Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam
Buste McAULIFFE Anthony
Alors que les forces alliées semblaient avoir libérer définitivement les villes wallonnes en septembre 1944, l’Allemagne hitlérienne tente une contre-offensive à hauteur de l’Ardenne à partir du 16 décembre 44. L’attaque surprise du maréchal von Rundstedt vise les ponts de la Meuse et à séparer les armées anglaises des forces américaines pour reprendre le port d’Anvers.
C’est autour de Bastogne que la bataille décisive se déroule au cours d’un hiver particulièrement terrible. Dans la neige et le brouillard, les soldats alliés paraissent au bord de la rupture. Le 22 décembre, la ville de Bastogne est à ce point encerclée par la 5e Panzer Armée que des émissaires allemands proposent au commandant américain de la 101st Airborne Division « Screaming Eagles » de déposer les armes. Soufflée par le général Kinnard, la réponse du commandant Anthony Mc Auliffe deviendra célèbre : Nuts ! Il n’est pas question de reddition.
Dans les heures qui suivent, les conditions climatiques s’améliorent. Le ravitaillement arrive. Et les troupes qui résistent depuis plusieurs jours reçoivent finalement l’aide de l’aviation avant que la division blindée de George Patton entre dans la ville le 26 décembre, créant un couloir de communication entre les défenseurs de Bastogne et les renforts. La bataille de Bastogne entre dans l’histoire.
Dans les années qui suivent la Libération, une série de monuments sont érigés à Bastogne en l’honneur des libérateurs. Celui de Mc Auliffe est l’un des tout premiers. Il est inauguré en présence du militaire américain. Celui-ci reviendra en 1950 pour l’inauguration du Mardasson. Il est vrai qu’en 1949, sur décision du conseil communal, il avait reçu le titre de « citoyen d’honneur de Bastogne » et qu’en 1947 la grand place locale a été rebaptisée place McAuliffe.
Ces exemples témoignent des échanges étroits établis entre les États-Unis et les diverses autorités belges. Ainsi, voit-on en juillet 1946, l’ambassadeur de Belgique aux États-Unis, le baron Silvercruys, remettre solennellement au président Truman un coffret contenant un peu de terre provenant du champ de bataille de Bastogne. C’est dans ce contexte que la sœur du dit ambassadeur, Suzanne Silvercruys-Stevenson (1898-1973), sculpte un buste en l’honneur de McAuliffe qui va trouver une place de choix, au cœur de Bastogne.
Inauguré en présence du « héros de Bastogne », le buste va être étroitement associé au char américain Sherman M4, figé sur son socle
à partir de 1948. Le buste du militaire se trouve alors juste devant le char. Par la suite, le buste est déplacé dans un endroit moins visible, situation que n’apprécie pas le héros américain qui le fait savoir. Le buste est alors ramené à l’angle de la place, dans l’environnement immédiat du Sherman, et y demeurera quels que soient les aménagements successifs de la dite place.
Originaire de Washington, diplômé de West Point en 1918, Anthony McAuliffe (1898-1975) accomplit l’essentiel de sa carrière dans l’armée américaine (1918-1955). L’épisode de Bastogne ne constitue qu’une étape – certes la plus glorieuse – dans son impressionnant parcours. En juin 1944, il a été parachuté sur la Normandie, lors du Débarquement et il a aussi participé à l’opération Market Garden. C’est en l’absence de Maxwell D. Taylor retenu par une réunion aux États-Unis que McAuliffe s’est retrouvé à la tête de la 101e Division pour répondre à l’offensive allemande. « Sa » guerre en Europe ne s’achèvera qu’en mai 1945. De retour aux États-Unis, il occupe plusieurs postes de commandement avant d’être promu général, le 1er mars 1955. Retiré de l’armée en 1956, il poursuit des activités à l’American Cyanamid Corporation.
Quant à Suzanne Silvercruys, elle a connu une destinée marquée par la Première Guerre mondiale. Fille du président de la Cour de Cassation de Bruxelles, elle est adolescente quand éclate la Grande Guerre. Après la mort d’Edith Cavell, elle fuit la Belgique, passant par les Pays-Bas et l’Angleterre avant de se réfugier aux États-Unis. À Philadelphie, elle témoigne une première fois des horreurs et des destructions de la guerre en Europe et ses propos sont repris par de nombreux journaux.
Le gouvernement belge lui demande alors de parcourir son pays d’accueil pour faire connaître le drame qui se joue en Europe et collecter des fonds pour les secours belges. Après la guerre, restée en Amérique, cette Limbourgeoise (elle est née à Maaseik) sort diplômée de la Yale University (Beaux-Arts, en 1928) et de la Temple University (Lettres).
Dans les années 1930, elle participe à des compétitions d’art, consistant à réaliser des sculptures esthétiquement réussies en un minimum de temps. Mais c’est surtout en réalisant le buste de plusieurs personnalités importantes que l’artiste se fait un nom. La sculptrice signe notamment celui de Herbert Hoover (bibliothèque de Louvain), du gouverneur du Canada, d’acteurs (Katryn Hepbrun), de hauts militaires, etc. Mariée à un lieutenant-colonel américain, Edward Ford Stevenson, Suzanne Silvercruys compose aussi des œuvres d’inspiration plus personnelle. En 1968, elle réalise la statue Noccalula qui, avec ses 9 mètres de haut, représente une fille Cherokee avant son saut légendaire au-dessus des chutes d’eau de Gadsden. Écrivain, conférencière, engagée politiquement, celle qui milite en faveur du Parti républicain et est surnommée « Suzanne of Belgium » est considérée comme une artiste américaine.
Sources
- Maison du Tourisme du Pays de Bastogne - Guy Blockmans OPT
- Suzanne SILVERCRUYS, en collaboration avec Marion Clyde MCCARROLL, Suzanne of Belgium ; the story of a modern girl, New York, 1932
- Suzanne Silvercruys, A Primer Of Sculpture, New York, 1942
Place McAuliffe
6600 Bastogne
Paul Delforge