Guy Focant (SPW)

Cathédrale Saint-Paul et l’ancienne abbaye de Beaurepart

Fondée aux alentours de 970 puis reconstruite en style gothique entre les XIIIe et XVIe siècles, la cathédrale Saint-Paul impressionne par ses dimensions et sa riche ornementation. Sa voûte est décorée de rinceaux peints et son choeur orné de vitraux Renaissance. Devenue cathédrale au début du XIXe siècle, l’église est alors enrichie d’un nouveau mobilier néogothique, ainsi que du mobilier d’églises détruites après la Révolution, comme le Christ gisant de Jean Del Cour. Elle devient aussi le dépositaire du trésor de l’ancienne cathédrale Saint-Lambert. Récemment dotée de nouvelles verrières contemporaines et reconnue patrimoine exceptionnel de Wallonie, la cathédrale de Liège s’apprête à entamer un important chantier de restauration qui vise à lui redonner son lustre d’antan.

Dès les premières heures de la Révolution, la collégiale Saint-Paul fait les frais du changement de régime, tant de la part des Liégeois que des Français. Le 1er octobre 1795, la principauté est annexée à la France et soumise aux lois républicaines. Le chapitre collégial est supprimé et l’église Saint-Paul est transformée en abattoir et en boucherie. Elle est pillée de ses objets de culte, la plupart de ses verrières sont brisées, le plomb des vitraux retiré pour en faire des balles, le pavé est enfoncé et plusieurs cloches sont volées. Partie intégrante d’un projet devant doter des dizaines de musées nationaux sur tout le territoire français, Saint-Paul (comme de nombreuses autres églises belges) est dépouillée d’une partie de son patrimoine. C’est ainsi qu’en 1797 la Conversion de saint Paul de Bertholet Flémal, chef-d’œuvre du baroque liégeois, est détaché du maître-autel de la collégiale et emporté en France. L’œuvre est aujourd’hui visible au musée des Augustins de Toulouse.

En 1801, le Concordat entre le Premier Consul et le pape Pie VII ouvre la voie à la pacification religieuse. Saint-Paul redevient un lieu de culte et le nouvel évêque de Liège, Monseigneur Zaepffel, organise son diocèse. Les chanoines retrouvent leur église, élevée au rang de cathédrale en 1803 et choisie pour remplacer la défunte cathédrale Saint-Lambert pour sa position centrale et ses dimensions imposantes. Le nouvel évêque de Liège est un pur produit de la politique religieuse menée par Napoléon. Né en 1744 en Alsace, chanoine de la collégiale Saint-Pierre-le-Jeune de Strasbourg et chanoine de la collégiale Notre-Dame de Saverne, il émigre en Allemagne après la Révolution. Il séjourne alors dans le pays de Bade jusqu’au Concordat. La nouvelle politique menée par Napoléon est bénéfique au religieux qui bénéficie des premières nominations épiscopales orchestrées par le Premier  Consul. Jean-Évangéliste Zaepffel profite ainsi de ses relations familiales (il est le grand-oncle du général Clarke, ministre de la Guerre et futur général d’Empire) pour se faire nommer à la tête du nouveau diocèse de Liège le 30 avril 1802. La cérémonie d’installation a lieu dans l’ancienne capitale principautaire le 22 août suivant. Privé d’un évêque et d’une cathédrale depuis plusieurs années, le diocèse de Liège doit être réorganisé : Zaepffel réforme les administrations de bienfaisance du département de l’Ourthe et choisit l’ancienne collégiale Saint-Paul pour installer le siège de sa nouvelle cathédrale. Le 14 mai 1803, l’évêque signe le décret qui élève la collégiale au rang de cathédrale.

Non loin de la nouvelle cathédrale se trouve l’ancien couvent de Beaurepart, dont le sort est lui aussi lié au Concordat et à la politique menée par Jean-Évangéliste Zaepffel. Construit par les frères Mineurs et occupé à partir de 1243 par les chevaliers de l’Ordre teutonique des Vieux-Joncs, le couvent est cédé aux Prémontrés en 1288. Les bâtiments conventuels sont occupés par les troupes républicaines françaises entre 1792 et 1794. Les Prémontrés en reprennent ensuite possession, entre 1795 et 1799. Les lieux sont ensuite transformés en arsenal par les autorités départementales. Situés le long de la Meuse, les bâtiments actuels sont le fruit de plusieurs campagnes de construction. Au sud-est, le logis abbatial a été érigé dans la seconde moitié du XVIe siècle et constitue le bâtiment principal sur lequel s’appuient les quatre ailes du cloître. L’église abbatiale a été érigée sur les plans de l’architecte liégeois Barthélemy Digneffe entre 1762 et 1770, à l’emplacement de l’ancienne église gothique.

L’abbaye est affectée à la résidence de l’évêque de Liège en 1809 par décret impérial, alors que Liège vient d’accueillir un nouveau prélat. Décédé le 17 octobre 1808, chevalier de la Légion d’honneur, Monseigneur Zaepffel est inhumé dans la chapelle du château de Lexhy (Grâce-Hollogne). C’est le grand vicaire de Paris, François-Antoine Lejéas, qui obtient les faveurs impériales. Il est nommé évêque de Liège le 9 février 1809 et prête serment le 19 mars suivant. Après avoir successivement reçu une nouvelle cathédrale et un nouvel évêque, le diocèse de Liège reçoit donc un bâtiment dans lequel installer les services épiscopaux. L’évêque y installe également le Grand Séminaire de Liège, supprimé en 1797 et rétabli dix ans plus tard. Le bâtiment abrite encore de nos jours les services du diocèse de Liège et le séminaire épiscopal.

 

carte

Frédéric MARCHESANI, 2014