Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument et buste Albert THYS

Monument et buste Albert Thys, 30 mai 1948. 
Buste réalisé par Charles Samuel.

Quand les autorités de Dalhem inaugurent un monument en l’honneur d’Albert Thys, en face de sa maison natale, dans la rue qui porte désormais son nom, elles rattrapent en quelque sorte un retard de mémoire à l’égard de leur illustre concitoyen. Depuis 1927, en effet, un impressionnant mémorial accueille les promeneurs à une entrée du parc du Cinquantenaire à Bruxelles, tandis qu’une ville du Bas-Congo… Thysville (actuellement Mbanza-Ngungu), a procédé elle aussi à l’érection d’un monument à son fondateur, depuis 1928. À la veille du centenaire de la naissance d’Albert Thys, et à l’occasion du 50e anniversaire de la création du Chemin de fer des Cataractes, Dalhem pose le premier jalon d’une série d’initiatives destinées à mettre en évidence le parcours hors du commun de l’enfant du pays. En 1961, un premier petit musée est inauguré ; en 1988, l’asbl Dalhem 900e publie des lettres privées écrites au Congo dans les années 1887-1888, tandis que le Musée s’installe dans un nouvel environnement pour développer diverses initiatives autour d’Albert Thys (Dalhem 1849 – Bruxelles 1915).

Monument et buste Albert Thys – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Pionnier de la mise en valeur du domaine africain acquis par Léopold II à la fin du XIXe siècle, ce fils de médecin liégeois avait choisi la carrière des armes et s’était retrouvé homme d’affaires, exécuteur d’une politique coloniale au profit de la métropole. Passionné de géographie, cet officier supérieur de l’armée belge devient le bras droit de Léopold II dans son entreprise coloniale. Il effectue de très fréquents voyages entre l’Europe et l’Afrique (1887-1899) et parvient à convaincre des investisseurs de participer à la création de la Compagnie du Congo pour le Commerce et l'Industrie : ainsi est construit le premier chemin de fer dans le Bas-Congo (il relie le port de Matadi à Léopoldville, 1890-1898), ce qui permet la mise en valeur du potentiel économique de cette région d’Afrique. Directeur intérimaire du département de l’Intérieur de l’État indépendant du Congo (1889), il est surtout administrateur délégué de la CCCI. Sa responsabilité dans la surexploitation des autochtones a été évoquée à diverses reprises, tandis que Barbara Emerson souligne que Thys a été le premier à réagir et à dénoncer les exactions commises, et que G. Defauwes montre, à travers sa correspondance, un Albert Thys humaniste. Après le Congo, Thys se passionne pour l’extrême Orient : à la tête de la Banque d'Outremer (1899), il développe un modèle industrielle similaire à celui du Congo, sous la coupole de la Compagnie internationale d’Orient. Les mines, le rail, la métallurgie, l’électricité, l’éclairage, les tramways constituent quelques-uns des secteurs d’activités de « l’explorateur wallon » que l’on retrouve encore au Canada où sa Compagnie construit au début du XXe siècle l'un des plus grands complexes industriels de production de papier, la Belgian Pulp and Paper Cy.

Le buste Albert Thys qui est inauguré à Dalhem le 30 mai 1948 est dû au ciseau de Charles Samuel, décédé depuis 10 ans. Cela n’a rien d’étonnant puisque le buste fut offert par Gilbert Périer, le petit-fils du général. Les premiers contacts pour le monument ont eu lieu durant l’été 1947 et l’objectif était clairement de faire coïncider l’événement au 50e anniversaire de la création du chemin de fer du Congo. Quant au buste en bronze de Dalhem, il porte la date de 1915, et que Samuel a réalisé un autre buste, en marbre celui-là, vers 1919. Ces œuvres correspondent à la période de maturité de l’artiste.
Pour y arriver, Charles Samuel avait emprunté un chemin un peu particulier. Son avenir paraissait en effet tracé pour un tout autre horizon. Son père, agent de change d’origine hollandaise établi à Bruxelles, lui avait ouvert les portes d’une banque, mais le jeune homme préférait les dessins aux chiffres. Ami de l’orfèvre Philippe Wolfers, le père introduisit alors le fils dans l’atelier du maître et la carrière artistique de Charles Samuel fut d’emblée placée sous les meilleurs auspices. Encadré par le bijoutier Wolfers, le médailliste Wiener et les sculpteurs Jaquet et Van der Stappen, notamment, il fréquente l’Académie de Bruxelles dans les années 1880 et est embrigadé très tôt sur des chantiers de décoration (hôtel de ville de Bruxelles). Il présente aussi des œuvres personnelles lors de Salons et y remporte diverses récompenses d’importance, avant d’être honoré du Prix Godecharle 1886. Les commandes publiques lui arrivent (monument Uylenspiegel à Ixelles en 1894, Frère-Orban à Bruxelles, Fauconnier à Thuin, etc.). Bruxelles reste son principal terrain de travail, même s’il expose des œuvres plus personnelles en Flandre ou en Wallonie, comme à l’Exposition universelle de Liège, en 1905. Après la Grande Guerre, il est appelé à réaliser le nouveau Coq du monument de Jemappes (1922), ainsi que plusieurs monuments aux victimes de la Grande Guerre. L’artiste se fait plus rare et, en 1934, des raisons de santé le poussent à s’installer sur la Côte d’Azur. Toute sa vie, il a signé de nombreux bustes ; il a ainsi figé pour l’éternité des personnalités du monde politique ou judiciaire, Anna Boch, Fernand Khnopff, la reine Elisabeth, ainsi que le général Albert Thys déjà mentionné.

 

Musée royal de l’Afrique (Tervueren), Fonds Cornet, n°406, 407, 408, 409, 410, 411, 415
Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 135
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 580
Jean DUSART, Albert Thys : créateur de la ligne de Chemin de fer Matadi-Léopoldville, Paris, 1948
Georges DEFAUWES, Albert Thys, de Dalhem au Congo dans http://www.dalhem.be/WEBSITE/_Download/PDFDivers/AlbertThys_Defauwes.pdf (s.v. novembre 2013)
http://www.bel-memorial.org/names_on_memorials/display_names_on_mon.php?MON_ID=2182 
http://www.bel-memorial.org/cities_liege_2/dalhem/dalhem_mon_thys.htm (s.v. juillet 2013)
Judith OGONOVSZKY, Charles Samuel, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 550-553
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 396

Ancienne place du Marché
rue Albert Thys
4607 Dalhem

carte

Paul Delforge