Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Fontaine et buste de Pierre Ponthier à Marche-en-Famenne

Au cœur de Marche-en-Famenne, sur la place actuellement appelée du roi Albert, s’élève une impressionnante fontaine, au centre de laquelle se dresse le buste du commandant Pierre Ponthier (Ouffet 1858 – Kassongo 1893). Inauguré en 1897, le monument est l’œuvre d’Alphonse de Tombay (Liège 1843 – Liège 1918). 

Cette initiative communale rencontre une triple préoccupation. D’abord, mettre en évidence le progrès technique et social que constitue la fourniture d’eau potable aux habitants de la localité ; d’autres communes de Wallonie optent aussi, au XIXe siècle, pour un monument-fontaine dédié à un personnage historique « local » : c’est là le deuxième objectif poursuivi : rendre hommage à un enfant du pays mort au combat au Congo. Enfin, il s’agit aussi de vénérer un héros qui a perdu la vie dans un fait d’armes destiné à libérer des esclaves. Les cartes postales représentant le monument qui circulent au début du XXe siècle insistent sur la campagne antiesclavagiste que mena alors l’État indépendant du Congo.

Construite sur le pignon aveugle du 18 de la rue Dupont, elle accompagne la moitié de la partie inférieure de la façade. Les pierres taillées en forme de pyramide lui donnent un aspect d’Egypte ancienne, le genre égyptisant étant fort en vogue à l’époque. En tout cas, Alphonse de Tombay n’a pas lésiné avec les effets apportés aux diverses parties de la fontaine. Installé au centre d’un portique incurvé en son centre, un socle à trois faces vient soutenir le buste en bronze de Ponthier. 

Fontaine Ponthier – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Gravée dans un cartouche, l’inscription suivante, redorée, surmonte le buste :

AU COMMANDANT Pierre PONTHIER
TUÉ AU COMBAT DE KASSONGO
LE 19 OCTOBRE 1893

Du bas du socle portant le buste, sortent trois têtes de lion distribuant de l’eau dans trois doubles bassins en cascade. Trois autres têtes de lion apportent de l’eau dans les bacs semi-circulaires les plus grands : c’est là que l’on voit, sur les cartes postales anciennes, les habitantes de la localité remplir leur seau ou laver le linge.

Militaire moustachu, portant casquette et décorations, le buste de Ponthier évoque ce sous-lieutenant d’infanterie qui s’engage en mars 1887 au service du jeune État indépendant du Congo appartenant à Léopold II. Après une première affectation au service topographique, il participe à l’expédition qui établit le camp de Basoko destiné à faire obstacle aux incursions des marchands d’esclaves (1888). Les escarmouches sont nombreuses. Après un bref retour en Europe, il repart en 1890 en obtenant le commandement de l’avant-garde de l’expédition Van Kerckhoven dans le Haut-Uele. Il s’y signalera par l’attaque d’un camp de trafiquants, par l’écrasement de dizaines d’entre eux et par la libération de plus de deux cents Africains promis à l’esclavage. Après un rapide retour en Europe pour soigner une blessure, il repart au Congo en 1893. À la tête des Stanley-Falls, Ponthier succombera à ses blessures après une bataille livrée par l’armée commandée par Dhanis contre les trafiquants du chef arabe Rumaliza, près de Kassongo. Sur place, son nom est donné à une station de Wabundu sur le fleuve Congo (Ponthierville).

Fils et petit-fils de sculpteurs liégeois, Alphonse de Tombay a appris le métier dans l’atelier paternel, avant de fréquenter l’Académie de Liège où il bénéficie notamment des conseils de Prosper Drion. Ami de Léon Mignon, il bénéficie comme lui d’une bourse de la Fondation Darchis et séjourne plusieurs mois à Rome (1874-1878). De retour à Liège, il répond à plusieurs commandes officielles dont un buste de Charles Rogier (1880) à Bruxelles qui aura beaucoup de succès. C’est aussi à ce moment qu’il participe au chantier de décoration du palais provincial de Liège auquel il livre six statues et trois bas-reliefs évoquant des scènes historiques. Exposant ses propres œuvres tout en répondant à de nombreuses commandes officielles à Bruxelles, il devient professeur à l’Académie de Saint-Gilles, avant d’en assurer la direction (1902). L’œuvre réalisée à Marche-en-Famenne est une œuvre de maturité.

Hotton, Marche-en-Famenne et Nassogne, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2006, p. 190.
Frère M-G. ALEXIS, Léopold II, souverain de l’État indépendant du Congo, Soldats et missionnaires au Congo de 1891 à 1894, Bruxelles, Desclée, de Brouwer, 1897.
http://search.arch.be/BE-A0510_000280_002648_DUT.ead.pdf (s.v. mars 2014)
http://balat.kikirpa.be/photo.php?path=A4216&objnr=10031033
http://www.ftlb.be/fr/attractions/architecture/fiche.php?avi_id=4140 
http://www.congoposte.be/ponthier.htm 
http://www.lemuseedeleauetdelafontaine.be/fontaines-de-belgique/rechercher-une-fontaine/luxembourg/marche-en-famenne-fontaine-ponthier.aspx (s.v. juin 2014)
Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 350-351.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 457-458.
Serge ALEXANDRE, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996.

Place roi Albert Ier
6900 Marche-en-Famenne

carte

Paul Delforge