Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam
Banc Jean d'ARDENNE
Banc en hommage à Jean d’Ardenne, réalisé à l’initiative de l’Association pour la Défense de l’Ourthe (inférieure), 20 septembre 1925.
Durant ses études au Collège de Herve (1852-1858), Léon Dommartin (1839-1919) développe déjà à la fois le goût de l’écriture et celui de la nature. Devenu libraire à Spa, sa ville natale, il s’oriente ensuite vers le journalisme. Il fonde un journal satirique, Le Bilboquet qui ne vit que quelques mois (1864-1865) ; mais Dommartin est marqué durablement par la nature qui l’entoure, même quand il prend ses quartiers à Paris où il commence sa carrière dans un petit journal intitulé Gazette des étrangers. Avec le marquis Auguste de Villiers de l’Isle-Adam, il fonde en 1867 une publication hebdomadaire, La Reine des Lettres et des Arts à l’existence éphémère. En 1868, il entre au Gaulois. C’est pour ce journal qu’il suit avec attention la Guerre franco-prussienne de 1870. Il accompagne l’armée de Mac Mahon jusqu’à la débâcle de Sedan et ses reportages en font l’un des tout premiers correspondants de guerre de l’histoire. Critique littéraire de Paris-Journal entre 1871 et 1874, il prend ensuite la direction de Bruxelles, s’installe à Ixelles et entre à la rédaction de la Chronique : il y devient rédacteur en chef en 1896. C’est après sa période parisienne qu’il prend le nom de plume Jean d’Ardenne qui lui survivra. Il sera aussi nommé bibliothécaire à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles.
Ce surnom de Jean d’Ardenne lui vient de la publication, en 1881, d’un guide de L’Ardenne qui fera date et connaîtra plusieurs éditions afin de tenir compte de l’évolution des moyens de circulation et de l’évolution de l’offre touristique. Six ans plus tard, ses Notes d’un vagabond (1887) sont également fort appréciées. Le regard qu’il pose sur « son » Ardenne l’entraîne à prendre fait et cause pour sa préservation, plus particulièrement à s’investir dans la défense des arbres, des sites et des maisons présentant un intérêt patrimonial. Face au développement prodigieux de l’industrie en pays wallon au XIXe siècle, il est l’un des premiers à attirer l’attention sur la nécessité de préserver la qualité des paysages et peut être qualifié de pionnier de l’écologie. En décembre 1891, il fonde la Société nationale pour la Protection des Sites et des Monuments en Belgique. En 1895, Léon Dommartin est encore parmi les fondateurs du Touring Club de Belgique.
Après sa mort survenue au lendemain de la Grande Guerre, Dommartin inspirera la création de nombreux cercles et associations de défense de la nature, comme l’Association pour la défense de l’Ourthe, Les Amis de l’Ardenne, le Comité de Défense de la Nature, etc. En 1905, il était lui-même membre de la Ligue des Amis des Arbres dont la présidence lui est confiée (juillet) et avait contribué à organiser la première « Fête des Arbres » en Wallonie, avec Léon Souguenet ; elle avait eu lieu à Esneux le 21 mai 1905. Encourageant les autorités publiques à installer des bancs rustiques le long des promenades comme dans les parcs publics des villes, Dommartin sera entendu dans l’Entre-deux-Guerres.
En 1925, à l’initiative de l’Association pour la Défense de l’Ourthe inférieure, le banc qui est inauguré dans le cadre des Fêtes de Wallonie est dédié explicitement à Jean d’Ardenne, comme l’indique la plaque en bronze incrustée dans le dossier, avec l’inscription suivante :
EN SOUVENIR DE JEAN D’ARDENNE
CE BANC
A ÉTÉ OFFERT À LA COMMUNE D’ESNEUX
LE 20 SEPTEMBRE 1925
PAR L’ASSOCIATION POUR LA DÉFENSE
DE L’OURTHE INFÉRIEURE
Le banc d’Esneux présente la singularité d’être circulaire, entourant le tronc de l’un des marronniers de la place séparant l’église de la maison communale. Outre le choix de s’inscrire au moment des fêtes wallonnes, l’inauguration de ce banc à Esneux a revêtu un caractère revendicatif affirmé. Depuis 1905 environ, un projet immobilier vise à construire de l’habitat sur le site de Beaumont, un haut plateau encerclé par l’Ourthe qui offre un panorama exceptionnel. Contre ce projet se sont mobilisés des citoyens locaux et des artistes ayant l’habitude de passer leur loisir dans la région d’Esneux-Tilff. Après une dizaine d’années de campagne de sauvegarde menée notamment par l’Association pour la Défense de l’Ourthe présidée par Louis Gavage, et au terme de longues procédures, une petite partie de Beaumont (5 ha sur 17) fait l’objet d’un classement en 1936. Il faut encore attendre 1944 et la fin d’un long procès, pour que le litige entre la Commission d’Aide publique de la ville de Liège, propriétaire de Beaumont, et l’État soit tranché en faveur du second ; les menaces de lotissement sont alors écartées et le site devient un sanctuaire dédié à la seule nature. Pendant quelques années encore, plusieurs classements partiels conduiront à protéger l’essentiel de la Boucle de l’Ourthe qui, en 1993, obtient le statut de « patrimoine exceptionnel de Wallonie ».
L’inauguration du banc, en septembre 1925, évoque Dommartin tout en rappelant la lutte menée par ses amis et disciples en faveur de la préservation de sites naturels exceptionnels de Wallonie.
Sources
La Vie wallonne, 15 octobre 1920, n°2, p. 86-88
La Vie wallonne, mars 1935, n°175, p. 179-185
Léon MARQUET, sur http://www.sparealites.be/jean-dardenne-1839-1919 (s.v. avril 2014)
Benjamin STASSEN, La Fête des Arbres - 100 ans de protection des arbres et des paysages à Esneux et en Wallonie (1905-2005), Liège, éd. Antoine Degive, 2005, p. 84, 125
Place de l’Église (dite aussi place Jean d’Ardenne)
4130 Esneux
Paul Delforge