Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam
Monument Arnoul de BRIEY
Monument Arnoul de Briey, réalisé par Alfred Leroy, 1978.
L’endroit est champêtre. Depuis quelques dizaines de mètres, la route nationale reliant Virton à Arlon s’est éloignée et l’on emprunte la rue Bakèse qui conduit à Bleid. À peine entré dans le bois de Bakèse, apparaissent de part et d’autre de la chaussée deux monuments. Celui de droite est dédié à Adrien de Prémorel (1889-1968) ; celui de gauche à Arnoul de Briey (1925-1975). Bâti en arc de cercle, en grès de Buzenol et pierres de Grandcourt, le monument est implanté dans un décor correspondant parfaitement à l’état d’esprit du personnage représenté dans un médaillon de bronze réalisé par Alfred Leroy. L’inscription gravée sur une plaque de bronze rappelle qui était Arnoul de Briey :
PRÉSIDENT FONDATEUR
DU GROUPEMENT DES
LUXEMBOURGEOIS DE BRUXELLES
GRAND MAITRE
DE LA CONFRERIE ST ARNOULD (sic)
DU COMTÉ DE CHINY
Au-delà des fonctions affichées sur le monument, Arnoul de Briey était d’abord un militaire. Marié à la fille de Paul Van Zeeland (1947), il est le 6e enfant d’Anne d’Ursel et de Renaud de Briey (1880-1960) ancien fonctionnaire au Congo belge, administrateur de la liste civile du roi et catholique doctrinaire fondateur d’un Parti de la Renaissance nationale.
Particulièrement investi dans le parti favorable au retour de Léopold III au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Arnoul de Briey s’inscrit dans la même mouvance politique que son père, tout en faisant carrière au sein de l’administration. Il était haut fonctionnaire au département de la Coopération au développement (AGCD) quand il décède en 1975. Après une série d’initiatives ponctuelles à la fin des années 1950, c’est en novembre 1959 que de Briey prend l’initiative de constituer le « groupement des Luxembourgeois de Bruxelles », en fédérant les efforts respectifs de l’Amicale Saint-Hubertoise, du Cercle Gaumais et de l’Amicale des Anciens Chasseurs Ardennais. L’un des objectifs de ce groupement est de faire pression sur le monde politique afin que la « belle province » soit davantage représentée tant au gouvernement que parmi les chefs de Cabinet. Par ailleurs, c’est en 1967, qu’il contribue à l’émergence d’une 4e confrérie luxembourgeoise, celle de Saint Arnoul du comté de Chiny (décembre 1967). Par ailleurs ce proche de Jean Militis voit son nom étroitement associé à un groupe de personnalités (Militis, Desmarets, Vivario, Beaurir, Vanden Boeynants, etc.) soupçonnées d’avoir fomenté un coup d’état en Belgique, durant l’été 1973, visant à déstabiliser l’État ; selon le journaliste Hugo Gijsels, il était le personnage-clef du groupe francophone impliqué dans ce complot, sans que l’on en sache davantage (GIJSELS, p. 197), si ce n’est que, dans les années 1920, déjà, Renaud de Briey avait publié un ouvrage (L’épreuve du feu) où il prônait l’instauration d’une monarchie autoritaire et corporative.
Sur le médaillon du monument de Bleid, c’est le profil gauche d’Arnoul de Briey qui est représenté par Alfred Leroy. Originaire de Chiny, le futur sculpteur n’a que 12 ans quand éclate la Seconde Guerre mondiale et il en ressort profondément marqué. Au début des années cinquante, il entre à l’École royale militaire et fait une carrière militaire. Parallèlement, il est attiré par l’expression artistique et suit une formation en céramique et en sculpture à l’Académie de Cologne au milieu des années 1950. Touche à tout, il s’essaye à différents styles esthétiques et pratique autant la sculpture, la peinture, la gravure que la céramique. Fondateur et président de la confrérie des « Amis du pays de Chiny », il préside aussi pendant plusieurs années l’École des Beaux-Arts de Chiny. Le colonel qui s’est installé à Bruxelles est aussi le président du groupement des Luxembourgeois de Bruxelles, fonction où il a succédé à Arnoul de Briey. Artiste signant ses œuvres « Fred Leroy » ou « Alleroy », Alfred Leroy est aussi écrivain, poète et historien, se consacrant à des sujets relatifs au passé et aux traditions du pays de Chiny. Auteur de plusieurs guides touristiques sur la région du Chiers et de la Semois, il avait déjà signé le bronze d’Adrien de Prémorel dix ans avant celui de Briey, inauguré en 1978.
La Vie wallonne, II, 1949, n°246, p. 118
La Vie wallonne, IV, 1962, n°300, p. 305-306
La Vie wallonne, IV, 1982, n°380, p. 273
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 68
http://chiny.over-blog.com/article-la-confrerie-saint-arnoul-du-comte-de-chiny-55469737.html
http://www.ghyka.com/Familles/Briey/Briey_01.pdf (s.v. mars 2015)
Hugo GIJSELS, De Bende & Co, 1990, traduit en français sous le titre L’Enquête : 20 années de déstabilisation en Belgique, Paris, Bruxelles, la longue vue, 1990, p. 197
Geneviève DUCHENNE, Esquisses d’une Europe nouvelle. L’européisme dans la Belgique de l’Entre-deux-Guerres (1919-1939), Bruxelles, Peter Lang, 2008, p. 138
À gauche de la rue de Bakèse en se dirigeant vers Bleid
6760 Virton (Bleid)
Paul Delforge