s’est déroulée le 5 août 1989, dans le cadre de l’émission Télé-tourisme, avec représentation théâtrale, kermesse et barbecue. La stèle est située en face de l’emplacement qu’occupait jadis la maison natale d’A-J. Terwagne.


Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, en particulier Le Soir, 7 août 1989
Félix MAGNETTE, dans Biographie nationale, t. 24, col. 760-768
Félix MAGNETTE, Théroigne de Méricourt, la belle Liégeoise. Légendes littéraires et réalité historique, dans Wallonia, XXIe année, mars 1913, p. 163-187
Ursmer LEGROS, Double destin de Théroigne de Marcourt, dite de Méricourt, Marquain (Hovine), Hotton, 1969
La Vie wallonne, II, 1970, n°330, p. 175-177
Marcellin PELLET, Étude historique et biographique sur Théroigne de Méricourt, dans les Variétés révolutionnaires, 3e série, Paris, 1890
Léopold LACOUR, Trois femmes de la Révolution : Olympe de Gouges. Rose Lacombe, Théroigne de Méricourt, Paris, 1900
E. et J. DE GONCOURT, Histoire de la Société française pendant la révolution, Paris, 1889
http://www.marcourt-beffe.be/historique.php (s.v. mars 2015)

Place de Chéroubles 
6987 Marcourt

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Paul Delforge

IPW

Plaque Freddy TERWAGNE

Plaque commémorative Freddy Terwagne, réalisée à l’initiative de René Pirkin, circa 1990.

Au cœur du village de Hodeige, sur la façade en briques rouges du n°21 de la rue Terwagne, une plaque en marbre noir avec inscription en lettres d’or rend


HOMMAGE A FREDDY TERWAGNE
NE A AMAY LE 26 MARS 1925
DEPUTE DE L’ARRONDISSEMENT
DE HUY – WAREMME
MINISTRE
DES RELATIONS COMMUNAUTAIRES
JUIN 1968 FEVRIER 1971
BOURGMESTRE D’AMAY
ARDENT WALLON
FEDERALISTE CONVAINCU


Le nom de Freddy Terwagne est étroitement lié à la loi du 15 juillet 1970 portant organisation de la planification et de la décentralisation économique (Conseils économiques régionaux de Droit public, Sociétés de Développement régional, Bureau du Plan et Office de Promotion industrielle). Ancien compagnon de route d’André Renard, militant du Mouvement populaire wallon devenu ministre des Relations communautaires dans le gouvernement Eyskens (1968-1971), le député socialiste élu dans l’arrondissement de Huy-Waremme depuis 1958 contribue aussi de manière résolue à la révision de la Constitution de décembre 1970, et à l’inscription de la reconnaissance de l’existence de la Région wallonne dans son article 107 quater. Si son décès inopiné l’empêche de voir se concrétiser son projet, Freddy Terwagne est resté fidèle aux engagements qu’il avait pris tant dans la Résistance, que comme fondateur de La Gauche, ainsi qu’au moment de la Grève wallonne contre la Loi unique, voire lors du congrès des socialistes wallons de 1967.

L’initiative de l’apposition de cette plaque commémorative revient à René Pirkin qui pourrait bien être à l’origine de la suggestion de renommer l’ancienne rue Haut-Vinâve du nom de Freddy Terwagne, au lendemain de la fusion des communes (il y avait alors trois rues Haut-Vinâve sur l’entité). Fils d’un ancien bourgmestre de Retinne, René Pirkin avait participé à la création d'un éphémère Rassemblement progressiste wallon (RPW), en 1971, quelques semaines après la disparition de Freddy Terwagne. Autonomie de la Wallonie dans ou en dehors de la Belgique, referendum d’initiative populaire, démocratie économique et sociale, contrôle ouvrier, création d’un secteur industriel public à côté d’un secteur industriel privé, planification économique, intensification des relations avec la France, valorisation de la culture wallonne, retour des Fourons à la Wallonie... tels était le programme du RPW dont René Pirkin présidait la fédération liégeoise. Grand admirateur de l’homme politique wallon, René Pirkin est ensuite le fondateur, au milieu des années 1980, de l’association « Club Freddy Terwagne », dont l’appellation se mue en « Club des Amis de Freddy Terwagne », en raison d’un désaccord avec une autre association qui porte déjà le nom de « Club Freddy Terwagne ». Organisatrice de conférences, le « Club des Amis… » publie aussi quelques numéros de La rose au poing (vers 1987-1990), avant que René Pirkin ne prenne l’initiative de la plaque commémorative apposée sur la maison voisine de celle qu’il habitait à Hodeige.


Sources

Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, 2001, t. III, p. 1274 et 1520-1522
REMY Claude, COLLIGNON Robert (préface), Freddy Terwagne. Inscrire la Wallonie dans la Constitution, Charleroi, Institut Jules-Destrée, 1991, coll. Écrits politiques wallons, n°5
Informations aimablement communiquées par M. Daniel Pirotte après enquête et collecte de plusieurs témoignages (juillet 2015)

 

Plaque Freddy Terwagne (Hodeige)

Rue Terwagne 
4351 Hodeige

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Bas-relief Edmond Tamine

Bas-relief en mémoire d’Edmond Tamine, 24 juin 1934.
Réalisé par Marcel Collet.

Pendant de nombreuses années, le médecin Edmond Tamine (1862-1926) s’est consacré corps et âme à la santé de la population la moins favorisée de Nivelles. Surnommé èl mèd’cin dès poûves, Tamine a fait l’objet d’un hommage tout particulier lorsqu’a été inaugurée, le 24 juin 1934, un monument en son honneur. Dans un style similaire au monument dédié à Georges Willame, une pierre rectangulaire avec des effets de profondeurs soutient un bas-relief en bronze où a été représenté le profil gauche du médecin. Dans la partie supérieure, en lettres d’or, les années 1862 et 1926 occupent les deux coins, tandis que la mention suivante apparaît dans la partie inférieure, sous le portrait :

Au
Dr Edm. Tamine
El méd’cin des pouves

À la fois sculpteur et architecte, dessinateur et graveur, prix Godecharle 1907, Marcel Collet (1894-1944) a reçu plusieurs commandes de la ville de Nivelles, dont la célèbre statue de l’archange saint Michel, patron originel de la ville, qui couronne le perron depuis 1922, du moins quand elle n’est pas prise à partie par des chapardeurs. Frère de Paul Collet, le sculpteur signe d’autres monuments à Nivelles (dont celui de G. Willame), ainsi que diverses maisons de particuliers dans le style Art Déco à Bruxelles.

L’initiative de ce mémorial revient au cercle Le Réveil postal, en particulier à Victor Dozot et à Victor Marchand. Il s’agissait de rendre hommage à un médecin de province, modeste et dévoué, toujours disponible et attentif à ceux qui avaient besoin de lui dans le canton de Nivelles. Le parcours de vie d’Edmond Tamine ne présente en effet aucune réalisation particulière ou exceptionnelle ; il était président de la section locale de la Croix-Rouge et consacrait tout son temps à soigner et à aider. Cette abnégation désintéressée suffisait pour susciter l’admiration de tous. Mais sa disparition tragique marqua davantage les esprits : de retour d’une consultation à la veille de la Noël 1926, le docteur revenait à pied de la campagne ; cherchant le chemin le plus court, il longeait la voie ferrée quand un train de marchandises surgit.

Le monument Tamine est situé à l’entrée du parking de l’hôpital général de Nivelles. Il est placé au pied d’un arbre au tronc remarquable.

Sources

Georges LECOCQ, Pierre HUART, Dis, dessine-moi un monument… Nivelles. Petite histoire d’une entité au passé bien présent, Nivelles, Rif tout dju, mars 1995, p. 24-25
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 238
 

Bas-relief en mémoire d’Edmond Tamine – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

A l’entrée du parking de l’hôpital
Carrefour rue Samiette et boulevard de la Batterie
1400 Nivelles

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Bas-relief Hubert Stiernet

Bas-relief Hubert Stiernet, 30 septembre 1927
Réalisé par Louis Dupont.

Sur la façade d’une maison de la rue du Pont, un bas-relief dédié à Hubert Stiernet et signé Louis Dupont est inauguré le 30 septembre 1927. Les amis de l’écrivain et les autorités communales de Waremme ont tenu à honorer l’auteur de Haute Plaine et du Roman du tonnelier de son vivant. Pour l’écrivain, les années 1920 sont celles de la gloire : un volume anthologique lui est consacré par l'Association des Ecrivains belges (1923) ; il est élu à l'Académie de langue et de littérature françaises, l’Académie Destrée (1925) ; il est fêté par les Amis de l’Art wallon (1930) et le prix de la Société d'Encouragement à l'Art wallon lui est décerné en 1930. La Ville de Waremme et l'Association des Anciens Elèves de l’Ecole moyenne n’ont pas manqué leur rendez-vous, en 1927, en le recevant solennellement et en apposant une plaque commémorative sur sa maison natale.

Sensible à ces hommages multiples, Hubert Stiernet (Waremme 1863 – Laeken 1938) doit s’être rappelé qu’il avait accompli ses études primaires et secondaires à Waremme, avant d’entrer à l’École normale de Huy (1879), et de décrocher, à Bruges, son diplôme de régent littéraire (1884). Désigné comme enseignant à Laeken, il s’installe à Bruxelles et, en 1907, il est nommé directeur de l’École moyenne de Schaerbeek, fonction qu’il exerce jusqu’en 1924, mises à part les années d’occupation allemande au cours desquelles son hostilité à la politique de flamandisation de l’enseignement lui vaut d’être révoqué. L’écrivain, quant à lui, s’est déjà manifesté dès la fin des années 1880, par une production variée : romans, contes pour enfants, poète, il fleurte avec le romantisme, s’essaye au fantastique, mais surtout, ce qu’il lui réussit le mieux, il raconte, dans un genre réaliste, les aventures de personnages que lui inspire la rue du Pont, la rue de sa maison natale. Ses multiples voisins, on les retrouve dans les six nouvelles Haute Plaine (1911), dans Le récit du berger et Le roman du tonnelier (1921 et 1922), ainsi que dans son dernier opus, Par-dessus les clochers en 1931.

L’attachement de l’écrivain pour Waremme et ceux de la rue du Pont condamnait au choix d’un sculpteur de… Waremme, et nécessairement au statuaire Louis… Dupont (1896-1967). Élève d’Adrien de Witte, celui-ci n’est pas encore très connu quand il travaille sur le bas-relief d’Hubert Stiernet, puis sur le buste de Jean Varin (1927), puis le médaillon Georges Antoine (1929). Ceux qui l’ont choisi sont cependant sûrs de son talent. N’a-t-il pas reçu une bourse du gouvernement (1921) ? En 1928, il recevra le Prix Trianon. Par la suite, il sera associé à Adelin Salle et à Robert Massart sur l’important chantier des bas-reliefs du Lycée de Waha (1937) ; il sera aussi chargé de la réalisation du Métallurgiste du monument Albert Ier à l’île Monsin. De nombreuses autres commandes parviendront à l’artiste après la Seconde Guerre mondiale, principalement des bas-reliefs, avant que ne lui soient confiés le monument national de la Résistance (1955), puis les reliefs sur les bâtiments de la faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège (1958). Dessinateur, médailliste et statuaire, professeur de sculpture à l’Académie de Liège (1949-1967), Louis Dupont recevra en 1954 le Prix de Sculpture décerné par la province de Liège pour l’ensemble de son œuvre.

Sources

Louis Dupont : exposition du 29 avril au 21 mai 1983, Liège, Province de Liège, Service des affaires culturelles, 1983
Salon de la libération : musée des beaux-arts, du 1er juin au 15 juillet 1946... (hommage à la résistance liégeoise) : la peinture française, de David à Picasso, art wallon contemporain, le peintre Jacques Ochs, les sculpteurs Louis Dupont, Robert Massart, Adelin Salle, Liège, imprimerie Bénard, 1946
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 532-533
La Vie wallonne, février 1928, LXL, p. 188
La Vie wallonne, 1980, n°369, n° spécial « millénaire », p. 359-376
Maurice JOACHIM, Hubert Stiernet, dans Nouvelle Biographie nationale, t. IV, p. 372-374

Rue du Pont (devenue rue Stiernet)
4300 Waremme

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Paul Delforge

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Banc Léon Souguenet

Banc Léon Souguenet, éalisé à l’initiative des autorités communales d’Esneux, 31 juillet 1938.

En 1932, Léon Souguenet avait déjà été honoré par un mémorial dans les bois de la commune d’Esneux à l’initiative de l’Association pour la Défense de l’Ourthe. Six ans plus tard, une autre initiative est prise, toujours à Esneux et en hommage à Léon Souguenet récemment décédé (12 mars 1938), lorsqu’est inauguré, le 31 juillet 1938, un banc semi-circulaire, en pierre, installé face au kiosque le long de l’avenue Montefiore. Dans le même temps est planté un hêtre pourpre, non seulement parce qu’il s’agit du titre de l’un de ses livres (essai publié en 1912), mais surtout parce que, toute sa vie, Souguenet s’est attaché à la défense de la nature. Fondue et offerte par Léon Grenier au nom de la société Cockerill dont il est le directeur, une plaque est apposée pour rappeler la plantation de l’arbre, et le nom de Léon Souguenet est gravé sur le dossier du banc, du côté de l’arbre. Par la suite, une haie d’ifs viendra renforcer l’effet semi-circulaire de l’espace, créant une séparation avec le monument Montefiore-Levy limitrophe.

Co-fondateur de l’hebdomadaire politique Pourquoi Pas ? en 1910, avec George Garnir et Louis Dumont-Wilden, Léon Souguenet (1871-1938) a acquis une notoriété certaine par ses talents d’écriture qu’il exerce dans la presse quotidienne, ainsi que par la publication de livres. De nationalité française, établi à Liège, Souguenet dirige Le Journal de Liège à l’entame du XXe siècle. Il fréquente volontiers les milieux artistiques et littéraires dont un petit groupe qui prend volontiers ses quartiers d’été du côté de Tilff-Esneux, dans le hameau de Ham. Les forêts et les bords de l’Ourthe ravissent les artistes, qu’ils soient peintres, musiciens ou écrivains. Saisissant l’occasion de la présence de toutes ces personnalités déjà bien connues, la « Ligue des Amis des Arbres », association nouvellement fondée à Bruxelles, choisit Esneux pour organiser la première « Fête des Arbres » en Belgique, le 21 mai 1905. Mêlant sa passion pour la nature et sa volonté de la défendre, Souguenet se fait un ardent propagandiste de l’initiative qui voulait se répandre, régulièrement, dans tout le pays. Dès 1906, Souguenet avait poursuivi sa carrière de journaliste à La Province et s’était installé dans le Hainaut, entreprenant d’emblée une campagne pour sauver le bois de Colfontaine.

Conçu par Michel Walthère, avec l’aide de Gabriel Van Wylic, le « banc Souguenet » est inauguré en juillet 1938 à quelques semaines du scrutin communal. Ce second hommage organisé à Esneux en l’honneur de Souguenet ne fait pas l’unanimité. Président de l’Association pour la Défense de l’Ourthe et grand ami de Souguenet, Louis Gavage manifeste son mécontentement. Depuis le classement partiel de Beaumont (printemps 1936), Gavage est en froid avec le bourgmestre d’Esneux, François Nandrin ; il juge l’initiative communale d’autant plus inopportune que plusieurs décisions récentes du maïeur (autorisation d’installations industrielles et de lotissements dans des zones pittoresques, non-respect de prescrit urbanistique…) vont à l’encontre de l’esprit des défenseurs de la nature. C’est par conséquent sans l’appui de l’Association présidée par Louis Gavage que les autorités locales inaugurent le banc, avec le soutien du gouverneur de la province, ainsi que le patronage du Pourquoi Pas ? et du journal La Meuse.

Lors de la Libération du pays wallon, en septembre 1944, un char américain accomplit, par mégarde, une manœuvre qui renverse le banc semi-circulaire où est incrusté le nom de Léon Souguenet. À l’initiative de Robert Dalem, la commune d’Esneux procédera à la restauration du monument dédié à l’un des pionniers de la sauvegarde de la forêt, des sites naturels et, plus globalement, de l’environnement : l’inauguration de la restauration se déroule le 19 septembre 2002, le jour où est lancé le réseau TARPAN (Tourisme, Accueil, Randonnée, Patrimoine, Agriculture, Nature). Dès lors, la présence de « bulles à verres » à proximité du banc n’aurait pas dérangé Souguenet, même si leur esthétique peut paraître contestable à cet endroit.

 

Sources

A. PRICK-SCHAUS, N. MALMENDIER et M. DE SELLIERS, « Arts et Nature – temps et espace – Esneux », 2005
http://www.esneux.be/site/loisirs_et_dec/histoire/index.php?ref_annu=1217&ref_annu_page=945 (s.v. décembre 2013)
La Vie wallonne, juin 1936, CXC, p. 316-319
Benjamin STASSEN, La Fête des Arbres - 100 ans de protection des arbres et des paysages à Esneux et en Wallonie (1905-2005), Liège, éd. Antoine DEGIVE, 2005, p. 117-118, 182
Louis GAVAGE, Une manifestation où nous ne pouvons être, dans Bulletin de l’Association pour la Défense de l’Ourthe, n°104, avril 1938, p. 101-102

 

Banc Léon Souguenet – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Avenue Montefiore
4130 Esneux

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Mémorial Léon SOUGUENET

Mémorial Léon Souguenet, réalisé par Godefroid Devreese, 28 août 1932.

Dans les bois de la commune d’Esneux, un sentier balisé porte le nom de « Promenade Léon Souguenet, Fondateur de la Fête des Arbres » et il emmène jusqu’à un mémorial situé sur le site de Beaumont. Au pied d’un tilleul argenté apparaît une pierre brute, où sont insérés un médaillon d’une part, une plaque en bronze, d’autre part. Ce mémorial est le premier dédié à Léon Souguenet ; il a été inauguré de son vivant à l’initiative de l’Association pour la Défense de l’Ourthe, en particulier de son président Louis Gavage. Lors de l’inauguration, en août 1932, ce dernier a rappelé le rôle joué par une série de pionniers écologistes – pourrait-on écrire – qui se sont mobilisés pour sauvegarder la forêt et les sites naturels non pour des raisons esthétiques, mais en raison de leur rôle physiologique et climatique. Parmi ces pionniers, on rencontre Jean d’Ardenne, Edmond Picard, René Stevens, Charles Bernard, Isi Collin, Olympe Gilbart, Auguste Donnay, Charles Delchevalerie et… Léon Souguenet.

Co-fondateur de l’hebdomadaire politique Pourquoi Pas ? en 1910, avec George Garnir et Louis Dumont-Wilden, Léon Souguenet (1871-1938) a acquis une notoriété certaine par ses talents d’écriture qu’il exerce dans la presse quotidienne, ainsi que par la publication de livres. De nationalité française, établi à Liège, Souguenet dirige Le Journal de Liège à l’entame du XXe siècle. Il fréquente volontiers les milieux artistiques et littéraires dont un petit groupe qui prend volontiers ses quartiers d’été du côté de Tilff-Esneux, dans le hameau de Ham. Les forêts et les bords de l’Ourthe ravissent les artistes, qu’ils soient peintres, musiciens ou écrivains. Saisissant l’occasion de la présence de toutes ces personnalités déjà bien connues, la « Ligue des Amis des Arbres », association nouvellement fondée à Bruxelles, choisit Esneux pour organiser la première « Fête des Arbres » en Belgique, le 21 mai 1905. Mêlant sa passion pour la nature et sa volonté de la défendre, Souguenet se fait un ardent propagandiste de l’initiative qui voulait se répandre, régulièrement, dans tout le pays. En 1906, une plaque commémorative de l’événement était inaugurée à Esneux, où figurait un long poème en wallon écrit par Oscar Colson en faveur de la préservation des arbres et des sites naturels.

Le Mémorial Souguenet du Bois de Beaumont est signé par le sculpteur Godefroid Devreese (1861-1941), fils du sculpteur Constant Devreese. Formé à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles auprès d’Eugène Simonis, puis de Charles Van der Stappen, ce Courtraisien s’est rapidement fait remarquer, obtenant le 2e Prix de Rome 1885. Installé à Bruxelles depuis 1881, où il fait toute sa carrière, cet ami et collaborateur de Victor Horta puise son inspiration dans l’antiquité, réalise des bustes tant d’intérieur que d’extérieur, avant de se spécialiser aussi comme médailleur à la fin du XIXe siècle, tout en continuant à recevoir de nombreuses commandes publiques. Parmi ses principaux monuments figure celui des Éperons d’Or, inauguré à Courtrai en 1906. Au-delà de sa réputation, Devreese est choisi à Esneux parce qu’il est aussi un défenseur de la nature ; grand admirateur de l’engagement de Souguenet en faveur de la préservation des sites, Devreese est membre de l’Association de la Défense de l’Ourthe, depuis sa création, en 1924, à Esneux par Louis Gavage. Le Mémorial Léon Souguenet n’occupe pas une place artistique particulière dans l’œuvre du sculpteur, mais il s’agit d’un geste d’amitié puisqu’il accepte de réaliser grâcieusement le médaillon en bronze représentant le profil gauche de Souguenet, et ce en moins d’un mois. Sous le médaillon se trouve une plaque commémorative.

Mémorial Léon Souguenet

Fidèle à la tradition des plaques offertes avant-guerre par la société Cockerill, la plaque en bronze portant l’inscription :


« Cet arbre a été planté 
en l’honneur de Léon Souguenet,
défenseur de Beaumont
L’Association pour la défense de l’Ourthe
28 août 1932 ».


a été offerte par les frères Greiner, responsables au sein de la société qui a aussi coulé le médaillon dans le bronze. Quant aux pierres livrées brutes, elles ont été travaillées par le « père Honhon », maître tailleur de pierres à Esneux. Il a utilisé une pierre calcaire, la laissant assez brute, en forme de petit menhir, qu’il a orné du grand médaillon en bronze.

C’est un Souguenet d’âge mûr qui est représenté. Le monument est installé devant un jeune tilleul argenté planté pour l’occasion. Le dimanche 28 août 1932, les discours prononcés devant une foule très nombreuse sont autant d’appels à la mobilisation en faveur de la préservation de la nature, le rôle de Souguenet dans l’élaboration des lois de 1911 et 1931 étant souligné.

Quant au site de Beaumont où est implanté le monument, il s’agit d’un haut plateau encerclé par l’Ourthe offrant un panorama exceptionnel. L’endroit soigneusement choisi appartient à la commune d’Esneux car l’autre partie du site est propriété de la Commission d’Assistance publique de Liège qui veut y implanter un lotissement ; contre ce projet immobilier, l’ADO de Louis Gavage se mobilise depuis 1924. Une petite partie du site (5 ha sur 17) fera l’objet d’un classement en 1936, après une dizaine d’années de campagne de sauvegarde menée par Louis Gavage et ses amis. Il faut encore attendre 1944 e

t la fin d’un long procès, pour que le litige entre la Commission d’Aide publique de la ville de Liège, propriétaire de Beaumont, et l’État soit tranché en faveur du second ; les menaces de lotissement sont alors écartées et le site devient un sanctuaire dédié à la seule nature. Pendant quelques années encore, plusieurs classements partiels conduiront à protéger l’essentiel de la Boucle de l’Ourthe qui, en 1993, obtient le statut de « patrimoine exceptionnel de Wallonie ».

Le médaillon actuel n’est pas l’original ; en effet, durant l’hiver 1978-1979, le médaillon en bronze de Devreese est volé par un quidam qui est appréhendé ; il a cependant eu le temps de fondre l’œuvre. Une copie sur base d’un modèle réduit est réalisée par Pauline Claude ; le « nouveau » bronze est coulé en Italie et l’inauguration du monument restauré a lieu en 1981.

Sources

Denise CLUYTENS-DONS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 364-366
A. PRICK-SCHAUS, N. MALMENDIER et M. DE SELLIERS, « Arts et Nature – temps et espace – Esneux », 2005
http://www.esneux.be/site/loisirs_et_dec/histoire/index.php?ref_annu=1217&ref_annu_page=945 (s.v. décembre 2013)
La Vie wallonne, juin 1936, CXC, p. 316-319
Benjamin STASSEN, La Fête des Arbres - 100 ans de protection des arbres et des paysages à Esneux et en Wallonie (1905-2005), Liège, éd. Antoine DEGIVE, 2005, p. 95-99, 173, 178
Bulletin de l’Association pour la Défense de l’Ourthe, numéro spécial, n°49, juillet-août-septembre 1932, p. 129-207
 

Bois de Beaumont
4130 Esneux

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Paul Delforge